Printemps des Poètes 2015 - L’insurrection poétique
Les poètes de l'École de Rochefort

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Printemps des Poètes 2015 en français 
POÈTES DE L'ÉCOLE DE ROCHEFORT
 

QUELQUES POÈTES DE L’ÉCOLE DE ROCHEFORT


parmi la liste complète (source Wikipédia) :


Jean Bouhier ; René Guy Cadou ; Michel Manoll ; Fernand Marc ; Marcel Béalu ; Jean Rousselot ; Luc Bérimont ; Maurice Fombeure ; Yanette Delétang-Tardif ; Louis Émié ; Jean Follain ; Pierre Garnier ; Louis Guillaume ; Luc Decaunes ; Eugène Guillevic ; Gabriel Audisio ; Lucien Becker ; Alexandre Toursky ; Henri de Lescoët ; Georges-Emmanuel Clancier ; André Verdet ; Charles Autrand ; Paul Chaulot ; Louis Parrot ; Roger Toulouse ; Serge Wellens ; Claude Vaillant


AVEC UN CHOIX DE TEXTES


voir quelques-uns de ces auteurs parmi d’autres en cliquant dans les catégories du Printemps des Poètes 2015, plus haut


colonne de gauche


  1. Gabriel Audisio

  2. Marcel Béalu

  3. Lucien Becker

  4. Luc Bérimont (< cliquer ici)

  5. René Guy Cadou

  6. Georges-Emmanuel Clancier

  7. Luc Decaunes

  8. Yanette Delétang-Tardif

  9. Jean Follain


colonne de droite


  1. Maurice Fombeure

  2. Pierre Garnier

  3. Louis Guillaume

  4. Guillevic (< cliquer ici)

  5. Michel Manoll

  6. Jean Rousselot

Gabriel Audisio (1900-1978)

En partie d'après sa biographie sur le site du Printemps des Poètes :

D'origine marseillaise, Gabriel Audisio passe son enfance à Alger et poursuit des études orientales. Il cherche par l'écriture poétique à célébrer la beauté et la nature, notamment méditerranéenne :


"Méditerranée, sixième partie du monde. Il ne fait pas de doute pour moi que la Méditerranée soit un continent, non pas un lac intérieur, mais une espèce de continent liquide aux contours solidifiés. Déja Duhamel dit qu'elle n'est pas une mer, mais un pays. Je vais plus loin, je dis : une patrie. Et je spécifie que, pour les peuples de cette mer, il n'y a qu'une vraie patrie, cette mer elle-même, la Méditerranée.

(...)

Si la France est ma nation, si Marseille est ma cité, — ma patrie, c'est la mer, la Méditerranée, de bout en bout."

Gabriel Audisio (Jeunesse de la Méditerranée - Gallimard, 1935)


Poète solaire, altruiste, il est proche de l'Ecole d'Alger puis de l'Ecole de Rochefort. Devant l'épreuve de la guerre, qu'il vit en 1914 puis en 1939, il fait le choix de la résistance et voit dans la poésie un signe d'espérance. Prisonnier, il récite pour ses compagnons de cellule des poèmes et voit comme une révélation l'une des grandes vertus de la poésie, celle de «mettre le baume aux plaies de la détresse humaine».


  1. -- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -


Peau neuve


Tous les ans la saison et toujours sa couleur

Sa forme son parfum,

Qui pourra nous guérir des matins similaires

Qui jamais ne font qu’un ?

Je voudrais pouvoir dire

Que le printemps est bleu de cristaux déposés

Sur l’herbe du corail qui rentre sous la terre.

Je voudrais que l’hiver suspende des lianes

Aux arbres, que les singes

S’y mordent échauffés par la rougeur des neiges.

Il faudrait que l’été presse l’eau des étoiles

Que tout jardin devînt non pas un nid de feuilles

Mais descente et cascade

Du jus noir expulsé par le ventre des poulpes.

Et surtout qu’à l’automne arrive un vent d’argent,

Un bain galvanisé par ce métal très blanc :

La scintillante aurore

Des armures de la jeunesse, au vol du temps

Perdues s’entrechoquant.

Si la saison faisait peau neuve tous les ans

Alors on guérirait de n’avoir pas changé.


Gabriel Audisio (extrait de C'était hier, et c'est demain, éd. Seghers, 2004)


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Fétiches


Mur traversé prison sans porte,

Revenu sur lui-même

Le délivré cherche la forme qu'il fut :

Absente.


Il appelle son nom dans l'oreille du temps

Mais le désert ne répond pas.


Prison à tous les vents l'homme libre s'en va

En main la fleur de fer qu'il a cueillie au pêne,

Tige et boucle fermée où tient un mot sésame,

Cheville bonne à tendre la corde des musiques


Seul il les entendra

A l'entrée du sommeil secret.


Gabriel Audisio ( Racine de Tout, Rougerie, 1974)


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Marcel Béalu (1908-1993)


Qu’est-ce que la poésie ?
«C’est la fleur qui tremble sur le visage de l’insaisissable."
Marcel Béalu


Sur le site du Printemps des Poètes, cette biographie et le premier texte qui suit :

Né en 1908 à Selles sur Cher, Marcel Béalu connaît une enfance pauvre et s'initie à la littérature en autodidacte. Il commence à écrire alors qu'il exerce le métier de chapelier. La découverte des romantiques allemands et la rencontre en 1937 de Max Jacob l'encouragent à écrire. Après une courte relation avec l'Ecole de Rochefort, il fonde et dirige avec l'éditeur René Rougerie la revue Réalité secrètes de 1955 à 1957. Dès 1948, il ouvre une librairie Le Pont traversé. Il recherche par sa poésie à introduire l'étrangeté dans le réel et exprime à travers plusieurs œuvres graphiques et picturales son onirisme.


Dans le thème de l'Insurrection poétique, cette révolte impossible :


Je suis une voix sans nom (titre proposé)


Je suis une voix sans nom

Qui a faim peur et froid

Et qui voudrait crier

Je suis la voix

Qui est au fond de tous les hommes

Qui veut crier et qui ne sait pas même crier


Marcel Béalu


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Poème à dire


La liberté ne s’écrit pas sur la forme changeante des nuages

La liberté n’est pas une sirène cachée au fond des eaux

La liberté ne vole pas au gré des vents

Comme la lunule du pissenlit

La liberté en robe de ciel ne va pas dîner chez les rats

Elle n’allume pas ses bougies de Noël

Aux lampions du 14 Juillet

La liberté je lui connais un nom plus court

Ma liberté s’appelle Amour

Elle a la forme d’un visage

Elle a le visage du bonheur


Marcel Béalu («L'Air de vie, 1944,1958»,
publié ensuite dans «Poèmes», 1976


  1. -- - - - - - - - - - - - - - - - - -




Poèmes sont appâts (titre proposé)


Poèmes sont appâts

Dans le fleuve des jours

Pour y pêcher l’amour

Qui sauve de l’oubli

Dans le temps dans l’espace

L’hameçon fit miracle

Ma carpe au ventre blanc

Mon grand poisson doré

Point ne te ferai cuire

Mais hors du fleuve amer

Qui descend vers la mort

Te garderai longtemps

Vivante sous mes doigts


Marcel Béalu,1975 (Yamira, Le Pont traversé)


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un autre texte, en prose :

La mouche


Je n'aurais, bien sûr ! pas fait de mal à une mouche. Mis celle-ci persistait dans son infime et agaçante présence, se collait au bord de la table, semblait, malgré l'avancement de la saison, ne vouloir en finir avec sa vie de mouche D'une chiquenaude je l'envoyai sur le sol et me remis à écrire. Au bout d'un long moment, levant le nez, je l'aperçus qui se traînait encore sur l'espace vide du plancher. Non sans un peu de répulsion je tendais le pied pour l'achever quand j'eus l'impression qu'elle avait augmenté de volume. Quel idiot j'étais d'avoir pris pour une innocente mouche ce perfide insecte deux fois gros comme elle ! Sans hésitation je l'écrasai. Mais à peine ma semelle relevée, la disgracieuse bête, grosse à présent comme un cancrelat, détalait avec une extraordinaire vélocité et comme je la poursuivais, comme j'allais l'atteindre, se glissait sous un coin du tapis. Alors je m'acharnai, foulant l'endroit où je la présumais cachée, sûr cette fois d'en être quitte. Il n'en fut rien pourtant. Je n'étais pas depuis deux secondes à nouveau penché sur ma page que je vis la carpette se soulever lentement et une sorte de monstrueux hanneton noir en sortir. Il avançait difficilement, en laissant une trace brunâtre. Mais lorsqu'il m'eut entrevu, et malgré son état lamentable, le hideux animal pris de panique parut se soulever du sol. Et tandis que je le pourchassais autour de la chambre il se métamorphosait devant mes yeux. Sous lui le paquet de tripes grises enflait, prenait forme, comme si la carapace n'eût été qu'un cocon inutile. Et bientôt je me rendis compte que cette bestiole n'était pas plus mouche que blatte mais simple souris blanche. Enfin, d'un coup de pied, je réussis à l'aplatir, immobile, au milieu d'une flaque de sang. Je me retournai. Autour de la table, les membres de ma famille étaient assis et me regardaient avec un douloureux étonnement nuancé de reproche.


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Marcel Béalu, 1944 (publié dans «Mémoires de l'ombre», éditions Phébus, 1991)


Celle que j’aime habite un miroir

Comment pourrais-je la rejoindre

Dans ce fracas d’astres glacés

Moi qui n’ai pas trop de silence

Pour ne ressembler qu’à moi-même

Aux marches blanches du sommeil

Glisserai-je ombre sans mémoire

Vers ce château de solitude

Défendu par tant d’oiseaux noirs

Pour monter jusqu’à son sourire

Sans déranger cette eau profonde

Qui la préserve de mourir

Il me faudrait être la nuit

Et ne plus savoir d’où je viens


Marcel Béalu, 1950 (Cœur en guise d’ailes", La Presse à bras)


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Lucien Becker (1911-1984)




paru aux éditions Seghers (1962), l’ouvrage de Gaston Puel sur Lucien Becker


«Je suis sur terre sans être au monde."
Lucien Becker


biographie résumée, adaptée de la source Wikipédia :

Lucien Becker est un poète français.

Il publie ses premiers recueils alors qu’il est au lycée de Metz. L’un d’eux est préfacé par Henry de Montherlant (Feuillets parfumés de jasmin, éditions Chimères, 1928).
Il rencontre en 1931 à la Faculté de Nancy, Léopold Sédar Senghor avec qui il se lie d’amitié. En 1936, il entre dans l’administration comme commissaire de police. Pendant l’Occupation, il est chef de service au ministère de l’Intérieur, aide de nombreuses personnes, dont ses amis juifs, à fuir vers l’étranger, et entre en contact avec le maquis du Vercors. Ses poèmes paraissent dans les revues de la « résistance poétique ».
Il publie en 1938 «Passager de la terre» ; « en 1945 « le monde sans joie» ;  en 1947 «
Rien à Vivre»; en 1954 «Plein Amour» ; et en 1961 son dernier recueil (L’été sans fin) avant de rompre définitivement avec la poésie.


Passager de la terre (extrait)

Le ciel entrouvre la forêt

pour éveiller la source qui dort

avec de la terre au coin des lèvres

dans un silence d'écorce et d'été.


