Printemps des Poètes 2010 - couleur femme - page textes N O P Q R
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auteures P

de Parrenin à Pomès


  1. Emmanuelle Parrenin : voir COMPTINES à la page 1

  2. Louisa Paulin : Chant de neige / La cançon del silenci (La chanson du silence) / Fum (Fumée) / Chat / La nouvelle année / Chanson de mariage / L'Escalier de verre / Chanson pour rire  [+ CRÉATION]

  3. Cécile Périn - La coupe

  4. Christine de Pisan - Seulette suis et seulette veux être ... / Du mal d'amour soiez vous tourmentez / Qui que die le contraire / Cent balades ay cy esscriptes

  5. Thérèse Plantier - Mon amour

  6. Mathilde Pomès - Martinets

colonne droite


auteures P Q R

de Pougeoise à Roman


  1. Anne Pougeoise - Automne / Une cloche a sonné ...

  2. Catherine Pozzi - Ave / Vale / La déesse qui m'a donné une pomme que je ne méritais pas / Ô vous mes nuits / Il ressemblait à l'absolu

  3. Gisèle Prassinos - Dans tes yeux il y a la mer / La neige / La montre / Qu'est-ce qu'un chat ? / Recette / Comptine pour enfant pas sage

  4. Simone Ratel - Berceuse du petit loir / La rainette

  5. Madeleine Riffaud - Cheval bleu / Nuit

  6. Emmanuelle Riva - Ses quatre volontés

  7. Ann Rocard - Bien au chaud

  8. Ghislaine Roman - Si ... / Peut-être

TEXTES ÉCRITS PAR DES FEMMES 

auteures N O P Q R

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colonne gauche

auteures N O

de Naudin à d’Orbaix


  1. Françoise Naudin : voir HAÏKUS en page 1

  2. Marguerite de Navarre - J'aime une amie entièrement parfaite ... / Le temps est bref et ma volonté grande

  3. Anna de Noailles : Chaleur / Le jardin et la maison / J'écris pour que le jour où je ne serai plus ... / Chatte persane / Il fera longtemps clair, ce soir ...

  4. Marie Noël - Ronde / Chanson / Chant de rouge-gorge / L'île / Chant de nourrice / Connais-moi / Si j'étais plante ...

  5. Marie-Claire d'Orbaix - Sirène / Touffe de mots / Les Aînées


Marguerite de Navarre (1492-1549). Elle est la soeur du roi François 1er et la mère du futur Henri IV.

J'aime une amie entièrement parfaite ...

J'aime une amie entièrement parfaite,
Tant que j'en sens satisfait mon désir.
Nature l'a, quant à la beauté, faite
Pour à tout oeil donner parfait plaisir ;
Grâce y a fait son chef d'oeuvre à loisir,
Et les vertus y ont mis leur pouvoir,
Tant que l'ouïr, la hanter et la voir
Sont soeurs témoins de sa perfection :
Un mal y a, c'est qu'elle peut avoir
En corps parfait coeur sans affection.

Marguerite de Navarre

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Le temps est bref et ma volonté grande ...

Le temps est bref et ma volonté grande,
Qui ne me veut permettre le penser ;
Ma passion me contraint et commande,
Selon le temps, le parler compenser.
Jusques ici j'ai craint de m'avancer,
En attendant un temps de long loisir,
Mais il n'est pas en moi de le choisir ;
Par quoi du peu faut que mon profit fasse :
En peu de mots vous dirai mon désir,
C'est que je n'ai volonté ni plaisir
Que d'être sûr de votre bonne grâce.

Marguerite de Navarre


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Anna de Noailles (1876-1933). La Comtesse Anna de Noailles est une romancière française, mais c'est surtout par sa poésie sensible et lyrique qu'elle est connue.
On propose souvent le texte suivant aux élèves du Cycle 2, sans la dernière strophe.

Chaleur

Tout luit, tout bleuit, tout bruit,
Le jour est brûlant comme un fruit
Que le soleil fendille et cuit.

Chaque petite feuille est chaude
Et miroite dans l’air où rôde
Comme un parfum de reine-claude.

Du soleil comme de l’eau pleut
Sur tout le pays jaune et bleu
Qui grésille et oscille un peu.

Un infini plaisir de vivre
S’élance de la forêt ivre,
Des blés roses comme du cuivre.

Anna de Noailles ("L'ombre des jours" - Editions Calmann-Lévy, 1902)

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Autre poème, plus long, du même recueil, ici, on ne propose généralement à la classe que les strophes colorées :

Le jardin et la maison (parfois intitulé Crépuscule)

Voici l’heure où le pré, les arbres et les fleurs
Dans l’air dolent et doux soupirent leurs odeurs.

Les baies du lierre obscur où l’ombre se recueille
Sentant venir le soir se couchent sur leurs feuilles,

Le jet d’eau du jardin, qui monte et redescend,
Fait dans le bassin clair son bruit rafraîchissant;

La paisible maison respire au jour qui baisse
Les petits orangers fleurissent dans leurs caisses.

Le feuillage qui boit les vapeurs de l’étang
Lassé des feux du jour s’apaise et se détend.

Peu à peu la maison entr’ouvre ses fenêtres
Où tout le soir vivant et parfumé pénètre,

Et comme elle, penché sur l’horizon, mon coeur
S’emplit d'ombre, de paix, de rêve et de fraîcheur …

Anna de Noailles ("L'ombre des jours" - Editions Calmann-Lévy, 1902)

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J'écris pour que le jour où je ne serai plus ...

J'écris pour que le jour où je ne serai plus
On sache comme l'air et le plaisir m'ont plu,
Et que mon livre porte à la foule future
Comme j'aimais la vie et l'heureuse Nature.

Attentive aux travaux des champs et des maisons,
J'ai marqué chaque jour la forme des saisons,
Parce que l'eau, la terre et la montagne flamme
En nul endroit ne sont si belles qu'en mon âme !

J'ai dit ce que j'ai vu et ce que j'ai senti,
D'un cœur pour qui le vrai ne fut point trop hardi,
Et j'ai eu cette ardeur, par l'amour intimée,
Pour être, après la mort, parfois encore aimée,

Et qu'un jeune homme, alors, lisant ce que j'écris,
Sentant par moi son cœur ému, troublé, surpris,
Ayant tout oublié des épouses réelles,
M'accueille dans son âme et me préfère à elles.

Anna de Noailles ("L'ombre des jours" - Editions Calmann-Lévy, 1902)

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Chatte persane

La chambre, où l’été monotone
Confine les ors de sa gloire.
Une brise tiède frissonne
Et creuse d’argentines moires
Sur la chatte aux yeux de démone
Qui, sournoise et longue, vient boire
Dans le vase des anémones …

Anna de Noailles ("Derniers vers" - Éditions Grasset, 1934)

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Il fera longtemps clair ce soir ...

