BERNARD DIMEY, poète, et pourquoi pas ?



Bernard Dimey
(1931-1981) était un oiseau de nuit parisien, Montmartre, les bistrots, les poivrots, les filles du trottoir, et ses amis artistes, peintres, chanteurs, acteurs de cinéma (il a écrit aussi des dialogues de films).

Poèmes, textes de chansons pour Henri Salvador (Syracuse est la plus célèbre, mais qui en connaît l'auteur ?), Michel Simon (Mémère, tu t'en souviens ...), Mouloudji, Patachou ...

Je possèdais déjà un recueil de poèmes : "Je ne dirai pas tout" , un CD et deux 33 tours, rayés, gravés de sa voix rayée, langage direct de son univers parisien populaire au vrai sens du mot, d'alcool et de tabac, de bistrot et de nuit, des textes en demi-teinte noire, donnés à entendre, simplement, le monde comme il ne va pas toujours, l'humour sans illusion, et ses rêveries de fumée, les paradis inaccessibles, mais la tendresse, la tendresse, et la certitude de mourir un jour à côté de la plaque.

J’ai depuis exploré tous ses livres et écouté ses textes, qu’il dit merveilleusement, car c’est aussi un comédien.

De beaux textes méconnus, nombreux et censurés parce qu'on ne respecte dans le commerce que la poésie qui ne dérange pas le commerce.
"Syracuse", c'est très bien, mais pourquoi ce monsieur Dimey a-t-il changé de style ? Parce que Dimey, c'est "Syracuse", "la mer à boire" et "Les copines du quartier", en même temps, ça dépend pas des jours.


Livres disponibles :

"Sable et cendre", "Je ne dirai pas tout", "Kermesses d'antan", "Le milieu de la nuit" ; tous aux éditions Pirot, autour de 15 € en librairie (mais maintenant la plupart des titres sont épuisés), pas en grande surface *. Et une discographie difficile à trouver aussi.

* N'oubliez pas que le prix du livre est le même partout depuis la loi Lang de 1981, et que le choix et le conseil se trouvent uniquement en librairie.

Je me hâte de faire à Bernard Dimey une petite page, une page à part.
Cet homme là mérite qu'on aille le chercher, exprès, ou qu'on le laisse cuver ses excès de vie, lui qui a écrit :

«Ivrogne... et pourquoi pas ? Je connais cent fois pire» ...

 

"Sable et cendre", un livre de poèmes de Bernard Dimey. Textes et dessins de l'auteur.
Ci-dessous, les CD des textes de Bernard Dimey dits ou mis en chansons (collection A Bial)
montage photo (il n’y a qu’un seul exemplaire)

bibio et discographie ici : http://www.fremeaux.com/index.php?option=com_content&task=view&id=6814&Itemid=0

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Je sens que le jour vient de la nuit qui s'installe,
Une superbe nuit, sans planète ni rien
Où j'irai naviguer, visiter les étoiles
Et parler de la terre où l'on était si bien.

«Je sens qu’il va falloir»

roi de rien


Je ne suis roi de rien, je règne sur le vent,
Sur des chemins perdus, sur des sables mouvants,
Sur d’anciens châteaux-forts et sur des cathédrales
englouties.


Je suis roi d’un soleil qui se meurt comme il peut,
J’ai l’air d’un vieux volcan refroidi peu à peu,
Je crois que ma parade à grands coups de cymbales
est finie.


Je ne suis roi de rien, ma couronne est en bois,
C’est scandaleux bien-sûr, c’est de mauvais aloi,
Je ne suis rien roi de rien mais je suis roi quand même
car je t’aime.


Alors le monde entier peut s’écrouler d’un coup,
J’ai le droit d’être pauvre et le droit d’être fou.
Je suis esclave et roi, je n’ai pas de problèmes
si tu m’aimes.


Je ne suis roi de rien que de mon avenir,
Qui n’est déjà plus rien qu’un désastre à venir,
Et l’intérieur de moi n’est plus qu’un paysage
en délire,


Je ne suis roi de rien, je suis comme un enfant
Qui reconstruit le monde en écoutant le vent.
Il ne me reste plus, je crois, que le courage
de te dire


que je t’aime


Je ne suis roi de rien mais je suis roi quand même
si tu m’aimes
encore un peu …


Bernard Dimey
(«Le milieu de la nuit» - Ed Christian Pirot)



Le français (pour nos amis québécois)


Moi qui vis à Paris depuis plus de vingt ans,

Qui suis né quelque part au coeur de la Champagne,

Jusqu’à ces temps derniers je m’estimais content,

Mais tout est bien fini, la panique me gagne.


