KENNETH WHITE, nomade des territoires de lumière

TITRES DES TEXTES DE KENNETH WHITE ci-dessous

Sciure de neige - Vers l'hiver - Scènes d'un monde flottant - Les cygnes sauvages (extrait) - La lande de Rannoch - dans le train, un matin d'hiver - Au-dessus des herbes ... - Lumière du matin - Retrouvailles avec la rivière - Deux lettres de Bretagne - Le grand rivage - Finisterra - Marée basse à Landrellec - Wakan - Lumière de Scalpay - Sept vues de Virgin Gorda - Fin décembre au détroit de Jura - Le grand rivage - La vallée blanche

Sciure de neige

Neige
Sciure
D'anciennes forêts jetées bas
Les branches qui naguère
Portaient l'espoir de mon vagabondage
Ne désignent plus
Le lointain rivage
Où le soleil
Attendait que j'advienne

Tous les sentiers sont recouverts
Et ce qui était par delà est mort

Plus rien
Hors moi
Qui tombe
Sciure
Neige

Kenneth White ("En toute candeur", chapitre "Poèmes du Monde blanc", traduction de Pierre Leyris - Mercure de France, collection "Domaine anglais", 1964)

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Pierre Leyris, dans ce recueil bilingue, en donne la version française, dans une adaptation non littérale, avec une modification de disposition. Voici le poème original de Kenneth White, en anglais :

Snowdust

Snow
sawdust of ancient forests
branches that held
the hopes of my wandering
now no more
point to the distant shore
where the sun
awaited my advent

now all the paths are hid
and what was beyond is dead

there is only the presence
of me
falling
sawdust
snow

Kenneth White

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Autre texte du même recueil, suivi de la traduction de Pierre Leyris :

Vers l'hiver

Vienne à présent l'hiver

Ciel chargé comme un bœuf
Froide écume aux rivières
Nudité de la lande
Brume dans la forêt
Vienne à présent l'hiver

La bleue foulée des bêtes
Dans la neige qui fond
Le soleil fourbi (1) dur
Des oiseaux et des baies
L'ombre couleur de bronze
L'eau mince et glaciale
La croûte noire de la terre
L'éclat blême de la roche
Vienne à présent l'hiver

des algues sur la lune
Le vent herse le golfe
Les îles luisent dans la brume
Je pêche dans les eaux froides
Ma barque est noir-goudron
Et les tolets (2) fourchus
Grincent sous l'aviron

Vienne à présent l'hiver

Kenneth White ("En toute candeur", chapitre "Poèmes du Monde blanc", traduction de Pierre Leyris - Mercure de France, 1964) - (1) sic  -  (2) Pierre Leyris a traduit "the sun polished hard" par "fourbi dur", donc rendu brillant, mais d'un aspect froid et dur  -  (3) supports de l'aviron à l'arrière de la barque

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Texte original du poème de Kenneth White, en anglais :
      
Near winter
         
Let winter now come

ox-laden sky
cold spume of rivers
nakedness of moors
mist in the forest
let winter now come

the spoor of animals
blue melting in the snow
th sun polished hard
birds and berries
bronzen shadow
water icy and thin
black crust of the earth
hoar glint of stone
let winter now come

seaweed covers the moon
wind harrows the firth
the islands glint in fog
I fish in cold waters
my boat black as tar
the horned rowlocks
creak to the oar

let winter now come
      
Kenneth White

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Extrait de la présentation de son récit de voyage au Japon "Les Cygnes sauvages", par Kenneth White sur son site (adresse ci-dessus) :

1

Brume chaude et blanche sur la baie
une vieille jonque s'éloigne
pesamment -
quelque chose aimerait voir durer cette paix ...
mais le jour s'est levé : grues qui tournent,
gens qui se pressent, moteurs qui toussent,
sirènes qui hurlent, téléphones qui sonnent -
Hong Kong quitte ses rêves pour faire de l'argent
 