Il fera longtemps clair ce soir, les jours allongent,
La rumeur du jour vif se disperse et s'enfuit,
Et les arbres, surpris de ne pas voir la nuit,
Demeurent éveillés dans le soir blanc, et songent...

Les marronniers, dans l'air plein d'or et de splendeur,
Répandent leurs parfums et semblent les étendre;
On n'ose pas marcher ni remuer l'air tendre
De peur de déranger le sommeil des odeurs.

De lointains roulements arrivent de la ville...
La poussière, qu'un peu de brise soulevait,
Quittant l'arbre mouvant et las qu'elle revêt,
Redescend doucement sur les chemins tranquilles.

Nous avons tous les jours l'habitude de voir
Cette route si simple et si souvent suivie,
Et pourtant quelque chose est changé dans la vie,
Nous n'aurons plus jamais notre âme de ce soir.

Anna de Noailles ("L'offrande lyrique", 1912)

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Marie Noël (1883-1967).

Ronde

Mon père me veut marier,
Sauvons-nous, sauvons-nous par les bois et la plaine,
Mon père me veut marier,
Petit oiseau te laisseras-tu lier ?

L'affaire est sûre : il a du bien.
Sauvons-nous, sauvons-nous bouchons-nous les oreilles
L'affaire est sûre : il  a du bien...
C'est un mari : courons, le meilleur ne vaut rien !

Quand il vaudrait son pesant d'or,
Qu'il est lourd, qu'il est lourd et que je suis légère !
Quand il vaudrait son pesant d'or,
Il aura beau courir, il ne m'aura pas encor !

Malgré ses louis, ses écus,
Ses sacs de blé, ses sacs de noix, ses sacs de laine,
Malgré ses louis, ses écus,
Il ne m'aura jamais, ni moins, ni pour plus.

Qu'il achète s'il a de quoi,
Les bois, la mer, le ciel, les plaines, les montagnes,
Qu'il achète s'il a de quoi,
Le monde entier plutôt qu'un seul cheveu de moi !

Laissez-vous mettre à la raison
Et garder au clapier, hérissons, chats sauvages,
Laissez-vous mettre à la raison
Avant qu’un sot d’époux m’enferme en sa maison.

Engraissez-vous au potager,
Bruyères, houx, myrtils des bois, genêts des landes,
Engraissez-vous au potager
Avant qu’un sot d’époux ne me donne à manger.

Je suis l’alouette de Mai
Qui s’élance dans le matin à tire d’ailes,
Je suis l’alouette de Mai
Qui court après son cœur jusqu’au bout du ciel gai !

J’y volerai si haut, si haut,
Que les coqs, les dindons et toute la volaille,
J’y volerai si haut, si haut,
S’ils veulent m’attraper en seront pour leur saut.

Si haut, si haut dans la chaleur,
J’ai peur du ciel, j’ai peur, j’ai peur… les dieux sont proches
Si haut, si haut dans la chaleur,
Qu’un éclair tout à coup me brûlera le cœur.

Et, brusque, du désert vermeil,
Il vient, il vient, il vient !... Hui ! l’alouette est prise !
Et, brusque, du désert vermeil
Un aigle fou m’emportera dans le soleil.

Marie Noël ("Les chansons et les heures" - Editions Crès Et Cie, 1930 et Stock, 1948)

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Chanson

Quand il est entré dans mon logis clos,
J'ourlais un drap lourd près de la fenêtre,
L'hiver dans les doigts, l'ombre sur le dos…
Sais-je depuis quand j'étais là sans être ?

Et je cousais, je cousais, je cousais …
Mon cœur, qu'est-ce que tu faisais ?

Il m'a demandé des outils à nous.
Mes pieds ont couru, si vifs, dans la salle,
Qu'ils semblaient si gais, si légers, si doux,
Deux petits oiseaux caressant la dalle.

De-ci, de-là, j'allais, j'allais, j'allais…
Mon cœur, qu'est-ce que tu voulais ?

Il m'a demandé du beurre, du pain,
Ma main en l'ouvrant caressait la huche
Du cidre nouveau, j'allais et ma main
Caressait les bols, la table, la cruche.

Deux fois, dix fois, vingt fois je les touchais …
Mon cœur, qu'est-ce que tu cherchais ?

Il m'a fait sur tout trente-six pourquoi.
J'ai parlé de tout, des poules, des chèvres,
Du froid et du chaud, des gens, et ma voix
En sortant de moi caressait mes lèvres …

Et je causais, je causais, je causais …
Mon cœur, qu'est-ce que tu disais ?

Quand il est parti, pour finir l'ourlet
Que j'avais laissé, je me suis assise …
L'aiguille chantait, l'aiguille volait,
Mes doigts caressaient notre toile bise …

Et je cousais, je cousais, je cousais …
Mon cœur, qu'est-ce que tu faisais ?

Marie Noël ("Les chansons et les heures" - Editions Crès Et Cie, 1930 et Stock, 1948)

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Chant de rouge-gorge

Au mois de mai j’avais le cœur si grand
Que pour l’emplir je me suis en allée
Cherchant l’amour sans savoir quelle allée,
Pour le rencontrer, quel chemin on prend …

Rouge-gorge, au fond du bois incolore,
Au bout des sentiers dont il te souvient,
Du printemps, sais-tu s’il en reste encore ?
L’hiver vient …

J’allais, j’allais. Où trouver de l’amour ?
Au bas de la côte, au faîte, derrière ?
Au fond du bois, au bout de la rivière ?
Ici, là-bas, à ce prochain détour ? ...

Rouge-gorge, au fond du bois incolore,
Au bout des sentiers dont il te souvient,
De l’été, sais-tu s’il en reste encore ?
L’hiver vient …

Quand je le vis, je n’osai pas à temps
M’en approcher ou lui faire une avance ;
Je l’attendais ouvrant mon cœur immense …
Il n’est tombé qu’une goutte dedans …

Rouge-gorge, au fond du bois incolore,
Au bout des sentiers dont il te souvient,
Du soleil, sais-tu s’il en reste encore ?
L’hiver vient …

Est-ce là tout, cette goutte, est-ce tout ?
Je voudrais bien recommencer l’année,
La goutte d’eau qui m’était destinée,
Je voudrais bien la boire encore un coup …

Rouge-gorge, au fond du bois incolore,
Au bout des sentiers dont il te souvient,
Des feuilles, sais-tu s’il en reste encore ?
L’hiver vient …

Est-ce bien tout ? ... Peut-être, dans un coin
Que j’oubliai, peut-être avant la neige,
Un peu d’amour encor le trouverai-je,
Peut-être ici, peut-être un peu plus loin…

Rouge-gorge, au fond du bois incolore,
Au bout des sentiers dont il te souvient,
Du bonheur, sais-tu s’il en reste encore ?
L’hiver vient ...

