Printemps des Poètes 2015 - L’insurrection poétique
Chansons
Printemps des Poètes 2015 - L’insurrection poétique
Chansons
✓le Chant des partisans
✓l'Internationale
✓la Marseillaise
✓le Chant des ouvriers
✓La croisade des enfants
✓l'Empereur, sa femme et le Petit prince
✓Je ne chante pas pour passer le temps
✓À l'école de la vie ; Enfant de la ville
✓Soldat de plomb
Le temps des cerises
auteur : Jean-Baptiste Clément
Photo Lieucommun fév 2007
On ne connaît souvent de Jean-Baptiste Clément (1836-1903) que Le temps des cerises.
Il est l'auteur d'autres poésies et chansons, plus engagées, pour La Commune de Paris (l'insurrection révolutionnaire de 1871), dont il a été un défensur actif. Il sera d'ailleurs condamné à mort et contraint de s'exiler à Londres, jusqu'à l'amnistie de 1880.
Jean-Baptiste Clément est un poète révolté. Réfugié une première fois en Belgique pour des écrits contre le régime impérial français, il y écrit en 1866 le poème Le temps des cerises, publié l'année suivante.
Antoine Renard le mettra en musique en 1868, et ce texte devenu chanson rencontre déjà le succès.
En 1885, bien après La Commune, Jean-Baptiste Clément dédie Le temps des cerises "à Louise, ambulancière sur la dernière barricade du 28 mai", comme un dernier hommage à l'insurrection populaire, réprimée dans le sang (voir plus bas).
Le temps des cerises (poème avant d'être chanson)
à la vaillante citoyenne Louise, l'ambulancière de la rue Fontaine-au-Roi, le dimanche 28 mai 1871
Quand nous en serons au temps des cerises*,
Et gai rossignol et merle moqueur
Seront tous en fête.
Les belles auront la folie en tête
Et les amoureux du soleil au coeur.
Quand nous en serons au temps des cerises,
Sifflera bien mieux le merle moqueur.
Mais il est bien court le temps des cerises,
Où l’on s’en va deux cueillir en rêvant
Des pendants d’oreille,
Cerises d’amour aux robes pareilles
Tombant sur la feuille en gouttes de sang.
Mais il est bien court le temps des cerises,
Pendants de corail qu’on cueille en rêvant.
Quand nous en serons au temps des cerises,
Si vous avez peur des chagrins d’amour
Evitez les belles.
Moi qui ne crains pas les peines cruelles,
Je ne vivrais pas sans souffrir un jour.
Quand nous en serons au temps des cerises,
Vous aurez aussi des chagrins d’amour.
J’aimerai toujours le temps des cerises :
C’est de ce temps là que je garde au coeur
Une plaies ouverte,
Et dame Fortune, en m’étant offerte,
Ne pourra jamais fermer ma douleur.
J’aimerai toujours le temps des cerises
Et le souvenir que je garde au coeur.
Jean-Baptiste Clément (1866)
*Modification du premier vers lors de la mise en musique : "Quand nous chanterons le temps des cerises".
Ponctuation du poème original respectée.
Source : "Les poètes de La Commune" - Maurice Choury - Seghers - édition 1970, Centenaire de La Commune (Photo Lieucommun ci-dessous)
Jean-Baptiste Clément explique sa dédicace :
" Puisque cette chanson a couru les rues, j’ai tenu à la dédier, à titre de souvenir et de sympathie, à une vaillante fille qui, elle aussi, a couru les rues à une époque où il fallait un grand dévouement et un fier courage !
Le fait suivant est de ceux qu’on n’oublie jamais :
Le dimanche 28 mai 1871, alors que tout Paris était au pouvoir de la réaction victorieuse, quelques hommes luttaient encore dans la rue Fontaine-au-Roi.
Il y avait là, mal retranchés derrière une barricade, une vingtaine de combattants, parmi lesquels (…) des jeunes gens de dix-huit à vingt ans et des barbes grises qui avaient échappé aux fusillades de 48 et aux massacres du coup d’État.
Entre onze heures et midi, nous vîmes venir à nous une jeune fille de vingt à vingt-deux ans qui tenait un panier à la main. Nous lui demandâmes d’où elle venait, ce qu’elle venait faire, et pourquoi elle s’exposait ainsi.