2

Coup d'oeil sur le marché aux poissons :
le soleil rouge fait chatoyer
les gros-yeux, les brèmes, les raies
les requins, les barracudas et les serpents de mer
alors qu'une fumée bleue monte des bâtons d'encens
allumés par des pêcheurs las
pour remercier la Reine du Ciel de sa bonté et
d'un retour sains et saufs au port des Parfums

Kenneth White ("Scènes d'un monde flottant", traduction de Marie-Claude White - éditions Grasset, 1983)

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Extrait de la présentation de son récit de voyage au Japon "Les Cygnes sauvages", par Kenneth White sur son site (adresse ci-dessus) :
"Depuis quelque temps, l'idée mûrissait dans mon esprit d'une virée au Japon, qui serait un pélerinage géopoétique de plus : un hommage aux choses du Japon (choses précieuses et précaires) et un voyage-haïku dans le sillage de Basho*, un récit rêveur de routes et d'îles, un plongeon elliptique dans le Vide – bref, un petit livre nippon extravagant, plein d'images et de pensées zigzaguantes, écrit dans le « style blanc volant », comme disent les peintres.
 
[...]

 Un passage :

Il n'y avait pas beaucoup de mouettes sur la Sumida ce matin d'octobre quand je suis allé visiter l'ermitage de Basho, mais il y en avait une, ce qui fut pour moi l'occasion d'écrire ce petit haïku : 

Ce matin-là

sur les eaux de la Sumida

une mouette solitaire

Kenneth White ("Les Cygnes sauvages" - traduit de l'anglais par Marie-Claude White - éditions Grasset 1990)
 
* Basho (Bashō Matsuo, 1644-1694) est le plus connu des auteurs japonais de haïkus "classiques". Voir en page 1 de la catégorie PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français, sous le sommaire, la rubrique HAÏKUS.

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Deux autres haïkus, avec le texte original et la traduction de Marie-Claude White :

Rannoch Moor

Dark heather
wisp of wool
buzzing fly.


La lande de Rannoch

Bruyère brune
touffe de laine
mouche qui bourdonne
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Winter Morning Train

Between Béziers and Narbonne
vineyards under frost
and a big red sun
running mad on the horizon.

Dans le train, un matin d'hiver

"Autonome et émancipé, il va de-ci de-là, comme une feuille au vent des Samskara". ("Astavakra Gita" *)

Entre Béziers et Narbonne
vignes sous le givre
et un gros soleil rouge
qui court, ivre, sur l'horizon.

Kenneth White ("Terre de diamant",  traduction de Pierre Jaworsky et Marie-Claude White - Grasset, 1983)
* la citation de K.W. fait référence au livre de poèmes d'Alexandra David-Neel

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Poèmes courts en forme de haïku :

(sans titre)

Au-dessus des herbes
deux papillons blancs
papillonnant.
Plage blanche
un matin d'été
la mer qui monte à travers la brume.

Kenneth White ("L'Anorak du goéland, haïkus" - L’Instant Perpétuel, 1986)

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Lumière du matin

Alors que j'écris ceci

un héron gris

se tient immobile

dans la première lumière du matin

à Loch Sunart. 

Kenneth White ("Terre de diamant", traduction de Pierre Leyris et Kenneth White - Grasset, 1983)

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Retrouvailles avec la rivière

Fin d'après-midi à Govan

au confluent de la Clyde et de la Kelvin

pluie sur la pierre morne
flottant sur les eaux froides et noires

un cygne solitaire. 

Kenneth White ("Le Passage extérieur", traduction de Marie-Claude White - Mercure de France, 2005) * La Clyde est le fleuve qui traverse Glasgow, la plus grande ville d’Écosse et u port de commerce transatlantique important. Govan, en aval, au confluent avec la Kevin, est une banlieue de Glasgow.

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Image de Bretagne, quand sous le regard du poète, un autre paysage se dessine à l'horizon :

Deux lettres de Bretagne (extraits)

1. Sur la route de Gwenadur (début du poème)

Sous un ciel aux nuages pressés

l'automne prend fin

la mer là-bas gris-vert
piquetée d'éclats blancs

[...]