Marie Noël ("Les chansons et les heures" - Editions Crès Et Cie, 1930 et Stock, 1948)

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L'île

Solitude au vent, ô sans pays, mon Île,
Que les barques de loin entourent d’élans
Et d’appels, sous l’essor gris des goélands,
Mon Île, mon lieu sans port, ni quai, ni ville,

Mon Île où s’élance en secret la montagne
La plus haute que Dieu heurte du talon
Et repousse… Ô Seule entre les aquilons
Qui n’a que la mer farouche pour compagne.

Temps où se plaint l’air en éternels préludes,
Mon Île où l’Amour me héla sur le bord
D’un chemin de cieux qui descendait à mort,
Espace où les vols se brisent, Solitude.

Solitude, Aire en émoi de Cœur immense
Qui sans cesse jette au large ses oiseaux,
Sans cesse au-dessus d’infranchissables eaux,
Sans cesse les perd, sans cesse recommence.

Désolation royale, terre folle
Que berce l’abîme entre ses bras massifs,
Mon Île, tu tiens un Silence captif
Qu’interroge en vain la houle des paroles.

Marie Noël ("Chants et Psaumes d'automne" - Éditions Stock, 1947)

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Chant de nourrice

                                     pour endormir Madeleine

Dors, mon petit, pour qu’aujourd’hui finisse.
Si tu ne dors pas, si c’est un caprice,
Aujourd’hui, ce vieux long jour,
Ce soir durera toujours.

Dors, mon petit, pour que demain arrive.
Si tu ne dors pas, petite âme vive,
Demain, le jour le plus gai,
Demain ne viendra jamais.

Dors, mon petit, afin que l’herbe pousse,
Ferme les yeux, les herbes et la mousse
N’aiment pas dans le fossé
Qu’on les regarde pousser.

Dors, mon petit, pour que les fleurs fleurissent.
Les fleurs qui, la nuit, se parent, se lissent,
Si l’enfant reste éveillé,
N’oseront pas s’habiller.

Mais s’il dort, les fleurs en la nuit profonde,
N’entendant plus du tout bouger le monde,
Tout doucement, à tâtons,
Sortiront de leurs boutons.

Quand il dormira, toutes les racines
Descendront sous terre au fond de leurs mines
Chercher pour toutes les fleurs
Des parfums et des couleurs.

Les roses alors et les églantines,
Vite, fronceront avec leurs épines
Leurs beaux jupons à volants
Rouges, roses, jaunes, blancs.

Les nielles feront en secret des pinces
À leur jupe étroite et les bleuets minces
Serreront leur vert corset
Avec un petit lacet.

Les lys du jardin si nul ne les gêne
Iront laver leur robe à la fontaine,
Et le lin qui fit un vœu
Passera la sienne au bleu.

Les gueules du loup et les clématites
Monteront leur coiffe et les marguerites
Habiles repasseront
Leurs bonnets et leur col rond.

Et quand à la fin toutes seront prêtes,
En robes de noce, en habits de fête,
Alors d’un pays lointain
Arrivera le matin.

Et saluant toute la confrérie,
Le matin pour voir la terre fleurie,
Du bout de son doigt vermeil
Rallumera le soleil.

Et pour que l’enfant, mon bel enfant sage,
Voie aussi la terre et son bel ouvrage,
Il enverra le soleil
Le chercher dans son sommeil.

Viens, mon petit, viens voir, chère prunelle,
Pendant ton somme, écoute la nouvelle,
Notre jardin s’est levé …
Aujourd’hui est arrivé !

Marie Noël ("Les chansons et les heures" - Editions Crès Et Cie, 1930 et Stock, 1948)

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Connais-moi ... (extrait)

Connais-moi si tu peux, ô passant, connais-moi !
Je suis ce que tu crois et suis tout le contraire :
La poussière sans nom que ton pied foule à terre
Et l'étoile sans nom qui peut guider ta foi.

Je suis et ne suis pas telle qu'en apparence :
Calme comme un grand lac où reposent les cieux,
Si calme qu'en plongeant tout au fond de mes yeux,
Tu te verras en leur fidèle transparence ...

Si calme, ô voyageur... Et si folle pourtant !
Flamme errante, fétu, petite feuille morte
Qui court, danse, tournoie et que la vie emporte
Je ne sais où mêlée aux vains chemins du vent.

Sauvage, repliée en ma blancheur craintive
Comme un cygne qui sort d'une île sur les eaux,
Un jour, et lentement à travers les roseaux
S'éloigne sans jamais approcher de la rive ...

 

Marie Noël ("Les chansons et les heures" - Editions Crès Et Cie, 1930 et Stock, 1948)

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Si j'étais plante ... (extrait)

Si j'étais plante, je ne voudrais pas être de ces plantes qui ont trop affaire à l'homme. Ni avoine, ni blé, ni orge parqués, sans pouvoir en sortir, dans un champ en règle (et on ne laisse même pas aux blés leurs bleuets pour se distraire) ni surtout ces légumes soumis et rangés, ces carottes alignées, ces haricots qu'on dirige à la baguette, ces salades qu'on force à pâlir en leur serrant le cœur quand il fait si beau alentour et qu'elles voudraient bien être grandes ouvertes.

J'accepterais encore d'être herbe à tisane, serpolet ou mauve, ou sauge, pourvu que ce fût dans un de ces hauts battus des vents où ne vont les cueillir que les bergers. Mais j'aimerais mieux être bruyère, gentiane bleue, ajonc, chardon au besoin, sur une lande abandonnée, ou même un champignon pas vénéneux, mais pas non plus trop comestible, qui naît dans la mousse, un matin, au creux le plus noir du bois, qui devient rose sans qu'on le voie et meurt tout seul le lendemain sans que personne s'en mêle ... 

Marie Noël ("Notes intimes" - Éditions Stock, 1959)


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Marie-Claire d'Orbaix (1920 - 1990) est une auteure de Belgique (Wallonie).

Sirène
...

Fluide sirène
Sinueuse,
si nue,
Insinuée, ainsi née
Aux rives de la vie,
Aux ressacs du plaisir,
Tu n'es plus, cette aurore,
Nocturne nageuse d'or,
Solitaire échouée,
Solitaire sereine,
Que petite sirène ...

Marie-Claire d'Orbaix ("Érosion du silence", 1970 - dans "Huit siècles de Poésie Féminine", Jeanine Moulin, Seghers, 1963)

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Touffe de mots

Tu ne viens jamais
les mains vides
Tu poses sur mes genoux
des brassées de poèmes
des touffes de mots
               jonquilles
qui ont allumé tes nuits
avant de fleurir
à l'aube dans ta bouche
je respire ces phrases de ta vie
halos sur mon corps et mon visage.

Marie-Claire d'Orbaix

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Les aînées

J'ai parlé, parlé
ivre de paroles
puis j'ai appris
la mort des mots
l'absence d'âme dite
emmurée
enlisée
en train de mourir
de silence étouffée
par manque d'écoute
par refus d'accord
par voix désaccordée.

Je respire petitement
dans un sous-sol mental
où la lumière est rare
et la chaleur minutée.

Mais quelqu'un va venir
et me hisser dans le soleil sonore.

Marie-Claire d'Orbaix

textes «couleur femme» - poèmes de femmes - de N à R
On trouvera des comptines et haïkus sur le thème du féminin
dans les pages sur LE FÉMININ EN POÉSIE

L’affiche officielle >>
et le projet scolaire à Mantes-la-Ville (Yvelines)


Louisa Paulin (1888-1944) a vécu dans le Tarn, où elle a été institutrice. Elle écrit ses poèmes d'abord uniquement en français, puis en français et en occitan.
“Je me suis mise à la langue d'Oc par repentir d'avoir si longtemps ignoré mon pays et peut-être de l'avoir un peu méprisé”.

On ne connaît généralement de Louisa Paulin que ses poèmes en français. Voici deux textes qu'elle a écrits dans les deux langues :

Chant de neige

L'ange de la géométrie, mon cœur,
Ce matin d'hiver veut nous prendre au piège.

L'ange étincelant nous ouvre, mon cœur,
Le blanc paradis des cristaux de neige.

Et nous sommes là, fascinés, mon cœur,
Par sa merveilleuse et pure science.

Et nous sommes là, prisonniers, mon cœur,
De son ineffable et cruel silence.

Louisa Paulin ("Rythmes et Cadences", 1947)


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La cançon del silenci.

Vèni, ausirem, anuèit, la Cançon del silenci,
la cançon que comença,
quand s'escantís, la nuèit, lo cant del rossinhòl ;
la cançon que s'ausís al doç cresc de l'erbeta,
la cançon de l'aigueta
que se pausa, un moment, al rebat d'un ramèl ;
la cançon de la branca
que fernís e que dança
desliurada del pes amorós d'un ausèl ;
la secreta conçon breçant l'ombra blavenca
del lir còrfondut de promessa maienca,
qu'espèra, per florir, un signe del azur.

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La chanson du silence

Viens, nous entendrons, ce soir, la chanson du silence,
la chanson qui commence,
quand s'achève, la nuit, le chant du rossignol ;
la chanson qu'on entend à la douce croissance de l'herbe,
la chanson de l'eau vive
qui se repose, un moment, au reflet d'un rameau ;
la chanson de la branche
qui frissonne et qui danse
délivrée du poids amoureux d'un oiseau ;
la secrète chanson berçant l'ombre bleuâtre
du lis défaillant de promesse printanière,
qui attend, pour fleurir, un signe de l'azur.

Louisa Paulin

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Fum 

Non, non, anuèit vòli fugir l'ostal !
Vòli lo fial de lum que s'estira suls camps
Quand lo lauraire aluca un fuòc d'erbassas.
O fial de fum, vèni ligar un raive,
Un rave que m'escapa
– coma tu, lial de fum –
Per fugir cap a las estelas.

Louisa Paulin ("Sorgas")

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Fumée

Non, non, ce soir je veux fuir la maison !
Je veux le fil de fumée qui s'étire sur les champs
Quand le laboureur allume un feu de mauvaises herbes.
Ô fil de fumée, viens lier un rêve,
Un rêve qui m'échappe
comme toi, fil de fumée
Pour fuir vers les étoiles.

Louisa Paulin ("Sources")

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Chat

Chat, chat, d'où viens-tu ?
- Je viens du fond de la nuit,
je viens de jouer sans bruit
avec le vent et la lune.

Chat, chat, d'où viens-tu ?
- Je viens d'aiguiser mes dents
à l'or du soleil levant
je l'ai cardé de mes griffes.

Chat, chat, d'où viens-tu ?
- Je viens de lustrer mon corps
sous la pluie des gouttes d'or
et ma fourrure étincelle.

Chat, chat, d'où viens-tu ?
- D'un pays silencieux
qui dort au fond de mes yeux
à l'abri de mes paupières.

Chat, chat, d'où viens-tu ?
- D'un pays où je suis roi
moi, j'en viens, vous n'irez pas,
vous n'irez pas, demoiselle !

Louisa Paulin ("Poèmes")


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La nouvelle année

Nouvelle année, année nouvelle,
Dis-nous, qu’as-tu sous ton bonnet ?
J’ai quatre demoiselles
Toutes grandes et belles.
La plus jeune est en dentelles.
La seconde en épis.
La cadette est en fruits,
Et la dernière en neige.
Voyez le beau cortège !
Nous chantons, nous dansons
La ronde des saisons.

Louisa Paulin


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Cette "Chanson de mariage" a été mise en musique par Henri Rys. On la trouve souvent sans les troisième et quatrième couplets

Chanson de mariage

La pie veut se marier,
C'est pour rire, c'est pour rire,
La pie veut se marier,
C'est pour rire et pour pleurer.

Elle épousera le geai,
C'est pour rire, c'est pour rire,
Elle épousera le geai,
C'est pour rire et s'amuser.

C'est un fort joli garçon,
C'est pour rire, c'est pour rire,
C'est un fort joli garçon,
C'est pour rire sans façon.

Il a un bel habit bleu,
C'est pour rire, c'est pour rire,
Il a un bel habit bleu,
C'est pour rire quand on peut.

La pie est folle du geai,
C'est pour rire, c'est pour rire,
La pie est folle du geai,
C'est pour rire et pour chanter.

Quand ils se sont fiancés,
C'est pour rire, c'est pour rire,
Quand ils se sont fiancés,
On a ri, chanté, dansé.

Le jour ils se sont griffés,
C'est pour rire, c'est pour rire,
Le jour ils se sont griffés,
Ce n'est que pour commencer.

Demain ils s'épouseront,
C'est pour rire, c'est pour rire,
Demain ils s'épouseront,
Et le soir ils se battront.

La pie veut se marier,
C'est pour rire, c'est pour rire,
La pie veut se marier,
C'est pour rire et pour pleurer.


Louisa Paulin (dans l'anthologie d'Armand Got "Pin Pon d'or" - éditions Colin-Bourrelier, 1972)

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L'Escalier de verre

Pour arriver dans cette terre
Passez par l'Escalier de verre.

Alors quittez vos lourds sabots,
Le verre est fin, les pieds sont gros.

Je suis allée dans un pays
Où l'on attelait les fourmis.

Je suis entrée dans les maisons
Où l'on y sucrait les jambons.

Je suis allée à l'écurie
On y déployait un tapis ;

La lune brillait tout le jour,
Le soleil était dans le four.

