auteures C
de Causse à Curtil
Rolande Causse est née en 1937. C'est une romancière et poète, auteure de nombreux ouvrages pour la jeunesse.
Un coin champêtre
Dans la ville, une rue égarée.
Une façade d'anges encadrée,
De vigne vierge tapissée.
Un escalier, sa rampe rouillée,
Au centre, un réverbère penché.
Les feuilles lasses craquent sous les pieds
D'un garçon courant derrière son ballon.
À l'autre coin de ce jardin sauvage,
Une fille chante sous les nuages.
Rolande Causse ("Poésies" - éditions Actes Sud, 2003)
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Je vois ces rues
Je vois ces rues closes aux murs blancs
croulant sous les bougainvilliers
Je vois ces jardins ombragés aux gais
chuchotements
Je vois cette rivière paisible où nous nous
promenions dans une longue barque
Je vois ces perroquets bavards
Je vois ce garçon qui se cachait derrière
un masque
Je vois cette ville lointaine aux parfums
de violettes.
Rolande Causse ("J'habite un poème" - éditions du Seuil, 1993)
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Pernette Chaponnière est née en 1915 en Suisse. Elle est auteure de romans, de livres pour enfants et de pièces de théâtre.
La neige
Regardez la neige qui danse
Derrière le carreau fermé.
Qui là-haut peut bien s'amuser
A déchirer le ciel immense
En petits morceaux de papier ?
Pernette Chaponnière ("L'Écharpe d'Iris" - éditions Hachette, 1990)
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Le sapin de noël (ou le petit sapin sous la neige)
Le petit sapin sous la neige
Rêvait aux beaux étés fleuris.
Bel été quand te reverrai-je ?
Soupirait-il sous le ciel gris.
Dis moi quand reviendra l’été !
Demandait-il au vent qui vente
Mais le vent sans jamais parler
S’enfuyait avec la tourmente.
Vint à passer sur le chemin
Un gaillard à grandes moustaches
Hop là ! en deux coups de sa hache,
A coupé le petit sapin.
Il ne reverra plus l’été ,
Le petit sapin des montagnes,
Il ne verra plus la gentiane,
L’anémone et le foin coupé.
Mais on l’a paré de bougies,
Saupoudré de neiges d’argent.
Des clochettes de féerie
Pendent à ses beaux rameaux blancs.
Le petit sapin de noël
Ne regrette plus sa clairière
Car il rêve qu’il est au ciel
Tout vêtu d’or et de lumière.
Pernette Chaponnière ("Vingt Noëls pour les enfants" - Éditions de la Baconnière, 1985)
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Les feuilles mortes
Tombent, tombent les feuilles rousses,
J'entends la pluie sur la mousse.
Tombent, tombent les feuilles molles,
J'entends le vent qui s'envole.
Tombent, tombent les feuilles d'or,
J'entends l'été qui s'endort.
Tombent, tombent les feuilles mortes,
J'entends l'hiver à ma porte.
Pernette Chaponnière ("L'écharpe d'iris" - Ed Hachette)
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Un poème pour attendre le retour des hirondelles, et le Printemps des Poètes (voir la catégorie PRINT POÈTES 2010 : LE FÉMININ EN POÉSIE où on retrouvera Pernette Chaponnière, avec cet oiseau au féminin)
L'hirondelle
On m'a dit qu'une hirondelle
ne faisait pas le printemps
et moi je dis que c'est elle
sinon, qui le ferait donc ?
Je l'ai vue avec son aile
qui taillait dans le ciel blanc
un grand morceau de dentelle
où venait jouer le vent.
Ce n'était qu'une hirondelle
un oiseau noir et blanc
et pourtant je n'ai vu qu'elle
et j'ai le coeur tout content.
On dit que les demoiselles
font la pluie et le beau temps ;
moi je dis qu'une hirondelle
fait l'avril et le printemps.
Pernette Chaponnière
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Anne-Marie Chapouton (1939-2000) est une auteure de poésies, de contes, d'ouvrages pédagogiques et de romans pour les enfants et la jeunesse ("Poèmes petits", "1, 2, 3, comptines à compter", "La vache Amélie", " Méthode de lecture CP-CE1", etc).
Ces deux poèmes sur la tortue, animal féminin, sont aussi dans la catégorie PRINT POÈTES 2010 : LE FÉMININ EN POÉSIE :
Tortue (sans titre, ce titre est proposé par le blog)
Tortue, je t'observe.
Tu restes tapie
sous ta carapace,
puis, timidement,
tu sors ta tête.
Et tu attends
que les fruits mûrs
tombent tranquillement
sous l'arbre fruitier.
Tu es gourmande !
Le sais-tu, tortue ?
Anne-Marie Chapouton (Mon ABC en comptines - Père Castor - Flammarion, 1999)
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Quand on est tortue
Quand on est tortue,
On peut rentrer la tête
Sous sa carapace
Quand vient la pluie.
Alors on peut rêver
À l'abri,
Et repartir
À petits pas
Jusqu'à l'herbe prochaine
Qu'on atteindra
Ce soir...