Elle nous répondit avec la plus grande simplicité qu’elle était ambulancière et que la barricade de la rue Saint-Maur étant prise, elle venait voir si nous n’avions pas besoin de ses services.
(…) Malgré notre refus motivé de la garder avec nous, elle insista et ne voulut pas nous quitter. Du reste, cinq minutes plus tard, elle nous était utile.
Deux de nos camarades tombaient frappés, l’un d’une balle à l’épaule, l’autre au milieu du front. (…)
Quand nous décidâmes de nous retirer, s’il en était temps encore, il fallut supplier la vaillante fille pour qu’elle consentît à quitter la place.
Nous sûmes seulement qu’elle s’appelait Louise et qu’elle était ouvrière.
(…) Qu’est-elle devenue ?
A-t-elle été, avec tant d’autres, fusillée par les Versaillais ?
N’était-ce pas à cette héroïne obscure que je devais dédier la chanson la plus populaire de toutes celles que contient ce volume ? "
Jean-Baptiste Clément (« Chansons » - Paris 1885)
Source : "Les poètes de La Commune" - Maurice Choury - Seghers
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Le chant des Partisans
infos ici, avec une étude complète et des pistes d'exploitation :
http://www.ac-grenoble.fr/lycee/vincent.indy/IMG/pdf/le_chant_des_partisans.pdf
Le chant des Partisans
Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne ?
Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c'est l'alarme.
Ce soir l'ennemi connaîtra le prix du sang et les larmes.
Montez de la mine, descendez des collines, camarades !
Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades !
Ohé, les tueurs à la balle et au couteau, tuez vite !
Ohé, saboteur, attention à ton fardeau : dynamite...
C'est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères,
La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère.
Il y a des pays où les gens au creux des lits font des rêves ;
Ici, nous, vois-tu, nous on marche et nous on tue, nous on crève.
Ici chacun sait ce qu'il veut, ce qu'il fait quand il passe ;
Ami, si tu tombes un ami sort de l'ombre à ta place ;
Demain du sang noir séchera au grand soleil sur les routes ;
Chantez, compagnons, dans la nuit la Liberté nous écoute.
paroles de Maurice Druon et de Joseph Kessel, musique de Anna Marly,1944
On trouvera parfois le titre orthographié Chant des partisans (majuscule déplacée et pas de déterminant initial) ou sans majuscule aucune.
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Complainte du Partisan
Emmanuel d'Astier de La Vigerie, l'auteur, a fondé dans la Résistance le mouvement "Libération-zone Sud".
Mise en musique et chantée par Anna Marly (http://anna-marly.narod.ru/Marly/Anna_Marly_La_Complainte_du_partisan.mp3),
cette chanson a également été interprétée par Les Compagnons de la chanson et Léonard Cohen (The Partisan, en partie en anglais et en français).
Aussi Joan Baez (sublime voix ici en anglais : http://anna-marly.narod.ru/Marly/Joan_Baez_The_Partisan.mp3), Noir Désir, etc.
Complainte du Partisan
Les Allemands étaient chez moi
On m'a dit résigne toi
Mais je n'ai pas pu
Et j'ai repris mon arme.
Personne ne m'a demandé
D'où je viens et où je vais
Vous qui le savez
Effacez mon passage.
J'ai changé cent fois de nom
J'ai perdu femme et enfants
Mais j'ai tant d'amis
Et j'ai la France entière.
Un vieil homme dans un grenier
Pour la nuit nous a cachés
Les Allemands l'ont pris
Il est mort sans surprise.
Hier encore nous étions trois
Il ne reste plus que moi
Et je tourne en rond
Dans la prison des frontières.
Le vent souffle sur les tombes
La liberté reviendra
On nous oubliera
Nous rentrerons dans l'ombre.
Emmanuel d'Astier de La Vigerie
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L'Internationale
infos ici, avec des documents sonores :
http://www.dutempsdescerisesauxfeuillesmortes.net/paroles/internationale_l.htm
L'Internationale
Debout, les damnés de la terre
Debout, les forçats de la faim
La raison tonne en son cratère,
C'est l'éruption de la faim.
Du passé faisons table rase,
Foule esclave, debout, debout
Le monde va changer de base,
Nous ne sommes rien, soyons tout.