2. En ce lieu maintenant

Colloque à La Hague :
"en 1900 l'Himalaya avait 10 000 glaciers
à présent 2000 de moins

au cours du dernier siècle et demi
la masse glaciaire des Alpes s'est réduite de moitié

les glaciers de l'Alaska
ont diminué de vingt pour cent ces cinquante dernières années"

ils disent que la planète se réchauffe
ils prévoient des tempêtes et des inondations

de nombreuses terres basses vont disparaître

assis en ce lieu
sur un promontoire rocheux de l'Europe
je regarde passer les nuages
et j'écoute la rumeur de la mer 

Kenneth White ("Le Passage extérieur", traduction de Marie-Claude White - Mercure de France, 2005) 

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Deux passages consécutifs du recueil "Le Grand rivage", qui comporte 53 parties numérotées :

  Le Grand rivage (titre du recueil)

[...]

13

          comme
au détour du sentier
       dans le bois d'avril:
               ce monde concentré
                               complexe
                                         fortuit
       trempé de lumière
                terre
                       pierres
                                herbe mouillée
          et les rouges
                      branches de l'aubépine -
dehors rien que landes nues
                                âpres vallées glaciaires

14

ou comme ce champ de fleurs des Alpes
              sur les hauteurs de Ben Lawers * :
                                saxifrages
    pensées sauvages
  gentianes
                   anémones des bois
     roses des montagnes
                                   compagnons
       angéliques
                    soucis
- assemblage unique
       dû à une série de coÏncidences
    une petite couche de roche idéale
              bien minéralisée
       pas trop acide comme les couches voisines
                      sur des monts si élevés
                 que des souches précaires
   ont subsisté là
                 depuis la fin des glaciers :
       les plantes
                      se sont établies dans une faille
         leurs racines ont crevé le roc
                           lentement
      leurs pousses et leurs feuilles
                      ont enfermé des fragments de pierre
                portés par le vent
    ou entraînés par les eaux
                et la terre s'est accumulée
       les fleurs
                 y trouvent substance
            et la beauté croît

[...]

Kenneth White ("Le Grand rivage", traduction de Patrick Guyon, Marie-Claude White et Kenneth White - Les Éditions du Nouveau Commerce, 1980) * La montagne du Ben Lawers, au nord de Glasgow, région natale de l'auteur, est renommée pour ses plantes alpines.

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Finisterra
ou
La logique de la baie de Lannion
 (extraits)

C'est dans la forme des caps
c'est dans la façon qu'ont les vagues
de se briser sur la côte
(avec un long et lent chpouf contre les rocs)
c'est dans la lumière changeante
c'est dans le clair silence de ce matin d'avril

là-bas au Yaudet

 [...]
on peut voir le Léguer
(qui rappelle la Loire
ainsi que toutes les autres eaux ligures)
courir vers son estuaire
dans l'éclat bleu-vert de ses eaux

après cela
marcher sur le chemin côtier
depuis, disons, la vallée de Goaslagorn
jusqu'à la plage de Pors Mabo
c'est aller entre fleurs et flots
cherchant quelle blancheur
ajouter à ces blancheurs

[...]
les avancées qui viennent à l'esprit
sont le Dourven
(au large, le naufrage de l'Azalée)
Bihit
qui cache à la vue l'île de Milo

[...]
et tout au loin
perdu dans la brume et la lumière
Roscoff, la fin des terres

épines, pins et bruyères
ajoncs et genêts
dévalent
vers l'anse sableuse des plages
et c'est un grand arc de terre
indiquant l'Atlantique
qui s'étend, là, devant soi

[...]
– Je me contente de regarder.

de regarder ce lieu
de regarder dans ce lieu
et tout à la fois
dans les circuits de mon cerveau

dans les aubes de l'été
dans les soirs dorés de l'automne
dans les brumes glacées de l'hiver

[...]
en homme qui a étudié
la grammaire du granit
j'ai marché en ce lieu
en homme qui voudrait faire l'équation
entre paysage et pensée
j'ai marché en ce lieu
en homme qui aime
les voies et les vagues du silence
j'ai marché en ce lieu

qui sait, peut-être
dans les temps futurs
un peu après la dernière catastrophe
un touriste curieux venu de l'espace
marchera-t-il sur ce même sentier
conscient de mon fantôme :
toujours ici à suivre les lignes
toujours à regarder dans la lumière.
 