Le pain cuisait à la fontaine
Et les hommes filaient la laine.

Le feu pleurait des larmes d'eau,
La fermière plumait un veau.

Le vin coulait à l'abreuvoir
Et l'eau ruisselait du pressoir.

Les vaches paissaient les nuages
Et tous les enfants étaient sages.

Les loups berçaient les nourrissons
Et leur murmuraient des chansons.

Les renards allaient à confesse
Et le lutin chantait la messe.

L'église dansait la polka
Et les maisons la mazurka
 
Alors pour quitter cette terre
J’ai repris l'Escalier de verre
J'ai dit à tous ceux que j'ai vu
Et personne, alors, ne m'a cru.

Mais si vous voulez tout savoir
Fermez les yeux, allez-y voir.

Je prends la clé et je la serre
Au bas de l'Escalier de verre.

Celui qui la retrouvera
Mon petit conte achèvera.

Personne n'a trouvé la clé.
Cric ! Crac ! Mon conte est achevé.


Louisa Paulin ("
L'escalier de verre")

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Chanson pour rire

Le Rat, la Rate sont partis
Quel beau voyage !
Le Rat, la Rate sont partis
Pour voir Paris.

Ils sont partis en avion
Quel beau voyage !
Ils sont partis en avion
avec Raton.

En arrivant se sont assis
Quel beau voyage !
En arrivant se sont assis
Pour voir Paris.

Sur Notre-Dame de Paris
Quel beau voyage !
Sur Notre-Dame de Paris
Quel beau pays !

Ils ont mangé la Tour Eiffel
Quel beau voyage !
Ils ont mangé la Tour Eiffel
Au caramel.

Ils reviendront tous par sans-fil
Quel beau voyage !
Ils reviendront tous par sans-fil
Ainsi soit-il !

Louisa Paulin (dans l'anthologie d'Armand Got "Pin Pon d'or" - éditions Colin-Bourrelier, 1972)


Une chansonnette à la manière de Louisa Paulin

Des classes se sont amusées ici à créer des comptines chantées à la manière de ces deux chansons de Louisa Paulin. A vous de voir si...
En maternelle : http://www.perigord.com/asso/asco/pages/ecoles.htm
En Cycle 3 (CM) : http://www.ac-nancy-metz.fr/ia88/Lubine/chansons_pour_rire.htm


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Cécile Périn (1877-1959)

La coupe

Laisse venir à toi doucement les images
Comme une coupe pure offre-leur ton esprit
Et qu'au cristal de l'eau dans leur fraîcheur surpris
S'inscrivent les reflets légers des paysages.

Ne bouge pas.  Bientôt s'en viendront les oiseaux
Apprivoisés poser leur vol près de la coupe.
Des lézards étendront leur corps agile et souple
Au soleil ; et le ciel s’irisera dans l'eau.

Sois celui qui se tait, contemple, se recueille,
Le lac calme où s'apaise un instant le torrent
Avant de rebondir dans l'ombre en s'enfuyant
Dans un grand éboulis de pierres et de feuilles.

Cécile Périn


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Thérèse Plantier (1911-1989 )

Mon amour

Parce que j'avais senti la première odeur de l'été
j'avais cru que je vivrais mille ans
auprès de toi
mais j'étais en retard il aurait fallu
prendre le train tes yeux
puis descendre à contre-voie
parmi les bardanes et les orties violettes
battre les buissons tambouriner
dessus avec des paumes de laine
cardée par les ronciers
l'avenir se chargea de me détromper
vira au bleu-silence
tandis que les gousses des genêts-à-balai
percutaient sec sur le ciel
plié à gauche dans l'odeur de tes doigts.

Thérèse Plantier ("Chemins d'eau")


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Christine de Pisan (1363-1430 ) a produit une oeuvre considérable, dont les "Cent ballades", dialogue entre un chevalier et sa dame.On trouvera ci-dessous quelques-unes de ces ballades, et en préambule la mise (partielle) en français moderne d'un des passages les plus connus, la ballade numérotée XI :

Seulette suis et seulette veux être ...

Seulette suis et seulette veux être,
Seulette m'a mon doux ami laissée,
Seulette suis, sans compagnon ni maître,
Seulette suis, dolente et courroucée,
Seulette suis en langueur mésaisée,
Seulette suis plus que nulle égarée,
Seulette suis sans ami demeurée.

Seulette suis à huis ou à fenêtre,
Seulette suis en un anglet muchée,
Seulette suis pour moi de pleurs repaître,
Seulette suis, dolente ou apaisée,
Seulette suis, rien n'est qui tant me siée,
Seulette suis en ma chambre enserrée,
Seulette suis sans ami demeurée.

Seulette suis partout et en tout être,
Seulette suis, où je vais où je siée,
Seulette suis plus qu'autre rien terrestre,
Seulette suis, de chacun délaissée,
Seulette suis, durement abaissée,
Seulette suis souvent toute épleurée,
Seulette suis sans ami demeurée.

Princes, or est ma douleur commencée:
Seulette suis de tout deuil menacée,
Seulette suis plus tainte que morée,
Seulette suis sans ami demeurée. 

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Cent ballades

...

XI

Seulete suy et seulete vueil estre ...

Seulete suy et seulete vueil estre,
Seulete m'a mon doulz ami laissiée,
Seulete suy, sanz compaignon ne maistre,
Seulete suy, dolente et courrouciée,
Seulete suy en languour mesaisiée,
Seulete suy plus que nulle esgarée,
Seulete suy sanz ami demourée. 

Seulete suy a huis ou a fenestre,
Seulete suy en un anglet muciée,
Seulete suy pour moy de plours repaistre,
Seulete suy, dolente ou apaisiée, 
Seulete suy, riens n'est qui tant me siée,
Seulete suy en ma chambre enserrée,
Seulete suy sanz ami demourée. 

Seulete suy partout et en tout estre.
Seulete suy, ou je voise ou je siée,
Seulete suy plus qu'autre riens terrestre,
Seulete suy de chascun delaissiée, 
Seulete suy durement abaissiée,
Seulete suy souvent toute esplourée,
Seulete suy sanz ami demourée. 

Princes, or est ma doulour commenciée:
Seulete suy de tout dueil menaciée,
Seulete suy plus tainte que morée,
Seulete suy sanz ami demourée.   

Christine de Pisan ("Cent ballades")

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XXXV

Je suis loings de mes amours ...

Je suis loings de mes amours,
Dont je pleure mainte lerme;
Mais en espoir prens secours
Que tost revendra le terme
Qu'il m'a mis de retourner.
Ja sont passées trois sepmaines,
Six en devoit sejourner,
Tant ont a durer mes peines.