Refrain (répété deux fois)
C'est la lutte finale ;
Groupons nous et demain
L'Internationale
Sera le genre humain.
Il n'est pas de sauveurs suprêmes
Ni Dieu, ni César, ni Tribun,
Producteurs, sauvons-nous nous-mêmes
Décrétons le salut commun.
Pour que le voleur rende gorge,
Pour tirer l'esprit du cachot,
Soufflons nous-mêmes notre forge,
Battons le fer tant qu'il est chaud.
L'État comprime et la Loi triche,
L'impôt saigne le malheureux ;
Nul devoir ne s'impose au riche ;
Le droit du pauvre est un mot creux
C'est assez languir en tutelle,
L'Égalité veut d'autres lois ;
"Pas de droits sans devoirs, dit-elle
Égaux pas de devoirs sans droits."
Hideux dans leur apothéose,
Les rois de la mine et du rail
Ont-ils jamais fait autre chose
Que dévaliser le travail ?
Dans les coffres-forts de la banque
Ce qu'il a crée s'est fondu,
En décrétant qu'on le lui rende,
Le peuple ne veut que son dû.
Les rois nous saoulaient de fumée,
Paix entre nous, guerre aux Tyrans
Appliquons la grève aux armées,
Crosse en l'air et rompons les rangs !
S'ils s'obstinent ces cannibales
A faire de nous des héros,
Ils sauront bientôt que nos balles
Sont pour nos propres généraux.
Ouvriers, paysans, nous sommes
Le grand parti des travailleurs,
La terre n'appartient qu'aux hommes,
L'oisif ira loger ailleurs.
Combien de nos chairs se repaissent !
Mais si les corbeaux, les vautours,
Un de ces matins disparaissent,
Le soleil brillera toujours.
paroles d'Eugène Pottier, musique de Maurice Degeyter,1871
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La Marseillaise
historique ici, sur le site de la Présidence de la République, avec une version sonore :
http://www.elysee.fr/la-presidence/la-marseillaise-de-rouget-de-lisle/
La Maarseillaise
1.
Allons enfants de la Patrie
Le jour de gloire est arrivé !
Contre nous de la tyrannie
L'étendard sanglant est levé
Entendez-vous dans nos campagnes
Mugir ces féroces soldats?
Ils viennent jusque dans vos bras.
Égorger vos fils, vos compagnes!
refrain
Aux armes citoyens
Formez vos bataillons
Marchons, marchons
Qu'un sang impur
Abreuve nos sillons
2.
Que veut cette horde d'esclaves
De traîtres, de rois conjurés?
Pour qui ces ignobles entraves
Ces fers dès longtemps préparés?
Français, pour nous, ah! quel outrage
Quels transports il doit exciter?
C'est nous qu'on ose méditer
De rendre à l'antique esclavage!
3.
Quoi ces cohortes étrangères!
Feraient la loi dans nos foyers!
Quoi! ces phalanges mercenaires
Terrasseraient nos fils guerriers!
Grand Dieu! par des mains enchaînées
Nos fronts sous le joug se ploieraient
De vils despotes deviendraient
Les maîtres des destinées.
4.
Tremblez, tyrans et vous perfides
L'opprobre de tous les partis
Tremblez! vos projets parricides
Vont enfin recevoir leurs prix!
Tout est soldat pour vous combattre
S'ils tombent, nos jeunes héros
La France en produit de nouveaux,
Contre vous tout prêts à se battre.
5.
Français, en guerriers magnanimes
Portez ou retenez vos coups!
Épargnez ces tristes victimes
À regret s'armant contre nous
Mais ces despotes sanguinaires
Mais ces complices de Bouillé
Tous ces tigres qui, sans pitié
Déchirent le sein de leur mère!
6.
Nous entrerons dans la carrière
Quand nos aînés n'y seront plus
Nous y trouverons leur poussière
Et la trace de leurs vertus
Bien moins jaloux de leur survivre
Que de partager leur cercueil
Nous aurons le sublime orgueil
De les venger ou de les suivre!
Amour sacré de la Patrie
Conduis, soutiens nos bras vengeurs
Liberté, Liberté chérie
Combats avec tes défenseurs!
Sous nos drapeaux, que la victoire
Accoure à tes mâles accents
Que tes ennemis expirants
Voient ton triomphe et notre gloire !
7.