Kenneth White ("Les Rives du Silence", traduction de Marie-Claude White - Mercure de France, 1997)


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photo empruntée au site
http://www.franceculture.fr


qui propose toujours en podcast une émission consacrée au poète en janvier 2013 :

«Une Nuit rêvée … comme en un mouvement suspendu des marées : c’est là, depuis son « Atelier Atlantique » [http://www.kennethwhite.org], au non-lieu de l’estran où il se tient en vigie, que Kenneth White « accumule ses archives, documents qui suivent les lignes du monde » (Archives du littoral). Pour voyager d’un point à l’autre et s’y tenir, encore fallait-il laisser éclore « la pensée à peine perceptible », s’autoriser un lâcher-prise, se soustraire aux rigueurs des substances et des qualités, parler de croître plutôt que de croire, de lieux plutôt que d’être. Tout comme le vert de la feuille ne peut être ajouté mais a lieu dans la croissance de la feuille, « de lieu en lieu, de lien en lien, le long d’un itinéraire à la fois déterminé et libre, une méditation de prima poesia, une déambulation géopoétique » parcourt toute « La Nuit rêvée de … Kenneth White ».»


389 minutes

La Nuit rêvée de … Kenneth White

 

"Ce n’est pas seulement un question de géographie, c’est une question de paysage mental... Il faut sortir, approfondir les lieux, ouvrir l’espace. Écrire la lumière qui passe."
Kenneth White ("Le Rôdeur des confins" - éditions Albin Michel, 2006)

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Kenneth White - "Terre de diamant "(Les Cahiers Rouges, Grasset, 1983)

 


"Pourquoi écrire ? Pour ne pas devenir fou de cette ivresse blanche qui est le sang de l'écriture"
Kenneth White

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Dans son essai "Une stratégie paradoxale" *, Kenneth White écrit : "J'aime la définition que donne Élie Faure du poète :
Le poète ne s'attache à aucun port, mais poursuit une forme qui vole à travers la tempête et se perd sans cesse dans un perpétuel devenir".
Kenneth White poursuit : ...
"étant donné l'ambiance nationaliste post-totalitaire que nous connaissons, le complexe, voire l'idéologie identitaires qui sévissent, créent une première série de difficultés. J'ai personnellement renoncé à toute identité de ce genre, et les réputations locales (ces "représentants culturels" de telle ou telle nation, sans parler de telle ou telle région) me font sourire"...
*"Une stratégie paradoxale, essais de résistance culturelle" (Presses Universitaires de Bordeaux, 1998)

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Kenneth White est né en 1936. Il vit en France depuis une trentaine d'années, actuellement à Trébeurden, village breton du Trégor, sur la côte de Granit rose. Lieu qui le rapproche sans doute de son Écosse natale, la région de Glasgow.
Kenneth White étudie la littérature et la philosophie en Allemagne, vit un temps à Paris, puis en Ardèche, avant un premier retour à Glasgow, où il enseigne la poésie et la littérature à l'Université, là-même où il a été étudiant. En 1967, il s'installe au Pays basque français, base de multiples voyages, essentiellement en Extrème-Orient...
Poète, écrivain, essayiste, philosophe (mais en recherche permanente), actif et voyageur, il est l'inventeur de la "géopoétique", et fonde en 1989, l’Institut international de géopoétique :
"Tout a commencé pour moi dans un territoire de vingt kilomètres carrés sur la côte ouest de l’Écosse, et dans un rapport direct avec les choses de la nature. [...] Afin de renouveler et d’étendre mon expérience initiale radicale, j’ai traversé divers territoires, toujours dans le but d’amplifier mon sens et ma connaissance des choses. Et je continue à le faire, car il ne faut jamais perdre le contact entre l’idée et la sensation, la pensée et l’émotion".
On lira sur son site la présentation de cette "théorie-pratique transdisciplinaire applicable à tous les domaines de la vie et de la recherche, qui a pour but de rétablir et d’enrichir le rapport Homme-Terre depuis longtemps rompu"...