Tant le desire tousjours
Qu'en suis malade et enferme.
Or venez doncques le cours,
Amis que j'aim d'amour ferme,
Et vous ferez destourner
Mes angoisses trés grevaines;
Car jusques au retourner
Tant ont a durer mes peines.

Pour mener mon dueil en plours,
Souvent a par moy m'enferme;
Mais ce garist mes doulours
Qu'a bon espoir je m'afferme
Que Dieu vous vueille amener,
Ou tost nouvelles certaines;
Jusques la me fault pener,
Tant ont a durer mes peines. 

Christine de Pisan ("Cent ballades")

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LX

Du mal d'amours soiez vous tourmentez ...

 Du mal d'amours soiez vous tourmentez,
Vous qui parlez sus les vrais amoureux!
De les blasmer je dis que vous mentez,
D'eulx diffamer, ne mesdire sur eulx, 
Car bonne gent sont et beneüreux
D'avoir empris si gracieuse vie;
Mais vous parlez comme gent pleins d'envie.

Car il n'est nul si villain, n'en doubtez,
S'il a gousté des doulz biens savoreux
Qu'Amours depart a ceulx qu'il a domtez,
Que tout gentil, poissant et vigoreux 
Il n'en deviegne et de biens plantureux.
Tache de mal est d'eulx du tout ravie;
Mais vous parlez comme gent pleins d'envie.

De mieulx valoir qu'ilz ne font vous vantez,
Faulx mesdisans, villains, maleüreux,
Qui en tous lieux estes si deboutez,
Que chascun fait de vous le dongereux; 
Faillis, lasches estes et paoureux,
Et en eulx est toute grace assouvie;
Mais vous parlez comme gent pleins d'envie.

Christine de Pisan ("Cent ballades")

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XCIV

Qui que die le contraire ...

Qui que die le contraire,
On doit loiaulté tenir
En tout quanque l'en veult faire,
Qui veult a grant preu venir; 
Et qui barat maintenir
Veult, a la fin mal lui prent,
Mais fol ne croit jusqu'il prent.

Loiaulté est neccessaire
A qui tent a avenir
A honneur et grant salaire;
N'il ne doit apartenir 
Que cil doye bien fenir,
Qui a barater se prent,
Mais fol ne croit jusqu'il prent.

Et trop mieulx se vauldroit taire,
Que de dire et soustenir
Que de loiaulté retraire
Se convient, qui devenir 
Veult riche, et fraude tenir;
Qui le fait au laz se prent,
Mais fol ne croit jusqu'il prent. 

Christine de Pisan ("Cent ballades")

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C
(centième et dernière ballade)

Cent balades ay cy escriptes

Cent balades ay cy escriptes,
Trestoutes de mon sentement.
Si en sont mes promesses quites
A qui m'en pria chierement. 
Nommée m'i suis proprement;
Qui le vouldra savoir ou non,
En la centiesme entierement
En escrit y ay mis mon nom. 

Si pry ceulz qui les auront littes,
Et qui les liront ensement,
Et partout ou ilz seront dittes,
Qu'on le tiengne a esbatement,
Sanz y gloser mauvaisement;
Car je n'y pense se bien non,
Et au dernier ver proprement
En escrit y ay mis mon nom. 

Ne les ay faittes pour merites
Avoir, ne aucun paiement;
Mais en mes pensées eslittes
Les ay, et bien petitement 
Souffiroit mon entendement
Les faire dignes de renom,
Non pour tant desrenierement
En escrit y ay mis mon nom.

Christine de Pisan ("Cent ballades")


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Mathilde Pomès (1886-1977) est une poète (recueil le plus connu : "Altitude") qui a également traduit de l'espagnol de nombreux auteurs et réuni des textes hispaniques ("Anthologie bilingue de la Poésie espagnole").

Martinets

Ivres
d'azur,
guivres
de cris
roulant sur
les replis
clairs
de l'air ;
flèches d'aile,
traits en grêle
contre cibles
invisibles ;
infaillibles
coeurs battants
la mesure
du délire ;
têtes sûres
en avant
par la spire
des vertiges ;
vos voltiges,
martinets :
les prestiges
de l'abstrait.

Mathilde Pomès


Anne Pougeoise est une peintre et poète contemporaine.

Automne

Il faudra vivre d'espoir ...
La terre va dormir
Les nuits finiront en aubes tardives
Les jours à peine commencés
Se noieront dans des crépuscules obscurs
Fraîcheur et grisaille
Joueront en rumeurs brumeuses
C'est l'automne !

Anne Pougeoise (dans la revue Poésie 1 n°44 : "Poésie enfance" - Le cherche-midi, décembre 2005)

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Une cloche a sonné ...

Une cloche a sonné
Il y a tant d'années !
Courir pour respecter le temps
Le ciel est déjà si pâle
Il se fait tard
Passent les hirondelles
Pour leur grand voyage
Attendre leur retour
Pour croire en une éternité.

Anne Pougeoise (dans la revue Poésie 1 n°44 : "Poésie enfance" - Le cherche-midi, décembre 2005)


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Catherine Pozzi (1882-1934). Un seul recueil publié, un an après sa disparition en 1935. Il comporte six poèmes aux titres latins : Ave, Vale, Scopolamine, Nova, Maya et Nyx. On trouve d'autres textes dans les ouvrages qui rassemblent son oeuvre poétique complète.

Ave

Très haut amour, s’il se peut que je meure
Sans avoir su d’où je vous possédais,
En quel soleil était votre demeure
En quel passé votre temps, en quelle heure
Je vous aimais,

Très haut amour qui passez la mémoire,
Feu sans foyer dont j’ai fait tout mon jour,
En quel destin vous traciez mon histoire,
En quel sommeil se voyait votre gloire,
O mon séjour…

Quand je serai pour moi-même perdue
Et divisée à l’abîme infini,
Infiniment, quand je serai rompue,
Quand le présent dont je suis revêtue
Aura trahi.

Par l’univers en mille corps brisée,
De mille instants non rassemblés encor,
De cendre aux cieux jusqu’au néant vannée,
Vous referez pour une étrange année
Un seul trésor,

Vous referez mon nom et mon image
De mille corps emportés par le jour,
Vive unité sans nom et sans visage,
Cœur de l’esprit, ô centre du mirage,
Très haut amour.

Catherine Pozzi ("Poèmes" - éditions Mesures, 1935, réédité  par Gallimard, 1987 et "Très haut amour, Poèmes et autres textes" -   Poésie-Gallimard, 2002)

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Vale

La grande amour que vous m’aviez donnée
Le vent des jours a rompu ses rayons,
Où fut la flamme, où fut la destinée
Où nous étions, où par la main serrés
Nous nous tenions

Notre soleil, dont l’ardeur fut pensée
L’orbe pour nous de l’être sans second
Le second ciel d’une âme divisée
Le double exil où le double se fond,

Son lieu pour vous apparaît cendre et crainte,
Vos yeux vers lui ne l’ont pas reconnu,
L’astre enchanté qui portait hors d’atteinte
L’extrême instant de notre seule étreinte
Vers l’inconnu.