Nous entrerons dans la carrière,
Quand nos aînés n'y seront plus ;
Nous y trouverons leur poussière
Et la trace de leurs vertus. (Bis)
Bien moins jaloux de leur survivre
Que de partager leur cercueil
Nous aurons le sublime orgueil
De les venger ou de les suivre.
le dernier couplet a été ajouté quelques mois après
paroles de Rouget de l'Isle,1792, à qui on attribue généralement aussi la musique
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Pierre Dupont (1821-1870)
le Chant des ouvriers
1.
Nous dont la lampe, le matin
Au clairon du coq se rallume
Nous tous qu'un salaire incertain
Ramène avant l'aube à l'enclume
Nous qui des bras, des pieds, des mains
De tout le corps luttons sans cesse
Sans abriter nos lendemains
Contre le froid de la vieillesse.
refrain
Aimons-nous, et quand nous pouvons.
Nous unir pour boire à la ronde.
Que le canon se taise ou gronde.
Buvons (ter).
A l'indépendance du monde !
2.
Nos bras sans relâche tendus.
Aux flots jaloux, au sol avare.
Ravissent leurs trésors perdus.
Ce qui nourrit et ce qui pare .
Perles, diamants et métaux.
Fruit du coteau, grain de la plaine .
Pauvres moutons, quels bons manteaux.
Ils se tissent avec notre laine !
3.
Quel fruit tirons nous du labeur .
Qui courbe nos maigres échines ?
Où vont les flots de nos sueurs ?
Nous ne sommes que des machines.
Nos Babels montent jusqu'au ciel..
La terre nous doit ses merveilles :
Dès qu'elles ont fini le miel.
Le maître chasse les abeilles..
4.
Au fils chétif d'un étranger
Nos femmes tendent leurs mamelles,
Et lui, plus tard, croit déroger
En daignant s'asseoir auprès d'elles ;
De nos jours le droit du seigneur
Pèse sur nous plus despotique :
Nos filles vendent leur honneur
Aux derniers courtauds de boutique.
5.
Mal vêtus, logés dans des trous,
Sous les combles, dans les décombres
Nous vivons avec les hiboux
Et les larrons amis des ombres ;
Cependant notre sang vermeil
Coule impétueux dans nos veines ;
Nous nous plairions au grand soleil,
Et sous les rameaux verts des chênes.
6.
À chaque fois que par torrents
Notre sang coule sur le monde,
C'est toujours pour quelques tyrans
Que cette rosée est féconde ;
Ménageons le dorénavant,
L'amour est plus fort que la guerre ;
En attendant qu'un meilleur vent
Souffle du ciel ou de la terre.
Pierre Dupont (Paroles, musique et interprétation)
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Jacques Higelin (né en 1940)
Jacques Higelin est un auteur-compositeur-interprète, également acteur de théâtre et de cinéma dans plus de vingt films, le plus connu étant "Bébert et l'Omnibus" d'Yves Robert, en 1963.
Site ici : http://www.jacqueshigelin.fr/
La croisade des enfants
Pourra-t-on un jour vivre sur la terre
Sans colère, sans mépris
Sans chercher ailleurs qu’au fond de son cœur
La reponse au mystère de la vie
Dans le ventre de l’Univers
Des milliards d’étoiles
Naissent et meurent à chaque instant
Où l’homme apprend la guerre à ses enfants
J’suis trop petit pour me prendre au sérieux
Trop sérieux pour faire le jeu des grands
Assez grand pour affronter la vie
Trop petit pour être malheureux
Verra-t-on enfin les êtres humains
Rire aux larmes de leurs peurs
Enterrer les armes, écouter leur cœur
Qui se bat, qui se bat pour la vie
Dans le ventre de l’univers
Des milliards d’étoiles
Naissent et meurent à chaque instant
Où l’homme apprend la guerre à ses enfants
J’suis trop petit pour me prendre au sérieux
Trop sérieux pour faire le jeu des grands
Assez grand pour affronter la vie
Trop petit pour être malheureux
J’suis trop petit pour me prendre au sérieux ...
Jacques Higelin (Album "Aï", enregistré de 1983 à 1985)
Une chanson traditionnelle (variante : "le roi, sa femme et le p'tit prince") :
L'empereur, sa femme et le petit prince
Lundi matin, l'emp'reur, sa femme et le p'tit prince
Sont venus chez moi pour me serrer la pince
Comme j'étais parti
Le p'tit prince a dit :
"Puisque c'est ainsi nous reviendrons Mardi!"