Bien que maîtrisant parfaitement notre langue, c'est en anglais que Kenneth White rédige son oeuvre poétique et ses récits. Avec Marie-Claude White, son épouse, avec Philippe Jaworski et d'autres traducteurs, il participe lui aussi à l'adaptation en français (voir la bibliographie succinte et subjective ci-dessous). La plupart de ses ouvrages publiés en France le sont en édition bilingue.

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éléments de bibliographie

  1. Poésie (texte original en anglais sauf *) :
    En toute candeur (édition bilingue - traduction de Pierre Leyris - Mercure de France, 1964)  
    Le Grand rivage (édition bilingue - traduction de Patrick Guyon, Marie-Claude White et Kenneth White - Les Éditions du Nouveau Commerce, 1980)
    Scènes d'un monde flottant (édition bilingue - traduction de Marie-Claude White - éditions Grasset, 1983)
    Terre de diamant (édition bilingue - traduction de Pierre Jaworsky et Marie-Claude White - Grasset, 1983)
    Atlantica (édition bilingue - traduction de Marie-Claude White - Grasset, 1986)
    *L'Anorak du goéland, haïkus (L’Instant Perpétuel, 1986)
    Les Rives du silence (édition bilingue - traduction de Marie-Claude White - Mercure de France, 1997)
    Limites et marges (édition bilingue - traduction de Marie-Claude White - Mercure de France, 2000)
    Le Passage extérieur  (édition bilingue - traduction de Marie-Claude White - Mercure de France, 2005)
    Un monde ouvert - Anthologie personnelle, édition en français, dans laquelle on retrouve des textes de la plupart des recueils précédents (traducteurs cités - Poésie/Gallimard, 2007).

  2. Récits :
    Lettres de Gourgoumel (édition bilingue - traduction de Gil et Marie Jouanard - Presses d'Aujourd'hui, 1980 et Grasset et Fasquelle, 1979)
    Le Visage du vent d’est, voyage en Chine (édition bilingue - traduction de Marie-Claude White - Presses d'Aujourd'hui, 1980)
    La Route bleue, voyage au Canada, Québec, Labrador (édition bilingue - traduction de Marie-Claude White - Grasset et Fasquelle, 1983 - prix Médicis)
    Les Cygnes sauvages, voyage au Japon (édition bilingue - traduction de Marie-Claude White - Grasset, 1990)
    La Maison des Marées (édition bilingue - traduction de Marie-Claude White - Albin Michel, 2005)
    Le Rôdeur des confins (édition bilingue - traduction de Marie-Claude White - Albin Michel, 2006) . 

  3. Essais (écrits en français par l'auteur) :
    La Figure du dehors (Grasset, 1982)
    L'Esprit nomade (Grasset, 1987)
    Le Plateau de l'albatros - Introduction à la géopoétique (Grasset, 1994)
    Une stratégie paradoxale, essais de résistance culturelle (Presses Universitaires de Bordeaux, 1998).

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Marée basse à Landrellec

1.
Mer pleine encore

mouettes immaculées
sur les hauts promontoires

calme océanique.

2.
Lente, très lente
la mer quitte les rochers

laissant une frange
d’algues archaïques

qu’un corbeau avide
fourrage avec fièvre.