Mais le futur dont vous attendez vivre
Est moins présent que le bien disparu.
Toute vendange à la fin qu’il vous livre
Vous la boirez sans pouvoir être qu’ivre
Du vin perdu.

J’ai retrouvé le céleste et sauvage
Le paradis où l’angoisse est désir.
Le haut passé qui grandit d’âge en âge
Il est mon corps et sera mon partage
Après mourir.

Quand dans un corps ma délice oubliée
Où fut ton nom, prendra forme de cœur
Je revivrai notre grande journée,
Et cette amour que je t’avais donnée
Pour la douleur.

Catherine Pozzi

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L'auteur exprime son humour dans ce texte, imité du poème "Heureux qui comme Ulysse", de Joachim du Bellay, en reprenant la construction, les rimes, et détournant le thème de l'original, avac un titre alambiqué :

La déesse qui m’a donné une pomme
que je ne meritais pas


Heureux qui, poursuivant un penser qui voyage
(Plus loin que Celui-là qui conquit la Toison)
Au pays de l’esprit où l’usage est raison,
Demeure auprès de vous le reste de son âge !

Un jour d’or tombe encore du ciel sur le village
Et le fruit d’or mûrit de l’amère saison;
Mais le sommeil exquis de l’étroite maison
Abrite un univers, et beaucoup davantage.

Car les beaux noms sans corps qui n’ont pas eu d’aieux
Empliront son séjour du vide audacieux
De leur illustre amour et de leur ombre fine ;

Et Fabrice, quittant le rivage latin
Dira, menant René dehors le Palatin :
" Vivons à Jouy, mon cher... Elle a d’un ange, mine …"

Catherine Pozzi

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Le poème qui suit est le dernier de Catherine Pozzi, écrit un mois avant sa mort en décembre. Il est inspiré du sonnet II de Louise Labé (voir à son paragraphe) : "Ô beaux yeux bruns, ô regards détournés […] Ô noires nuits vainement attendues […] " (source : www.terresdefemmes.blogs.com/)

Ô vous mes nuits

Ô vous mes nuits, ô noires attendues
Ô pays fier, ô secrets obstinés
Ô longs regards, ô foudroyantes nues
Ô vol permis outre les cieux fermés.

Ô grand désir, ô surprise épandue
Ô beau parcours de l’esprit enchanté
Ô pire mal, ô grâce descendue
O porte ouverte où nul n’avait passé

Je ne sais pas pourquoi je meurs et noie
Avant d’entrer à l’éternel séjour.
Je ne sais pas de qui je suis la proie.
Je ne sais pas de qui je suis l’amour.

Catherine Pozzi

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Il ressemblait à l'absolu

Il ressemblait à l'absolu
J'ai tiré dessus.
Les plombs étaient en vérité
La poudre était en volupté
Je l'ai raté.

Catherine Pozzi


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Gisèle Prassinos, née en 1920, est écrivaine, poète et artiste peintre, tout ça au féminin très singulier, marqué de surréalisme.

Dans tes yeux il y a la mer

Dans tes yeux il y a la mer.

Sur la mer il y a la tempête.

Dans la tempête : une barque.

Dans la barque : une petite fille.

Dans la petite fille il y a ton enfant

et je vais me noyer maman

si tu ne cesses de gronder.

Gisèle Prassinos

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La neige

Il paraît que le ciel et la terre
vont se marier.
Avant l’aube le fiancé
sur sa fille
a jeté son voile de mousse
lentement et sans bruit
pour ne pas l’éveiller.

Elle sommeille encore il est tôt
mais déjà exaltés
impatients d’aller à la noce
les arbres ont mis leur gants
par milliers
et les maisons leurs chapeaux blancs.

Gisèle Prassinos ("Le ciel et la terre se marient" - Éditions ouvrières, 1979)

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La montre

Lunaire blonde innocente
La montre

Moins que compagne
Plus qu'objet
Cœur sans amour
Elle effectue ses exercices d'angles.

Gisèle Prassinos ("Les mots endormis" - Éditions Flammarion, 1967)

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Qu'est-ce qu'un chat ?

Qu'est-ce qu'un chat ?
C'est un roi
Un soir de gala
En tournure
De fourrure.

Gisèle Prassinos (dans "Il était une fois les animaux" - anthologie de Jean-Hugues Malineau - éditions Messidor - La Farandole, 1989)

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Deux recettes, en forme de comptines "pour fillottes et garcelons" :

Recette

Mets le rat dans un plat
La souris dans le riz
Le moineau dans le seau
La grenouille dans la rouille
Et touille !

Gisèle Prassinos

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Comptine pour enfant pas sage

Pour faire un oisillon
Prenez du saucisson
Un morceau pour le dos
Pour le bec un coup sec
Deux rondelles pour les ailes
Pour la queue trois cheveux

Pour faire du saucisson
Prenez un oisillon.
Etouffez et pilez
Bien saler et ficeler
Découper et manger.

Gisèle Prassinos ("Comptines pour fillottes et garcelons")


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Simone Ratel a écrit des poèmes et des contes pour enfants. On trouvera des textes de cette auteure en feuilletant d'anciens manuels scolaires de lecture et de récitation du siècle dernier, comme cette berceuse :

Berceuse du petit loir

Bien au creux, bien au chaud
Mon gras mon doux mon beau
Poil luisant pattes fines
Mon petit loir dort
Dort et dîne
Dîne et dort
Un petit loir qui dort
Dort et dîne
Dîne et dort

Voici l'hiver venu
Les petits rats tout nus
Nichent dans la farine
Mon petit loir dort
Aux arbres du verger
Bois sec noyaux rongés
Le vent chante famine
Mon petit loir dort.

Simone Ratel (dans l'ouvrage de R. Millot :  "L'enfant et la lecture - premier livre de lecture courante - CP - CE1" - éditions Eugène Belin, 1965) (poème mis en musique et chanté par Jacques Douai)

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La rainette

Dans le gosier de la rainette
Un grillon triste est enfermé,
Un grillon triste et doux et résigné
Depuis toujours enfermé là
Et qui chante,
Qui chante
Son tout petit chant triste et doux et résigné,
Du fond de sa prison, pendant la nuit d'été.

Simone Ratel


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Madeleine Riffaud est née en 1924. Résistante contre le nazisme, journaliste engagée (grand reporter pour le quotidien communiste L'Humanité), elle a publié des romans et des poèmes.

Cheval bleu

J’avais un petit cheval bleu
Qui se promenait dans ma chambre
En liberté, crinière longue
Et des rayons sur ses sabots.