Demain...
Ou même un peu plus tard...
Pas de problème
De retard !
Quand on est tortue,
On a toujours le temps
De vivre lentement !
Anne-Marie Chapouton ("Comptines pour les enfants bavards" - Père Castor, Flammarion)
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On trouve aussi ce texte dans la catégorie PRINT POÈTES 2010 : LE FÉMININ EN POÉSIE :
La pluie
Gouttelette
rondelette
tombée
sur mon nez
piquelette
sur ma tête
voici mon amie
la pluie
chansonnette
doucelette
trottinant
chante la pluie
dans le vent.
Anne Marie Chapouton
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Il pleut
Il pleut
des feuilles jaunes
il pleut
des feuilles rouges
L’été va s’endormir
et l’hiver
va venir
sur la pointe
de ses souliers
gelés
Anne-Marie Chapouton ("Poèmes petits" - Delagrave, 1999) - poème remis dans sa forme d'origine : pas de ponctuation ni de majuscules.
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Rêve 4 (c'est sous ce titre qu'il apparaît dans le recueil, il y a 3 autres poèmes-rêves qui précèdent)
J'ai vu
trois châteaux
se promenant
lalaire
se promenant
dans les airs
puis je n'ai
plus rien vu
lalaire
plus rien vu
car ils étaient
redescendus
Anne-Marie Chapouton ("Poèmes petits" - Delagrave, 1999)
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Marie Chevallier est née en 1926. Elle a créé la revue Cahiers de poésie et de poétique ibérique et ibéro-américaine et publié de nombreux recueils de poèmes (Le Reste du temps,1976, La Part du feu,1981, Pour une même gerbe, 1990, Au plein air de la vie brève, 2001).
Je verse quelques pauvres larmes
refroidies.
Incubation du silence.
Lorca vampirisé
dort au fond d’un barranco,
chien andalou.
À cinq heures du soir.
À cinq heures du soir.
Il y eut des jours
serrés comme des poings.
En vrac de solitude.
Aggravée.
Marie Chevallier (source : site du printemps des Poètes)
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Insouciance (passage au début du poème)
....
Dans la lune je vois une
araignée éberluée :
l'étoile vient de filer.
Le mille-patte a des souliers,
tous ses souliers sont troués.
Mais l'étoile et l'araignée
lui fileront cache-nez
autant que de cache-pieds,
il ne va pas s'enrhumer.
....
Marie Chevallier (source : site du printemps des Poètes)
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Andrée Clair est née en 1916. Elle a voyagé et vécu longtemps en Afrique.
ABRACADABRA
ABRACADABRA s'exclame l'ara
ABRACADABRANT, barrit l'éléphant
ABRACADABRÉ*, chante l'araignée
ABRACADABRI, bêle le cabri
ABRACADABRO, flûte le crapaud
ABRACADABRU conclut l'urubu
Andrée Clair - * l'accent, indispensable , avait été oublié
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Le hérisson et l'oursin
Le hérisson
s'en est allé à la mer
pour se baigner.
Il a rencontré son cousin
l'oursin.
Ils se sont jetés
dans les piquants l'un de l'autre
les deux petits cousins
ils se sont bien embrassés
et piquants dessus
piquants dessous
ils sont partis se baigner
dans la Méditerranée.
Andrée Clair
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Le perce-oreilles
Le tout petit perce-oreilles
ne perce pas du tout
nos oreilles
mais il perce
tous nos secrets
méfiez-vous du perce-oreilles
Andrée Clair
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Le kangourou
Le kangourou
n'a pas les yeux dans sa poche
du reste
le kangourou
n'a pas froid aux yeux
alors pourquoi
les mettrait-il
dans sa poche
ses yeux ?
Andrée Clair
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Christine Clairmont est une romancière et poète contemporaine.
Le pays
Le pays que je préfère
Est à l'intérieur de moi
La montagne des chimères
Plantée d'arbres à pourquoi.
Il faut tracer un chemin
Dans un bois impénétrable
Sous l'écorce du destin
Chercher le sens de la fable.
Trouver l'harmonie du Temps
Dans les branches du mélèze
Pour que la peine d'antan
Au vif du printemps se taise.
Découvrir sous la fougère
La pervenche aux yeux d'enfant
Qui dans le feu de la guerre
Gardait son contentement.
Aboutir dans la clairière
Où dort l'étang du futur
Tandis que la pensée mère
Monte sans frein vers l'Azur.
Christine Clairmont ("Sur un air d'éternité" - Maison Rhodanienne de Poésie, 1986)
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Alice Cluchier, contemporaine, est l'auteur de plusieurs recueils de poésie.
La bulle
Cette transparence irisée,
Dans laquelle le ciel se mire,
Flotte sur l'aile du zéphire
Où, gracile, elle s'est posée.
Bulle ! ballon en miniature,
Seul mon regard peut te frôler ;
Tu n'existes que pour voler
Et te briser d'une éraflure.
Je t'adore, bulle légère,
Poussière d'eau, cristal d'embrun,
Mousseline de l'éphémère
Sur la nacelle d'un parfum.