Mardi matin, l'emp'reur, sa femme et le p'tit prince
Sont venus chez moi pour me serrer la pince
Comme j'étais parti
Le p'tit prince a dit :
"Puisque c'est ainsi nous reviendrons Mercredi!"
[on continue] :
Mercredi matin...
Jeudi matin...
Vendredi matin...
Samedi matin...
Dimanche matin, l'emp'reur, sa femme et le p'tit prince
Sont venus chez moi pour me serrer la pince
Comme j'n'étais pas là
Le p'tit prince se vexa :
"Puisque c'est comme ça nous ne reviendrons pas ! "
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Printemps des Poètes 2015
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Les chansons proposées dans cette page sont destinés aux élèves de tous âges, suivant le niveau de difficulté du texte.
Certaines ne s'adressent d'évidence qu'aux adultes.
ILes textes traitent majoritairement de l'opposition, de la rebellion, de la révolte, voire de la Révolution ou de la Résistance (avec et sans majuscule), aussi "l'indignation", dans le sens que donnait à ce terme Séphane Hessel (texte intégral d' "Indignez-vous" <<ICI).
❖ Les textes publiés n'ayant pas fait l'objet d'une demande d' autorisation (sauf exception), les ayants droit peuvent nous en demander le retrait.
Jean Ferrat
biographie parue chez Fayard en 2010
Je ne chante pas pour passer le temps
Il se peut que je vous déplaise
En peignant la réalité
Mais si j'en prends trop à mon aise
Je n'ai pas à m'en excuser
Le monde ouvert à ma fenêtre
Que je referme ou non l'auvent
S'il continue de m'apparaître
Comment puis-je faire autrement ?
Je ne chante pas pour passer le temps
Le monde ouvert à ma fenêtre
Comme à l'eau claire le torrent
Comme au ventre l'enfant à naître
Et neige la fleur au printemps
Le monde ouvert à ma fenêtre
Avec sa folie, ses horreurs
Avec ses armes et ses reîtres
Avec son bruit et sa fureur
Je ne chante pas pour passer le temps
Mon Dieu, mon Dieu, tout assumer
L'odeur du pain et de la rose
Le poids de ta main qui se pose
Comme un témoin du mal d'aimer
Le cri qui gonfle la poitrine
De Lorca à Maïakovski
Des poètes qu'on assassine
Ou qui se tuent pour quoi, pour qui ?
Je ne chante pas pour passer le temps
Le monde ouvert à ma fenêtre
Et que je brise ou non la glace
S'il continue à m'apparaître
Que voulez-vous donc que j'y fasse ?
Mon cœur, mon cœur, si tu t'arrêtes
Comme un piano qu'on désaccorde
Qu'il me reste une seule corde
Et qu'à la fin mon chant répète
Je ne chante pas pour passer le temps
paroles et musique de Jean Ferrat
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Grand Corps Malade
Grand Corps Malade
À l'école de la vie
J’y suis entré tout petit, sans le savoir, comme tout le monde
Derrière ses murs j’ai grandi et j’ai observé chaque seconde
J’y suis entré naturellement, personne m’a demandé mon avis
J’ai étudié son fonctionnement, ça s’appelle l’école de la vie
Faut savoir qu’ici tout s’apprend, les premières joies et les colères
Et on ne sort jamais vraiment de cet établissement solaire
À l’école de la vie, y a des matières obligatoires
Et certains cours sont en option pour te former à ton histoire
La vie démarre souvent avec le prof d’insouciance
Il est utile, il t’inspire et puis il te met en confiance
Mais juste après vient le cours des responsabilités
Tu découvres les maux de tête et les premiers contrôles ratés
Le cours de curiosité est un passage important
En le comprenant assez tôt, j’ai gagné pas mal de temps
Puis j’ai promis que je m’inscrirai dans le cours de promesses
Mais j’ai parfois été fort dans le cours de faiblesse
À l’école de la vie, tout s’apprend, tout s’enseigne
Tout s’entend, on s’entraîne, des matières par centaines
C’est l’école de la vie, j’ai erré dans ses couloirs
J’ai géré dans ses trous noirs, j’essaierai d’aller tout voir
En cours de grosse galère, j’ai eu quelques très bonnes notes
C’est ce genre de résultats qui te fait connaitre tes vrais potes
Ça m’a donné des points d’avance et une sacrée formation
Pour le cours de prise de recul et celui d’adaptation
Je me souviens du cours d’espoir, j’avais des facilités
À moins que je ne confonde avec le cours de naïveté
Puis y avait une filière mensonge et une filière vérité
J’ai suivi les deux cursus, chacun a son utilité
En cours de solitude, j’avais un bon potentiel
Se satisfaire de soi-même est un atout essentiel
Mais j’aime bien aussi l’ambiance qu’il y avait dans le cours de bordel
J’ai vite compris que l’existence se conjugue mieux au pluriel
C’est qu’en cours d’humanité j’ai eu deux très bons professeurs
On a eu des travaux pratiques tous les jours, moi et ma sœur
J’espère que petit à petit, j’ai bien retenu leurs leçons
Et qu’à l’école d’une autre vie, je transmettrai à ma façon
À l’école de la vie, tout s’apprend, tout s’enseigne
Tout s’entend, on s’entraîne, des matières par centaines
C’est l’école de la vie, j’ai erré dans ses couloirs
J’ai géré dans ses trous noirs, j’essaierai d’aller tout voir
En cours d’histoire d’amour, j’ai longtemps été au fond de la classe
Le cul contre le radiateur, j’ai bien cru trouver ma place
Mais en pleine récréation, alors que je n’attendais rien
J’ai reçu ma plus belle leçon et le prof m’a mis très bien
Au cours de liberté y avait beaucoup d’élèves en transe
Le cours d’égalité étaient payants, bravo la France !
Pour la fraternité, y avait aucun cours officiel
Y avait que les cours du soir, loin des voies institutionnelles
Alors on saigne, on cicatrise, on se renseigne, on réalise
Les bons coups et les bêtises ; on s’allie, on se divise
Moi, pour comprendre l’existence un peu plus vite ou un peu mieux
J’ai choisi le cours d’enfance en ville, et j’ai même pris l’option banlieue
Reste qu’en cours de bonheur, le prof était souvent malade
On s’est démerdés tout seuls, on a déchiffré ses charades
Autodidacte en sentiments, y aura pas d’envie sans piment
Dans mes cahiers en ciment, moi, j’apprends la vie en rimant
À l’école de la vie, tout s’apprend, tout s’enseigne
Tout s’entend, on s’entraîne, des matières par centaines
C’est l’école de la vie, j’ai erré dans ses couloirs
J’ai géré dans ses trous noirs, j’essaierai d’aller tout voir.
Grand Corps Malade
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Enfant de la ville
J’avoue que c’est bon de se barrer à la mer ou à la campagne
Quand tu ressens ce besoin, quand ton envie de verdure t’accompagne
Nouvelles couleurs, nouvelles odeurs, ça rend les sens euphoriques
Respirer un air meilleur ça change de mon bout de périphérique
Est-ce que t’as déjà bien écouté le bruit du vent dans la forêt
Est-ce que t’as déjà marché pieds nus dans l’herbe haute, je voudrais
Surtout pas représenter l’écolo relou à 4 centimes
Mais la nature nourrit l’homme et rien que pour ça faut qu’on l’estime
Donc la nature je la respecte, c’est peut-être pour ça que j’écris en vers
Mais c’est tout sauf mon ambiance, j’appartiens à un autre univers
Si la campagne est côté face, je suis un produit du côté pile
Là où les apparts s’empilent, je suis enfant de la ville
Je sens le cœur de la ville qui cogne dans ma poitrine
J’entends les sirènes qui résonnent mais est-ce vraiment un crime
D’aimer le murmure de la rue et l’odeur de l’essence
J’ai besoin de cette atmosphère pour développer mes sens
Je suis un enfant de la ville, je suis un enfant du bruit
J’aime la foule quand ça grouille, j’aime les rires et les cris
J’écris mon envie de croiser du mouvement et des visages
Je veux que ça claque et que ça sonne, je ne veux pas que des vies sages
Je trempe ma plume dans l’asphalte, il est peut-être pas trop tard
Pour voir un brin de poésie même sur nos bouts de trottoirs
Le bitume est un shaker où tous les passants se mélangent
Je ressens ça à chaque heure et jusqu’au bout de mes phalanges
Je dis pas que le béton c’est beau, je dis que le béton c’est brut
Ca sent le vrai, l’authentique, peut-être que c’est ça le truc
Quand on le regarde dans les yeux, on voit bien que s’y reflètent nos vies
Et on comprend que slam et hip-hop ne pouvaient naître qu’ici
Difficile de traduire ce caractère d’urgence
Qui se dégage et qu’on vit comme une accoutumance
Besoin de cette agitation qui nous est bien familière
Je t’offre une invitation pour cette grande fourmilière
J’suis allé à New York, je me suis senti dans mon bain
Ce carrefour des cultures est un dictionnaire urbain
J’ai l’amour de ce désordre et je ris quand les gens se ruent
Comme à l’angle de Broadway et de la 42ème rue
Je suis un enfant de la ville, je suis un enfant du bruit
J’aime la foule quand ça grouille, j’aime les rires et les cris
J’écris mon envie de croiser du mouvement et des visages
Je veux que ça claque et que ça sonne, je ne veux pas que des vies sages
Je me sens chez moi à Saint-Denis, quand y’a plein de monde sur les quais
Je me sens chez moi à Belleville ou dans le métro New-yorkais
Pourtant j’ai bien conscience qu’il faut être sacrément taré
Pour aimer dormir coincé dans 35 mètres carrés
Mais j’ai des explications, y’a tout mon passé dans ce bordel
Et face à cette folie, j’embarque mon futur à bord d’elle
A bord de cette pagaille qui m’égaye depuis toujours
C’est beau une ville la nuit, c’est chaud une ville le jour
Moi dans toute cette cohue je promène ma nonchalance
Je me ballade au ralenti et je souris à la chance
D’être ce que je suis, d’être serein, d’éviter les coups de surin
D’être sur un ou deux bons coups pour que demain sente pas le purin
Je suis un enfant de la ville donc un fruit de mon époque
Je vois des styles qui défilent, enfants du melting-pot
Je suis un enfant tranquille avec les poches pleines d’espoir
Je suis un enfant de la ville, ce n’est que le début de l’histoire
Grand Corps Malade
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Éducation Nationale
J’ m’appelle Moussa et j’ai dix ans, j’ suis en CM2 à Épinay
Ville du quatre-vingt-treize où j’ai grandi et où j’ suis né
Mon école, elle est mignonne, même si les murs sont pas tout neufs
Dans chaque salle y a plein de bruit. Moi, dans ma classe, on est vingt-neuf
Y a pas beaucoup d’élèves modèles et puis on est un peu dissipés
J’ crois qu’ nous sommes ce qu’on appelle "des élèves en difficulté"
Moi, en maths, j’suis pas terrible mais c’est pas pire qu’en dictée
Ce que je préfère c’est seize heures, j’ retrouve les grands dans mon quartier
Pourtant, ma maîtresse, j’ l’aime bien. Elle peut être dure mais elle est patiente
Et si jamais je comprends rien, elle me réexplique, elle est pas chiante
Elle a toujours plein d’idées et plein de projets pour les sorties
Mais on n’a que deux cars par an qui sont prêtés par la mairie
J’ crois que mon école, elle est pauvre, on n’a pas de salle informatique
On n’a que la cour et le préau pour faire de la gymnastique
À la télé, j’ai vu que des classes faisaient du golf en EPS
Nous, on n’a que des tapis, des cerceaux et la détresse de nos maîtresses
Alors, si tout s’ joue à l’école, il est temps d’entendre le SOS
Ne laissons pas s’ creuser le fossé d’un enseignement à deux vitesses
Au milieu des tours, y a trop de pions dans le jeu d’échec scolaire
Laissons pas nos rois devenir fous dans des défaites spectaculaires
L’enseignement en France va mal. Personne peut nier la vérité
Les zones d’éducation prioritaires ne sont pas des priorités
Les classes sont surchargées, pas comme la paye des profs, minés
Et on supprime des effectifs dans des écoles déjà en apnée
Au contraire, faut rajouter des profs et d’autres métiers qui prennent la relève
Dans des quartiers les plus en galère, créer des classes de quinze élèves
Ajouter des postes d’assistants ou d’auxiliaires qui aident aux devoirs
Qui connaissent les parents et accompagnent les enfants les plus en retard
L’enseignement en France va mal. L’état ne met pas assez d’argent
Quelques réformes à deux balles pour ne pas voir le plus urgent
Un établissement scolaire sans vrais moyens est impuissant
Comment peut-on faire des économies sur l’avenir de nos enfants ?