Il galopait sur le bureau,
Sur les bouquins de l’étagère.
Il galopait, tête levée
Sur la steppe blanche des draps.

Il vivait d’un reflet,
S’endormait chaque nuit
Dans le creux de mes mains
Comme font les oiseaux.

Madeleine Riffaud

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Nuit

Il fait noir
Acceptons la nuit,
Nuit :
Terre à étoiles.

Madeleine Riffaud ("On l'appelait Rainer : 1939-1945" - Éditions Julliard, 1994)


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Emmanuelle Riva est née en 1927. elle est connue comme actrice de cinéma et comédienne de théâtre, plus que pour sses poésies, trois recueils pourtant : "Juste derrière le sifflet des trains", "Le Feu des miroirs", et" L'Otage du désir" (ce dernier ouvrage est paru en 1982).

Ses quatre volontés

Je veux la lune
il ne fallait pas me la promettre
je veux la lune
je veux l'autre mémoire
je veux les places de villages
toutes les fleurs des bords de routes
je veux la croupe des chevaux
la chanson de leurs crinières
la confidence des oiseaux
je te veux toi
toi toi toi

je ne peux te remplacer que par Dieu
et je ne veux pas te remplacer

je veux la tombée du jour
je veux être à feu et à sang
dans tous les ports du monde
je veux être dans le lac de la nuit
quand tous les lièvres courent
comme des petits garçons
je veux toutes lesoreilles des nouveau-nés
je veux entrer chez toi
par les dents de ton sourire
je veux la mort de l'autre côté de ton sourire
afin de te connaître
je veux un dauphin
pour compagnon de jeu
je veux un dauphin
dans le secret des Dieux
je veux entrer chez toi
par jour de grand beau temps
je veux une carriole bombardée
je veux signer tous les traités
je veux être parcourue
par un horizon sans bornes
je veux le détroit de Gibraltar
je veux revoir le cap Horn
je veux donner mes yeux à Michel Strogoff
je veux te regarder sans arrêt
pendant toute ma vie
derrière les dentelles de l'automne
derrière Bruxelles en flammes

je veux que tu sois roi

je veux une année-lumière
je veux faire du cheval avec Dieu
afin de savoir s'il aime la nature
je veux conduire des tracteurs
je veux attendre devant la mer
comme les femmes des marins
je veux boire de l'eau
dans de vieilles huîtres
je veux être arrivée avant le malheur
pour bien le recevoir
je veux être arrivée avant le bonheur
pour le reconnaître
je veux l'aimer plus qu'il ne faut

je veux être sur le pont de Guadalquivir
je veux des rivières de rires
je veux ton pays natal
je veux l'aimer trop
pour le jour du meurtre
je veux être dans le vent
pour qu'il vole mes cendres
je veux te retrouver

c'est toi le vent
je veux manger les horloges de la plage
pour le goûter des petites filles
je veux emporter un arc-en-ciel
dans ma cabane

je veux me confondre avec mon ennemi
je veux que tu lâches tes loups sur moi
quand tu viendras demander ma main
tu seras très élégant ce jour-là
les loups ne t'obéissent
que si tu es très beau
je t'aimerai pour toujours ce jour-là
il n'y aura pas à s'y tromper
mais je veux te voir
même avec tes loups
je veux qu'ils me dévorent
je veux entrer dans ta mort
par ta grâce
et Dieu me dira
qui tu étais.

Emmanuelle Riva ("Le Feu des miroirs" - Librairie Saint-Germain-des-Prés, 1975)


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Ann Rocard est née en 1954. On découvrira ses poèmes et ses nombreuses activités sur son site, ici : http://www.annrocard.com/ 

Bien au chaud

Dans ma maison, bien au chaud,
je vois le jour qui s'enfuit
et les étoiles là-haut
qui s'allument dans la nuit.
J'entends le vent qui s'élance
entre les tuiles du toit
et les grands arbres qui dansent
à la lisière du bois.
Chez moi, je suis à l'abri.
Je bois un bon lait bouillant.
Je n'ai pas peur de la pluie,
de l'hiver et du grand vent.

Ann Rocard


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Ghislaine Roman, enseignante en élémentaire et auteure contemporaine pour les enfants a publié des albums ("Le parapluie volant", "Tukaï, l'enfant sorcier "...) et des recueils poétiques ("Le livre des peut-être", "Le livre des si"), tous aux éditions Milan.

Les Editions Milan nous ayant signalé que nous avions présenté "Le Livre des Peut-être" dans son intégralité, nous rectifions cette erreur avec uniquement la mise en ligne de courts extraits des deux ouvrages :
 

Si (extrait)

Si les girafes savaient tricoter,
il leur faudrait dix ans pour faire un cache-nez.
Si la mer était sucrée,
les icebergs seraient des sorbets.
Si les mille-pattes portaient des souliers,
ils passeraient leur nuit à les cirer.
Si on mettait des pierres dans les sabliers,
est-ce que ça empêcherait le temps de passer ?

...

Ghislaine Roman ("Le livre des si", illustrations de Tom Schamp - éditions Milan, 2004)

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Peut-être (passages)

Peut-être que les clowns ont de grandes chaussures
parce qu’ils ont de grands pieds.
[...]
Peut-être que les abeilles font du miel
parce qu’elles ne savent pas faire du chocolat.
Peut-être que les moutons portent de la laine
parce qu’ils sont allergiques au coton.
[...]
Peut-être que les zèbres sont rayés
parce qu’ils n’aiment pas les carreaux
[...]
Peut-être que les sorcières chevauchent des balais
parce qu’elles n’ont jamais entendu parler des aspirateurs.
[...]
Peut-être que les lions sont mal coiffés
parce qu’ils font peur aux coiffeurs..

Ghislaine Roman ("Le livre des peut-être", illustrations de Tom Schamp - éditions Milan, 2003)


À la manière de Ghislaine Roman : "Si ..." et "Peut-être ..."

Plusieurs poèmes d'autres auteurs sont présentés sur le blog ou ailleurs, pour la production de textes conditionnels avec "Si" (voir Jean-Luc Moreau dans la catégorie l'humour des poètes). Quelques pistes :

De la GS au CM2 dans cette circonscription, on s'est amusé avec "peut-être" (lien non cliquable) :
http://www.ac-amiens.fr/inspections/80/montdidier/ecoles/ecoles.htm
Encore une expérience illustrée ici (lien non cliquable) :
http://sites86.ac-poitiers.fr/buxerolles-planty/spip.php?article159
L'IEN de Gennevilliers propose, une fiche détaillée pour l'exploitation en classe de ce texte, en vue de la production d'écrit poétique. Il faut y aller ! Le pdf en lien direct cliquable est ici :

http://www.ien-gennevilliers.ac-versailles.fr/IMG/pdf/le_livre_des_peut-etre.pdf