Quand je lève mes yeux sur les murs de ma ville,

Moi qui n’ai jamais su plus de trois mots d’anglais,

Je dois parler par gestes… et c’est bien difficile…

Alors je viens chez vous retrouver le français.


Mes amis pour un rien se font faire des check-up,

Moi je me porte bien, j’en rigole de confiance,

J’écoute des longs playings le soir sur mon pick-up ;

Des rockmen, des crooners, y en a pas mal en France.


Et j’bouffe des mixed-up grills, des pommes chips à gogo,

Alors que j’aim’rais tant manger des pommes de terre

Avec des p’tits bouts d’foie et des p’tits bouts d’gigot,

Mais pour ça c’est fini, il faudra bien s’y faire.


On boit des lemon dry dans les snack-bars du coin,

En plein coeur de Paris ça me fait mal au ventre,

Et l’odeur des hot-dogs j’la sens v’nir de si loin

Que mon coeur se soulève aussitôt que j’y rentre.


Et l’on fait du footing, du shopping, des plannings,

De quoi décourager mêm’ la reine d’Angleterre.

Ma femme la s’main’ dernière s’est fait faire un lifting,

J’ai fait du happening pour passer ma colère.


Mais ça peut plus durer, j’peux plus vivre comm’ ça,

J’aime le vieux langage que parlaient mes ancêtres.

Je vous jure que chez nous il s’en va pas à pas

Tant pis pour nos enfants, ils s’y feront peut-être,


Mais moi je n’m’y fais pas, alors j’ai pris l’avion,

J’ai salué Paris du haut de ma nacelle,

Je suis venu chez vous chercher avec passion

Au bord du Saint-Laurent ma langue maternelle.


Bernard Dimey («Le milieu de la nuit» - Ed Christian Pirot)

 

Le grand-duc
(L'illustration est dans "Sable et cendre" , ci-dessus ; le texte, lui, se trouve dans "Je ne dirai pas tout")


Les grands oiseaux de nuit se dressent en silence

Toisant avec mépris de leurs yeux arrondis

La folie des humains essoufflés par la danse

Sans comprendre pourquoi ces fous les ont maudits.


Ils règnent sur la nuit, la violent, la traversent,

Savourant le silence ou le perçant d'un cri,

Jusqu'à l'heure où le jour et la nuit se renversent

Quand les engoulevents regagnent leurs abris.


Les oiseaux du malheur crucifiés sur les portes

Par la stupidité des animaux humains

N'ont jamais su pourquoi la jeune femme est morte

Ni quel mal inconnu a desséché ses mains.


Le grand-duc a connu toutes les nuits du monde.

Comment n'aurait-il pas ce masque de mépris ?

Il connaît le sabbat des femelles immondes

Et le rictus idiot de l'amour à tout prix.


Il connaît le rôdeur et l'envers de sa peau

L'œil glacé des Vénus qui s'acharnent à plaire,

Brebis cent fois mordues rejoignant le troupeau

Quand l'oiseau de ténèbres a rejoint son repaire.


Tous les oiseaux de nuit s'endorment à l'aurore,

À l'heure où je regagne ma chambre d'hôtel,

Mais la nuit reviendra pour nous reprendre encore

Jusqu'à la fin des fins qui guette les mortels.


Bernard Dimey (chapitre "Bestiaire de nulle part", dans le recueil "Je ne dirai pas tout" Ed Christian Pirot)