3.
Les sables à présent dénudés
tantôt lisses, tantôt cannelés

la mer un scintillement bleu au loin
long après-midi de silence

brisé seulement par le cri des goélands

4.
Plus bas entre les rochers
étrange vie marine

baroque beauté
 
cette éruption de rugueuses balanes

berniques
fermées comme des Chinois

Là-bas
bleue et noire
une épaisse plaque de moules

l'herbe ondulante des posidontes

5.
Dans cette flaque tranquille
parmi les éponges jaune vert
les hydraires roses
et le bleu des mousses irlandaises
 
des crabes tâtonnent
de leurs pattes maladroites
 
6.
Dans cette autre
gelées lunaires
Les vertes couronnes de chair
des anémones
 
une étoile hyperboréenne

7.
Un crabe (de Jonas ?)
calé dans une crevasse

remuant ses antennes
attend

8.
Murmure de la marée
qui remonte à présent

brissements blancs çà et là
le long de la baie

Soleil déclinant
or froid

Kenneth White ("Les Rives du Silence", traduction de Marie-Claude White - Mercure de France, 1997)

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Wakan

This is beautiful, this is beautiful
nothing is more beautiful than this

blue light breaking in the mountains
moon going down through the rain

nothing is more beautiful than this.

- - - - - - - - - -
 
Wakan *

"J'ai senti quelque chose dans ma tête".

Que c’est beau, que c’est beau
il n’y a rien de plus beau

la lumière bleue qui point sur la montagne
la lune qui descend dans la pluie

rien, il n’y a rien de plus beau.

Kenneth White ("Terre de diamant",  traduction de Pierre Jaworsky et Marie-Claude White - Grasset, 1983)

* le mot "Wakan" désigne les esprits alliés au dieu Wakan Tanka en langue amérindienne sioux

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A hight blue day on Scalpay

This is the summit of contemplation, and
      no art can touch it
blue, so blue, the far-out archipelago
      and the sea shimmering, shimmering
no art can touch it, the mind can only
      try to become attuned to it
to become quiet and space itself out, to
      become open and still, unworlded
knowing itself in the diamond country, in
      the ultimate unlettered light.

- - - - - - - - - -
 
Lumière de Scalpay *

Voici le sommet de la contemplation, et
   nul art ne saurait l’atteindre
bleu, si bleu, le lointain archipel, et
   la mer qui miroite, miroite
nul art ne saurait l’atteindre, l’esprit ne peut
   que tenter de s’y accorder
de s’apaiser, de s’espacer, tenter
   de s’ouvrir, tranquille, au-delà du monde
révélé à lui-même en terre de diamant,
   dans la lumière au-delà des mots.

Kenneth White ("Terre de diamant",  traduction de Pierre Jaworsky et Marie-Claude White - Grasset, 1983)

* Scalpay est une île d'Écosse 

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 Sept vues de Virgin Gorda * (deux des sept "vues")

1

Un horizon d'îles brumeuses
et, portés par les alizés
les cris des mouettes rieuses.

[...]

5

Soir sur l'archipel :
dans l'espace infini du ciel
les éclats du phare de l'Île-aux-Bœufs.

[...]

Kenneth White ("Limites et marges",  traduction de Marie-Claude White - Mercure de France, 2000) 

* Virgin Gorda (littéralement "la Grosse Vierge"), appartient à l'archipel des îles Vierges britanniques, territoire d'outre-mer du Royaume-Uni, dans les Petites Antilles

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Les textes qui suivent, jusqu'à la fin du paragraphe consacré à Kenneth White, aussi bien dans leur version originale que dans leur traduction, sont accessibles dans la Poéthèque du site du Printemps des Poètes à l'adresse (à copier-coller) : http://www.printempsdespoetes.com

Late december by the sound of Jura *

Red braken on the hills
rain snow hail and rain
the deer are coming down
the lochs are gripped in ice
the stars blue and bright
I have tried to write to friends
but there is not continuing -
I gaze out over the Sound
and see hills gleaming in the icy sun.

- - - - - - - - - -

Fin décembre au détroit de Jura *
 
Fougères rouges sur les collines
pluie neige et grêle et pluie encore
les cerfs descendent des hauteurs
les lacs sont saisis par la glace
au ciel, les étoiles bleues
essayé d'écrire aux amis
mais mieux vaut y renoncer -
levant les yeux je vois l'île au loin
qui miroite sous un soleil glacé.

Kenneth White ("Terre de diamant",  traduction de Pierre Jaworsky et Marie-Claude White - Grasset, 1983)

* Nous ne sommas pas ici évidemment dans le Jura français, mais encore en Écosse, dans les monts de Jura, du côté du Loch Fyne et de la péninsule du Kintyre.

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South Road, Summer
1.
Mid-afternoon
blue light flickering
on the silent crags.
 
2.
Where did the wind go ? -
dawn coming quietly
over the hills.

- - - - - - - - - -

Route du sud, été
1.
Au milieu de l’après-midi
une lumière bleue vacille
sur les crêtes silencieuses.
 
2.
Où est parti le vent ? -
l’aube se lève doucement
sur les collines.

Kenneth White ("Terre de diamant",  traduction de Pierre Jaworsky et Marie-Claude White - Grasset, 1983)

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Stones of the cloudy forest

In memoriam Hiang Pi Fong

1.Where the path ends
the change beging
and the rocks appear
ideas of the earth
2.
Lying in the mist
among red rocks
admiring the lessons
of wind and rain
3.
As the old man said
up in the mountains
close by the sky
every rock looks a lotus 

- - - - - - - - - -

Pierres de la forêt brumeuse

In memoriam Hiang Pi Fong
1.
Où s'arrête le chemin
les changements commencent
et les rochers surgissent
idées de la terre
2.
Allongé dans la brume
parmi les rochers rouges
attentif aux leçons
du vent et de la pluie
3.
Au dire du vieil homme
ici dans la montagne
tout contre le ciel
chaque rocher est un lotus

Kenneth White ("Terre de diamant",  traduction de Pierre Jaworsky et Marie-Claude White - Grasset, 1983)

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Le grand rivage
 (extrait de ce recueil-poème de 53 sections)

13
comme
au détour du sentier
dans le bois d'avril :
ce monde concentré
complexe
fortuit
trempé de lumière
terre
pierres
herbe mouillée
et les rouges
branches de l'aubépine -
dehors rien que landes nues
âpres vallées glaciaires

14
ou comme ce champ de fleurs des Alpes
sur les hauteurs de Ben Lawers :
saxifrages
pensées sauvages
gentianes
anémones des bois
roses des montagnes
compagnons
angéliques
soucis
- assemblage unique
dû à une série de coïncidences
une petite couche de roches idéales
bien minéralisée
pas trop acide comme les couches voisines
sur des monts si élevés
que des souches précaires
ont subsisté là
depuis la fin des glaciers :
les plantes
se sont établies dans une faille
leurs racines ont crevé le roc
lentement
leurs pousses et leurs feuilles
ont enfermé des fragments de pierre
portés par le vent
ou entraînés par les eaux
et la terre s'est accumulée
les fleurs
y trouvent subsistance
et la beauté croît

Kenneth White ("Le Grand rivage", traductions de Patrick Guyon, Marie-Claude White et Kenneth White - Les Éditions du Nouveau Commerce, 1980)

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La vallée blanche


Peu de choses à voir dans cette vallée
quelques lignes, beaucoup de blanc
c'est une fin de monde, ou bien un commencement
peut-être le retrait des glaces du quaternaire

jusqu'à présent
nulle vie, nul bruit de vie
pas même un oiseau, pas même un lièvre
rien
que le vagissement du vent

pourtant l'esprit se meut ici à l'aise
avance dans le vide

respire *

et ligne après ligne
quelque chose comme un univers
se dessine
sans trop vouloir nommer
sans briser l'immensité du silence
discrètement, secrètement

quelqu'un dit

je suis ici
ici, je commence.

Kenneth White ("Limites et marges",  traduction de Marie-Claude White - Mercure de France, 2000) - *en italique dans le texte