Tu poses ta bouche sur elle

et la source garde la marque d'un baiser

qu'elle portera jusqu'à la mer,

là où le soleil organise son plus grand bal.


Tu te laisses toucher par le ciel

qui n'a jamais été si près d'un visage de femme,

si près de cette tendresse dont le jour a besoin

pour briller plus sourdement au-dessus des fronts.


Et le soir lorsqu'il se couchera,

je saurai que les derniers reflets

dont il fait fondre l'espace

viennent tout droits de tes yeux.


Lucien Becker (Passager de la terre, Les Cahiers du Sud, 1938 et Voix d'encre, 1993)


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Rien que l’amour (extraits)


[...]

Au-dessus de la terre, il y a une chambre

où la solitude et le papier peint sont éternels.

Quand je n'y suis pas, des femmes de clarté

vont au-devant du jour ou de l'armoire


et, dès que je rentre, rejoignent mes yeux.

Gardiennes de secrets, elles revivent en moi

comme un buisson éperdu de printemps.

Le cœur s'enfonce dans le corps


tiède de pleurs, de plantes et de sources.

La voix n'a plus d'ombre, ni de retard

et monte comme une lame ensanglantée

de la terre entr'ouverte par le ciel.


Une grande amertume envahit la fenêtre

qui dénude le front avec un reste de jour

en y laissant la cicatrice des veines

et partout le rire jaillit des bouteilles.


(La solitude est partout)


Je suis seul derrière mes paroles,

derrière ma tête, ombre sur le mur.

L’armoire triste brille un peu la nuit

et de ce filet renaît le matin.


Limité par la mort, par mon regard,

je reste si longtemps à la même place

que je vois se renverser une à une les lumières

que le soir envoie au-devant de la nuit.


La solitude est haute et noire

entre les arbres qui se retirent dans le soir.

Dois-je crier mon amour aux passantes

entourées de leur beau regard tranquille ?


(La solitude est partout)


Ta main s’élève en un adieu

que je n’ai pas vu retomber.

Nos bouches n’ont pu finir leurs baisers

qui restent entre nous comme un pont coupé


Ton dernier regard est une jetée

pour la vie dont je touche le fond

de toute ma peau sans visage,

de tout le poids de la terre


Bientôt l’espace se mettra entre nous

et nous ne serons plus que deux êtres

en qui dure tout un passé de joie

comme un peu de soleil éclaire encore


les murs qu’il vient de quitter.

Ton corps ne bougera pas plus

qu’une fenêtre allumée dans la nuit

chassée par le vent et la pluie.


(La solitude est partout)


[...]


Le soleil avant de se coucher dans les carreaux

atteint sur la table la lame d’un couteau.

Les autres objets sont là, autour de lui,

à attendre la lueur qui va les faire respirer.


Le soleil se retire des champs

après avoir brisé ses lampes dans les ruisseaux.

Pour les garder longtemps au-dessus du monde

les immeubles se font hauts comme des falaises.


C’est l’heure où l’on marche sur la terre

comme sur une passerelle,

où sans te reconnaître tu te regardes dans les vitrines

que rien ne peut tout à fait éteindre.


C’est l’heure où les pierres s’endorment au fond des vallées

tranquilles comme des bateaux amarrés,

où je peux fermer les yeux jusqu’au matin

sans qu’en moi l’ombre monte autour de ton souvenir.


[...]


Lucien Becker
(Rien que l'amour, Poésies complètes, La Table Ronde, 2006)


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Rien que l'amour", Poésies complètes, La Table Ronde, 2006



La solitude est partout

(passage - strophes VI et VII)


À Jean Cassou


(...)


VI


Je suis couvert de la mort comme d'un lichen sans autres racines que celles de mes mains, que celles de mes songes dans la nuit ou que celles de mes pas aussitôt effacés.


Le sang levé pour le bonheur


ne monte pas au-dessus des mains


qui l'entourent, elles-mêmes prisonnières


de la terre qui se ferme jusqu'en leurs doigts.


Et pourtant le soleil tient la plaine contre lui.

Il n'y a plus d'ombre au fond des arbres, il n'y a plus qu'une clarté sans paupières qui touche le monde à la place des sources.



VII



Je suis seul derrière mes paroles, derrière ma tête, ombre sur le mur.

L'armoire triste brille un peu la nuit et de ce filet renaît le matin.


Limité par la mort, par mon regard,


je reste si longtemps à la même place


que je vois se renverser une à une les lumières


que le soir envoie au-devant de la nuit.


La solitude est haute et noire entre les arbres qui se retirent dans le soir.

Dois-je crier mon amour aux passantes entourées de leur beau regard tranquille ?


(...)


Lucien Becker
("La solitude est partout",  Audin, 1942  -  repris dans "Rien que l'amour", Poésies complètes, présenté par Guy Goffette, La Table Ronde, collection "la Petite Vermillon", 2006)


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Luc Bérimont < cliquer


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René-Guy Cadou (1920-1951)


René Guy Cadou (1920-1951) avait écrit, comme une prémonition :

Je ne ferai jamais que quelques pas sur cette terre".

À partir de 1943, Hélène, épousée en 1946, l'accompagne pour ce temps si court qu'il lui reste à vivre. Hélène Cadou, poète comme lui, pour qui il a écrit "Hélène ou le règne végétal", publié en février 1951 (Le poète est mort de maladie en mars de la même année, à 31 ans).


Je t'atteindrai Hélène
À travers les prairies
À travers les matins de gel et de lumière...
René Guy Cadou


Son œuvre poétique complète, "Poésie, la vie entière", est parue en 1976 chez l'éditeur Pierre Seghers (poète également).

Voir d'autres textes de l'auteur sur le blog ici : POÉSIES PAR THÈME : l'école


Le poème qui suit fait référence à l'exécution des otages de Chateaubriant (dont Guy Môquet), le 22 octobre 1941.

Les fusillés de Chateaubriant

Ils sont appuyés contre le ciel

Ils sont une trentaine appuyés contre le ciel

Avec toute la vie derrière eux

Ils sont pleins d'étonnement pour leur épaule

Qui est un monument d'amour

Ils n'ont pas de recommandations à se faire

Parce qu'ils ne se quitteront jamais plus

L'un d'eux pense à un petit village

Où il allait à l'école

Un autre est assis à sa table

Et ses amis tiennent ses mains

Ils ne sont déjà plus du pays dont ils rêvent

Ils sont bien au-dessus de ces hommes

Qui les regardent mourir

Il y a entre eux la différence du martyre

Parce que le vent est passé là où ils chantent

Et leur seul regret est que ceux

Qui vont les tuer n'entendent pas

Le bruit énorme des paroles

Ils sont exacts au rendez-vous

Ils sont même en avance sur les autres

Pourtant ils disent qu'ils ne sont pas des apôtres

Et que tout est simple

Et que la mort surtout est une chose simple

Puisque toute liberté se survit.

René-Guy Cadou ("Pleine Poitrine" - 1946 ; texte emprunté à "Poèmes d'aujourd'hui pour les enfants de maintenant" - Jacques Charpentreau - éd Ouvrières)


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Un homme

Un homme

Un seul un homme

Et rien que lui

Sans pipe sans rien

Un homme

Dans la nuit un homme sans rien

Quelque chose comme une âme sans son chien

La pluie

La pluie et l’homme

La nuit un homme qui va

Et pas un chien

Pas une carriole

Une flaque

Une flaque de nuit

Un homme.

René-Guy Cadou ("Le diable et son train" - 1949)
Le recueil "Le diable et son train" a été écrit et dessiné à la main par Yves Trévédy, Guy Bigo (peintres-illustrateurs) et René Guy Cadou, en  21 exemplaires.


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Avant-printemps


Des oeufs dans la haie

Fleurit l'aubépin

Voici le retour

Des marchands forains.

Et qu'un gai soleil

Pailleté d'or fin

Eveille les bois

Du pays voisin

Est-ce le printemps

Qui cherche son nid

Sur la haute branche

Où niche la pie ?

C'est mon coeur marqué

Par d'anciennes pluies

Et ce lent cortège

D'aubes qui le suit.


René-Guy Cadou


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La blanche école où je vivrai


La blanche école où je vivrai

N'aura pas de roses rouges

Mais seulement devant le seuil

Un bouquet d'enfants qui bougent

On entendra sous les fenêtres

Le chant du coq et du roulier;

Un oiseau naîtra de la plume

Tremblante au bord de l'encrier

Tout sera joie! Les têtes blondes

S'allumeront dans le soleil,

Et les enfants feront des rondes

Pour tenter les gamins du ciel.


René Guy Cadou


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Automne


Odeur des pluies de mon enfance

Derniers soleils de la saison !

A sept ans comme il faisait bon

Après d'ennuyeuses vacances,

Se retrouver dans sa maison !


La vieille classe de mon père,

Pleine de guêpes écrasées,

Sentait l'encre, le bois, la craie

Et ces merveilleuses poussières

Amassées par tout un été.


O temps charmant des brumes douces,

Des gibiers, des longs vols d'oiseaux,

Le vent souffle sous le préau,

Mais je tiens entre paume et pouce

Une rouge pomme à couteau.


René-Guy Cadou ("Les amis d’enfance " ; "Poésie, la vie entière" - Seghers)


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La saison de Sainte-Reine


Je n’ai pas oublié cette maison d’école

Où je naquis en février dix neuf cent vingt

Les vieux murs à la chaux ni l’odeur du pétrole

Dans la classe étouffée par le poids du jardin

Mon père s’y plaisait en costume de chasse

Tous deux nous y avions de tendres rendez-vous

Lorsqu’il me revenait d’un monde de ténèbres

D’une Amérique à trois cents mètres de chez nous

Je l’attendais couché sur les pieds de ma mère

Comme un bon chien un peu fautif d’avoir couru

Du jardin au grenier des pistes de lumière

Et le poil tout fumant d’univers parcourus

La porte à peine ouverte il sortait de ses manches

Des jeux de cartes des sous belges ou des noix

Et je le regardais confiant dans son silence

Pour ma mère tirer de l’amour de ses doigts

Il me parlait souvent de son temps de souffrance

Quand il était sergent-major et qu’il montait

Du côté de Tracy-le-Mont ou de la France

La garde avec une mitrailleuse rouillée

Et je riais et je pensais aux pommes mûres

À la fraîcheur avoisinante du cellier

À ce parfum d’encre violette et de souillure

Qui demeure longtemps dans les sarraus mouillés

Mais ce soir où je suis assis près de ma femme

Dans une maison d’école comme autrefois

Je ne sais rien que toi Je t’aime comme on aime

Sa vie dans la chaleur d’un regard d’avant soi.


René Guy Cadou - 1953 - ("Hélène ou le règne végétal")


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L'enfant précoce


Une lampe naquit sous la mer

Un oiseau chanta

Alors dans un village reculé

Une petite fille se mit à écrire

Pour elle seule

Le plus beau poème

Elle n'avait pas appris l'orthographe

Elle dessinait dans le sable

Des locomotives

Et des wagons pleins de soleil

Elle affrontait les arbres gauchement

Avec des majuscules enlacées et des cœurs

Elle ne disait rien de l'amour

Pour ne pas mentir

Et quand le soir descendait en elle

Par ses joues

Elle appelait son chien doucement

Et disait

« Et maintenant cherche ta vie ».


