Printemps des Poètes 2014    -    textes traduits en français

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Printemps des Poètes 2014 au coeur des arts - textes en d’autres langues traduits en français


ci-dessous :


  1. 1.ANGLETERRE - William Blake

  2. 2.USA - Walt Whitman

  3. 3.ESPAGNE - Federico García Lorca


colonne de droite :


  1. 4.ESPAGNE - Rafael Alberti

  2. 5.ARGENTINE / FRANCE - Vicente Huidobro

1. Angleterre


William Blake (1757-1827)

est un peintre et un poète pré-romantique britannique.
La poésie est son principal domaine de création. Elle est inspirée de visions bibliques à caractère prophétique.



«L’enfer de Dante» - entre 1824 et 1827 -  William Blake


Augures d’innocence

(début du poème)


Voir le monde en un grain de sable,

Un ciel en une fleur des champs,

Retenir l’infini dans la paume des mains

Et l’éternité dans une heure.


Rouge-gorge mis en cage,

Voilà tout le ciel en rage.

Un colombier plein de colombes et de ramiers

Fait frissonner l’enfer en tous ses ateliers.


Un chien qui meurt au seuil de la maison du maître

Prononce que l’Etat bientôt va disparaître.

Cheval frappé sur le chemin

Réclame du sang humain.

A chaque cri plaintif du lièvre que l’on chasse

C’est un fil de la cervelle qui casse.

Alouette à l’aile blessée

Un chérubin cesse de chanter.

Le coq dressé pour le combat,

Fait du soleil levant l’effroi.

Tout hurlement de loup, de lion sur la terre

Réveille une âme et la retire hors de l’enfer.


...


William Blake («Chansons et mythes, poèmes choisis», Editions La différence, 1989). Présentation et traduction de Pierre Boutang.


Auguries of innocence


To see a World in a Grain of Sand

And a Heaven in a Wild Flower,

Hold Infinity in the palm of your hand

And Eternity in an hour.


A Robin Red breast in a Cage

Puts all Heaven in a Rage.

A dove house filld with doves & Pigeons

Shudders Hell thro' all its regions.


A dog starvd at his Masters Gate

Predicts the ruin of the State.

A Horse misusd upon the Road

Calls to Heaven for Human blood.

Each outcry of the hunted Hare

A fibre from the Brain does tear.

A Sky lark wounded in the wing,

A Cherubim does cease to sing.

The Game Cock clipd and armd for fight

Does the Rising Sun affright.

Every Wolf's & Lion's howl

Raises from Hell a Human Soul.


...


William Blake

source (qui présente le texte complet) ici : http://poussierevirtuelle.over-blog.com/article-27698210.html

            


Tigre O Tigre


Tigre O Tigre! Toi qui luis

Au fond des forêts de la nuit,

Quel esprit immortel sut faire

Ta symétrie meurtrière ?


Sur quels gouffres et sous quels cieux

Brûla-t-il le feu de tes yeux ?

Quelle aile prît un tel essor ?

Quel bras saisit ce feu, cet or ?


Quelle force de quel sculpteur

Tordit les tendons de ton cœur ?

Et quand ce cœur se mut en toi

Quels pieds, quels bras, et quel effroi


A qui la chaîne, le marteau,

La forge où flamba ton cerveau,

L'enclume? Quelle poigne cruelle

Crut serrer ses terreurs mortelles ?


Tout astre a déposé ses armes,

Et trempé le ciel de ses larmes.

Sourit-il ? Te fit-il Celui

Qui fit l'agneau au temps jadis


Tigre O Tigre ! Toi qui luis

Au fond des forêts de la nuit,

Quel immortel oserait faire

Ta symétrie meurtrière ?


William Blake (traduit par A.Z. Foreman)


texte du poème original  en anglais :


Tyger, tyger


Tyger tyger, burning bright

In the forests of the night,

What immortal hand or eye

Could frame thy fearful symmetry?


In what distant deeps or skies

Burnt the fire of thine eyes ?

On what wings dare he aspire ?

What the hand dare seize the fire ?


And what shoulder and what art

Could twist the sinews of thy heart ?

And when thy heart began to beat,

What dread hand and what dread feet ?


What the hammer? what the chain ?

In what furnace was thy brain ?

What the anvil? What dread grasp

Dare its deadly terrors clasp ?


When the stars threw down their spears,

And water'd heaven with their tears,

Did He smile His work to see ?

Did He who made the lamb make thee ?


Tyger, tyger, burning bright

In the forests of the night,

What immortal hand or eye

Dare frame thy fearful symmetry ?

William Blake


1. USA


Walt Whitman

(1819-1892) est un poète des Etats-Unis d'Amérique. «Leaves of Grass» ("Feuilles d'herbe"), qu'il a publié à compte d'auteur, avant que d'autres éditeurs ne l'acceptent, est son recueil de poèmes le plus représentatif.


"Qui dégrade autrui me dégrade ;

Et rien ne se dit ou se fait qui ne retourne enfin à moi."


"Whoever degrades another degrades me ;

And whatever is done or said returns at last to me."


(Feuilles d'herbes - Leaves of Grass).


Ce recueil, qu'il a publié à compte d'auteur, avant que d'autres éditeurs ne l'acceptent, est son recueil de poèmes le plus représentatif.


AVEC JEAN LURÇAT

Léon Bazalgette, traducteur de la première édition de «Feuilles d’herbe»,  a choisi six poèmes (Une femme m'attend ; Le corps d'un homme aux enchères ; J'ai traversé naguère une ville populeuse ; Combien de temps fûmes-nous entravés, nous deux ; Vingt-huit jeunes hommes se baignent près du rivage et Chant pour toutes les mers, tous les navires) pour réaliser un livre d’art orné de lithographies de Jean Lurçat (1892-1966), alors à  l'aube de sa carrière artistique :




ouvrage
«Six poèmes de Walt Whitman», «version nouvelle de Léon Bazalgette». Compositions ornementales par Jean Lurçat.

Paris, Les éditions du relieur A. J. Gonon, 1919. (Bois gravés. sous chemise en papier marbré)


Un des six poèmes :

J'ai traversé naguère une ville populeuse


J'ai traversé naguère une ville populeuse imprimant sur mon cerveau,

pour m'en servir plus tard, ses curiosités, ses monuments, ses

mœurs, ses traditions ;


Aujourd'hui, cependant, de toute cette ville je ne me rappelle au'une

femme, rencontrée là par hasard, qui me retint parce (qu'elle

m'aimait ;


Jour après jour, nuit après nuit, nous étions ensemble — tout le

reste depuis longtemps s'est effacé de ma mémoire ;


Je ne me souviens, dis-je, que de cette femme qui s'attacha passion-

nément à moi ;


De nouveau nous errons, nous nous aimons, nous nous quittons ;

De nouveau elle me retient par la main, il ne faut pas que je parte !

Je la vois encore debout contre moi, les lèvres silencieuses, navrée

et tremblante.


(traduction : Léon Bazalgette)

Texte original :


Once I Pass’d Through a Populous City


Once I pass’d through a populous city, imprinting my brain, for future use, with its shows, architecture, customs, and traditions ;


Yet now, of all that city, I remember only a woman I casually met there, who detain’d me for love of me ;


Day by day and night by night we were together,—All else has long been forgotten by me ;


I remember, I say, only that woman who passionately clung to me ;


Again we wander—we love—we separate again ;

Again she holds me by the hand—I must not go !

I see her close beside me, with silent lips, sad and tremulous.


Walt Whitman , diverses éditions dont celle illustrée par Lurçat, et
"Feuilles d'herbes", 1855 à 1891 -  traduction de Léon Bazalgette
"Feuilles d’herbe", traduction de Jacques Darras, NRF Poésie/Gallimard, 2002)


3. Espagne


Federico García Lorca

(1898-1936) est un poète et auteur de pièces de théâtre espagnol, dans la mouvance du surréalisme. Il a été l'ami du cinéaste Luis Buñuel et du peintre Salvador Dalí.

Il est mort fusillé au début de la Guerre civile par les troupes franquistes.


" Toutes les choses ont leur mystère, la poésie c'est le mystère de toutes les choses "


Le Romancero Gitano (1928) est son recueil de poèmes le plus connu.

.

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Verde, que te quiero verde  /  Vert, que je t’aime vert

  1. -- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -


          

 

portrait de Salvador Dalí par Lorca


Oda a Salvador Dalí


(...)


¡Oh, Salvador Dalí, de voz aceitunada!

No elogio tu imperfecto pincel adolescente

ni tu color que ronda la color de tu tiempo,

pero alabo tus ansias de eterno limitado.


Alma higiénica, vives sobre mármoles nuevos.

Huyes la oscura selva de formas increíbles.

Tu fantasía llega donde llegan tus manos,

y gozas el soneto del mar en tu ventana.


El mundo tiene sordas penumbras y desorden,

en los primeros términos que el humano frecuenta.

Pero ya las estrellas ocultando paisajes,

señalan el esquema perfecto de sus órbitas.


La corriente del tiempo se remansa y ordena

en las formas numéricas de un siglo y otro siglo.

Y la Muerte vencida se refugia temblando

en el círculo estrecho del minuto presente.


Al coger tu paleta, con un tiro en un ala,

pides la luz que anima la copa del olivo.

Ancha luz de Minerva, constructora de andamios,

donde no cabe el sueño ni su flora inexacta.


Pides la luz antigua que se queda en la frente,

sin bajar a la boca ni al corazón del bosque.

Luz que temen las vides entrañables de Baco

y la fuerza sin orden que lleva el agua curva.


Haces bien en poner banderines de aviso,

en el límite oscuro que relumbra de noche.

Como pintor no quieres que te ablande la forma

el algodón cambiante de una nube imprevista.


El pez en la pecera y el pájaro en la jaula.

No quieres inventarlos en el mar o en el viento.

Estilizas o copias después de haber mirado,

con honestas pupilas sus cuerpecillos ágiles.


Amas una materia definida y exacta

donde el hongo no pueda poner su campamento.

Amas la arquitectura que construye en lo ausente

y admites la bandera como una simple broma.


Dice el compás de acero su corto verso elástico.

Desconocidas islas desmiente ya la esfera.

Dice la línea recta su vertical esfuerzo

y los sabios cristales cantan sus geometrías.


                                *  *  *


Pero también la rosa del jardín donde vives.

¡Siempre la rosa, siempre, norte y sur de nosotros!

Tranquila y concentrada como una estatua ciega,

ignorante de esfuerzos soterrados que causa.


Rosa pura que limpia de artificios y croquis

y nos abre las alas tenues de la sonrisa

(Mariposa clavada que medita su vuelo).

Rosa del equilibrio sin dolores buscados.

¡Siempre la rosa!


                                *  *  *


¡Oh, Salvador Dalí de voz aceitunada!

Digo lo que me dicen tu persona y tus cuadros.

No alabo tu imperfecto pincel adolescente,

pero canto la firme dirección de tus flechas.


Canto tu bello esfuerzo de luces catalanas,

tu amor a lo que tiene explicación posible.

Canto tu corazón astronómico y tierno,

de baraja francesa y sin ninguna herida.


Canto el ansia de estatua que persigues sin tregua,

el miedo a la emoción que te aguarda en la calle.

Canto la sirenita de la mar que te canta

montada en bicicleta de corales y conchas.


Pero ante todo canto un común pensamiento

que nos une en las horas oscuras y doradas.

No es el Arte la luz que nos ciega los ojos.

Es primero el amor, la amistad o la esgrima.


(...)


Federico García Lorca


Ode à Salvador Dali

(passage)


(…)


Ô Salvador Dali à la voix olivée !

Je ne vante pas ton imparfait pinceau adolescent,

Ni ta couleur qui courtise la couleur de ton temps.

Je chante ton angoisse, ô limité, limité éternel !

Âme hygiénique, tu vis sur des marbres nouveaux.


Tu fuis l’obscure selve des formes incroyables.

Où atteignent tes mains, ta fantaisie atteint,

Et tu jouis du sonnet de la mer dans ta fenêtre.


Aux premières bornes que l’homme rencontre,

Le monde n’est que désordre et que sourde pénombre.

Mais déjà les étoiles, cachant les paysages,

Désignent le schéma parfait de ses orbites.


Le courant du temps s’apaise et s’ordonne

Dans les formes numériques d’un siècle, et d’un autre siècle.

La Mort vaincue se réfugie en tremblant

Dans le cercle étroit de la minute présente.


En prenant ta palette, dont l’aile est trouée d’un coup de feu,

Tu demandes la lumière qui anime la coupe renversée de l’olivier.

Large lumière de Minerve, constructrice d’échafaudages,

Lumière où ni le songe, ni sa flore inexacte n’ont place.


Tu demandes la lumière antique qui reste sur le front,

Qui ne descend ni à la bouche, ni au cœur de l’homme.

Lumière que craignent les vignes poignantes de Bacchus

Et la force désordonnée qui porte l’eau courbe.


Tu as raison de banderoler la limite obscure,

Toute brillante de nuit. Et en tant que peintre,

Tu ne veux pas que ta forme soit amollie

Par le coton changeant d’un nuage imprévu.


Le poisson dans le vivier, l’oiseau dans la cage,

Tu ne veux pas les inventer dans la mer ou le vent.

Après les avoir, de tes honnêtes pupilles, bien regardés,

Tu stylises ou copies les petits corps agiles.


Tu aimes une matière définie et exacte

Où le champignon ne puisse dresser sa tente.

Tu aimes l’architecture qui contruit dans l’absent

Et tu prends le drapeau pour une simple plaisanterie.

Le compas d’acier rythme son court vers élastique.


La sphère déjà dément les îles inconnues.

La ligne droite exprime son effort vertical

Et les cristaux savants chantent leurs géométries.


  *  *  *

Mais encore et toujours la rose du jardin où tu vis.

Toujours la rose, toujours ! nord et sud de nous-mêmes !

Tranquille et concentrée comme une statue aveugle,

Ignorante des efforts souterrains qu’elle cause.


Rose pure, abolissant artifices et croquis

Et nous ouvrant les ailes ténues du sourire.

(Papillon cloué qui médite son vol).

Rose de l’équilibre sans douleurs voulues. Toujours la rose !


*  *  *

Ô Salvador Dali à la voix olivée !

Je dis ce que me disent ta personne et tes tableaux.

Je ne loue pas ton imparfait pinceau adolescent,

Mais je chante la parfaite direction de tes flèches.


Je chante ton bel effort de lumières catalanes

Et ton amour pour tout ce qui explicable.

Je chante ton cœur astronomique et tendre,

Ton cœur de jeu de cartes, ton cœur sans blessure.


Je chante cette anxiété de statue que tu poursuis sans trêve,

La peur de l’émotion qui t’attend dans la rue.

Je chante la petite sirène de la mer qui te chante,

Montée sur une bicyclette de coraux et de coquillages.


Mais avant tout je chante une pensée commune

Qui nous unit aux heures obscures et dorées.

L’art, sa lumière ne gâche pas nos yeux.

C’est l’amour, l’amitié, l’escrime qui nous aveuglent.


(...)


Federico Garcia Lorca, 1924
(traduction en français de Paul Éluard  et Louis Parrot , éditions G.L.M., 1938)


           

Federico García Lorca - El beso (le baiser), 1927  -  portrait double (qui relie sans doute les deux amis) réalisé par Lorca en imitation d’un tableau de Dali

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dessin de
Federico García Lorca - Musée Lorca, Fuentevaqueros (Espagne)
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en hommage à Paul Verlaine :


Verlaine


La canción,

que nunca diré,

se ha dormido en mis labios.

La canción,

que nunca diré.


Sobre las madreselvas

había una luciérnaga,

y la luna picaba

con un rayo en el agua.


Entonces yo soñé,

la canción,

que nunca diré.


Canción llena de labios

y de cauces lejanos.


Canción llena de horas

perdidas en la sombra.


Canción de estrella viva

sobre un perpetuo día.


Federico Garcia Lorca («Canciones» en «Tres retratos con sombras»)
(adaptation en français de lieucommun)


traduction en français :

Verlaine

La chanson

que jamais je ne dirai

s’est endormie sur mes lèvres.

La chanson

que jamais je ne dirai



Parmi les chèvrefeuilles

était un ver luisant

et la lune effleurait

l’eau d’un de des rayons.


C’est alors que je rêvai

la chanson

que jamais je ne dirai.


Chanson plein de lèvres

et de rives lointaines.

Chanson des longues heures
perdues dans l’ombre.


Chanson d’étoile vive

et d’un jour éternel.


Federico Garcia Lorca
(adaptation en français de lieucommun)

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Claude Debussy


Mi sombra va silenciosa

por el agua de la acequia.


Por mi sombra están las ranas

privadas de las estrellas.


La sombra manda a mi cuerpo

reflejos de cosas quietas.


Mi sombra va como inmenso

cínife color violeta.


Cien grillos quieren dorar

la luz de la cañavera.


Una luz nace en mi pecho,

reflejado, de la acequia.


Federico Garcia Lorca («Canciones» en «Tres retratos con sombras»)
(adaptation en français de lieucommun)


Claude Debussy


Mon ombre passe en silence

sur l’eau fraîche du canal.


Mon ombre en passant efface

aux grenouilles les étoiles.


L’ombre pose sur mon corps

des reflets de choses calmes.


Mon ombre passe comme un

immense insecte lilas.


Cent grillons veulent dorer

le jour des herbes sauvages.


Une clarté naît en moi

reflet venu du canal.


Federico Garcia Lorca (texte en français dans «Poésies, tome II

Poèmes traduits de l’espagnol par André Belamich, Pierre Darmangeat, Jean Prévost et Jules Supervielle - Poésie/Gallimard tome II,1966)


quelques images fortes et colorées de l’Espagne de Lorca :


Août


Contrastes de pêche et de sucre,

et le soleil dans l'après-midi

comme le noyau dans un fruit.

L'épi de maïs garde intact

son rire jaune et dur.

Août.

Les enfants mangent

le pain brun et la délicieuse lune.


Federico García Lorca

(adaptation en français proposée par lieucommun)


Agosto


Contraponientes de melocotón y azucar,

y el sol dentro de la tarde,

come el hueso en una fruta.

La panocha guarda intacta

su risa amarilla y dura.

Agosto.

Los niños comen

pan moreno y rica luna.


Federico García Lorca


Paysage


Le champ d’oliviers

s’ouvre et se ferme

comme un éventail.


Sur l’olivier,

un ciel écroulé

et une pluie obscure

d’étoiles froides.


Au bord de la rivière

tremblent jonc et pénombre.

L’air gris se froisse.

Les oliviers sont lourds de cris :


une troupe

d’oiseaux captifs,

qui remuent leurs très longues

queues dans l’obscurité.


Federico García Lorca (Poème de la séguidille gitane dans "Poèmes du Cante Jondo" - Gallimard 1966)

(adaptation en français proposée par lieucommun)


Paisaje


El campo de olivos

se abre y se cierra

como un abanico.


Sobre el olivar

hay un cielo hundido

y una lluvia oscura

de luceros fríos.


Tiembla junco y penumbra

a la orilla del río.

Se riza el aire gris.


Los olivos

están cargados

de gritos.


Una bandada

de pájaros cautivos,

que mueven sus larguísimas

colas en lo sombrío.


Federico García Lorca (Poema de la seguidilla gitana en "Poemas del Cante Jondo"  1966)


Papillon du ciel


Papillon du ciel

comme tu es beau,

papillon du ciel

couleur or et vert.

Lumière des lampes,

papillon du ciel,

reste là, reste là !

Tu ne t'arrêtes pas,

Tu ne veux pas t'arrêter.


Papillon du ciel

couleur or et vert.

Lumière des lampes,

papillon du ciel,

reste là, reste là !

reste là !

Papillon, tu es là ?


Federico García Lorca

(adaptation en français proposée par lieucommun)


Mariposa


Mariposa del aire,

qué hermosa eres,

mariposa del aire

dorada y verde.

Luz del candil,

mariposa del aire,

¡quédate ahí, ahí, ahí!

No te quieres parar,

pararte no quieres.


Mariposa del aire

dorada y verde.

Luz de candil,

mariposa del aire,

¡quédate ahí, ahí, ahí !

¡Quédate ahí!

Mariposa, ¿estás ahí?


Federico García Lorca (Extrait de la pièce de théâtre "la savetière prodigieuse"  ["La zapatera prodigiosa"] )


La Guitare


Commencent les lamentations

de la guitare.

les coupes de l'aube se brisent.

Commencent les lamentations

de la guitare.

Il est inutile

de la faire taire.

Il est impossible

de la faire taire.

C'est une plainte monotone,

comme la plainte de l'eau,

comme la plainte du vent

sur la neige.

Il est impossible

de la faire taire.

Elle pleure sur des choses

lointaines.

Sable du Sud brûlant

qui veut des camélias blancs.

Elle pleure la flèche sans but,

le soir sans lendemain,

et le premier oiseau mort

sur la branche.

Oh guitare !

Coeur blessé à mort

par cinq épées.


Federico García Lorca  (Poema del cante jondo - 1921).

(adaptation en français proposée par lieucommun)


La Guitarra


Empieza el llanto

de la guitarra.

Se rompen las copas

de la madrugada.

Empieza el llanto

de la guitarra.

Es inútil callarla.

Es imposible

callarla.

Llora monótona

como llora el agua,

como llora el viento

sobre la nevada

Es imposible

callarla,

Llora por cosas

lejanas.

Arena del Sur caliente

que pide camelias blancas.

Llora flecha sin blanco,

la tarde sin mañana,

y el primer pájaro muerto

sobre la rama

¡ Oh guitarra !

Corazón malherido

por cinco espadas.


Federico García Lorca  (Poema del cante jondo - 1921).

(adaptation en français proposée par lieucommun)


Romance somnambule (deux premières strophes)


Vert, que je t’aime vert.

Le vent vert. Les vertes branches.

Le bateau sur la mer

et le cheval dans la montagne.

Avec l’ombre à la ceinture,

elle rêve à son balcon

verte chair, cheveux verts,

les yeux d’argent glacé.

Vert que je t’aime vert.

Sous la lune gitane

les choses la regardent

et elle, elle ne peut pas les regarder.


Vert que je t’aime vert.

De grandes étoiles de givre,

viennent avec le poisson d’ombre

qui ouvre le chemin de l’aube.

Le figuier frotte son vent

avec la lime de ses branches,

et la colline, chat sauvage

hérisse ses dures agaves .

Mais qui viendra ? Et d’où … ?

Elle est toujours à son balcon

verte chair, chevelure verte,

rêvant de la mer amère.


Federico García Lorca

(adaptation en français proposée par lieucommun)


Romance sonámbulo


Verde que te quiero verde.

Verde viento. Verdes ramas.

El barco sobre la mar

y el caballo en la montaña.

Con la sombra en la cintura

ella sueña en su baranda,

verde carne, pelo verde,

con ojos de fría plata.

Verde que te quiero verde.

Bajo la luna gitana,

las cosas la están mirando

y ella no puede mirarlas.


Verde que te quiero verde.

Grandes estrellas de escarcha

vienen con el pez de sombra

que abre el camino del alba.

La higuera frota su viento

con la lija de sus ramas,

y el monte, gato garduño,

eriza sus pitas agrias.

¿Pero quién vendra? ¿Y por dónde...?

Ella sigue en su baranda,

Verde came, pelo verde,

soñando en la mar amarga.


Federico García Lorca ("Romancero Gitano" - 1928)


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Rafael Alberti

(1902-1999) est un poète et dramaturge espagnol appartenant à la «génération de 27», qui a fait de la poésie et de la peinture les deux passions de sa vie.


«Qu’on me rende aujourd’hui la folie

qui me tenait en ce temps-là

pour peindre la poésie

avec le pinceau de la Peinture» (voir plus bas)



Pablo Picasso,

Mujer llorando (Femme en pleurs), 1937.
Ce tableau fait suite à «Guernica», exprimant la douleur d’un impossible deuil.

poème de Rafael Alberti évoquant ce tableau :


Mujer llorando

Se puede llorar piedras.

lágrimas como gotas de piedra.

Dientes que caen de los ojos

igual que si los ojos llorasen

dentaduras de piedra.

Nunca el dolor lloró tan gran dolor

lanzando goterones de piedra,

dientes y muelas de dolor de piedra.


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traduction proposée par lieucommun : 


Mujer llorando


On peut pleurer des pierres

des larmes comme des gouttes de pierre.
Les dents qui tombent des yeux

comme si les yeux pleuraient

des dents de pierre.
Jamais douleur ne pleura plus grande douleur

lançant de grosses gouttes de pierre

des dents, des molaires de douleur de pierre

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«Los ojos de Picasso», Roma, Renzo Romero, 1966


Los ojos de Picasso


À Jaqueline

que vive siempre dentro

de los ojos del monstruo.


El ojo humano, el ojo luz,

el ojo caos, el ojo universo,

el ojo eternidad...


Vicente Huidobro



Siempre es todo ojos.

No te quita los ojos.

Se come las palabras con los ojos.

Es el siete ojos.

Es el cien mil ojos en dos ojos.

El gran mirón

como un botón marrón

y otro botón.

El ojo de la cerradura

por el que se ve la pintura.

El que te abre bien los ojos

cuando te muerde con los ojos.

El ojo de la aguja

que sólo ensarta cuando dibuja.

El que te clava con los ojos

en un abrir y cerrar de ojos.


El ojo avizor,

agresor,

abrasador,

inquisidor.

El ojo amor.

El ojo en vela,

centinela,

espuela,

candela,

el que se rebela y revela.


No cierra los ojos.

No baja los ojos.

Te quita los ojos.

Te arranca los ojos

y te deja manco

o te deja cojo.

Luego te compone

o te descompone,

la nariz te quita,

luego te la pone,

después te la quita

o te pone dos.


Ojo que te espeta,

que te desjarreta,

te agranda las tetas,

te achica las tetas,

te hace la puñeta,

te levanta el culo,

te deja sin culo,

te vuelve un alambre,

te ensarta en estambre,

te ve del revés,

todo dividido,

tundido, partido,

cosido, raído, zurzido, fluido.


Ojos animales,

letales,

mortales,

umbilicales.

Ojos cataclismo,

temblor,

terremoto,

maremoto,

abismo,

flor.


Ojos toro azul,

ojos negro toro,

ojos toro rojo.

Ojos.


Son el con y es sin,

son el sin y el con.

Con esto y sin esto,

traspuestos, opuestos,

crueles, molestos,

el sumo y el resto.


El mundo tranquilo

pendía de un hilo.

Y el desbarajuste

de la gran baraja

cortó con su filo

su pincel navaja.


Salta el mundo, vuela.

Hecho añicos canta,

relincha, arde en vela,

se espanta.


¡Afuera esos ojos!

¡Quítenme esos ojos!

¿Quién trajo esos ojos?


Yo quiero ser flor.

Pero soy un pez.

Yo quiero ser pez.

Pero soy manzana.

Quiero ser sirena.

Pero soy un gallo.

Quiero ser la noche

y soy la mañana.


Mátenme esos ojos,

virojos,

pintojos,

ojos trampantojos.


Aquí la matanza,

aquí la esperanza,

el fusilamiento,

el derrumbamiento,

la paz, la bonanza.


Ojo, que remonto plato.

Ojo, que salto hecho jarra.

Ojo, que giro paloma.

Ojo, que remonto cabra.


Vivan esos ojos.

Luz para esos ojos.

Líneas y colores

para esos dos ojos.


Todo el amor para esos ojos.

El cielo entero para esos ojos.

El mar entero para esos ojos.

La tierra entera para esos ojos.

La eternidad para esos ojos.


Rafaël Albertí, 1966
«Los ojos de Picasso», Roma, Renzo Romero, 1966
y reproducidos en el libro PICASSO ALBERTI, La última tertulia, catálogo del IVAM, Valencia, 2002

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deux poèmes calligaphiés de et par Rafael Alberti




«Las 4 estaciones», les 4 saisons (ici Le printemps),  1985, comprend douze planches: un poème manuscrit et deux dessins pour chaque saison.





(extrait de «Marinero en tierra», Le marin à terre)


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À LA PEINTURE - A LA PINTURA


À la peinture (poème de la couleur et de la forme) – A la pintura (poema del color y la línea)

(composé durant ses années d’exil, entre 1945 et 1967. Le texte espagnol a été traduit en français par Claude Couffon. Ces poèmes permettent, pour Alberti, de faire le lien entre ses deux grandes passions : la poésie et la peinture - source : Wikipédia)


(adaptation en français de quelques passages, proposée par lieucommun)

Mil novecientos diecisiete.

Mi adolescencia : la locura

por una caja de pintura,

un lienzo en blanco, un caballete.


(Mille neuf cent dix-sept.

Mon adolescence : la folie

pour une boîte de peinture,

une toile blanche, un chevalet.)


Divino gozo, la imprevista

lección abierta del paisaje.

Felicidad de mi equipaje

en la mañana impresionista.


(Joie divine, l’imprévue.

leçon ouverte du paysage

Le bonheur de mon bagage

dans le matin impressionniste)



Candidamente complicado

fluye el color de la paleta,

que alumbra al arbol en violeta

y al tronco en sombra de morado.


(Naïvement compliquée

coule la couleur de la palette

qui illumine l’arbre en violet

et le tronc en ombre violette)


Comas radiantes son las flores,

puntos las hojas, reticentes,

y el agua, discos trasparentes

que juegan todos los colores.


El bermellon arde dichoso

por desposar al amarillo

y erguir la torre de ladrillo

bajo un naranja luminoso.


(Le vermillon brûle, heureux

de se marier avec le jaune

et dresser une tour de briques

sous un orange lumineux)


El verde cramo empalidece

junto al feliz blanco de plata,

mas ante el sol que lo aquilata

renace y nuevo reverdece.


Llueve la luz, y sin aviso

ya es una ninfa fugitiva

que el ojo busca clavar viva

sobre el espacio mas precioso.


Clarificada azul, la hora

lavadamente se disuelve en una

atmosfera que envuelve,

define el cuadro y lo evapora.


Diérame ahora la locura

que en aquel tiempo me tenia,

para pintar la poesia

con el pincel de la Pintura.


(Qu’on me rende aujourd’hui la folie

qui me tenait en ce temps-là

pour peindre la poésie

avec le pinceau de la Peinture)


Rafael Alberti A la pintura»)



A LA PINTURA est un ouvrage dédié à Picasso.
Il contient outre ce poème titre, des poèmes aux titres évoquant le thème  dur des techniques ou des outils :
«A la retina”, “A la mano”, “A la Paleta”, "A la Pintura Mural", "Al Lienzo", "Al Pincel", "A la Línea", "A la Perspectiva", "Al Claroscuro", "A la Composición", "Al Color", "Al Ropaje", "A la Luz", "A la Sombra", "Al Movimiento", "Al Desnudo", "A la Gracia", "A la Acuarela", "A la Divina Proporción".

dédié aux couleurs primaires, au blanc et au noir ; ou en hommage à des peintres admirés ou amis :

« Goya », « Miró », « Botticelli », « Rubens », « Renoir », « Van Gogh »,etc.




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A ti, lino en el campo. A ti, extendida

superficie, a los ojos, en espera.

A ti, imaginación, helor u hoguera,

diseño fiel o llama desceñida.


A ti, línea impensada o concebida.

A ti, pincel heroico, roca o cera,

obediente al estilo o la manera,

dócil a la medida o desmedida.


A ti, forma; color, sonoro empeño

porque la vida ya volumen hable,

sombra entre luz, luz entre sol, oscura.


A ti, fingida realidad del sueño.

A ti, materia plástica palpable.

A ti, mano, pintor de la Pintura.


Rafael Alberti («A LA PINTURA», à la peinture)


libre adaptation en français par lieucommun :


À LA PEINTURE


À toi, champ de lin. À toi, surface

étendue sous les yeux, en attente.

À toi, imagination, glacier ou fournaise,

fidèle dessin ou flamme libérée.


À toi,ligne spontanée ou réfléchie.

À toi, pinceau héroïque, roche ou cire,

obéissant au style ou la manière,

docile à la mesure ou démesurée.


À toi forme, couleur, volonté sonore

Pour que la vie faite volume parle,

Ombre dans la clarté, lueur entre soleil et obscurité.


À toi, feinte réalité du rêve.

À toi, matériau plastique palpable.

À toi, main, peintre de la Peinture.

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Ci-dessous quelques textes, en version originala et avec leur traduction en français par Claude Couffon :


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Al pincel

A tí, vara de música rectora,

Concertante del mar que te abre el lino,

silencioso, empapado peregrino

de la noche, el crepúsculo y la aurora.


A tí, caricia que el color colora,

fino estilete en el operar fino,

escoba barredera del camino

que te ensancha, te oprime y te aminora.


A tí, espiga en invierno y en verano,

cabeceante al soplo de la mano,

brasa de sombra o yerta quemadura.


La obstinación en ti se resplandece.

Tu vida es tallo que sin tierra crece.

A tí, esbelto albañil de la Pintura.


traduction sur la 4e de couverture de l’ouvrage en français :




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A la composicíon


A ti, cimiento azul de la armonía,

sólida trama que una ley sanciona,

suma de acordes que entre sí aprisiona

en su red ideal la geometría.


A ti, premeditada fantasía,

diosa avara de cálculo, ladrona

de! pleno espacio puro que corona

la inspiración de la sabiduría.


A ti, intocable flor, orden dilecto,

cabal conjunto, rítmico arquitecto,

inconmovible, mágica armadura.


Tu mejor monumento arde en tu frente.

Te alzas total imperativamente.

A ti, soplo y razón de la Pintura.


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A la composition


A toi, assise bleue de l'harmonie,

trame solide qu'une loi régit,

somme de conventions emprisonnant

dans un filet idéal la géométrie.


A toi, la fantaisie préméditée,

déesse avare de calcul, subtilisant

le plein espace pur que vient couronner

l'inspiration de la maîtrise du savoir.


A toi, fleur intouchable, ordre choyé,

ensemble parfait, rythmique architecte

qu'on ne peut fléchir, armure magique.


Ton plus beau monument brûle sur ton front,

Tu te dresses entière, impérieusement.

A toi, souffle et raison de la Peinture.


Rafael Alberti («À la peinture» traduit de l'espagnol et préfacé par Claude Couffon, textes et dessins de Rafael Alberti - Nantes, le Passeur-Cecofop, 2001)


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D’autres poèmes, dans ce même ouvrage, célèbrent les couleurs.
Voici deux de ces couleurs en texte original complet,
(traduction/adaptation de certains passages proposée par lieucommun) avec la numérotation originale des strophes, comme autant de versets d’une célébration divine :

AZUL (BLEU)

1


Llegó el azul y se pintó su tiempo

(Le bleu est arrivé et a peint son époque)


2


¿Cuántos azules dio el Mediterraneo ?

(Combien de bleus nous a donnés la Méditerranée)


3


Venus, madre del mar de los azules.

(Vénus, mère de l’océan des bleus)


4


El azul de los griegos

descansa, como un dios, sobre columnas.

(Le bleu des grecs anciens
repose, comme un dieu, sur des colonnes)


5


El azul Edad Media delicado.

(Le bleu délicat du Moyen-Âge)


6


Trajo su virginal azul la virgen :

azul María, azul Nuestra Señora.


7


A su paleta descendió. Traía

el azul más oculto de los cielos.

De rodillas pintaba sus azules.

Lo bautizaron con azul los ángeles.

Le pusieron: Beato Azul Angélico.


8


Hay paletas celestes como alas

descendidas del blanco de las nubes.

(Il y a des palettes célestes comme des ailes
descendues du blanc des nuages)


9


Los azules de Italia,

los azules de España,

los azules de Francia…..


10


Rafael tenía alas.

También el Perugino tenía alas

que al pintar derramaban sus azules.


11


Pinceles que son plumas,

azul añil, cuando de ti se tiñen.


12


Venecia del azul Tiziano en oro.


13


Roma de los azules. Poussin entre los pinos.


14


Me enveneno de azules Tintoretto.


15


Azul azufre alcohol fósforo Greco.

Greco azul ponzoñoso cardenillo.


16


En la paleta de Velázquez tengo

otro nombre: me llamo Guadarrama.


17


Cuando serpeo entre las carnes nácar,

me llamo alegre azul vena de Rubens.


18


Y por la madrugada de los lagos,

con un azul, que repiten

los ecos de la umbría: Patinir.


19


Hay un azul Murillo Inmaculada,

precursor del brillante de los cromos.


20


También dio azules Tiépolo a su siglo.


21

Soy una banda, una ligera cinta

azul de Goya tenue, diluido.


22


Te diría:

- Eres bella, eres tan bella

como el azul glorioso de los techos.


23

Explosiones de azul en las alegorías.


24


En el azul Manet cantan los ecos

de un azul español en lejanía.


25


También me llamo Renoir. Me gritan.

Pero respondo a veces

con voz azul transparentada en lila.


26


Soy la sombra azulada,

la clara silueta de tu cuerpo.

Para los viejos ojos, el escándalo.


27


Dieron las Baleares su azul a la Pintura.

(Les Baléares ont donné leur bleu à la Peinture.)


28


El mar invade a veces la paleta

del pintor y le pone

un cielo azul que sólo da en secreto.


29


La sombra es más azul cuando ya el cuerpo

que la proyecta se ha desvanecido.


30


Tiene el azul estático nostalgia

de haber sido azul puro en movimiento.


31


Aunque el azul no esté dentro del cuadro,

como un fanal lo envuelve.


32


Dijo el azul un día:

- Hoy tengo un nuevo nombre. Se me llama :

Azul Pablo Ruiz, Azul Picasso.

(Le bleu a dit un jour :
-Aujourd’hui, je porte un nouveau nom. On m’appelle :

Bleu Pablo Ruiz, Bleu Picasso.)


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VERDE (VERT)


1

Yo soy el verdemar,

subido a azul cuando el azul del cielo

tiende su pecho azul sobre mi espalda.

(Je suis le vert marin

qui vire au bleu quand le bleu du ciel

penche sa poitrine bleue par-dessus mon épaule)


2

Tengo otro nombre siempre : Primavera.

(J’ai un autre nom, toujours : Printemps.)


3

Y alta forma de copa, que los árboles

se encargan presurosos de llenar,

hasta el borde, de verde.


4

Mi forma repetida más constante,

desde que vi la luz, es la de hoja.

(Depuis que je suis né, c’est sous forme de feuille

que j’apparais constamment)


5

Soy tallo, esbelto pie

sostenedor de todos los colores.


6

Claro, soy la Esperanza.

Pero me descompongo y tengo entonces

cierto horrible matiz  el verde de la envidia.


7

Un verde sumergido en las aguas del tiempo.

(Un vert submergé par les eaux du temps.)



8

Verde ojival que el sol

oblicuo -catedrales-

penetra sin romperlo ni mancharlo.


9

Dio el olivo si verde de Minerva

y su verde, "el laurel del verde Apolo "


10

Verde de exhalación,

verde relámpago,

en un abrir y en un cerrarse verde.


11

Y tierra verde antiguo en los pinceles

de las manos maestras ya remotas.


12

El alegre, bailable, florecido

verde -Brueghel- flamenco.


13

Aunque soy verde, tengo

muchas veces el alma de amarillo.

(Bien que je sois vert, j’ai

souvent, l’âme du jaune.)



14

Cuando sueño ser gris le quito un poco

al negro y al azul de su hermosura.

(Quand je rêve de devenir gris, j’enlève un peu

de leur beauté  au noir et au bleu.)



15

Para Tiziano, un jubiloso, eterno

verde ondear de tréboles floridos.


16

A veces me acelesto y me confundo

con el azul que anhela erguirse verde.


17

Me han dado un nombre -Veronés- que tiene

blasón de principado.


18


El verde solitario de la muerte.


19

El mar vomita un verde umbroso alga

que al expandirse inunda,

tomándola por playa,

la tenebrosa luz que empuja a Tintoretto.


20

Un agónico verde helado Greco,

un verde musgo legamoso Greco,

un disecado verde vidrio Greco,

un verde roto Greco.


21

Verde jubón en un arcabucero

-Velázquez- de las lanzas.


22

Voz de Verde misterio

-Rembrandt- que se abre paso

desde el fondo de tierra de la sombra.


23

Muchos días me engarza al paisaje

la luz como un anillo a una esmeralda.


24

Para Rubens, un rubio verde viña,

líquido por las plantas oscilantes de Baco.


25

Sigo a veces teniendo

claras sonoridades de cristales

cuando ya para el tacto

soy nada más que tela.


26

Un verde popular de romería

y un lazo en fino verde para Goya.


27

Delacroix me exalta hasta dar voces.

Courbert -verde intrincado de selva- me ensombrece.


28

Me lavaron también, me evaporaron

pinceles que a la luz pidieron todo.


29

Cézanne me corta, Renoir me envuelve.


30

A ti, verde lavado

líquido verde Francia.

(Manet, Sisley, Monet,

Pissarro, Renoir)


31

En la sombra persisto.

En la luz arrebato y borro todo.


(Je persiste dans l’ombre.

Dans la lumière j’arrache et j’efface tout.)


32

¡Si un día se pudiera

en ciertos momentáneos

verdes que alumbra el mar

hundir por la mañana los pinceles !


33

Desagradables verdes que dan gritos

en pinceladas que nadie ve ni escucha.


34

Y un verde, el más hermoso

de los verdes, que olvido o no recuerdo.

(Et un vert, le plus beau

des verts, que j’oublie ou dont je ne me souviens pas.)


35

Cuando soy puro, cuando

soy tan total como una pared blanca,

respondo por Juan Gris, Braque o Picasso.

(Quand je suis pur, quand

je suis aussi uni qu’un mur blanc,

je signe pour Juan Gris, Braque ou Picasso.)


Rafael Alberti («A la pintura»)

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4. Amérique latine


Vicente Huidobro




portraits de Vicente Huidobro
par Jean Hans Arp (1931), et par Picasso (dans "Saisons choisies", éditions La Cible, 1921)


(1893-1948), est un poète surréaliste et écrivain chilien, fondateur du ‘Créationnisme’, «une poésie caractérisée par l'absence de signes de ponctuation, la disposition des vers, les thèmes non transcendantaux et les images extraordinaires» (Wikipédia»)
Admirateur d’Apollinaire, il côtoie des poètes de cette nouvelle mouvance, Pierre Albert Birot, Pierre Reverdy, Tzara, