PRINTEMPS DES POÈTES 2009   -  En rires
textes en français et création poétique
MATERNELLE, CYCLE 2, CYCLE 3, COLLÈGE, LYCÉE

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PRINTEMPS DES POÈTES 2009 - L’HUMOUR - textes en français avec suggestions de CRÉATION POÉTIQUE

par auteurs G  -  H  -   I  -  J -  K  - L

les textes accompagnés de fiches de création poétique sont indiqués par [+ CRÉATION]


TEXTES D’AUTEURS   G   H  I  J  K  L


Pierre Gamarra : La pendule [+ CRÉATION] / Le cosmonaute et son hôte / Le moqueur moqué

Robert Gélis : Mon stylo [+ CRÉATION]  / Matin d'automne / Rencontre / L'Important /Eh! Oui / Alphabet

Luce Guilbaud : Dans ma boîte  [+ CRÉATION] / Un déjeuner de fous / Le nuage / Une petite maison / Le monstre de pierre / Une image / Le petit rêve / Le vent / J'étais perdue

Guillevic : Recette / Image  [+ CRÉATION] / Le glyptodon / Ma girafe et moi / Fabliette du mauvais boeuf / Euclidiennes [+ CRÉATION]

Jacqueline et Claude Held : Acrobatie / Ballade pour un métro / Grillon de lune / Monsieur Pissenlit / Transformations

Henri Heurtebise : Tarzan / Prévention [+ CRÉATION]

Max Jacob : Pour les enfants et pour les raffinés (À Paris sur un cheval gris... - Je te donne pour ta fête...) / Avenue du Maine / Souris et Mouric / Chanson bretonne

Georges Jan : Dans le panier (comptine), voir COMPTINES, CHANSONS et PETITS POÈMES DIVERS (page 1)

Jean L'Anselme : Art poétique / Congés payés / Le guépard / Impératifs / Un poète / Monsieur X / L'éclair au chocolat / La Darne de Lieu

Boby Lapointe : La maman des poissons / Ta Katie t'a quitté [+ CRÉATION] / Le poisson fa / Méli-mélodie [+ CRÉATION

Michel-François Lavaur : L'éléphantastique [+ CRÉATION]

Madeleine le Floch : Vers exclusif / Ver de mer / Vert de Lune / Haricot vert / Vertige [+ CRÉATION]

Madeleine Ley : La girafe / En rêve j'ai trouvé  [+ CRÉATION] / L'araignée

Jean Lescure : Poèmes carrés  [+ CRÉATION] / L'encre (calligramme) / Poème pour bègue

Bernard Lorraine : Le tapissier et le pâtissier / Le rhinocéros / Le dromadaire / Comptine du trappeur (comptine)

- Pierre Gamarra -

Pierre Gamarra, écrivain ("Le maître d'école") et poète, est né en 1919.

La pendule

Je suis la pendule, tic !
Je suis la pendule, tac !
On dirait que je mastique
Du mastic et des moustiques
Quand je sonne et quand je craque
Je suis la pendule, tic !
Je suis la pendule, tac !

J’avance ou bien je recule
Tic-tac, je suis la pendule,
Je brille quand on m’astique,
Je ne suis pas fantastique
Mais je connais l’arithmétique,
J’ai plus d’un tour dans mon sac,
Je suis la pendule, tac !
Je suis la pendule, tac !

Pierre Gamarra  ("Mon Cartable et autres poèmes à réciter" - ID livre jeunesse, 2006)


Les objets s'expriment 

Il n'y a pas de raison (non, il n'y en a pas), comme les animaux, les objets parlent, et ça peut être drôle. On fera raconter en vers rimés ou libres, par les objets de notre entourage, leurs tracas et leurs plaisirs, peut-être leurs aventures ? Penser aux objets domestiques : Le frigo, la machine à café, le téléviseur, la console de jeux, le téléphone, même le paillasson ou l'éponge,  et aux autres, qu'ils nous appartiennent ou pas : la voiture, un avion, le caddie de supermarché, le cartable, le ballon de rugby ...

  1. Autres possibilités : Faire raconter les objets naturels (la rivière, une montagne, la mer), ou artificiels du paysage (un pont sur le fleuve, la cour de récréation, une tour d'habitation promise à la démolition, un clocher d'église, le coq du clocher...) Les animaux évidemment, domestiques ou sauvages, disparus ou bien actuels. De nombreux textes peuvent servir de modèle.

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Le cosmonaute et son hôte

Sur une planète inconnue,
un cosmonaute rencontra
un étrange animal;
il avait le poil ras,
une tête trois fois cornue,
trois yeux, trois pattes et trois bras !
« Est il vilain! pensa le cosmonaute
en s'approchant prudemment de son hôte.
Son teint a la couleur d'une vieille échalote,
son nez a l'air d'une carotte.
Est ce un ruminant? Un rongeur? »
Soudain, une vive rougeur
colora plus encor le visage tricorne.
Une surprise sans bornes
fit chavirer ses trois yeux.
" Quoi! Rêvé je ? dit il. D'où nous vient, justes cieux,
ce personnage si bizarre sans crier gare !
Il n'a que deux mains et deux pieds,
il n'est pas tout à fait entier.
Regardez comme. il a l'air bête,
il n'a que deux yeux dans la tête !
Sans cornes, comme il a l'air sot !"
C'était du voyageur arrivé de la Terre
que parlait l'être planétaire.
Se croyant seul parfait et digne du pinceau,
il trouvait au Terrien un bien vilain museau.
Nous croyons trop souvent que, seule, notre tête
est de toutes la plus parfaite!

Pierre Gamarra (" Salut, Monsieur de la Fontaine" - éditions ART, Le Temps des cerises)

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Le moqueur moqué


Un escargot se croyant beau,
Se croyant gros, se moquait d'une coccinelle.
Elle était mince, elle était frêle !
Vraiment, avait-on jamais vu insecte aussi menu !
Vint à passer une hirondelle
Qui s'esbaudit du limaçon.
Quel brimborion, s'écria-t-elle !
C'est le plus maigre du canton !
Vint à passer un caneton.
Cette hirondelle est minuscule,
Voyez sa taille ridicule !
Dit-il sur un ton méprisant.
Or, un faisan
aperçut le canard et secoua la tête :
Quelle est cette si minime bête
Au corps si drôlement bâti !
Un aigle qui planait leur jeta ces paroles :
Êtes-vous fous ? Êtes-vous folles ?
Qui se moque du précédent sera moqué par le suivant.
Celui qui d'un autre se moque
A propos de son bec, à propos de sa coque,
De sa taille ou de son caquet,
Risque à son tour d'être moqué !

Pierre Gamarra ("
Salut, Monsieur de la Fontaine" - éditions ART, Le Temps des cerises)

- Robert Gélis -


Robert Gélis, romancier et poète pour la jeunesse, est né en 1938. Il a publié des recueils de poésies (Poèmes à tu et à toi, En faisant des galipoètes...) et des contes (Histoires et contes du loup-phoque...) d'humour et d'humanité. On le retrouvera dans les poésies C2 pour la classe (Mon stylo) et dans la catégorie Printemps des Poètes 2008, l'Autre (texte titré : L'autre, Visite).