René-Guy Cadou ("Les amis d'enfance" - 1965)


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Sainte-Reine-de-Bretagne


Sainte-Reine de Bretagne

En Brière où je suis né

A se souvenir on gagne

Du bonheur pour des années !


Est-ce toi qui me consoles

Lente odeur des soirs de juin

Le foin mûr des tournesols

Le chant d'un oiseau lointain ?


C'est la pluie ancienne et molle

Qui descend sur le jardin

Et ma mère en robe blanche

Un bouquet dans chaque main.


René-Guy Cadou ("Les amis d'enfance" - 1965)


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Parmi toutes mes roses


Parmi toutes mes roses

La plus rouge sera pour le mendiant

Qui boite plus bas que la route

La jaune sera pour un jockey

C'est la couleur des champs de courses

J'en donnerai une aussi à Marie

Qui pleure en cachette le dimanche

Mais la plus belle oh ! la plus belle

Je la réserve pour ma mère

Ma mère aimait tant les roses !


René-Guy Cadou ("Les amis d'enfance" - 1965)


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Un texte à la mémoire de toutes les femmes victimes des camps d'extermination :


Ravensbrück


À Ravensbrück en Allemagne

On torture on brûle les femmes


On leur a coupé les cheveux

Qui donnaient la lumière au monde


On les a couvertes de honte

Mais leur amour vaut ce qu’il veut


La nuit le gel tombent sur elles

La main qui porte son couteau


Elles voient des amis fidèles

Cachés dans les plis d’un drapeau


Elles voient. Le bourreau qui veille

A peur soudain de ces regards


Elles sont loin dans le soleil

Et ont espoir en notre espoir.


René-Guy Cadou (Pleine Poitrine, 1946 ; "Poésie la vie entière" - 1965, et "La Résistance et ses poètes" - éditions Pierre Seghers, 1974)


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Je t'atteindrai* Hélène


Je t’atteindrai* Hélène

A travers les prairies

A travers les matins de gel et de lumière

Sous la peau des vergers

Dans la cage de pierre

Où ton épaule fait son nid


Tu es de tous les jours

L’inquiète la dormante.

Sur mes yeux

Tes deux mains sont des barques errantes

A ce front transparent

On reconnaît l’été

Et lorsqu’il suffit de savoir ton passé

Les herbes les gibiers les fleuves me répondent


Sans t’avoir jamais vue

Je t’appelais déjà

Chaque feuille en tombant

Me rappelait ton pas

La vague qui s’ouvrait

Recréait ton visage

Et tu étais l’auberge

Aux portes des villages.


Je t’atteindrai* Hélène, et non "je t'attendrai". Ce contre-sens est assez répandu, René-Guy Cadou ("La vie rêvée" - 1944)


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Les amis d’enfance


Je me souviens du grand cheval

Qui promenait tête et crinière

Comme une, grappe de lumière

Dans la nuit du pays natal.


Qui me dira mon chien inquiet,

Ses coups de pattes dans la porte,

Lui qui prenait pour un gibier

Le tourbillon des feuilles mortes?


Maintenant que j’habite en ville

Un paysage sans jardins,

Je songe à ces anciens matins

Tout parfumés de marguerites.


René-Guy Cadou


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Le jardin de Grignon


Pour atteindre le ciel

À travers ce feuillage

Il faut que tous les yeux

Se soient réunis là


Je dis les yeux d’enfants

Pareils à des pervenches

Ou à ces billes bleus

Qui roulent sur la mer


On va dans les allées

Comme au milieu d’un rêve

Tant la grand-mère a mis

De grâce dans les fleurs


Et le chat noir et blanc

Qui veille sur les roses

Songe au petit oiseau

Qui viendrait jusqu’à lui


C’est un jardin de fées

Ouvert sur la mémoire

Avec des papillons

Epinglés sur son cœur.


René-Guy Cadou


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    Georges-Emmanuel Clancier (né en 1914)

Georges-Emmanuel Clancier, né en 1914, est un écrivain romancier, poète, critique littéraire, journaliste (presse écrite et radio).

Son grand roman en plusieurs tomes, Le pain noir (éditions Robert Laffont, à partir de 1956), qui raconte l'histoire de sa famille maternelle (on parlerait aujourd'hui d'une saga familiale), est son œuvre la plus connue. Il a été porté à l'écran pour la télévision.

On trouve Le pain noir en livre de poche (éditions J'ai Lu).

Le dernier recueil de poésies en date de Georges-Emmanuel Clancier est Terres de mémoire, paru en 2003, et dont un passage est proposé plus bas. Ci-dessous un des extraits de Peut-être une demeure (1972).


Je suis celui qui pourrait être ...


Je suis celui qui pourrait être.
Tu n'es que songe du monde captif.
Il se fait tard mais le jour est sauvé.
Elle, ma voix, mon chant, ma liberté,
Nous errons sous la forêt solaire,
Vous y viendrez amoureux de notre ombre.
Ils savent, ils croient savoir, ils parlent
D'elles qui nous furent douces et ne sont que silence.

 

Georges-Emmanuel Clancier ("Peut-être une demeure" précédé de "Écriture des jours" - Gallimard, 1972)


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Quelques passage poétiques, en forme d'éloges de l'autre (sans titres) :


Vieux berger ...


Vieux berger (fait de ronces, de pierres, de broussailles),

vieil homme sans peur, sans espoir, moqueur silex de

liberté, riant sec, goguenard, à la barbe de la mort.


Georges-Emmanuel Clancier ("Peut-être une demeure" précédé de "Écriture des jours" - Gallimard, 1972)


Vieil homme du futur ...


Vieil homme du futur

Voix de la vie,

Bouche de lumière,

Sous l'étincelle campagnarde

De tes yeux, de tes mots,

Te voici,

Père apaisé

Des caves et des granges

Anciennes,

Et fils

de l'usine univers.


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Georges-Emmanuel Clancier ("Peut-être une demeure" précédé de "Écriture des jours" - Gallimard, 1972)


Les ajoncs, la pierraille ...


Les ajoncs, la pierraille au sursis de l'hiver,

Haute ruine aux lambeaux de songe,

Tous les siècles de l'obscur dans le vent,

La vallée, le grand pays familier et désert.

Le couple né de ces granits, de ces racines,

Et moi qui porte au fond des mots, au fond du sang

Je ne sais quel appel, je ne sais quel écho

De ce passage de serfs et de guerriers,

De vagabonds, de paysans et de rois,

D'enfances tenaces et terrifiées,

L'effrayante ou miraculeuse saveur

D'une lézarde entre deux nuits.


Georges-Emmanuel Clancier ("Terres de mémoire"- éditions Robert Laffont, 1965 et  "Terres de mémoire suivi de Vrai visage" - La Table Ronde, collection "la petite vermillon", 2003)


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Escales


Flûte lointaine à travers les défilés,

Flûte et battements de mains heureuses,

Chant du souvenir et des espaces,

Chant du Pérou sur l'autre rive,

Là-bas sur l'autre rive des nuits :

Los Indios, los Indios ,tristesse

À perdre haleine aux plateaux de Cuzco,

Lamas et guenilles, enfance noire

Sous les blocs,sous les ruines Incas.

Je vous le dis, tapis au fond du songe

Il existe des pays tendres et féroces.

Flûte lointaine et battements de mains heureuses,

Flûte lointaine à travers tant de défilés.


Georges-Emmanuel Clancier (idem : "Terres de mémoire" - 1965 et 2003)


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Le roi de l’île


Le roi de l’île

Est-ce un raisin    

Est-ce un poisson      

Est-ce un nuage ?             

Le roi de l’île            

Est-ce un caillou      

Est-ce un marin               

Est-ce un soleil ?

Le roi de l’île                

Est-ce un pied nu         

Est-ce un  navire       

Est-ce un silence ?       

Le roi de l’île         

Est-ce l’été 

Est-ce le chant      

Est-ce l’amour ?

Le roi de l’île            

Serait-ce lui

Serait-ce toi

Serait-ce moi ?


Georges-Emmanuel Clancier ("Poèmes en chansons" - publication phonogram Philips Livre-disque 33 tours, 1976 ; texte mis en musique et chanté par Max Rongier)


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Mes amis (passage, titre proposé)


Mes amis fragiles vous donnerai-je

Ces jours entre soleil et neige

Quand l’un s’en va l’autre demeure

Et les nuages sont nos demeures

Ô frères fragiles amis allés pleurant

À mon image notre destin errant.


Georges Emmanuel Clancier (Le Poème hanté, Gallimard, 1983)


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Le guet


Sur le fin taillis des ramilles

À contre-jour du ciel d’hiver

Longtemps l’oiseau en silhouette

Noire surveillait l’horizon.

Te voyait-il à ta lucarne

Vieil homme incertain de lui-même

Entre lassitude et bonheur

D’un œil inquiet le contemplant ?

De l’oiseau corneille ou corbeau

Guetteur à la cime des branches,

Du rêveur perdu dans la neige

De l’âge et des pensées frileuse

Lequel des deux inventait l’autre

Lequel à la vie démentielle,

Somptueuse, éparse en l’univers,

Serait messager du futur ?


Georges Emmanuel Clancier


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Juliette


Ces chemins de l'enfance qui nous mènent

A des trésors à des amis à des domaines

De sable et de ciel qui nous attendent,

Je les devine avec l'aube de tes yeux,

Je les caresse avec la fleur de tes doigts,

Ma Juliette des prés des sources et des bois.


Georges-Emmanuel Clancier ("Vrai visage" - Seghers, 1953 - Robert Laffont, 1965)



  1. - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

    Luc Decaunes (1913-2001)

Luc Decaunes, instituteur (on dit professeur des écoles aujourd’hui) et journaliste, était écrivain, biographe ("Les idées noires" , "Vie de Paul Éluard"...) et poète ("Le feu défendu", "Récréations", "Le cœur légendaire"...).
Sans appartenir lui-même réellement au Mouvement surréaliste, il était proche d'Éluard, Aragon, Tzara.


plus d’infos ici :
http://les-amis-de-luc-decaunes.kazeo.com/approche-de-luc-decaunes/approche-de-luc-decaunes,r337566.html


Du recueil Chansons pour un bichon, qui comprend 60 chansons pour enfants (dont Luc Decaunes a écrit également la musique) qu'on peut considérer comme des poèmes, voici deux titres :


Le porc-épic (chanson)


Avez-vous vu le porc-épic

Qui se baladait place du Trône ?

Avez-vous vu le porc-épic

Qui remontait la rue Lepic ?

Pic pic pic !

Dit le porc-épic,

Je ne pique pas, ma parole !

Pic pic pic !

Dit le porc-épic,

Je ne pique pas les aspics !


Luc Decaunes ("Chansons pour un bichon" - Éditions Seghers, 1979 et réédition 1999)


  1. -- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -


Le tamanoir n'est pas bien vu (chanson)

Refrain :
Non !
Je ne veux pas vous voir,
Monsieur le Tamanoir !

I
Dans notre ferme il est un chien
Qui sent mauvais, qui ne vaut rien ;
Chacun se sauve quand il vient.
Moi... je l'appelle mon copain.

II
Dans la montagne il est un loup
Avec des yeux comme des trous
Et le cœur dur comme caillou
... À qui j'ai donné rendez-vous.

III
Dans la rivière est un poisson
Qui ne mord pas les hameçons,
Seulement les petits garçons.
... On est amis comme cochons !