L'école, j'ai pas connu


L'école, j'ai pas connu, mon père vivait d' la chine

Pas d' la Chine des Chinois mais d' la chine des chineurs

À douze ans, j'embarquais mes toutes petites copines

Sur le marché aux puces qu'on connaissait par cœur

Dans nos poches y avait rien mais dans les poches du monde

Y avait de quoi s'offrir des sandwichs au pâté

Je sais très bien pourquoi ça s'appelle des profondes

Mais pour piger tout ça, y faut y avoir été


L'école, j'ai pas connu, mon vieux dans la ferraille

Il a jamais compris que ça pouvait servir

À table, ça jactait que perlouzes et joncaille

Des machins finalement qu'on a jamais vu v'nir

Les Gitans du secteur, le soir à la guitare

À minuit chez Louisette, venaient jouer pour nous

On bouffait comme des chefs, on rigolait dare-dare

Au p'tit jour on avait du coton dans les g’noux


L'école, j'ai pas connu, maint’nant j'ai passé l'âge

J'ai les pognes idéales pour compter sur mes doigts

J' connais tous les plaisirs qu'on attrape à la nage

Entre l'argent claqué et celui qu'on me doit

Ça fait rien, moi j'ai l' temps, j'ai la philosophie

J' sais pas ce que ça veut dire mais je l'ai, j'en suis sûr

A quarante-cinq balais, j'ai traversé la vie

Sans instruction ni rien, ma parole, c'est pas dur


L'école, j'ai pas connu, j'ai connu tout le reste

La façon d'être heureux, de se faire des amis

De jamais retourner ses poches ni sa veste

Et de toujours tenir le peu qu'on a promis

J'ai gardé mon nez propre et pour ça, y faut faire gaffe

Pour marcher sur mes pompes, j'ai fait tout c’ que j'ai pu

Y faut pas m'en vouloir si j'ai pas d'orthographe

Mais ça je n'y peux rien, l'école, j'ai pas connu


Bernard Dimey

Syracuse


J'aimerais tant voir Syracuse

L'île de Pâques et Kairouan

Et les grands oiseaux qui s'amusent

A glisser l'aile sous le vent.


Voir les jardins de Babylone

Et le palais du grand Lama

Rêver des amants de Vérone

Au sommet du Fuji-Yama.


Voir le pays du matin calme

Aller pêcher au cormoran

Et m'enivrer de vin de palme

En écoutant chanter le vent.


Avant que ma jeunesse s'use

Et que mes printemps soient partis

J'aimerais tant voir Syracuse

Pour m'en souvenir à Paris.


Bernard Dimey (chanté par Yves Montand et Henri Salvador - la musique est de Salvador)

Les enfants de Louxor


Quand je sens, certains soirs, ma vie qui s’effiloche

Et qu’un vol de vautours s’agite autour de moi,

Pour garder mon sang froid, je tâte dans ma poche

Un caillou ramassé dans la Vallée des Rois.

Si je mourrais demain, j’aurais dans la mémoire

L’impeccable dessin d’un sarcophage d’or

Et pour m’accompagner au long des rives noires

Le sourire éclatant des enfants de Louxor.


À l’intérieur de soi, je sais qu’il faut descendre

À pas lents, dans le noir et sans lâcher le fil,

Calme et silencieux, sans chercher à comprendre,

Au rythme des bateaux qui glissent sur le Nil,

C’est vrai, la vie n’est rien, le songe est trop rapide,

On s’aime, on se déchire, on se montre les dents,

J’aurais aimé pourtant bâtir ma Pyramide

Et que tous mes amis puissent dormir dedans.


Combien de papyrus enroulés dans ma tête

Ne verront pas le jour… ou seront oubliés

Aussi vite que moi?… Ma légende s’apprête,

Je suis comme un désert qu’on aurait mal fouillé.

Si je mourais demain, je n’aurais plus la crainte

Ni du bec du vautour ni de l’oeil du cobra.

Ils ont régné sur tant de dynasties éteintes…

Et le temps, comme un fleuve, à la force des bras…


Les enfants de Louxor ont quatre millénaires,

Ils dansent sur les murs et toujours de profil,

Mais savent sans effort se dégager des pierres

À l’heure où le soleil se couche sur le Nil.

Je pense m’en aller sans que nul ne remarque

Ni le bien ni le mal que l’on dira de moi

Mais je déposerai tout au fond de ma barque

Le caillou ramassé dans la Vallée des Rois


Bernard Dimey («La mer à boire» - Ed Christian Pirot)

L'école, j'ai pas connu, j'ai connu tout le reste

La façon d'être heureux, de se faire des amis

De jamais retourner ses poches ni sa veste

Et de toujours tenir le peu qu'on a promis.


«L'école, j'ai pas connu»

Moi qu’écris des chansons pour occuper mes heures

Je voudrais en faire une qu’on n’oublierait jamais

Afin que, parmi vous, un peu de moi demeure

Comme une fleur vivace aux marches du palais.

«Moi qu’écris des chansons»

Sortilèges


Dans les jardins de ma mémoire,

Sur les eaux calmes d’un étang

Où les licornes viennent boire

J’ai vu tes yeux se reflétant.

J’en redoute les sortilèges

Et ne m’approche qu’en tremblant

Pour mieux me laisser prendre au piège

Que j’ai redouté si longtemps.


Au jardin de la Mandragore

Je m’aventure chaque nuit,

Me promenant jusqu’à l’aurore

Malgré ton ombre qui me suit.