... "L'Important, c'est d'accrocher des rires
Aux branches sèches de la vie …"

Robert Gélis, extrait du poème "L'Important"

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Mon stylo

Si mon stylo était magique
Avec des mots en herbe,
J'écrirais des poèmes superbes,
Avec des mots en cage,
J'écrirais des poèmes sauvages.

Si mon stylo était artiste,
Avec les mots les plus bêtes,
J'écrirais des poèmes en fête,
Avec des mots de tous les jours
J'écrirais des poèmes d'amour.

Mais mon stylo est un farceur
Qui n'en fait qu'à sa tête,
Et mes poèmes sur mon coeur
Font des pirouettes.

Robert Gélis


À la manière de "si mon stylo..."

Un travail en CM1, ICI, inspiré par "Mon stylo" ; une "approche de la poésie en classe de SEGPA avec ce texte, ICI" et toujours en s'inspirant de ce modèle, des productions d'élèves, ICI

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Matin d'automne

La ville se secoue,
Se trémousse et s'ébroue ;
Elle se gratte les flancs
En grognant,
Car, dans sa fourrure d'odeurs,
De bruits et de fumées,
Grouillent des puces affairées :
Les gens qui courent à leur travail.

Robert Gélis

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Rencontre

Madame la pianiste,
Dans les rues plutôt tristes,
Promenait ses mélodies,
Comme chaque lundi …

Et monsieur le poète,
Des rêves plein la tête,
Tenait en laisse, lui,
Des poèmes gentils…

Ils se sont rencontrés
Et, quelques mois après,
En plein temps des moissons,
Sont nées… trente-six chansons !

Robert Gélis ("En faisant des galipoètes" - Anthologie de Poche - Éditions Magnard, 1983)

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Un poème pas amusant du tout, mais qui fait la part belle au rire :

L'Important

- C'est quoi, l'Important ?
- L'Important, c'est d'accrocher des rires
Aux branches sèches de la vie…

- C'est quoi, la Vie ?
- La Vie, c'est chercher son étoile
Dans le fouillis du ciel…

- C'est quoi, le Ciel ?
- Le Ciel, c'est ce qu'on ne peut voir
Qu'en fermant les yeux…

- C'est quoi, les Yeux ?
- Les Yeux, ce sont des forges vives
où s'embrasent les rêves…

- C'est quoi, les Rêves ?
- Les Rêves….

C'est ce qui est important…

Robert Gélis ("En faisant des galipoètes" - Anthologie de Poche - Éditions Magnard, 1983)

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Eh ! Oui

Ils ont coupé
Le vieux pommier
Roi du verger
Et en tronçons l'ont débité

De ces morceaux ont fabriqué
Une échelle pour monter
Cueillir des pommes du pommier
Ont été bien déçus
Car de pommier... il n'y en a plus.

Robert Gélis

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Alphabet

A B C D
Je ne veux pas céder !
E F G H
Il faut que je me fâche !
I J K L
Cette sacrée demoiselle
M N O P
Ne manque pas de toupet !
Q R S T
Elle me fait pester !
U V W X
Elle en vaut bien six !
Y Z
Encore une fois... je cède !

Robert Gélis ("En faisant des galipoètes" - Anthologie de Poche - Éditions Magnard, 1983)

- Luce Guilbaud -


Luce Guilbaud, enseignante en arts plastiques, écrivain et poète, est née en 1941.
On trouvera d'autres textes pour la classe dans les catégories rangées par cycles.
Deux ouvrages parmi d'autres : Le dé bleu, ; La petite fille aux yeux bleus.

Pas de rire aux éclats, un sourire, de la gaieté, ou du moins la joie de vivre, dans ces poèmes, dont les titres sont suggérés par le blog :

Dans ma boîte

J’aurai une grande boîte
pleine de soleil
pour les jours de pluie
pleine de sourires
pour les jours de grogne
pleine de courage
pour les jours de flemme.

Et dans ma boîte j’aurai aussi
plein de coquillages
pour écouter la mer.

Luce Guilbaud



À la manière de "Dans ma boîte" ...

Voir ici des productions d'élèves :
en CE1 : http://ecoles18.tice.ac-orleans-tours.fr/php5/rosieres/articles.php?lng=fr&pg=159si
et en CM2 ici, sous forme de petit livre à plier au format pdf :
http://petitslivres.free.fr/petitslivres/AUT/SEB0708002C.pdf

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Un déjeuner de fous

J’organise aujourd’hui
un déjeuner de fous
une chasse à l’herbe folle
un braconnage de fruits verts.
Nous boirons sous les pommiers
du cidre de la pleine lune,
nous ferons un jardin
des moissons d’amitié
de mots sans trèves
et de soleils givrés.
Et dans ce paysage
de rêveries bruissantes
nous danserons
sur l’ennui des dimanches.


Luce Guilbaud ("La petite feuille aux yeux bleus" - Éditions Le farfadet bleu/Le dé bleu, 1998)

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Le nuage

Un joli nuage blanc
arrive sur la ville
il joue
entre les toits
entre les tours
entre les flèches
il passe sur les ponts
et se voit gris
dans les reflets de l'eau
il se sent fatigué
il tousse un peu
il se regarde dans les vitrines
il se fait peur
il est devenu noir

le nuage s'en va
lâchant quelques larmes
quelques gouttes de pluie
il va se refaire une santé
à la campagne.

    Luce Guilbaud

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Une petite maison

Une petite maison de branches
Avec sa porte d’herbes
Et son lit de mousse
Une petite maison dans les bois
Pour cacher ses secrets
Pour inventer le monde.
Une petite maison
Une cabane
Pour être ici
Pour être ailleurs
Dans nos histoires.


Luce Guilbaud ("Une cigale dans la tête" - Éditions Le farfadet bleu/Le dé bleu, 1998)

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Le monstre de pierre

Le vent et la pluie me hantent
Le gel fait craquer mes grimaces
Le soleil me nargue et me brûle
Mais je lui tire la langue !

Je ricane et je vocifère
Je gronde et je balbutie
J’étonne et j’effraie
J’ai mille frères et mille soeurs
Avec des queues des cornes
Des griffes des écailles des hures
Des groins des serres
Des dents pointues
Des trognes ébouriffées
Des nez épatés des yeux exorbités

Armé de piques de fourches
Je harcèle, j’étrangle, j’étripe
J’ouvre les portes de l’enfer
Je suis griffon, cerbère, chimère
Je suis un monstre de pierre.

Luce Guilbaud ("Loup y es-tu ?" - éditions Enfance heureuse)

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Une image

Quel dommage,
Pensait une image
D’être attachée sur cette page !
Car la belle image
Rêvait de voyage
Et de vent du large
Elle en pleurait de rage
Mais un vieux sage
Conseilla l’image :
"Pour partir en voyage ?
Il suffit de tourner la page !"

Luce Guilbaud

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Le petit rêve

C’est un petit rêve léger
Un rêve bien plié sous mon oreiller
C’est un rêve doux et chaud
Qui va pieds nus dans l’herbe fraîche,
Un rêve transparent
Qui glisse entre les yeux
Et se blottit sous les paupières.
C’est un rêve coloré qui murmure
Encore en moi quand le soleil
Ouvre ma porte.
C’est un petit rêve léger
Qui accompagne ma journée.

Luce Guilbaud ("Les oiseaux sont pleins de nuages" - éditions Soc et Foc)

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Le vent

Je plains le vent
Le vent se plaint
le vent gémit
le vent souffre quand il souffle
le vent voudrait se reposer
déposer sa douleur
dans le creux d’un rocher
danser avec les mouettes
doucement tranquillement
les emporter sur un nuage
le vent rêve de tendresse
mais il est condamné à hurler
à déchirer les feuilles mortes
à griffer nos visages dans la pluie
ça le met en colère le vent
d’être si méchant !
Alors il s’emporte et devient fou
le vent tornade tempête
sa douleur n’a plus de bornes
il détruit tout sur son passage
puis il s’arrête essoufflé désespéré
dans un lointain désert
et là-bas il s’endort
en rêvant de caresses.
Je plains le vent.

Luce Guilbaud

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J’étais perdue

J’étais perdue dans la ville
Entre les façades noires
Et les boutiques bariolées
J’étais perdu parmi la foule
J’avais perdu mon nom
Et le chemin de ma maison.
C’est en suivant un pigeon
Puis un couple de personnes
Qu’au détour des violettes
Et du bleu des arbres
J’ai retrouvé mon nom
Et le chemin de ma maison.


Luce Guilbaud

- Guillevic -

Eugène  Guillevic dit Guillevic tout court* (1907-1997) a traversé le XXe siècle et ses courants littéraires de sa poésie rocailleuse et si humaine. Il observe le surréalisme (André Breton, Paul Éluard) sans y appartenir ... Lire la suite de cette présentation dans la catégorie qui lui est consacrée, colonne de gauche du blog.
(*) Guillevic ne souhaitait pas qu'on mentionne son prénom.

Recette

Prenez un toit de vieilles tuiles
un peu avant midi.

Placez tout à côté
un tilleul déjà grand
remué par le vent.

Mettez au-dessus d'eux
un ciel de bleu, lavé
par des nuages blancs.

Laissez-les faire.
Regardez-les.

Guillevic (extrait de "Avec" - éditions Gallimard, 1966)



Une recette amusante et poétique

Imiter une recette de fabrication (cuisine, bricolage) pour créer un paysage est déjà une drôle d'idée.
On pourra, sans tomber dans la soupe de sorcière, imaginer une liste d'ingrédients et d'ustensiles, de produits et d'outils, existants ou inventés, inhabituels en tous cas, pour un résultat poétique. Un peu en marge de ce travail, voir la "Complainte du progrès", de Boris Vian, pour rester dans la cuisine.

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Image

Sous les herbes,
ça se cajole,
ça s’ébouriffe et se tripote,
ça s’étripe et se désélytre,
ça s’entregrouille et s’entrefouille,
ça s’écrabouille et se barbouille,
ça se chatouille et se dépouille,
ça se mouille et se déverrouille,
ça se dérouille et se farfouille,
ça s’épouille et se tripatouille.
Et du calme le pré
Est la classique image.

Guillevic ("Étier", poèmes 1965-1975 - éditions Gallimard, 1979)



Inventer des mots

Comme Guillevic, on peut farfouiller, dérouiller, écrabouiller la matière des mots, comme une terre glaise, pour en inventer de nouveaux.
Ici, et dans le texte d'Henri Michaux plus loin, ce sont les verbes qui sont concernés.
Voir aussi les tripatouillages de Boby Lapointe et de Boris Vian.

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Le glyptodon

Je rencontre un glyptodon
Qui traînait son ventre à terre.
Je lui dis : mais qu’as-tu donc ?
Il répond : le quaternaire.

Oui, vois-tu, je sens qu’il vient,
Que c’est la fin du tertiaire
Et donc aussi notre fin,
C’est dans tous les dictionnaires.

Il n’y aura plus d’égards
Pour nos grandes carapaces,
Puisqu’il y aura les chars :
Ça fait plus mal quand ça passe.

C’est pourquoi je suis atteint.
Savoir la fin de son règne
N’est jamais bon pour le teint,
Qu’on soit dieu ou musaraigne.

Guillevic ("Poèmes en chansons" - publication phonogram Philips Livre-disque 33 tours, 1976 ; texte mis en musique et chanté par Max Rongier)

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Ma girafe et moi

Moi, ça m’est bien égal,
Ce qu’ils font.

J’ai un cheval dans ma poche
Et d’ailleurs c’est une girafe.

Alors, quand c’est à moi
Qu’on veut s’en prendre, hop là !

On est loin,
Ma girafe et moi.

Et eux
N’y comprennent rien.

Guillevic ("Autres" - 1980)

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Fabliette du mauvais bœuf

Le mauvais bœuf
Ne voulait pas
Etre vendu, mais vendre.
A la ville voisine
Il emmena
Un beau jour son patron.

Il fut déçu.
Le ramena.

Guillevic ("Autres" - 1980)

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Textes extraits du recueil "Euclidiennes" :

Triangles
(numérotation des poèmes proposée)

1. Isocèle

J'ai réussi à mettre
Un peu d'ordre en moi-même.
J'ai tendance à me plaire.

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2. Équilatéral

Je suis allé trop loin
Avec mon souci d'ordre,
Rien ne peut plus venir.

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3. Rectangle

J'ai fermé l'angle droit
Qui souffrait d'être ouvert
En grand sur l'aventure.

Je suis une demeure
Où rêver est de droit.

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Diagonale

Pour aller où je dois aller,
J'ai le droit de priorité,
J'ai le droit de propriété.

Car il faut que deux angles
À travers la surface
Aient communication.

Donc je m'installe et sans égard
Pour des desseins moins nécessaires.

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Droite

Au moins pour toi,
Pas de problème.

Tu crois t'engendrer de toi-même
À chaque endroit qui est de toi,

Au risque d'oublier
Que tu as dû passer
Probablement au même endroit.

Ne sachant même pas
Que tu fais deux parties
De ce que tu traverses,

Tu vas sans rien apprendre
Et sans jamais donner.

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Carré

Chacun de tes côtés
S'admire dans les autres.

Où va sa préférence ?
Vers celui qui le touche
Ou vers celui d'en face ?

Mais j'oubliais les angles
Où le dehors s'irrite

Au point de t'enlever
Les doutes qui renaissent.

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Cercle

Tu es un frère
On peut s'entendre.

Fais-moi pareil,
Enferme-moi.

Réchauffons-nous,
Vivons ensemble
Et méditons.

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Angle aigu

A défaut d'être cercle
On pourrait se faire angle,

Et sinon vivre au calme,
Attaquer l'entourage,

Se reposer ensuite
En rêvant de fermer

L'autre côté toujours
Ouvert sur l'étranger.

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Parallèles

On va, l’espace est grand,
On se côtoie,
On veut parler.
Mais ce qu’on se raconte
L’autre le sait déjà,
Car depuis l’origine
Effacée, oubliée,
C’est la même aventure.
En rêve on se rencontre,
On s’aime, on se complète.
On ne va plus loin
Que dans l’autre et dans soi.

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Perpendiculaire

Facile est de dire
Que je tombe à pic.
Mais c'est aussi sur moi
Que l'autre tombe à pic.

Guillevic ("Euclidiennes"  1967 - Gallimard)



Poésie géométrique

Proposer en exemple un des objets géométriques connus des élèves, triangle, carré, droite, angle, que Guillevic a curieusement mis en scène dans ses poèmes, en les faisant s'exprimer à la première personne. Les élèves seront invités à en choisir un autre (dont on n'aura pas présenté l'interprétation de Guillevic, pour ne pas orienter la production).
Ils en rechercheront la définition et les propriétés mathématiques et construiront un très court "portrait" ou une petite saynète. Plusieurs objets peuvent interférer.
Le cercle, avec ses "accessoires", rayon, diamètre, arc, ... convient particulièrement. Ne pas oublier les objets en 3 D : cube, cylindre, pyramide, sphère.
Autres possiblités : étendre le procédé aux chiffres, aux opérations mathématiques.

- Jacqueline et Claude Held -

Jacqueline Held et Claude Held, enseignants et auteurs contemporains (ils sont tous deux nés en 1936), écrivent séparément ou ensemble des livres pour la jeunesse et les plus grands, recueils de poésies, albums, romans, théâtre.

Poèmes en forme de comptine :

Acrobatie

Ma maison n’a pas de porte.
Ma maison n’a pas de fenêtre.
Ma maison n’a pas de plancher.
La porte, je veux bien m’en passer.
La fenêtre, je veux bien m’en passer.
Ce qui me manque le plus, peut-être,
Quand je marche, c’est le plancher.

Jacqueline et Claude Held

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Poème en forme de marabout-bout d'ficelle :

Ballade pour un métro (extrait, début et fin)

Ralentir :
Rat lent tire.
Tire le signal.
Signal d'alarme.
Larme à l'oeil.
Boeuf sur la langue.
Langue dans la bouche.
Bouche de métro.
Métro Alésia.
Alésia de bataille.
Bataille rangée.
Rangée d'oignons.
Oignons d'hiver.
Hiver pluvieux.
Vieux chiffons,
Ferraille à vendre,
Peaux de mouton.
Mouton-Duvernet
...

Ouf ouf
On descend à la prochaine.

Jacqueline et Claude Held


Suite de syllabes (Marabout, bout d'ficelle)

Ce jeu est bien connu. Il consiste à construire une suite de mots liés comme les maillons d'une chaîne, par une (ou deux) syllabe(s) commune(s). On retombe si possible sur le mot de départ pour fermer la chaîne. La suite des mots peut constituer un poème quelque peu loufoque.

cette activité est décrite à la page des comptines  :
illustration : le serpent qui se mord la queue

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Grillon de lune 

Le grillon de la lune a mis ses patins d'argent est parti à quatre pattes dans l'aventure.
Il a acheté chez le marchand de lune une étoile de mer, une étoile de neige et un sifflet d'un sou.
Quand le grillon de lune siffle trois coups les cosmonautes grimpent sur leur éléphant blanc.
Quand le grillon de lune siffle deux coups les cosmonautes partent à la pêche à la lumière.
Quand le grillon de lune siffle un seul coup les parents ferment la télévision et les enfants s'endorment.

Jacqueline et Claude Held

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Poème en forme de comptine :

Le pissenlit

Monsieur Pissenlit l'élégant
Le lundi porte des gants.
Monsieur Pissenlit le bravache
Le mardi porte moustache.
Le mercredi porte conseil,
Le jeudi ne porte rien,
Le vendredi porte bonheur,
Le samedi porte une fleur,
Une fleur à sa boutonnière
Qu'il a cueillie en hélicoptère.

Jacqueline Held

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Transformations

L'enchanteur Merlin se changea en chien.
Le petit garçon ne dit rien.

L'enchanteur Merlin se changea en chat.
Le petit garçon bâilla.

L'enchanteur Merlin se changea en chinchilla.
Le petit garçon rebâilla.

L'enchanteur Merlin se changea en souris.
Le petit garçon s'endormit.

Moralité:
il n'y a plus d'enfant.

Jacqueline Held (recueil anthologique de J Hugues Malineau : "Premiers poèmes pour toute ma vie" - éditions Milan, 2003)

- Henri Heurtebise -


Henri Heurtebise est né en 1936. Il est avec René Cazajous, le fondateur en 1970 de la revue poétique Multiples, qu'il dirige toujours.

Pour découvrir l'auteur et la revue sur la Toile : http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/heurtebise/heurtebise.html
Adresse postale de la revue : "Multiples" Henri Heurtebise,  9, chemin du Lançon, 31410 Longages.

Dans la présentation qu'il fait de lui-même sur le site du
Printemps des Poètes, Henri Heurtebise explique :
"Pour ce qui est de ma poésie, j'ai trois écritures : celle qui pense (dans "discrétions poétiques"), celle qui rit
(Adam et Eve, Monsieur de non Juan), celle qui chante.
Dans mes poèmes, que depuis 1991 j'appelle odes, j'ai toujours chanté. J'entends par là, depuis quelques années, que la musique et le rythme doivent être premiers. Sans négliger le sens (...)
Ecrire pour moi, que je réfléchisse, que je rie ou que je chante, est porter à la meilleure forme (irrécusable et intraduisible) la plus forte humanité dans un monde que je voudrais qualitatif ..."

Tarzan

D'un bond
Tarzan
pénétra l'affiche
Les couleurs giclèrent sur les agents qui ameutèrent le peuple des HLM
Les voitures haletèrent

trop tard
aux quatre coins de l'affiche

Les demoiselles tranquilles et les paisibles mariages reprenaient leur circulation

Henri Heurtebise, 1969 (dans la revue Poésie 1 n°28-29, "L'enfant et la poésie", de janvier-février 1973 - éditions Librairie Saint Germain-des-Prés)

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Prévention   (titre suggéré pour ce poème en forme de publicité)

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À l'usine
Au bureau
Dans les champs

ASSUREZ-VOUS CONTRE L'AMOUR

Un regard est si vite arrivé !

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Henri Heurtebise, 1969 (dans la revue Multiples qu'il dirige, numéro 4, "Spécial Humour",printemps 1971)



Publicité, slogan poétique
Les publicistes rivalisent d'inventivité pour vendre leurs produits. Les slogans publicitaires usent et abusent des jeux de mots, des quiproquos.
Il faudra  trouver un "produit" (au sens large) à vendre, et un argument humoristique pour inviter à son achat. Autres pistes, comme dans le texte "Prévention", un avertissement, une interdiction ... Les textes seront courts, frappants.
On pourra créer une véritable affiche en mariant création textuelle et arts plastiques

Exemple proposé par le blog :
pour une  jardinerie, ce jeu de mots avec illustration suggérant la force, la puissance :

L'oignon fait la fleur

L'exercice se rapproche du détournement de proverbes (voir Luc Decaunes). 

 

- Max Jacob -

Max Jacob (1876-1944) était un écrivain, un poète et un peintre, ami de peintres cubistes comme Pablo Picasso, Georges Braque et Juan Gris, et de poètes, comme Guillaume Apollinaire, puis plus tard, de Jean Cocteau, Modigliani, et encore Marcel Béalu, Michel Manoll, René-Guy Cadou et Jean Rousselot.
Il est auteur de contes pour enfants, et de nombreux recueils de poésie, certains en prose ("Le Cornet à dés" est d'abord édité en 1917 à compte d'auteur).

La suite de cette présentation apparaîtra avec le poème "Amour du prochain" dans la page du printemps des Poètes 2008 («éloge de l’autre») en préparation, et qu’on trouve toujours ici sur le blog, .