IV
Et dans mon lit sont des souris
Rongeant mes pieds à petits cris.
... Je leur apporte chaque nuit
Du bon fromage et du pain bis.

V
J'ai rencontré un éléphant,
Trompe terrible et grandes dents,
Qui fait peur à tous les enfants !
... Il a mon cœur, ce bon géant.

Luc Decaunes ("Chansons pour un bichon" - Éditions Seghers, 1979 et réédition 1999)


  1. - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -


Dans son recueil "Récréations" (Éditions Rougerie, 1977), Luc Decaunes s'est amusé à détourner des proverbes, des dictons.
En voici quelques-uns, choisis parmi les plus "convenables". Le jeu pour les élèves consiste à retrouver le proverbe initial :


Proverbes

Il n'y a pas de fusée sans queue.

Qui va en classe, perd sa grâce.

L'ennui porte conseil.

Il y a loin de la poule au lièvre.

Plus on a de poux, plus on vit.

Un bon chien vaut mieux que deux rats.

Tel blair, tel pif.

Qui trop embrase mal éteint *.


Luc Decaunes ("Récréations" - Éditions Rougerie, 1977)


  1. * Qui trop embrase mal éteint : Antoine Bial a été très déçu de constater, après l'avoir cru sorti de sa plume, que Luc Decaunes en avait la paternité, et encore plus stupéfait de trouver également ce proverbe pompier dans un album postérieur du "Chat" de Philippe Geluck, qui se l'attribue sans détours, lui ...

  2. Et Antoine Bial a bougonné : c'est bien dommage, mais il faut rendre à ces arts ce qui leur appartient.





Détournement de proverbes, de dictons

Répertorier des dictons et des proverbes, dans lesquels on remplacera certains noms ou verbes par des mots de sonorités approchantes, en gardant la construction initiale. C'est encore mieux si le proverbe prend un nouveau sens, amusant (comme plusieurs dans la liste ci-dessus).


Exemples classiques (ou presque) :

Ne remets jamais à deux mains ce que tu peux faire avec une seule.

Un seul hêtre vous manque et tout est des peupliers (attribué à Raymond Queneau).

À vaincre sans baril, on triomphe sans boire.


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Une variante consiste à ne modifier que la fin du proverbe, pour provoquer une surprise. marquer un temps d'arrêt avant la "chute".


Exemples :
Neige en novembre... Noël en décembre.

C'est au pied du mur qu'on voit le mieux... le mur (JM Bigard).

On a souvent besoin de petits pois chez soi (ancienne publicité)


Exemples d'un autre auteur, Guy de la Mothe ("Jeu des proverbes travestis", dans "Notes en marge") :

Jamais deux sans trois >  Jamais deux sans toi.

À quelque chose malheur est bon >  À quelque rose bonheur est bon.

Mon verre n'est pas grand mais je bois dans mon verre >  Mon rêve n'est pas grand mais je bois dans mon rêve.

variante proposée par le blog  : Mon rêve n'est pas grand mais je crois dans mon rêve.

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On trouvera ces poèmes sur le site dans la catégorie
Printemps des Poètes 2008 : couleur femme << clic ici


Silence


L’oiseau qui chantait dans l’ombre,
C’est ma lampe sur la table,
C’est son reflet impalpable
Sur le plafond enfumé.

Son duvet chauffe ma joue,
Sa patte est sur mon épaule,
Et je n’ose plus bouger
De crainte qu’il ne s’envole …

Mais attends encore un peu,
Que j’abaisse ma paupière :
Cet oiseau, c’est une fille
Qui me regarde dormir,

Jusqu’à ce que sa bouche rose,
La berceuse de ses bras nus,
La douceur de sa parole
Et mon cœur ne soient plus qu’un.


Luc Decaunes ("Paraphes - anthologie poétique", 1991)


  1. -- - - - - - - - - - - - - - - - - - - -


Sur le livre d'or d'une petite fille (dernier chapitre)


[...]


IV

Je vous vois deux grâces sûres.
Votre regard est blessure,
Votre sourire est chanson.
Mais gardez que d'aventure
L'esprit, dont la force est pure,
Ne manque à votre blason.
Pour que vivre ne désole,
Il faut savoir être folle
Avec un brin de raison.


Printemps 1945.


Luc Decaunes ("Récréations" - Éditions Rougerie, 1977)


  1. -- - - - - - - - - - - - - - - - - - - -


Voici de ce long poème en 8 chapitres (les 7 précédents sont en prose), l'intégralité de la dernière partie. L'ensemble est entièrement dédié à la femme. Les deux premières strophes peuvent sans doute être proposées aux grands élèves.


Les nouvelles prières (dernier chapitre)


[...]


VIII


Femme, fruit de la mer originelle
Femme, splendeur de la terre souveraine
Femme, l'éclat de la lumière fugitive
Qui flambe et ne revient pas
Accueille-moi

Femme, promesse de beauté
Femme, soleil d'injustice passionnée
Femme, miroir de mensonge et de vérité
Accueille-moi

Femme nombreuse

Femme tumultueuse

Femme, princesse des éveils

Femme, ange du charnel conseil

très puissante et très impatiente

Accueille-moi


Femme douce et vaste de cœur

confidente des convoitises

zélatrice des luxures

notre vie et notre voie

Accueille-moi


par le mystère de ton cri

Par tes travaux de fièvre et de rosée

Par ta vocation des caresses

Par ton agonie amoureuse et ta flambée perpétuelle

Par tes naufrages et tes résurrections

éclaire-moi enseigne-moi

délivre-moi.


1947


Luc Decaunes ("Récréations" - Éditions Rougerie, 1977)


  1. - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -


Yanette Delétang-Tardif (1902-1976)

biographie résumée, adaptée de la source Wikipédia :

Yanette Delétang publie son premier recueil, Éclats, en 1929 et des textes dans plusieurs revues.

Peu portée vers le surréalisme, elle rejoindra les "Amis de Rochefort" dès la création de l'École par Jean Bouhier en 1941.

[ Les femmes étaient d’ailleurs, contrairement à leur présence dans l’édition de ce milieu de siècle, bien représentées à Rochefort, qui comptait, avec Yanette Delétang-Tardif, Jacqueline Allan-Dastros, Thérèse Aubray, Christiane Burucoa, Marie-Madeleine Machet et Hélène Morange ]

En dehors de cette pléiade d'auteurs et d’auteures dont elle s'est sentie proche, tout en défendant des conceptions personnelles de la poésie qui parfois l'en éloignaient (par exemple en ne rejetant pas Mallarmé), elle nourrissait également de l'admiration pour les Romantiques allemands et le Nerval des Chimères.
En 1942 elle reçoit le prix Stéphane Mallarmé pour l'ensemble de son œuvre.


«La poésie est toujours une soumission à la rupture
Y. D-T.


Stances de l’hiver consolable (passage)


Hiver ! inspire un chant que mon ardeur déroute

Jusqu’à ce coupe-feu où n’entre nulle route

Qui ne revienne à soi et ne se frappe au cœur.

Les bois, les faux labours, les humbles paysages

N’auront pétrifié sous nos pas leurs présages

Sans glacer loin d’ici l’objet de leur stupeur.

.

Campagne mise à nu et triste vol des feuilles

Voici ton œuvre, hiver, et rien que tu ne veuilles ;

Faisant loi, durcissant les flaques du miroir

A ces marches de flanc que la nature invente :

Avancer non rebelle et sans cesse changeante

Ne pas rendre à l’automne un seul or à surseoir.


Sous le vent du grand Nord et les moires éteintes

La poigne des titans cuirasse son étreinte

Et guide dans le gel les rafales du Temps ;

Flots figés, jeux de roc, interminable suite

Qui du fond d’un sérac, ici se précipite

Mais la reine des nuits nous sourit lentement.


Et nous, d’aimer ce signe étroitement gardé

Dans l’héroïque larme et dans la volupté

De tel été trop beau pour la métamorphose

Nous sauvons du silence un monument d’azur

D’où reviendront nos voix pour le calme futur

D’habiter enlacés l’abîme d’une rose.


C’est un clair changement que le secret du givre

Et célébré dès lors dans la faveur de vivre

Si les lits des forêts et les étangs des chambres

Viennent à rebroder d’insinueuse nuit

Le nom mystérieux que ce couple poursuit

Jusqu’aux crêtes durcies des chemins de décembre. »


Yanette Delétang-Tardif (recueil Les Emblèmes, Subervie 1957)


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Tristesse


Le ciel change en rumeurs autour de mon sommeil,

Le temps tourne en regards autour de mes éveils,

Le lent cri des oiseaux cherche aux sources des pleurs,

Nulle retraite en moi n’est permise à mon cœur

Dès qu’il sent près de lui d’aventureux échanges…


Il ne remplira pas l’espace d’un bonheur,

Il n’attend pas l’aurore aux régions des anges,

Il ne veut que la peur, les ombres et le soir

Et le désir, plus sombre que le désespoir.


Yanette Delétang-Tardif (recueil Vol des oiseaux,, Quillet, 1931)


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un texte dont je ne connais ni le titre ni le recueil d’origine :
source :
http://poemesurlestoits.monsite-orange.fr

Vivre un chant si profond rend la mort difficile

Affreusement masquée, impossible à tromper

Même si, façonnant de nous croire en son île

Nous ne voyons déjà que sa ruse à charmer.


Embrasés, soulevés dans ce dernier asile

Un cri silencieux soulève nos baisers ;

Nous lisons du néant le signe indélébile

Que ce bonheur en flamme est venu parapher.


Oh, tiens-moi dans tes bras vers ce ravissement

Funèbre ! Étreignons-nous sur cette barque dure

Les yeux ouverts, le cœur à la même envergure


Laissant le vent des abîmes indolemment

Incliner et bercer le paysage noir

Où nous ne cesserons plus jamais de nous voir.


Yanette Delétang-Tardif


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Jean Follain

Jean Follain (1903-1971) a côtoyé les poètes André Salmon, Pierre Reverdy, Pierre Mac Orlan, Max Jacob, dans la mouvance surréaliste,dont il s'est tenu à l'écart, puis Eugène Guillevic et Pierre Albert-Birot.


Deux poèmes pour visiter l’école de Jean Follain :



L'école et la nature


Intact sur le tableau

dans la classe d'un bourg

un cercle restait tracé

et la chaire était désertée

et les élèves étaient partis

l'un d'eux naviguant sur le flot

un autre labourant seul

et la route allait serpentant

un oiseau y faisant tomber

les gouttes sombres de son sang.


Jean Follain (Exister, Gallimard 1953, et la réédition Exister suivi de Territoires en Poésie/Gallimard, 1969)


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L’ordre

L’écolier qui balayait la classe
à tour de rôle était choisi
alors il restait seul
dans la crayeuse poussière
près d’une carte du monde
que la nuit refroidissait
quelquefois il s’arrêtait, s’asseyait
posant son coude sur la table aux entailles
inscrit dans l’ordre universel.

Jean Follain (Exister, Gallimard 1953, et la réédition Exister suivi de Territoires en Poésie/Gallimard, 1969)


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un poème dans la série des «Paysage» de Jean Follain :


Paysage des sentiers de lisière 


Il arrive que l’on entende

figé sur place dans le sentier aux violettes,

le heurt du soulier d’une femme

contre l’écuelle de bois d’un chien

par un très fin crépuscule,

alors le silence prend une ampleur d’orgue.

Ainsi lorsque l’adolescent,

venu des collèges crasseux,

perçoit sous les peupliers froids

la promeneuse au frémissement de sa narine

émue par le parfum des menthes.

Toutes les lueurs des villages

se retrouvent dans le diamant des villes.

Dans un univers mystérieux

ayant laissé sur ses genoux

l’étoffe où s’attachait ses yeux,

une fille en proie aux rages amoureuses

pique de son aiguille le bout de ses doigts frêles

près d’un bouquet qui s’évapore


Jean Follain (La Main chaude, 1933 et dans Usage du temps suivi de Transparence du monde,Poésie/Gallimard, 1983)


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La mort 


Avec les os des bêtes

l’usine avait fabriqué ces boutons

qui fermaient

un corsage sur un buste

d’ouvrière éclatante

lorsqu’elle tomba

l’un des boutons se défit dans la nuit

et le ruisseau des rues

alla le déposer

jusque dans un jardin privé

où s’effritait

une statue en plâtre de Pomone

rieuse et nue.


Jean Follain (Territoires, Gallimard 1943, et la réédition Exister suivi de Territoires en Folio Gallimard, 1969)


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Parler seul


Il arrive que pour soi

l'on prononce quelques mots

seul sur cette étrange terre

alors la fleurette blanche

le caillou semblable à tous ceux du passé

la brindille de chaume

se trouvent réunis

au pied de la barrière

que l'on ouvre avec lenteur

pour rentrer dans la maison d'argile

tandis que chaises, table, armoire

s'embrasent d'un soleil de gloire.


Jean Follain (Exister, Gallimard 1953, et la réédition Exister suivi de Territoires en Poésie/Gallimard, 1969)


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L’anecdote


L'unique peintre de ce bourg

repeignait la boutique austère

et fredonnait

quand de la gare s'en revenaient

les deux uniques voyageuses

indifférentes à cet amour

que mettait partout le printemps

mais il est des chants qui poursuivent

et que nous ramène une brise.

O monde je ne puis te construire

sans ce peintre et sans ces deux femmes.


Jean Follain (Exister, Gallimard 1953, et la réédition Exister suivi de Territoires en Poésie/Gallimard, 1969)


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Exil


Le soir ils écoutent

la même musique à peine gaie

un visage se montre

à un tournant du monde habité

les roses éclosent

une cloche a tinté sous les nuées

devant l’entrée à piliers.

Un homme assis répète à tout venant

dans son velours gris

montrant les sillons à ses mains

moi vivant personne ne touchera

à mes chiens amis.


Jean Follain (Exister, Gallimard 1953, et la réédition Exister suivi de Territoires en Poésie/Gallimard, 1969)


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Au pays


Ils avaient décidé de s’en aller

au pays

où la même vieille femme

tricote sur le chemin

où la mère

secoue un peu l’enfant

lui disant à la fin des fins

te tairas-tu, te tairas-tu ?

Puis dans le jeu à son amie

la fillette redit tu brûles

et l’autre cherche si longtemps

si tard – ô longue vie –

que bientôt les feuilles sont noires.


Jean Follain (Exister, Gallimard 1953, et la réédition Exister suivi de Territoires en Poésie/Gallimard, 1969)


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Vie


Il naît un enfant

dans un grand paysage

un demi-siècle après

il n’est qu’un soldat mort

et c’était là cet homme

que l’on vit apparaître

et puis poser par terre

tout un lourd sac de pommes

dont deux ou trois roulèrent

bruit parmi ceux d’un monde

où l’oiseau chantait

sur la pierre du seuil.


Jean Follain (Exister, Gallimard 1953, et la réédition Exister suivi de Territoires en Poésie/Gallimard, 1969)


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Signes pour les voyageurs

        

Voyageurs des grands espaces

lorsque vous verrez une fille

tordant dans des mains de splendeur

une chevelure immense et noire

et que par surcroît

vous verrez

près d’une boulangerie sombre

un cheval couché dans la mort

à ces signes vous reconnaîtrez

que vous êtes parmi les hommes.


Jean Follain (Exister, Gallimard 1953, et la réédition Exister suivi de Territoires en Poésie/Gallimard, 1969)


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Printemps des Poètes 2015
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et toujours pour la classe : 
RESSOURCES CRÉATION POÉTIQUE
avec pour exemples les textes du PRINTEMPS DES POÈTES 2009PP_2009_-creation_fiches_SOMMAIRE.html

les textes proposés dans cette page sont destinés aux élèves d’école primaire., du Collège
ou du Lycée, suivant l’appréciation que vous aurez de leur niveau de difficulté pour les élèves

Les textes publiés n'ayant pas fait l'objet d'une demande d' autorisation (sauf exception), les ayants droit peuvent nous en demander le retrait. 

Printemps des Poètes 2015 en français 
GS et ÉLÉMENTAIRE <<PP15-_GS_et_ELEMENTAIRE.html
  1.    Du groupe appelé «Poètes de Rochefort», dont on trouvera la liste des auteurs et l’histoire détaillée ici : http://fr.wikipedia.org/wiki/École_de_Rochefort
    nous retiendrons les auteurs les plus connus du public et souvent des élèves, et les mieux adaptés à notre projet, qui reste celui de la transmission aux écoles.

L’École de Rochefort, fondée à Rochefort-sur-Loire accueille dès sa création  Marcel Béalu, Luc Bérimont, René Guy Cadou, Michel Manoll et Jean Rousselot. Le mouvement publie les Cahiers de L’École de Rochefort, de sa création à décembre 1944.

  1.   «Créé en pleine occupation allemande (en février 1941) sous l’égide de jean Bouhier, ce mouvement, en réaction à la "poésie nationale" et traditionnelle prônée par le Gouvernement de Vichy, s'inscrivit d'abord dans
    une démarche de liberté d'expression individuelle et d'humanisme proche de la nature». (Wikipédia)

"Je suis poète comme on est écrivain, par légitime défense"
Michel Manoll



Maurice Fombeure  (1906-1981)






Maurice Fombeure est un romancier et poète français (ci-dessus, "Maurice Fombeure" dans la collection "Poètes d'Aujourd'hui", aux éditions Pierre Seghers).

Il avait rédigé lui-même son épitaphe, gravée sur sa tombe, à Bonneuil-Matours, village de la Vienne, où se trouve aussi un musée consacré au poète :


"Il portait sur sa lourde épaule

Sa destinée comme un oiseau

Maintenant il dort sous les saules

En écoutant le bruit des eaux".


Le poème de Fombeure sans doute le plus familier des écoliers :


Air de ronde


On dansa la ronde,

Mais le roi pleura.

Il pleurait sur une

Qui n’était pas là.


On chanta la messe,

Mais le roi pleura.

Il pleurait pour une

Qui n’était pas là


Au clair de la lune,

Le roi se tua,

Se tua pour une

Qui n’était pas là.


Oui, sous les fougères

J’ai vu tout cela,

Avec ma bergère

Qui n’était pas là.


Maurice Fombeure


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Les deux textes qui suivent ont été empruntés ici, où on en trouve d'autres sur des thèmes différents : http://www.amicalien.com/membres/LeForum/f801-t3988809-s1-maurice-fombeure-le-siauguain-1906-1981-.htm


On pourra proposer des passages de ce texte intime : 


Ma femme


Celle qui partage mon pain

Mon lit et mes joies et mes peines

Éloigne de mon front les haines

D’une caresse de sa main

Que je retrouve dans chaque aube

Et plus belle d’avoir vécu,

J’écoute au fond d’un jour vaincu

Le doux bruissement de sa robe.

Contre les pièges dont dispose

Le malheur, paré désormais

Elle apprête les vins, les mets

Et dans les vases bleus, les roses.

"Ma femme." Le beau possessif

Surtout si la compagne est belle

Blanche, élancée comme un if

Et qui chaque an se renouvelle.

Pour le pire et pour le meilleur

C’est, inlassable volontaire,

Pour l’ici-bas et pour l’ailleurs

Le plus beau don de cette terre

Que cet être aux mains de douceur

Épouse, amante, femme et sœur.


Maurice Fombeure ("C'était hier et c'est demain" - Seghers, 2004)


  1. -- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -


Chanson de la belle


Sous un pêcher en fleur

La belle s'est assise,

La belle qui est triste

Qui n'a pas d'amoureux,


Qui n'a pas d'amoureux

Pour lacer sa chemise.


Sous un pêcher en fleur

La belle entend la neige

La belle entend la neige

Qui tombe dans son cœur.


Ne pleurez pas la belle

L'amour rend malheureux.


J'aimerais mieux souffrir

À cause des amours,

J'aimerais mieux souffrir

Que d'être là seulette


À voir tomber la neige

Dans un pêcher en fleur.


Maurice Fombeure


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Chanson du loup et de la bergère


(introduction - le texte du poème suit)


Les guitares, les cithares

Les tambours et le printemps,

Les vielles, les violes...

Mais la reine d'un sourire

Brise ces vergers chantants :


« Та chèvre est dans le trèfle, Maria,

Та chèvre est dans le trèfle

Dans le trèfle du roi, Maria,

Dans le trèfle du roi. »


"Va la chercher, ma chèvre,

Mon beau chien de berger.

Tu auras du pain d'orge

Et des os à ronger."


Quand il fut à la chèvre

Les loups l'avaient mangée.

Ma bergère, bergeronnette,

Ma bergère en a pleuré.


Ma, bergère bergeronnette,

Ma bergère en a pleuré.


Maurice Fombeure ("À dos d'oiseau" - éditions Gallimard, 1942, disponible en Poésie/Gallimard, 1971)


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C'est le joli printemps


C'est le joli printemps

Qui fait sortir les filles,

C'est le joli printemps

Qui fait briller le temps.


J'y vais à la fontaine,

C'est le joli printemps,

Trouver celle qui m'aime,

Celle que j'aime tant.


C'est dans le mois d'avril

Qu'on promet pour longtemps,

C'est le joli printemps,

Qui fait sortir les filles,


La fille et le galant,

Pour danser le quadrille.

C'est le joli printemps

Qui fait briller le temps.


Aussi, profitez-en,

Jeunes gens, jeunes filles;

C'est le joli printemps

Qui fait briller le temps.


Car le joli printemps,

C'est le temps d'une aiguille.

Car le joli printemps

Ne dure pas longtemps.


Maurice Fombeure ("À dos d'oiseau" - éditions Gallimard, 1942, disponible en Poésie/Gallimard, 1971)


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Images du village

La fontaine près de l'église

Où les aveugles vont mendier


La cour où rament les oies grises

Et que fleurit un amandier


Le vieux four à pain où s'enlacent

Les ronces, où se tord un figuier


Les coqs le matin à la vitre

Secouent leur crête de rosée


Et la journée retentissante

S'envole à tête reposée.


Maurice Fombeure


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Dans le chapitre "Fontaines du temps perdu" du recueil "À dos d'oiseau", ce poème d'identification à la Nature :


"Terre – Terre" *

                                      À Roland Biaujou

Sur cette floraison de routes innombrables
Où les pas font sonner les heures du désert,
Où s'efface le vent et ses cris et ses rides,

Emporté par soi-même et toujours recouvert,

Sur ces arbres scellés au ciel, à la lumière,

Sur ces fontaines de sommeil,

Sur ces oiseaux tombant au fond des puits d'azur

Roulant de l'aile sur le silence essentiel,

Je promène mes mains, mes lèvres, ma tendresse.