L’enseignement en France va mal car il rend pas les gens égaux
Les plus fragiles tirent l’alarme mais on étouffe leur écho
L’école publique va mal car elle a la tête sous l’eau
Y a pas d’éducation nationale, y a que des moyens de survie locaux
Alors continuons de dire aux p’tits frères que l’école est la solution
Mais donnons-leur les bons outils pour leur avenir car, attention !
La réussite scolaire dans certaines zones pourrait rester un mystère
Et l’égalité des chances un concept de ministère
Alors, si tout s’ joue à l’école, il est temps d’entendre le SOS
Ne laissons pas s’ creuser le fossé d’un enseignement à deux vitesses
Au milieu des tours, y a trop de pions dans le jeu d’échec scolaire
Laissons pas nos rois devenir fous dans des défaites spectaculaires
J’ m’appelle Moussa et j’ai dix ans, j’ suis en CM2 à Épinay
Ville du quatre-vingt-treize où j’ai grandi et où j’ suis né
C’est pas d’ ma faute à moi si j’ai moins de chances d’avoir le bac
C’est simplement parce que j’ vis là que mon avenir est un cul-de-sac
Grand Corps Malade
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Abd Al Malik
Soldat de plomb
Soldat de plomb
Soldat de plomb
Tout maigre dans ma grosse veste qui me servait d’armure,
J’avais du shit dans mes chaussettes et j’fesais dans mon pantalon,
Soldat de plomb, soldat de plomb,
J’avais juste 12 ans les poches remplies d’argent,
J’avais déjà vu trop de sang,
Soldat de plomb, soldat de plomb,
J’étais adolescent quand j’ai vu le destin prendre un calibre et me descendre un par un,
Mort par overdose, par arme à feu, par arme blanche, ou par pendaison,
Soldat de plomb, soldat de plomb,
Bien sûr qu’un sourire nous aurait fait plaisir, juste un peu d’attention, et peut être ça aurait été autrement,
Nous aurions été des enfants normaux et pas des enfants soldats,
Soldat de plomb, soldat de plomb,
Ça ne pouvait finir qu’en drame quand nous étions dans cette cave et que tout notre escadron s’est mis à sniffer de la came,
Soldat de plomb, soldat de plomb,
Des copines que j’avais connu belles s’étaient changées en loques humaines à cause de l’héroïne qu’elles s’étaient injectées dans les veines,
Soldatesses fatiguées,
Soldat de plomb, soldat de plomb,
Certains de mes proches, de mes frères, décidèrent de faire sauter la banque à coups de revolver,
5, 10, 15 ans fermes et on ne parle plus que par lettres,
Soldat de plomb, soldat de plomb,
Sous le volant les câbles pendent, il roulait vite pour pas se faire prendre, l’explosion sonna, Boum ! Et il se fit prendre,
Soldat de plomb, soldat de plomb,
Sans oublier les histoires bêtes, un contrôle d’identité on finit une balle dans la tête,
Soldat de plomb, soldat de plomb,
Alors ça finit en émeute, en guerre rangée, CRS casqués contre jeunes en meutes enragées,
Soldat de plomb, soldat de plomb,
Alors aujourd’hui quand j’entends des journalistes me dire que parler de paix et d’amour ça ne sert a rien si ce n’est divertir, j’pense à ces mecs et ces meufs dont l’ultime demeure est sous une croix ou tournés vers la Mecque,
Ces petits mecs et ces petites meufs qu’on considérera jamais comme des héros ou même comme de simple victimes de guerre, pour moi je n’vous oublie pas et en votre mémoire éternelle, je ferai tout pour faire la paix avec moi-même, et avec les autres aussi,
Pour un monde meilleur, vive la France arc-en-ciel, unie et débarrassée de toutes ses peurs,
Soldat de plomb, soldat de plomb,
Donne moi la main, donne moi la main, donne moi la main, donne moi la main ...
Abd Al Malik
Printemps des Poètes 2015
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