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Souvent présentés comme deux textes différents, en réalité, il s'agit de deux strophes du même poème. La première strophe est représentée en calligramme (dans l'ouvrage "Il était une fois...les mots" - textes réunis par Yves Pinguilly et «typoscénie» d'André Belleguie, aux éditions La Farandole/Messidor, 1981) :


Pour les enfants et pour les raffinés (extraits)

 

À Paris sur un cheval gris
À Nevers sur un cheval vert
À Issoire sur un cheval noir
Ah ! Qu'il est beau
qu'il est beau
Ah ! Qu'il est beau
Qu'il est beau!
Tiou !

[...]

Je te donne pour ta fête
Un chapeau noisette
Un petit sac en satin
Pour le tenir à la main
Un parasol en soie blanche
Avec des glands
sur le manche
Un habit doré sur tranche
Des souliers couleur orange.
Ne les mets que le dimanche.
Un collier, des bijoux !
Tiou !

Max Jacob ("Les œuvres burlesques et mystiques de Frère Matorel"- Henry Kahnweiler, 1912)

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Avenue du Maine

Les manèges déménagent.
Manège, ménageries, où ?… et pour quels voyages
Moi qui suis en ménage
Depuis… ah ! il y a bel âge !
De vous goûter, manèges,
Je n'ai plus … que n'ai–je ?…
L’âge.
Les manèges déménagent.
Ménager manager
De l’avenue du Maine
Qui ton manège mène
Pour mener ton ménage !
Ménage ton ménage
Manège ton manège.
Ménage ton manège.
Manège ton ménage.
Mets des ménagements
Au déménagement.
Les manèges déménagent,
Ah ! vers quels mirages ?
Dites pour quels voyages
Les manèges déménagent.

Max Jacob ("Les œuvres burlesques et mystiques de Frère Matorel"- Henry Kahnweiler, 1912)

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Souric et Mouric

Souric et Mouric,
Rat blanc, souris noire,
Venus dans l’armoire
Pour apprendre à l’araignée
À tisser sur le métier
Un beau drap de toile.

Expédiez-le à Paris,
à Quimper, à Nantes,
C’est de bonne vente !
Mettez les sous de côté,
Vous achèterez un pré,
Des pommiers pour la saison
Et trois belles vaches,
Un bœuf pour faire étalon.

Chantez, les rainettes,
Car voici la nuit qui vient,
La nuit on les entend bien,
Crapauds et grenouilles,
Écoutez, mon merle
Et ma pie qui parle,
Écoutez, toute la journée,
Vous apprendrez à chanter.

Max Jacob ("Poèmes de Morven le Gaélique" édité en 1953, posthume et en Poésie-Gallimard, 1991). Francis Poulenc a composé une musique sur les paroles de ce poème.

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Chanson bretonne

J'ai perdu ma poulette
Et j'ai perdu mon chat.
Je cours à la poudrette
Si Dieu me les rendra.
Je vais chez Jean le Coz
Et chez Marie Maria.
Va-t'en voir chez Hérode
Peut-être il le saura.
Passant devant la salle
Toute la ville était là
À voir danser ma poule
Avec mon petit chat.
Tous les oiseaux champêtres
Sur les murs et sur les toits
Jouaient de la trompette
Pour le banquet du roi.

Max Jacob ("Poèmes de Morven le Gaélique" édité en 1953, posthume et en Poésie-Gallimard, 1991)

- Jean L'Anselme -

Jean L'Anselme, nom d'auteur de Jean-Marc Minotte (1919- 30 décembre 2011) est un poète vivant, comme on l'écrivait ici. Maintenant qu'il a disparu physiquement de notre horizon, il reste un poète atypique, comme on le dit parfois des auteurs qui déconcertent, qui n'entrent pas dans les catégories normalisées.

Quelques titres d'ouvrages de Jean L'Anselme, tous parus aux éditions Rougerie :
Ça ne casse pas trois pattes à un canard et après (2005) ; La chasse d'eau, les poèmes cons, manifeste suivi d'exemplesLe ris de veau (1995) ; Pensées et proverbes de Maxime Dicton, banalités, bêtises, paradoxes, balivernes, lieux communs et autres propos sérieux de l'auteur (1991). (2001) ;

Voici un passage à lire aux élèves :
"...On ne naît pas poète, on naît comme on est, c'est-à-dire comme tout le monde. N'importe qui peut être poète, je suis moi-même n'importe qui. Il n'y a d'ailleurs pas d'école où on enseigne la poésie pour en ressortir avec un CAP alors que, dans les autres domaines de l'art, il existe des conservatoires et des académies. C'est une réalité à laquelle on ne songe guère. Nous sommes donc des millions de poètes comme toi. Souvent sans le savoir ..."
et il termine presque par ceci :
"À présent oublie tout ce que je viens de te dire et n'écoute pas les autres..."

Jean L'Anselme - Conseils à un jeune poète (éditorial du n° 13 de la revue Poésie Première, à lire intégralement ici : http://poesiepremiere.free.fr/Lanselme.html).

Quelques facettes de l'humour grinçant, noir ou loufoque de l'auteur :

Art poétique

Vingt fois sur le métier
dépolissez l'ouvrage,
un vers trop poli
ne peut pas être...au net.
Méfiez-vous des vers luisants !
Faites du vers dépoli
votre vers cathédrale.
un poème au pied bot
ne peut être que bancal.

Jean L'Anselme (Vers dépolis, dans le recueil "La Foire à la ferraille" - Éditeurs Français Réunis, 1974)

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Congés payés

Moi dit la cathédrale je voudrais être coureur à pied pour
pouvoir lâcher mes béquilles
Moi dit le pont je voudrais être suspendu pour pouvoir sauter
A la corde
Moi dit l’imagination je voudrais être riche pour pouvoir
emmener L’Anselme en vacances
Moi dit la Seine je voudrais être mer pour avoir des enfants
qui jouent dans le sable

Jean L'Anselme ("Il fera beau demain" - Éditions Caractères / Imprimerie de poètes, 1952)

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Le guépard

Le guépard est une magnifique bête de l'espèce des félidés. Mais, à l'encontre des animaux de cette famille, il ne possède pas des griffes mais des ongles, comme le chien.
Sa course est superbe; c'est un spectacle inoubliable mais fort rare car généralement on court devant.

Jean L'Anselme (Vers dépolis, dans le recueil "La Foire à la ferraille" - Éditeurs Français Réunis, 1974 et dans "La nouvelle guirlande de Julie", anthologie de Jacques Charpentreau, - Éditions Ouvrières, 1976)

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Impératifs

Le poulet, une fois cuit, réclame d'être mangé sur-le-champ.
Le veau ne souffre pas d'être consommé cru, le cheval en revanche le tolère.
Le lapin demande à être écorché vif ; le lièvre préfère attendre.
Le homard exige d'être plongé vivant dans l'eau bouillante.
Et nous, plus bêtes que les bêtes, comme toujours, nous nous laissons faire par tout le monde.

Jean L'Anselme (Vers dépolis, dans le recueil "La Foire à la ferraille" - Éditeurs Français Réunis, 1974)

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Un poète (titre suggéré)

- Mais qu’est-ce qu’un poète ?
- C’est quelqu’un qui ne passe jamais à la télévision parce qu’il n’est pas connu.
- Et pourquoi n’est-il pas connu ?
- Parce qu’il ne passe jamais à la télévision.

Jean L'Anselme

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Monsieur X *

C'était un vieux hibou
affreux comme un pou
avec son caillou
nu comme mon genou.

Mais comme il était chou
quand il faisait joujou
avec son chien Bijou !

Jean L'Anselme

* devinette pour les élèves : pourquoi Monsieur "X" ?

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L'éclair au chocolat

Dans l'éclair au chocolat
ce qui est sur le dessus
et ce qui est à l'intérieur
ça n'a pas la même couleur.
Le dessus ressemble à du chocolat
Mais pas le dedans.
On est aussi souvent chocolat
avec les gens qu'on ne connaît pas.

Jean L'Anselme (dans l'anthologie de Jacques Charpentreau, "La poésie comme elle s'écrit" - Éditions Ouvrières, 1979)

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La Darne de Lieu

J'ai déjà pêché l'ablette et l'épinoche, mais jamais la Darne de Lieu. On m'en apporte pourtant sur mon assiette. La Darne de Lieu est un poisson curieux, plat pour le genre mais épais, plutôt rond de forme avec de la peau sur la tranche et non sur le desus et le dessous. Il possède une arête centrale rayonnante. Plus bizarre encore, il n'a ni tête ni queue apparentes. Malgré son nom ce n'est pas, à ce qu"on dit, un poisson noble. Comment peuvent-ils donc, en pêche sous-marine, distinguer cela d'un bifteck ?

Jean L'Anselme ("Très cher Onésime Dupan de Limouse" - éditions Rougerie, 1966)

- Boby Lapointe -


Boby Lapointe (1922-1972) est natif de Pézenas, dans l'Hérault. Poète, chanteur ? Les deux. C'est un humoriste, un joueur de mots hors pair, qu'il sait si bien mettre en musique, dont il faut réécouter plusieurs fois les interprétations  pour saisir les astuces de langage. (photo coffret Intégrale 33 tours, présenté par son ami Georges Brassens - clic pour agrandir l'image)

On verra plus bas que Boby Lapointe est proche du mouvement Dada. Pas d'allusion ici au "Saucisson de cheval", titre d'une de ses chansons, mais plus précisément aux contraintes linguistiques qu'il s'est imposées avec le système "Bibi-binaire" de son invention.

On pourra s'amuser dans le texte qui suit, à repérer les jeux de mots et les doubles-sens :

La maman des poissons (extrait)

Si l'on ne voit pas pleurer les poissons
qui sont dans l'eau profonde
C'est que jamais quand il sont polissons
leur maman ne les gronde.

Quand ils s'oublient à fair' pipi au lit,
ou bien sur leurs chaussettes
Ou à cracher comme des pas polis,
elle reste muette

La maman des poissons
elle est bien gentille
Elle ne leur fait jamais la vie
Ne leur fait jamais de tartines
Ils mangent quand ils ont envie
Et quand ça a dîné ça r'dine
[...]
La maman des poissons
Elle a l'œil tout rond
On ne la voit jamais froncer les sourcils
Ses petits l'aiment bien, elle est bien gentille
Et moi je l'aime bien avec du citron
[...]
S'ils veulent être maquereaux
C'est pas elle qui les empêche
De s'faire des raies bleues sur le dos
Dans un banc à peinture fraîche
[...]
La maman des poissons
Elle a l'œil tout rond
On ne la voit jamais froncer les sourcils
Ses petits l'aiment bien, elle est bien gentille
Et moi je l'aime bien avec du citron

....

La maman des poissons
elle est bien gentille

Boby Lapointe - paroles et musique (éditions musicales Francis Dreyfus, 1971)

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Dans ce texte, Boby Lapointe joue avec les sonorités, les allitérations :

Ta Katie t'a quitté (extrait)

Ce soir au bar de la gare
Igor hagard est noir
Il n'arrête guère de boire
Car sa Katia, sa jolie Katia
Vient de le quitter
Sa Katie l'a quitté

Il a fait chou-blanc
Ce grand-duc avec ses trucs
Ses astuces, ses ruses de Russe blanc
Ma tactique était toc
Dit Igor qui s'endort
Ivre mort au comptoir du bar

Un Russe blanc qui est noir
Quel bizarre hasard se marrent
Les fêtards paillards du bar
Car encore Igor y dort
Mais près d'son oreille
Merveille un réveil vermeil
Lui prodigue des conseils
Pendant son sommeil

Tic-tac tic-tac
Ta Katie t'a quitté
Tic-tac tic-tac
Ta Katie t'a quitté
Tic-tac tic-tac
T'es cocu qu'attends-tu ?
Cuite-toi t'es cocu
T'as qu'à, t'as qu'à t'cuiter
Et quitter ton quartier
Ta Katie t'a quitté
Ta tactique était toc
Ta Katie t'a quitté
Ote ta toque et troque
Ton tricot tout crotté
Et ta croûte au couteau
Qu'on t'a tant attaqué
Contre un tacot coté
Quatre écus tout comptés
Et quitte ton quartier
Ta Katie t'a quitté
[...]

Boby Lapointe - paroles et musique (éditions musicales Intersong Tutti, 1975)



Allitérations

Voir aussi  Pierre Coran

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Le poisson fa (extrait)

Il était une fois
Un poisson fa.
Il aurait pu être poisson-scie,
Ou raie,
Ou sole,
Ou tout simplement poisson d'eau,

Ou même un poisson un peu là,
Non, non, il était poisson fa :
Un poisson fa,
Voilà.

Il n'avait même pas de dièse,
Et d'ailleurs s'en trouvait fort aise;
"C'est un truc, disait-il,
À laisser à l'écart,
Après, pour l'enlever,
Il vous faut un bécarre,
Et un bécarre,
C'est une chaise
Qui a un air penché et pas de pieds derrière;
Alors, très peu pour moi,
Autant m'asseoir par terre,
Non, non, non, non, non, non, non,
Pas de dièse.
[...]

Boby Lapointe - paroles et musique (éditions musicales Intersong Tutti, 1975)

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Boby Lapointe, mathématicien de talent reconnu, est l'inventeur du système numérique "Bibinaire"ou "Bibi-binaire", dont on aura un aperçu à cette adresse :
http://pagesperso-orange.fr/therese.eveilleau/pages/truc_mat/textes/bibinaire.htm.
L'ordinateur a créé des pseudo-mots (on en trouve aussi des authentiques... le hasard ?)  qui forment une suite, en fonction de ce programme et des sons que l'auteur lui a fournis. Il ne s'agissait pas de construire des phrases, il n'y a pas de liaison entre les termes obtenus :

Adéli adémo mélami adéli
Laminja olala émiléli mimé
Malila jédélo mémimo odéli
Ladémi démodé admila matimé

À l'issue de cette production, Boby Lapointe a eu l'idée d'une chanson avec des mots existants : Méli-mélodie, dont voici juste un aperçu, vu que nous avons censuré certains pas-sages (on les trouvera ailleurs) :

Méli-mélodie

Oui, mon doux minet, la mini,
Oui, la mini est la manie
Est la manie de Mélanie
Mélanie l'amie d'Amélie...
[...]

Des minous menus de Lima
Miaulant dans les dais de damas
Et dont les mines de lama
Donnaient mille idées à Léda...

Léda dont les dix dents de lait
Laminaient les mâles mollets
D'un malade mendiant malais
Dinant d'amibes amidonnées
Mais même amidonnée l'amibe
Même l'amibe malhabile
Emmiellée dans la bile humide
L'amibe, ami, mine le bide...
Et le dit malade adulé
Dont Léda limait les mollets
Indûment le mal a donné
Dame Léda l'y a aidé !
[...]

Et les minets de maux munis
Mendiant de midi à minuit
[...]
Ah la la la la ! Quel méli mélo, dis !
Ah la la la la ! Quel méli mélo, dis !

Boby Lapointe - paroles et musique, 1968 (éditions Labrador, I.N.A. 1994)



Jouer avec les sons, inventer des mots

Choisir comme dans le quatrain original ("adéli, adémo...") des sons durs ou plus doux, suivant l'impression à produire. Lister les différentes combinaisons possibles (modèle mathématique), et essayer des arrangements pour la création d'une suite de pseudo-mots musicaux, évocateurs, drôles.

Deux options possibles :

  1. Utiliser les ressemblances avec des mots existants (parfois ces mots directement) et structurer ces suites de termes comme des phrases en plaçant déterminants, pronoms, prépositions, etc  :

ex (en gardant les sons du texte original) : lamilé a matimé toute la mélami avec l'odéli démodé d'adémo

  1. Ne garder de la recherche que les mots reconnus, pour créer une petite histoire, forcément absurde, à la manière de Boby Lapointe dans sa chanson Méli-mélodie. C'est un exercice similaire au jeu des allitérations (ci-dessus, "Ta Katie t'a quitté, tic tac...") avec des assonances en prime :

ex (avec les mêmes  sons) : Oh la la ! Mélanie la maline a démoli la mélodie d'Émilie à midi ! Émilie est éliminée !

Voir aussi Guillevic, Henri Michaux, Boris Vian. 

- Michel-François Lavaur -

Michel-François Lavaur, poète français et néanmoins occitan est né en 1935. Il a publié la plupart de ses textes dans des revues (Traces, pour celui qui est présenté ici).

L’éléphantastique

Ils jouaient dans la classe
avec les mots et les images.
Ils apprivoisaient
peu à peu le langage.
Ils faisaient des charades,
des rébus, des comptines,
des bouts-rimés des acrostiches
et des calligrammes.
Ils dessinaient tout un bestiaire
d’oiseaux quadrupèdes,
velus ou bicéphales,
des martaureaux et des cerfeuilles,
des serpaons et des escargorilles.
C’est ainsi qu’il est né,
avec sa trompe longue
de papillon et ses
huit pattes frêles,
l’éléphantastique.

Michel-François Lavaur (dans la revue "Traces", juillet 1990)


Mots-valises

Brigoler : éclater de rire en plantant un clou.
dans "Ralentir : mots-valises !" (Alain Finkielkraut, éditions du Seuil)

Un mot-valise est créé par fusion de deux mots ayant une syllabe commune, la dernière du premier mot et la première du second.
Exemple ici : éléphant / fantastique = éléphantastique (orthographié ainsi pour mettre l'accent sur l'animal, mais ce mot pourrait s'écrire éléfantastique.
On observera que les monosyllabes (paon) se situent forcément en dernière position, et que c'est alors l'orthographe modifiée qui indique le mariage, puisqu'il n'y a pas de différence perceptible à l'oreille ( serpent + paon = serpaon).

En s'aidant du dictionnaire, on recherchera des mots commençant par une syllabe de préférence sonore. À partir de la liste établie, on effectuera une seconde recherche, comme pour les rimes, de mots terminés par la même syllabe (sans tenir compte de l'orthographe). Dans un troisième temps, on expérimentera les mariages de mots, selon le thème et l'effet recherché.

Si on travaille sur un thème particulier pour construire un texte cohérent, il peut être intéressant de réunir de la documentation (livres sur les animaux, les plantes, catalogue de jouets, etc.)

Parfois, plusieurs syllabes sont communes ex : musaraigne + araignée = musaraignée.
Par nécessité, on s'accordera le droit de bricoler une syllabe, à condition que les mots fusionnés soient encore facilement repérables. ex : kangourou + rossignol = kangourossignol.
Les mots composés seront pris en compte. ex : souris + rigolote = sourigolote, et chauve-souris + rigolote = chauve sourigolote.

et autre


Création arts plastiques : "Animots-valise"
Encore un mariage (on dira pas de raison) entre la production d'écrit et les arts plastiques. Ici, on mesure l'étendue des possibilités, imagination et techniques pour illustrer les monstres hybrides produits à l'écrit  : découpage-collage, 3D...

- Madeleine Le Floch -


Madeleine Le Floch est une auteure contemporaine, qui a publié en 1975 "Petits contes verts pour le printemps et pour l'hiver". Un recueil dans lequel elle joue avec les différents sens, les à-peu-près et les homonymies du vert, pour l'écriture de (quand même !) soixante-treize petits poèmes. En voici un échantillon :


Vers exclusif *

La mer
en s'en allant
écrivait sur le sable
un poème

que le vent
jaloux
effaçait.

Madeleine Le Floch ("Petits contes verts pour le printemps et pour l'hiver" - Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1975)

* Dans le recueil, ce texte porte le titre "Vert exclusif". Puisqu'il s'agit d'un poème que la mer écrit jalousement, est-ce une faute de frappe, ou faut-il titrer "Vers exclusifs" ?

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Oiseau vert

Il était une fois
un oiseau
que l'on avait
enfermé
dans une cage.

Du matin au soir
il criait:
que je suis malheureux!
Ah! que je suis donc
malheureux!

Comme il chante bien
disait la petite fille.

Madeleine Le Floch ("Petits contes verts pour le printemps et pour l'hiver" - Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1975)

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Ver de mer

Un poisson connaissait par cœur
les noms de tous les autres poissons.
Il connaissait les algues, les courants,
les sédiments, les coquillages.
C’était un érudit.
Il exigeait d’ailleurs qu’on l’appelât «maître » !
Il savait tout de la mer
Mais il ignorait tout de l’homme.
Et un jour il se laissa prendre au bout
d’un tout petit hameçon.

Madeleine Le Floch ("Petits contes verts pour le printemps et pour l'hiver" - Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1975)

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Vert de lune

Une idée fixe
un soir de carnaval
se déguisa en cerf-
volant
et se laissa
monter
jusqu'à la lune
où elle germa.

Quand vous irez sur
la lune
si vous rencontrez un cerf-
volant
ou une fleur
qui a l'air de venir
d'ailleurs
méfiez-vous!

C'est peut-être
une idée fixe
qui cherche
à redescendre.

Madeleine Le Floch ("Petits contes verts pour le printemps et pour l'hiver" - Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1975)

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Deux poèmes sous  forme de calligrammes :

Haricot vert

L
e

ha
ri
cot
vert
était
très
comp
lexé
dep
uis
que
sa
li
gn
e
n’
ét
ai
t
pl
us
à
l
a
m
o
d
e

Madeleine Le Floch ("Petits contes verts pour le printemps et pour l'hiver" - Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1975)

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Vertige ("vert-tige", vous aviez deviné)


Madeleine Le Floch ("Petits contes verts pour le printemps et pour l'hiver" - Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1975)



Calligrammes : voir Guillaume Apollinaire

- Madeleine Ley -

Madeleine Ley (1901-1981) est une romancière et poétesse belge.

La girafe

Je voudrais une girafe
Aussi haute que la maison
Avec deux petites cornes
Et des sabots bien cirés
Je voudrais une girafe
Pour entrer sans escalier
Par la lucarne du grenier.

Madeleine Ley ("60 poésies 60 comptines" - éditions Le Centurion)

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En rêve j'ai trouvé

En rêve j'ai trouvé
(Le joli, joli rêve !)
en rêve j'ai trouvé
la clochette enchantée
qui dit la vérité.

En rêve j'ai trouvé
(Était-ce bien un rêve ?)
en rêve j'ai trouvé
les miettes semées par le Petit Poucet !

En rêve j'ai trouvé
(L'étrange, étrange rêve !)
en rêve j'ai trouvé
la citrouille si grosse
qui se change en carosse !

Dans mon plus joli rêve,
au pied d'un blanc perron,
j'ai trouvé, Cendrillon,
ta pantoufle de verre ...

(Madeleine Ley ("Petites voix" - Éditions Stock, 1930)


Des exemples de création poétique en CE1 à la manière de Madeleine Ley :
http://www.ac-nancy-metz.fr/petitspoetes/HTML/SALLESDEJEUX/JEURIME.html 

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Voici un dernier poème de Madeleine Ley, moins situé dans le thème de l'humour :

L’araignée

Araignée grise
Araignée d’argent
Ton échelle exquise
Tremble dans le vent.
Toile d’araignée
Émerveillement
Lourde de rosée
Dans le matin blanc !
Ouvrage subtil
Qui frissonne et ploie
Ô maison de fil
Escalier de soie.
Araignée grise
Araignée d’argent
Ton échelle exquise
Tremble dans le vent.

Madeleine Ley ("Petites voix" - Éditions Stock, 1930)

- Jean Lescure -

Jean Lescure (1912-2005), poète engagé (dans la Résistance d'abord) est l'un des fondateurs de la revue poétique Messages , et plus tard de l'OULIPO.
Il est le créateur de la "méthode S + 7".(voir le paragraphe Raymond Queneau pour des modèles de création poétique avec cette technique).

Poèmes carrés



À foule qui se ferme sable sombre
Au sable ferme la foule sombre
Sombre, ferme, foule le sable
Foule ferme où sombre du sable

Jean Lescure ("Poèmes carrés", dans le recueil "Drailles" - éditions Gallimard, 1968)

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Feuille de rose porte d'ombre
Ombre de feuille porte rose
Feuille, porte l'ombre d'une rose
Feuille rose à l'ombre d'une porte
Toute rose ombre une porte de feuille

Jean Lescure ("Poèmes carrés", dans le recueil "Drailles" - éditions Gallimard, 1968)


Poèmes carrés

On fera observer aux élèves que les mots choisis par Jean Lescure pour son poème carré sont pris dans différents sens et changent de nature pour certains deux  fois : nom, adjectif ou verbe.
Il faudra donc trouver des mots qui acceptent ce traitement pour jouer avec eux.
Cette règle contraignante peut être aménagée.
Exemple : avec  orange, joue, neige

L'orange  joue dans la neige
Joue, neige, dans l'orange
La neige orange sur ta joue
Sur ta joue l'orange neige

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L'encre... (calligramme)


L'encre qu'il te faut bien jeter
Garde-toi qu'elle jette l'ancre

Si les poissons ont des arêtes
c'est pour que l'homme qui s'arrête
Sache qu'au sein des eaux premières
naît sans fin la rose trémière

Jean Lescure ("Treize poèmes" - éditions Gallimard, 1960)

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Un jeu de langage :

Poème pour bègue

À Didyme où nous nous baignâmes
les murmures de l’Ararat
cessaient de faire ce rare ah !
leçon sombre où brouiller les âmes.
Même et marine Marmara
tu tues un temps tendre à périr.
L’âme erre amère en des désirs
qui quitte enfin un art à rats.
Couvrez vraiment l’été, ténèbres !
Terre, tes ruines sont songeuses.
Pour pourrir rire est une heureuse
Ruse, uses-en ô l’ivre de tes fûts funèbres.

- Bernard Lorraine -

Bernard Lorraine (1933-2002) a publié 27 recueils de poésie  (Vitriol, Voilà, Provocation, Sentences, Burlesques ...) et 10 anthologies poétiques (Trésors des épigrammes satiriques ; Une Europe des poètes ; Le cœur à l'ouvrage : anthologie de la poésie du travail ; Un poème, un pays, un enfant ...) ainsi que des essais et des pièces de théâtre.

Le tapissier et le pâtissier

Un pâtissier faisait de la pâtisserie,
Son voisin tapissier de la tapisserie.
Lorsque le pâtissier fait sa pâtisserie
Sa pâtissière fait de la tapisserie,
Quand le tapissier vaque à sa tapisserie
Sa tapissière cuit de la pâtisserie.

Aussi retrouve-t-on des clous de tapissier
Dans la pâtisserie du voisin pâtissier,
Aussi retrouve-t-on les choux du pâtissier
Sur la tapisserie du voisin tapissier.
Et comme leurs moitiés sabotent leurs métiers,
Leur industrie et leur commerce en pâtissaient.

Moralité
Pâtissiers, pâtissez ! Tapissez, tapissiers !
À chacun son métier ! À chacun sa moitié.

Bernard Lorraine ("Jouer avec les poètes"  - Hachette, 1999)

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Comptine du trappeur

Toi, renard bleu,
je t’aime un peu.
Toi, castor blanc,
passablement.
Toi, caribou,
beaucoup, beaucoup.
Toi, noble élan,
passionnément.
Martre jolie,
à la folie.
Mais pas du tout
la peau du loup.

Bernard Lorraine ("Comptine du trappeur" - dans l'album de chansons d'animaux d'Hélène Bohy et Agnès Chaumie :
À tire d'aile)

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Deux poèmes, chacun sur deux rimes :

Le rhinocéros

Mieux vaut ne pas chercher de crosses
À Monsieur le rhinocéros.
Ce n'est pas qu'il soit très féroce,
Mais il pique une crise atroce
Et il devient fou dès que
Vous prenez les poils de sa queue
Pour en faire des balais-brosses.

Bernard Lorraine ("La ménagerie de Noé")

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Le dromadaire

"Si j'avais deux bosses au dos"
m'a confié un vieux dromadaire
aussi sobre que lapidaire,
"on me traiterait de chameau !"

Bernard Lorraine ("La ménagerie de Noé" - éditions Ouvrières/éditions de l'Atelier, collection L'Enfance heureuse, 1989)

 

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l’affiche officielle

et le projet en milieu scolaire à Mantes-la-Ville (Yvelines) >>

es textes proposés dans cette page ont déjà été mis en ligne en 2009 sur le blog lieucommun.canalblog.com où ils sont toujours :
PRINT POÈTES 2009 : L'HUMOUR des poètes - lieu commun
pour le PRINTEMPS DES POÈTES 2009, «EN RIRES»
La plupart visent une utilisation par les élèves d’ELEMENTAIRE, mais leur niveau va de la MATERNELLE au LYCÉE. Ce n’est pas indiqué faute de temps.