Je promène mes pas, ma tristesse et mon cœur.

Ô ma terre, c'est toi, toi seule qui m'oppresses,

Et je me sens jailli droit de tes profondeurs.

Je suis les quatre vents, je suis le champ des Cygnes

Et, des bords d'Orion aux feux de la Grande Ourse,

Je suis l'âme semée qui s'éprend d'elle-même,

Je suis le cœur gorgé de pur.

Terre je suis tes bras, tes ombres, tes blasphèmes,

Le ciel ouvert aux flots et la mer qui murmure.


* les guillemets sont dans le titre

Maurice Fombeure ("À dos d'oiseau" - éditions Gallimard, 1942, disponible en Poésie/Gallimard, 1971) -


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Le coquillage

Ronfle coquillage

Où l'on entend tout le bruit de la mer

Vague par vague

Où l'on entend marcher les petits crabes

Où l'on entend mugir le vent amer.


Ronfle coquillage

Ah! je revois tous les bateaux de bois,

Les voiles blanches

Claires comme un matin de beau dimanche

Ailes de la joie.


Ronfle coquillage,

En toi je retrouve les beaux jours vivants,

Où les mouettes claquaient au vent

Dans un grand ciel bleu gonflé de nuages,

De nuages blancs signe du beau temps.


Ronfle coquillage.


Maurice Fombeure


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En quelques images légères et fortes au vocabulaire terrien, où sa poésie forge parfois sur mesure les mots, Maurice Fombeure nous plonge dans la splendide tristesse d'un paysage de fin d'automne :

Présence des automnes

       

                                      À Gérard Souzay

Le brouillard noie les cathédrales

Saint-Sulpice vogue loin de nous,

Mâtée comme un vaisseau fantôme.

Je songe aux brumes septembrales

Dessus les vignes de chez nous.


Dans le ciel fumeux et léger

Crient les migrateurs isocèles.

Houppelandé de gris berger,

La cornemuse sous l'aisselle,

Le gardien suit leur tire-d'ailes.


le troupeau cesse de manger,

Cependant que de vigne en rive

Percute le cri de la grive.

Rôdeur blaireau couleur de roi,

Déjà montent les bruits du froid.


L'orée frileuse des forêts

A flambé d'une biche d'ambre.

Voici que volent mes regrets

Avec ces oiseaux en triangle

Sur le gris triste des guérets.


Maurice Fombeure ("À dos d'oiseau" - éditions Gallimard, 1942, disponible en Poésie/Gallimard, 1971) 


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Pierre Garnier (1928-2014)
avec Ilse Garnier (née en 1927)


Pierre Garnier a d'abord fait partie des poètes de l’École de Rochefort, puis fondé, avec son épouse Ilse Garnier, le Spatialisme, ou Poésie spatiale.

C’est pourquoi on trouvera ici, avec celles de Pierre, des œuvres de Ilse Garnier, même si elle n’a pas appartenu à l’ École de Rochefort.



Pierre Garnier est tourné vers la Nature, le ciel et les oiseaux. Il est aussi l'un des initiateurs de l'association Éklitra, qui s'attache au maintien et à la modernisation (ce n'est pas contradictoire) de la langue picarde.

Le Spatialisme c'est ...

"Isoler la langue, la modifier, la bouleverser, créer des structures neuves… provoquant l’apparition d’états jusqu’alors inconnus et plaçant l’homme dans un milieu permanent de création et de liberté" ...

"Ce que j'écris a toujours suivi deux lignes, l'une subjective fondée sur ma vie et ce qui l'entoure, l'autre - la poésie spatiale - objective, fondée sur la réalité des mots" ... (Pierre Garnier)

L'auteur donne une dimension nouvelle à la poésie, et il faudrait visiter d'autres images, mais ce poème spatial minimaliste en français est un des plus évidents pour les élèves. Ils pourront se laisser tenter par la création poétique d'autres paysages, en jouant sur les espaces de la page blanche.




Pierre Garnier, 2008

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"Le poème jusqu’alors fut le lieu d’internement des mots.

Libérez les mots. Respectez les mots. Ne les rendez pas esclaves des phrases. Laissez-les prendre leur espace.

Ils ne sont là ni pour décrire, ni pour enseigner, ni pour dire : ils sont d’abord là pour être.


Le mot n’existe qu’à l’état sauvage. La phrase est l’état de civilisation des mots.


Un nom suivi d’un adjectif entre dans la civilisation, c’est-à-dire dans la spécialisation.

Si j’écris SOLEIL ou EAU c’est l’universalité que je touche.

Prononcez le nom SOLEIL, laissez-vous grandir en lui, laissez-vous durer par lui."

Pierre Garnier - "Manifeste pour une poésie nouvelle visuelle et phonique"
(dans l'ouvrage "Spatialisme et poésie concrète", Gallimard, 1968)

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Voici des oeuvres qualifiées de "poèmes mécaniques", que certains appelleront "calligrammes", réalisés à la machine à écrire autour de 1965.

Un premier "texte" mécanique minimaliste :







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et ce poème où la langue picarde occupe l'espace :




Pierre Garnier (poème extrait du recueil "Ozieux-Oiseaux, réalisé en 1966, et qu'on trouvera dans "Œuvres poétiques", tome 1 : 1950-1968 - Cécile Odartchenko, Édition des vanneaux , 2008)

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"Aux lents monologues des arbres
J’ajoute celui des rivières
Tous deux possèdent leurs feuillages
Bouche et poitrine armure et mer"


Pierre Garnier (passage du texte "Chant aux forêts", "crit en 1952 et qu'on trouve dans "Œuvres poétiques", tome 1 : 1950-1968 - Cécile Odartchenko, Édition des vanneaux , 2008)


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Les éditions des vanneaux (http://les.vanneaux.free.fr) ont entrepris la publication des oeuvres (in)-complètes de l'auteur (car Pierre Garnier n'est pas près de mettre un poème final à son œuvre). Cité par Gilbert Desmée, sur le site, à propos d'un autre ouvrage (en référence ci-dessous), voici deux textes, dont le premier est un poème mécanique :


pluie (titre suggéré)

p!luie pl!uie plu!ie plui!e
plu!ie plui!e p!luie plu!ie
pl!uie plu!ie plui!e p!luie

plui!e p!luie plu!ie pl!uie

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calimuchons / escargots (titre suggéré)

Comme chés calimuchons su ch’qmàn
ej m’in vaù in glichant
ej teurne din m’cacrole ech monne…

Comme les escargots sur le chemin
Je vais en glissant
Je tourne ma coquille le monde


Pierre Garnier (textes cités par Gilbert Desmée à propos de l'ouvrage "Pierre Garnier", Cécile Odartchenko, Édition des vanneaux, 2008)


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Ce poème, paysage d'inquiétude, a été emprunté au site Poezibao à cette adresse : http://poezibao.typepad.com/poezibao/2006/01/anthologie_perm_9.html, site où on trouvera des notes bio et bibliographique sur Pierre Garnier, et sur une infinité d'autres poètes :


ce pays ... (titre suggéré)


ce pays d’étangs
plein d’inquiétude
et qui se savent vieux

avez-vous vu la vieillesse des étangs ?

ce pays où les jeunes sapins trébuchent
qui n’ont plus qu’une fine couche d’humus
au-dessus de la craie

ce pays de jeunes sapins
qui crient comme les enfants dans la cour de l’école
que leurs paroles sont vivantes

ce pays de jeunes sapins et de jeunes enfants
aveugles sourds paralysés
parce qu’ils n’ont plus d’idées

ce pays de petits bois angoissés
qui ne voient plus un écureuil
ces petits bois dont les jeunes sapins sont vieux

ce pays où les êtres sont inquiets d’être

tout se continuait naguère par le chant

ce pays maintenant manque autant d’hommes
que de rossignols

les horloges prolifèrent

la mort est l’amie des agneaux

dans ce pays il n’y a plus de sources
les hommes les ont captées.


Pierre Garnier ("Viola Tricolor, Poèmes", Éditions En Forêt / Verlag Im Wald, 2004)


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l'index du site Poezibao se télécharge à cette adresse : http://poezibao.typepad.com/poezibao/index-de-.html

D'autres textes d'Ilse et de Pierre Garnier proviennent de ces sources :

http://www.encyclopedie.picardie.fr/
Revue "À travers champs" n° 11, téléchargeable ici : http://jdepetris.free.fr/Print/ATC11.pdf
Site Terre de Femmes : http://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/2006/10/ilse_garnierpom.html


Ilse Garnier, née en 1927, poète, traductrice d'ouvrages en allemand, a publié de nombreux ouvrages, sous son nom et d'autres en collaboration avec Pierre Garnier. Elle est avec Pierre Garnier son mari, la fondatrice du mouvement Spatialisme.

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Pierre Garnier a écrit ce poème, dans le "préambule" de l'ouvrage d'Ilse Garnier cité en référence, d'où sont extraits les poèmes spatiaux qui suivent :

"[...] Il est exclu que j’écrive si je ne sais pas d’abord que je suis océan et oiseau - le voyage d’île en île est toujours intérieur - purifiant - l’île  chose naturelle et spirituelle - la Terre - mais aussi le nom « île »  à  la merveilleuse seule syllabe, et ce point affleurant, disparaissant, affleurant, dans cette cime, dans ce mât, l’accent circonflexe -  mot naviguant  - mot avec un innombrable mouvement circulaire autour de lui  -  mot ricochet qui fait tant d’ondes sur l’eau  -  île - un point de force - voici le mot - hélice immobile et mobile dans le vocabulaire, il navigue ancré - il file à l’horizontale et à la verticale  -  mot maritime  -  île  - on n’a jamais en un seul nom écrit plus beau poème de la mer".


Pierre Garnier, cité par le site Terre de Femmes - en préambule, à l'ouvrage d'Ilse Garnier, "Les Îles ou le Voyage de Saint-Brendan, Poème du I , Poème spatial", Paris, Éditions André Silvaire, Collection Spatialisme, 1980. Préface de Martial Lengellé.


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Trois poèmes mécaniques et spatiaux d'Ilse Garnier, qu'il faudrait replacer dans la série d'oeuvres avec île, où se décline le mot "ile", et son libre accent circonflexe :








  1. Ilse Garnier "Les îles", 1980-1997, Revue "À travers champs" n° 11

  2. Ouvrage "Poème du i, Poème spatial", "Les Îles ou Le Voyage de St. Brendan", "7 fois ciel" et "Les Passages", préfacé par Martial Lengellé, André Silvaire, 1980)

  3. Ouvrage "Poésie spatiale / Raumpoesie", réédition des poésies spatialistes de 1963 à 1967, Universitäts-Verlag Bamberg, 2001)


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Louis Guillaume (1907-1971)


Louis Guillaume,
enseignant, écrivain et poète, auteur du recueil "Noir comme la mer" (entre des dizaines d'autres), est présent sur le blog et le site lieucommun dans les catégories Poésies pour la classe Cycle 2 et Cycle 3.

Il a donné son nom à un prix de poésie (en prose).