Alice Cluchier
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Tristesse
Déferlement gris de nuages,
L’esprit déserte ses mirages.
Sur le pré s’étend une mer
Que forme l’écharpe des brumes ;
Un voile cendre l’univers.
La nostalgie errante fume.
Rien n’est doux, plus rien n’est amer.
La tristesse en mon cœur s’allume.
Comme ils sont noirs mes cyprès verts !
Alice Cluchier ("Cris et tourments")
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Pluie printanière (extrait)
...
Par l'échelle de la treille
L'escargot descend du mur
Pour grignoter une oseille
Ou quelque baie au goût sur.
Une humidité déferle
Sur l'herbe et sur le plantain ;
La pluie enfile ses perles
Au fil de fer du jardin.
Elle défripe, elle lisse
Une anémone aux longs cils.
Elle lustre la mélisse,
Rafraîchit le cœur d'avril.
...
Alice Cluchier
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Le petit monde des enfants
Le ciel enveloppe nos jeux ;
Nos cris sont ceux de l'hirondelle,
Un papillon nous rend heureux,
Nos bras battent comme des ailes.
En nous le soleil resplendit,
Tous les instants sont des arômes,
Le sol reflète un paradis :
Celui de la fée et des gnomes.
Le frais encens venu des tiges,
Du sang végétal et des troncs
Nous donne de joyeux vertiges,
Que les songes étoileront.
Nous sommes des rais de lumière
Pris à l'éclat de la beauté.
Notre regard reste fixé
Sur l'entrelacs de la chimère
Et le cristal des puretés.
Alice Cluchier ("Cris et tourments")
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Chantal Couliou est née en 1961.
Caresses
Le vieux marronnier
N'aime
Ni les vacances
Ni les jours fériés
Il préfère
Les caresses
Des petites mains d'écoliers.
Chantal Couliou
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Crayons de couleur
Le vert pour les pommes et les prairies,
Le jaune pour le soleil et les canaris,
Le rouge pour les fraises et le feu,
Le noir pour la nuit et les corbeaux
Le gris pour les ânes et les nuages,
Le bleu pour la mer et le ciel
Et toutes les couleurs pour colorier
Le monde.
Chantal Couliou
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Anne Creuchet, contemporaine, est romancière ("Irène du Péloponnèse" - Encre bleue, 2001 et HB éditions, 2004), biographe et confidente de Jean Guitton ("Monsieur Chrétien, souvenirs de Jean Guitton - éditions Bayard Centurion, 2009) et poète.
Deux recueils parmi d'autres, celui dont est extrait le poème ci-dessous : "Poèmes du cherche-midi" - Chambelland éditeur, 1972 et un recueil récent : Poèmes du clair-obscur - Sac à mots édition, 2009.
Le texte du poème "Depuis que la lumière" (titre proposé apr le blog), avait été présenté ci-dessous sans vérifications suffisantes, dans une mauvaise version, "tronqué et mutilé", comme nous l'a écrit l'auteure). Il s'agit d'une erreur de saisie, doublée il faut l'admettre, d'une absence coupable de vérification. Nous l'avions retiré après ce courrier. Après échanges de courriels avec l'auteure, Anne Creuchet a l'amabilité de nous autoriser à le publier dans sa version authentique. Nos excuses à l'auteure et aux lecteurs privés de ce beau poème pendant quelques mois. Le voici :
Depuis que la lumière ...
Depuis que la lumière
A pris racine en ce jardin
Un oiseau invisible
Dans l’escalier des feuilles
Monte et descend
Et du cœur de l’érable
Je pousse les nuages
Au fur et à mesure
Pour dégager mon cœur.
Anne Creuchet ("Poèmes du cherche-midi")
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Jocelyne Curtil est une auteure contemporaine.
Un premier texte, énigmatique :
Petites maisons basses
Petites maisons basses
en pantoufles de son.
Tout contre
un arbre cornu
poussé dans un écrou
échange avec les Dieux
d'insaisissables signes.
Personne aujourd'hui ne t'ouvrira la Barrière.
Jocelyne Curtil ("Le Point de non-retour" - éd Saint-Germain-des-Prés, 1975)
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Je me cache dans les bagages du soleil
Le soleil aujourd'hui,
Je me le suis donné.
J'en ai mis plein mes poches
Et dans d'autres endroits
Où mes mains ne vont pas.
Je peux escalader
Ce qui me séparait.
Je peux montrer aux gens
Comment c'est, la lumière.
Je me cache dans les bagages du soleil, à liserés de source,
à serrures de cigales.
Le soleil meurt : son sang ruisselle aux devantures.
Jocelyne Curtil ("Le soleil sous la peau" - éd Chambelland, 1967)
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Un poème plus accessible :
Le jour de mon anniversaire
Ne me dérangez pas.
Le jour de mon anniversaire
Je suis occupé à grandir.
Maman m’excuse :
"Toujours dans la lune, ce petit"
dit-elle aux invités.
Moi, je sais que
Si je les regarde
Je deviendrai vieux.
Jocelyne Curtil