L’oiseau phénix au vol superbe

Peut disparaître et revenir,

Ses cendres répandues dans l’herbe

De toi me font ressouvenir.


Au jardin bleu des espérances

J’ai vu danser les paons de nuit

Sur les arpèges du silence

Où vient se perdre mon ennui.

Mais au premier souffle de brise

Le son de ta voix me revient

Et le songe soudain se brise,

De notre amour ne reste rien.


Bernard Dimey («Le milieu de la nuit» - Ed Christian Pirot)

Les imbéciles


L'imbécile de bonne souche

Mesure six pieds de hauteur,

Il peut exprimer par la bouche

Le plaisir comme la douleur.

N'ayant ni plume ni pelage

Contre la froidure ou le vent,

Il couvre son corps de lainages

Qu'il appelle des vêtements.

Selon de très anciens grimoires

La peste en a tué beaucoup,

Il se reproduit sans histoire

De la même façon que nous.


Il existe des imbéciles

De toutes sortes, évidemment.

On en rencontre dans les villes,

À la campagne également.

Dieu vous préserve de sa rage

Si vous le blessez par hasard.

Il est terrible quand il charge,

N'attendez pas qu'il soit trop tard,

Car à l'encontre des panthères

Dont ils ont la férocité,

Les imbéciles sur la terre

Vont et viennent en liberté.


Les imbéciles ont des femmes

Et leurs femmes ont des amants,

Ce qui provoque bien des drames,

Comme chez l'homme, exactement.

Il en est qui font des affaires

Et qui se déchirent entre eux,

D'autres qui rêvent solitaires,

Ce sont les imbéciles heureux.

Que chacun de vous se rassure,

Car si ce monstre fut légion,

Je vous dois la vérité pure :

Il n'y en a plus dans la région.


Bernard Dimey («Je ne dirai pas tout" - Ed Christian Pirot)

L’enfant maquillé


Je suis l’enfant dressé sur les places publiques

Maquillé par le temps, j’ai cinq siècles et demi

Je connais de la vie paroles et musique

Je fais peur quelquefois mais j’ai beaucoup d’amis

Je joue du tambourin pour les anniversaires

De ces dieux moribonds tournant au gré des vents

Que sont l’orgueil, la peur ou le désir de plaire

Vieillards, l’âge est venu d’avoir peur des enfants


Je n’ai pas de parents, je n’ai pas de patrie

Je parle avec les mains pour quelques initiés

Et je sais travestir ma sagesse en folie

Pour fair’ peur aux notaires, aux prêtres, aux épiciers

Je suis né, j’en ai peur, dans une cathédrale

À deux pas d’un bordel et d’un bain de vapeur

Ne vous étonnez pas si j’aime le scandale

Je suis de ces enfants dont il faut avoir peur


Un enfant qui ressemble à vos rêves imbéciles

Ceux que vous oubliez à l’instant du réveil

Je n’ai pas pour mission de vous laisser tranquille

Archange déguisé ou diable, c’est pareil

Que ça vous plaise ou non, je suis de votre époque

Un enfant maquillé qui a beaucoup vécu

Je vous laisse en partant mon rire et ma défroque

Je suis l’enfant trouvé que vous avez perdu.


Bernard Dimey

Ce poème  été mis en musique et chanté par Charmles Aznavour, avec ce refrain :
« L’enfant maquillé

Je suis
l’enfant maquillé » ...

Tiré du recueil "Le milieu de la nuit", ce dessin d'Yvette Cathiard, peintre, qui fut la compagne de l'auteur.



 

J’aimerais tant savoir


J’aimerais tant savoir comment tu te réveilles,

J’aurais eu le plaisir de t’avoir vue dormir

La boucle de cheveux autour de ton oreille,

L’instant, l’instant précieux où tes yeux vont s’ouvrir.

On peut dormir ensemble à cent lieues l’un de l’autre,

On peut faire l’amour sans jamais se toucher,

L’enfer peut ressembler au paradis des autres

Jusqu’au jardin désert qu’on n’avait pas cherché.


Quand je m’endors tout seul, comme un mort dans sa barque,

Comme un vieux pharaon je remonte le Nil.

Les années sur ma gueule ont dessiné leur marque,

Mes grands soleils éteints se réveilleront-ils ?

On dit depuis toujours "le soleil est un astre,

Il se lève à cinq heures ou sept heures du matin",

Mais chaque heure pour moi n’est qu’un nouveau désastre,

Il n’est pas sûr du tout qu’il fera jour demain.


Je ne suis jamais là lorsque tu te réveilles,

Alors je parle seul pour faire un peu de bruit,

Mes heures s’éternisent et sont toutes pareilles,

Je ne distingue plus ni le jour ni la nuit,

Je ne crois pas en Dieu mais j’aime les églises

Et ce soir je repense au gisant vénitien

Qui me ressemblait tant… Mais la place était prise

Toi seule sais vraiment pourquoi je m’en souviens.

Bernard Dimey

Une maison perdue


Une maison perdue entre ciel et fumée

Dressée comme un menhir, face à l’hiver qui vient

Une porte de bois qu’on n’a jamais poussée

Depuis le Moyen Âge et la niche du chien

Un chien qui s’est enfui dans la forêt voisine

Depuis cent cinquante ans et qui hurle à la mort

Pour effrayer de loin la bête Pharamine (*)

A l’heure où les sorciers mettent leur nez dehors


Une maison qui sent le lard jaune et les pommes

Avec un grand hibou immobile au grenier

Aussi seul qu’un vieux roi qui ne reçoit personne

Trônant sur des bouquins qui perdent leur papier

Photographies de belles au bois décolorées

Par cent ans de silence et qui sourient toujours

Poitrines de soldats fraîchement décorées

Vieilles dames à chignon au regard de vautour


Une maison de pierre au flanc de la montagne

D’où l’on peut voir la mer en montant sur le toit

Où l’on pourrait se croire quelque part en Espagne

Juste entre la Touraine et la Vallée des Rois

Un jardin tout autour où des milliers d’abeilles

Butineraient des fleurs dont j’ignore le nom

Et qui viendraient le soir chanter à mes oreilles

Leurs secrets, sans souci que je comprenne ou non


Une maison sans rien qu’une lampe à pétrole

Qu’on pourrait voir de loin, à trois heures du matin

Quand l’homme que je suis, retournant à l’école

Aux lignes d’un missel apprendrait le latin

Voyageurs inconnus qui ne sauriez qu’en faire

Achetez-la pour moi, je m’installe demain

Si jamais vous trouvez n’importe où sur la Terre

La maison dont je viens de vous faire un dessin.

Bernard Dimey


(*) source Wikipédia :
Dans le Mâconnais, la bête Pharamine, ou Faramine (de l’adjectif faramineux) est représentée sous la forme d’oiseau gigantesque, du moins en apparence, puisque, une fois tuée et plumée, la bête ne s'avère pas plus grosse qu'un poulet» !


Fleur de nuit


les étoiles s'endorment 

dans l'ombre de ta main 


la lune s'éloigne 

s'incline puis t'étreint 


aux lueurs de l'aube 

le jour embrase ta nuit 

 

le papillon ouvre sa fleur 

sur ta ligne de vie 


Bernard Dimey

En 1993, douze ans après sa disparition, Bernard Dimey est chanté par sa fille, Dominique Dimey.

Elle glisse dans l’album un texte dédié à son père : "Chanson pour Bernard"

Valérie Mischler, Mouloudji, Aznavour, Jehan, ils sont environ quatre-vingt à avoir chanté des textes de Bernard Dimey !


Ici le CD de Valérie Mischler, en 2004


Un poème de Bernard Dimey qu'on pourrait proposer aux élèves (il y en a peu !), mais quand même aux grands élèves, à plusieurs niveaux de lecture.

Le sentiment de solitude, la certitude de ne pas être compris, et l'humour, sa politesse du désespoir.


L'hippopotame


J'ai de l'hippopotame à peu près la rondeur,

Mais je ne vais dans l'eau que par inadvertance.

Je suis devenu sage et je crains les voyeurs,

Alors je m'engloutis sous les herbes et je pense.


L'hippopotame est doux mais son cuir est trop dur,

Son oeil est trop petit, sa narine est trop large.

Quand on est ainsi fait, le monde n'est pas sûr,

La seule solution est de survivre en marge.


Pourtant l'hippopotame est un bel animal,

Un peu mou, je sais bien, mais il est sympathique,

Il a peur des humains... et ça c'est bien normal.

Un jour, je m'en irai me noyer en Afrique.


Bernard Dimey ("Le milieu de la nuit"  - Christian Pirot Éditeur - petite collection).

Le 45T d’Henri Salvador avec «La crucifixion», un texte émouvant, profond et jubilatoire (si, c’est possible) qu’on peut écouter ici :

https://www.youtube.com/watch?v=3HLh1g-Ka8c

«Quand je serai mort, on dira du bien de moi»