La source


Tout au long de l’année

Me parle cette source

En janvier enneigée,

En février gelée,

En mars encore boueuse,

En avril chuchotante,

En mai garnie de fleurs,

En juin toute tiédeur,

En juillet endormie,

En août presque tarie,

En septembre chantante,

En octobre dorée,

En novembre frileuse,

En décembre glacée.

C’est toi, petite source,

Le cœur de la forêt !


Louis Guillaume


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Ulysse


- Ulysse, Ulysse, arrête-toi,

Écoute la voix des sirènes

Plonge, va trouver notre reine,

Dans son palais, deviens le roi

Mais Ulysse préfère au toit

Des vagues celui des nuages,

Dans la direction d'Ithaque

Son regard reste fixé droit


Et les filles aux longs cheveux

Ont beau nager dans son sillage,

Il demeure sourd, il ne veut


Que la chanson, que le visage

Conservé au fond de ses yeux,

De Pénélope toujours sage.


Louis Guillaume

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Source des textes qui suivent, le site des Amis de Louis Guillaume ici :

http://www.louis-guillaume.com/


Noir comme la mer

Tout ce que je ne puis te dire

à cause de tant de murs,

tout cela qui s’accumule

autour de nous dans la nuit,

il faudra bien que tu l’entendes

lorsqu’il ne restera de moi

que moi-même à tes yeux caché.

Tout ce que je ne puis te dire

et que tu repousses dans l’ombre

à force de trop désirer,

cet amour noir comme la mer

où venaient mourir les étoiles

et ce sillage de lumière

que je suivais sur ton visage,

tout ce qu’autrefois nous taisions

mais qui criait dans le silence,

tout ce que je n’ai pu te dire

le sauras-tu sur l’autre bord

quand nous dormirons bouche à bouche

dans l’éternité sans paroles ?


Louis Guillaume (L’arbre à paroles, 2002)


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Le recueil Agenda constitue une contrainte d’écriture que s’est imposé Louis Guillaume en 1966.
Il comprend 187 poèmes de 18 vers écrits jour après jour sans interruption (un par jour et par page) sur son agenda.

Trois des poèmes d’Agenda (pas de titre), avec la référence bibliographique pour découvrir vous-même cet exceptionnel ouvrage :

Par le canal d’un regard

Où l’azur est dilué

Un arbre entre tout entier

Dans une tête déjà pleine

De nuages.

Avec sa libre crinière

Et ses affluents de vent

Il y occupe l’espace

Que le rêve a préparé.

Tout seul, le voici forêt.

Pour que l’hiver les dénude

Il brode à jour ses nervures,

Il habille de lumière

Ce que l’automne gaspille.

Un arbre se perd chaque soir

A l’ombre d’une chevelure

Et tous les matins se retrouve

Dans la clairière d’un miroir.


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autre page :

Sage parmi les fous,

Déraisonnable sage,

Grain de sable

Reniant la marée,

Un homme juge les autres,

Un homme pareil aux autres.

Une graine atterrit

Dans le désert et fait surgir

Le rêve d’une oasis.

Une autre, tombée en plein champ,

Devient herbe

A sarcler. La prairie brûle.

Le désert se fait lac.

L’eau de la mort aplanit

Jusqu’aux îles.

Privé même de l’exil,

Il faut manger et dormir,

Accepter de vivre.



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autre page (celui-ci est numéroté 178 et se trouve également sur le site référencé) :

Dis encore ce que tu sais

Avec un peu plus de silence

Accumulé. Clame-le

A bouche fermée, afin

Que tous ceux qui le couvent

Comme toi te reconnaissent.

Tiens ta place dans ce chœur

Désert où le bruit fermente,

Attentif et seul. Ecoute :

L’hirondelle poursuit son ombre

Sur les toits à petits cris.

L’été ne sait pas encore

Le solstice près d’éclater.

Nul n’entend soupirer la neige

Sous le bâillon du soleil.

La ville a la gorge remplie

De pierres. L’odeur des foins

Est un arpège. Tends l’oreille.


Louis Guillaume («Agenda», éditions Subervie, 1970 ; José Corti, 1988 ; L’arbre à paroles, 1996)

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Guillevic < cliquer


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Michel Manoll (1911-1984)


résumé de la source Wikipédia :

L’originalité de l’art poétique de Michel Manoll réside dans une exaltation de l’humain porté aux plus hautes notes d’un lyrisme très personnel, sous-tendu par une certaine mystique de la beauté. La stance manollienne, généralement d’un ample mouvement, se déroule harmonieusement, formant un tout où s’épousent intimement le fond et la forme. C’est en esthète, doté d’une fine culture, que Michel Manoll a accompli son œuvre et s’est généreusement intéressé à celle de ses pairs.


[...] Il entre en contact avec Saint-Pol-Roux, Pierre Reverdy et Max Jacob et plus tard avec René-Guy Cadou.

En février 1941, sous l’égide de Jean Bouhier et du peintre Pierre Penon, est fondée la désormais célèbre École de Rochefort, à Rochefort-sur-Loire. Elle accueille les ‘compagnons de la première heure qui sont : Marcel Béalu, Luc Bérimont, René Guy Cadou, Michel Manoll et Jean Rousselot. On connait le rayonnement de ce mouvement qui a donné naissance aux Cahiers de L’Ecole de Rochefort, et qui perdurera jusqu’en décembre 1944. La paix revenue, Michel Manoll devient journaliste avant d’entrer à L’ORTF et de devenir Producteur à la Radio.



Isabelle (comptine)


Isabelle

Qui est belle

Maryvonne

La friponne

Dominique

Qui s'applique

Comme Hélène

Aux joues pleines

Et Jeannette

La brunette

Demoiselles

En dentelles


Ron

Ne

Lles.


Michel Manoll (dans «Trésors des comptines, Bartillat, 1996)


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La Maison déserte

  

J’entre ce soir dans la maison déserte, sous les pins.

L’ombre a tout saccagé. Cependant, je reviens


Tout seul, comme autrefois je marchais sur la plage,

Ignorant, ignoré des amis de mon âge.


À l’heure où les cafés bourdonnent comme un nid

De frelons, je regagne un des ports de ma vie.


Voici le chemin pluvieux et la barrière blanche

Et le sol tapissé d’épaves et de branches ;


Quelqu’un m’attendait là : un visage de sable,

Quand je rentrais, traquant une meute d’étoiles.


Je t’appelle, visage, et voici que le vent

Chante, comme il chantait sous les pas du printemps.


J’ai franchi tant d’espace et rompus tant de liens

Que je ne sais plus trop qui je suis, d’où je viens ;


Cependant une main invisible me guide.

Est-ce vrai qu’on ne peut rompre la chrysalide


Et ramener à soi le cœur évanoui

Qui erre et se disloque au travers de la nuit ?


Je l’ai quitté ici et nous avons vécu,

Apaisant notre faim d’un froment inconnu,


Mais je l’entends toujours ricocher et sombrer

Dans un pâle silence aux frontières murées.


Ô ma mère, voici l’enfant de votre chair,

Il ne craint ni l’écueil, ni la soif du désert


Et si vous l’attirez dans une aride veille,

Comme un arbre d’automne oublieux de ses feuilles


Il saura rassembler sous le plafond des chambres

Ensanglantées et nues, les guirlandes de cendre


Où la fleur toujours vive, en sa robe océane,

Scintille, épanouie comme un oiseau qui plane.


Ô mes saisons perdues et mes lampes éteintes,

C’est une voix en vous qui gravite et qui tinte,


C’est un regard absent qui vous livre un secret

Maternel, enrobé de ténèbre et de craie.


Michel Manoll


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Bouquet d'arbres


Il faut parler des ifs comme on parle des morts

Du pelage d'automne enrobant l'eau qui dort


Le lilas oiseau-lyre ouvrant ses ailes blanches

C'est un flocon de neige qui plane sur les branches


Et le doux peuplier les calèches du vent

L'entraînent au galop de leurs chevaux piaffant


Ambre liquide ourlant la rive des forêts

L'écorce du bouleau tisse sa voie lactée


Le sapin familier de ses aiguilles brunes

Faufile la voilure attachée à sa hune


Et la pluie dans les mains frêles des marronniers

Glisse et s'effrite comme la vie d'un prisonnier


Mais le chêne fixé sur un socle de marbre

Semble un berger figé parmi son troupeau d'arbres


Si je nomme le charme une allée se dénoue

Une source enchâssée à son collier de houx


Et je ne sais que dire à ces obscurs témoins:

Tilleuls rompant le soir leur graine de parfums


Pommiers de gloire au flanc des collines couchés

Saules tremblants comme une fille effarouchée


A tous ceux qui s'en vont cherchant dans la nuit noire

La charnelle vêture et l'humaine mémoire.



Michel Manoll

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Ô solaires forêts


Je vous entends frémir tout au fond de mes os

Ô solaires forêts ployant sous le fardeau

D'une chair indocile et toujours renaissante

Et c'est votre ramure étrange et frémissante

Qui s'élève en crissant des failles de ma peau

Si je cherche à gagner parmi les arbrisseaux

La cime dévorée de lueurs et de neige

D'où l'on perçoit le vaste espace que n'allège

Ni le duvet du temps ni l'aile d'un oiseau.



Michel Manoll (paru dans la revue "Le Cri d’Os" n° 29-30, de juin 2000)


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Jean Rousselot (1913-2004)




Sur le site http://www.mollat.com/livres/francois-huglo-jean-rousselot-9782916071541.htmlla la photo et cette présentation biographique :


"
Jean Rousselot a traversé la vie poétique de ce siècle. Encouragé dès ses débuts par Paul Eluard, René Char, Pierre Jean Jouve, Pierre Reverdy, Max Jacob, il a été l'un des « amis de Rochefort » tout en se tenant à distance des clichés qui risquaient de gommer la « disparité des pairs ». Ouvert aux recherches les plus diverses, du spatialisme au cut-up, il a été l'allié disponible et passionné de plusieurs générations de poètes. Par Jean Rousselot qui fut aussi critique, romancier, essayiste, diariste, et grand épistolier, la poésie a traversé ce siècle, de la guerre 14 (celle de la mort de son père) aux « croisades pour libérer le Saint Pétrole ». Certaines polémiques entre Rousselot et Aragon peuvent rappeler celles qui ont opposé Camus à Sartre, ou Césaire à Thorez. Jean Rousselot est l'un des écrivains qui ont porté le XXème siècle, activement, lucidement, ce qui signifiait aussi, pour lui, poétiquement."


Jean Rousselot a publié, à partir de 1934 de très nombreux recueils de poésie et des anthologies pour la collection "Poètes d'Aujourd'hui" de Pierre Seghers. Il est également l'auteur d'un Dictionnaire de la Poésie Française contemporaine (en 1962) et d'une Histoire de la poésie française en 1976.


  1. - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -


On trouvera à cette adresse un choix de poèmes, douze textes de Jean Rousselot - cliquer >>


12 POÈMES DE JEAN ROUSSELOT choisis par Christophe Dauphin | Recours au Poème

  1. - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -


Ci-dessous, "Le jeu et la chandelle", texte dans lequel, pour lieucommun en tous cas ,Jean Rousselot s'expose le plus, le mieux.
Ce poème présente son engagement comme une évidence, prend le risque si l'on peut dire de mettre en jeu sa vie et sa passion poétique, d'être  à la fois "la carte et le joueur".
Vous aviez dit Insurrection poétique, non ?


Le jeu et la chandelle (extraits)


Vous dites que je prends trop de risques ? Peut-être ...

Mon sang, c'est vrai, toujours sursaute et s'évertue ;

Je change de carrure et de taille ; le Maître

Serait bien empêché de fondre une statue.


C'est vrai, je parle ailleurs de ce qu'ici je cache ;

C'est vrai, j'ai mille et un visages suivant l'heure ;

J'égrène sans compter quand je veux que l'on sache

Et m'enferme à trois tours si le doute m'effleure.


Écoutez-vous parfois l'eau traverser les choses ?

Selon que son parcours est de pierre ou de mousse,

Que s'y mire l'azur ou l'usine morose,

Qu'elle brûle et frissonne, et se traîne ou trémousse,

L'insinuation, la colère ou la crainte,
Le cri, l'éclat de rire ou la pose, ou le deuil,

Tour à tour en sa voix se mêlent à la plainte

Dont nuit et jour elle ente un monde plein d'orgueil.


Et le risque d'aller se perdre sous la terre ?
D'être déchiquetée par les crocs du soleil

Sans pouvoir ressouder ses anneaux délétères ?
Ou de s'éveiller roc si l'on cède au sommeil ?


Je vous parle de l'eau. Ce pourrait être un arbre

Que je prends à témoin de mon honnêteté :

S'il est mer dans le vent, sa poitrine est de marbre,

Les nuits de gel ou l'on entend le vent tinter ;


Démagogie, sa foule ! Impudeur, sa tempête !

L'oiseau noir entrevu quand ses dessous voltigent !

Égoïsme, la mort en blanc dont il répète
Chaque hiver l'attitude et les secrets vertiges !


Mais l'insurrection et la sève en ses veines ?

mais la cavalerie haineuse qui le broie ?

Mais cette contre-attaque à l'époque des faines,

Et de la pesanteur, et du vide, et du froid,


Qu'y pourrait-il ? Va-t-il en plein avril se fendre

Et de son cœur pourri fumer les herbes neuves ?

Discourir aux oiseaux quand ses dernières cendres
Ensemencent l'éther ou colorent les fleuves ?


(...) - trois strophes ici -
l'auteur élargit la métaphore, pour montrer que "Tout est risque"


Tout est risque, fors Dieu, la mort et le silence !

Risque, le moindre pas que l'on fait dans le songe !

Risque, le plus petit rameau qui se balance !

Risque, la liberté, l'amour et le mensonge !


Car nul n'est assuré de ses droits à l'espace,

De rejaillir vivant des draps chauds de la nuit

Et de se profiler sur le faux bois cocasse

Que le temps, pour décor, a peint derrière lui.


Tout est risque : l'étoile et la vague, et la flamme,

Dire que l'on a faim, que l'on voudrait un lit,

Et tout ce qui remue, et tout ce qui réclame ;

Par la rime, le mot pris en flagrant délit.


(...) - sept strophes ici -
l'auteur y plaide pour le risque, le revendique pour lui-même...


(...) mais ce risque allègrement couru

De mourir de silence ou de dévergondage,

De coups d'épingle ou de martellement bourrus,

Ah, laissez-moi l'aimer, et toujours davantage,


Puisqu'il a fait de moi cet homme sursitaire

Toujours prêt à rêver ce qui ne se peut vivre,
mais prêt aussi, d'un cri d'amour ou de colère,

À raturer mille ans de férule et de cuivres,


À répondre présent aux couteaux du désir,

À la sommation du vent et de l'averse,

Aux trains que l'on égorge au fond de l'avenir,

Aux amis pourrissants que le givre transperce,


Mais aussi, sans peser ce qu'il y perd ou gagne,

À se fondre en la prose ardente de l'émeute :

Les jours de grande faim, poésie est Cocagne,

Pérou, la vérité d'Héraclite ou de Gœthe ...


Survivrai-je ? J'entends, sans vouloir les comprendre,
Les avertissements des purs et des assis ;

Il n'est pas jusqu'aux yeux que mon amour engendre

Qui ne me disent : nul ne peut durer ainsi.

Que m'importe ? Il me faut brûler ! Cette chandelle
Prise à mon propre jeu mise sur sa lueur :
Tout hasard est truqué, toute passe est mortelle

Si l'on n'est à la fois la carte et le joueur.


Jean Rousselot (Agrégation du temps suivi de Le jeu et la chandelle, Seghers, 1957)


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un autre poème, autobiographie de l'homme :


Vivre et mourir


Maître de tout sauf de moi-même,

Chaque jour je recule un peu

Sur les falaises de ma vie.


Dans mes jeux d'autrefois, théâtre,

J'avais le même regard ivre,

Le même coeur désassemblé.


Mais alors on fuyait, nous deux,

Le monde était un mur poreux

Et nous savions les mots complices !


O mon enfant, n'oublie rein :

Les clés encor sont dans ta main,

L'amour attend il nous faut vivre !


Ferme tes plaies, ouvre tes yeux,

Ajoute la mort à ton jeu :

Je suis un autre, je suis libre !


J'ai tout aimé moins que moi-même

Je veux vivre pour tout aimer

Et m'oublier dans ce que j'aime.   


Jean Rousselot ("L'homme est au milieu du monde", Alger, Fontaine 1940)


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Dire au plus près


Dire au plus près la chose

En fait une autre


Nous devrions hurler

Plutôt que choisir

Et agencer


Les chaufourniers le savent

Qui vendent plus cher que chaux vive

L’azur de leurs erreurs.



Rapporter exactement

Les réponses

Inintelligibles mais superbes


Que trompant les espions

Les geishas

Et les seconds couteaux

De la douleur


Nous avons réussi à obtenir

De sa propre bouche


Nous donne une absurde

Mais véritable joie



En vain tâcherons-nous

De parfaire

L’alibi de la beauté


Nous ne laisserons de nous

Que contrefaçons

Plus ou moins mauvaises


Pourtant s’il y avait

Un grand quelqu’un capable

Et soucieux

D’analyser le sang qui en dégoutte

Il verrait bien que c’est le nôtre.


Jean Rousselot (Pour ne pas oublier d’être, Belfond, 1990)


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Chanson du possible


Un oiseau sous la mer

Qui marche à petits pas

Cela ne se peut guère

Cela ne se peut pas


Un marchand de biftèques

Qui les donne pou rien

Cela ne se peut guère

Cela ne se peut point


Un général qui crie

À bas la guerre à bas

Cela ne se peut mie

Cela ne se peut pas


Mais un rat bicycliste

Un poisson angora

Un chat premier ministre

Un pou qui met des bas


Une rose trémière

qui fait des pieds de nez

Tout ça se peut ma chère

Il suffit d'y penser.   


Jean Rousselot (dans l'anthologie de Georges Jean, "Nouveaux trésors de la poésie pour enfants" - éditions Le cherche midi, 2003)


  1.   A la manière de ..."chanson du possible"

Voyez ici, à partir du  texte original des productions d'élèves (copier-coller ce lien) :

http://www.prof2000.pt/users/anaroda/pfrances/Trabalho_final_pagina_frances/doc_pdf/Poèmes_élèves.pdf


  1. -- - -  - - - - - - - - - - - - - - - - - -


La neige


Dans la neige

On veut faire soi-même

Son chemin


De grandes plaines

Sont au bout

Et peut-être la mer !


Ô, neige, neige,

Neige étoilée par mille oiseaux,

Ton nom fond dans la bouche

Comme un fruit d'eau.


Jean Rousselot


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La vie dure


À peine les cosmonautes

Eurent-ils repris leur vol

Que la vieille au fagot

Sortit de sa cachette

Et se remit à marcher sur la lune.   


Jean Rousselot ("Le spectacle continue" - éditions La Bartavelle, 1992)


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Les pommes de lune


Entre Mars et Jupiter

Flottait une banderole

Messieurs Mesdames

Faites des affaires

Grande vente réclame

De pommes de terre


Un cosmonaute qui passait par là

Fut tellement surpris qu'il s'arrêta

Et voulut mettre pied à terre


Mais pas de terre en ce coin là

Et de pommes de terre

Pas l'ombre d'une


C'est une blague sans doute

Dit il en reprenant sa route

Et à midi il se fit

Un plat de pommes de lune.



Jean Rousselot (dans l'anthologie de Georges Jean, "Nouveaux trésors de la poésie pour enfants" - éditions Le cherche midi, 2003)


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L'ordinateur et l'éléphant


Parce qu'il perdait la mémoire

Un ordinateur alla voir

Un éléphant de ses amis

- C'est sûr, je vais perdre ma place,

Lui dit-il, viens donc avec moi.

Puisque jamais ceux de ta race

N'oublient rien, tu me souffleras.

Pour la paie, on s'arrangera.

Ainsi firent les deux compères.


Mais l'éléphant était vantard

Voilà qu'il raconte ses guerres,

Le passage du Saint-Bernard,

Hannibal et Jules César...


Les ingénieurs en font un drame

Ça n'était pas dans le programme

Et l'éléphant, l'ordinateur

Tous les deux, les voilà chômeurs.


De morale je ne vois guère

À cette histoire, je l'avoue.

Si vous en trouvez une, vous,

Portez-la chez le Commissaire;

Au bout d'un an, elle est à vous

Si personne ne la réclame.


Jean Rousselot (dans l'anthologie de Georges Jean, "Nouveaux trésors de la poésie pour enfants" - éditions Le cherche midi, 2003)


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On n'est pas n'importe qui


Quand tu rencontres un arbre dans la rue,

dis-lui bonjour sans attendre qu'il te salue.

C'est distrait, les arbres.

Si c'est un vieux, dis-lui "Monsieur".

De toutes façons, appelle-le par son nom :

Chêne, Bouleau, Sapin, Tilleul...

Il y sera sensible.

Au besoin aide-le à traverser.

Les arbres, ça n'est pas encore habitué à toutes ces autos.

Même chose avec les fleurs, les oiseaux, les poissons :

appelle-les par leur nom de famille.

On n'est pas n'importe qui !

Si tu veux être tout à fait gentil, dis "Madame la Rose" à l'églantine ;

on oublie un peu trop qu'elle y a droit.



Jean Rousselot ("Petits poèmes pour coeurs pas cuits" - éditions Editions St- Germain-des-Prés, 1979)


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Pas de vacances


Si vous croyez que ça m'amuse

Dit la mer

D'avoir toujours à me refaire

- Un point à l'endroit, un point à l'envers

- Un pas en avant, un pas en arrière


Moi qui aimerais tant aller cueillir des coings

À Tourcoing

Me bronzer dans la neige

À Megève


Hélas pas moyen de fermer boutique

J'ai trop de sprats j'ai trop de pra-

Trop de pratiques


Mais comme elle a des cailloux plein la bouche

Personne ne comprend rien

À ce que raconte la mer.


Jean Rousselot (dans l'anthologie de Jacques Charpentreau, "La nouvelle guirlande de Julie" - éditions Ouvrières, 1976)


  1. -- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

 

encre de Serge Ivanoff  - Portrait de poètes, 1942
De gauche à droite Yanette Delétang-Tardif, Maurice Fombeure, Jean Follain, Rémi Masset, Guillevic

"Que m'importe ? Il me faut brûler ! Cette chandelle
Prise à mon propre jeu mise sur sa lueur :
Tout hasard est truqué, toute passe est mortelle
Si l'on n'est à la fois la carte et le joueur".

Jean Rousselot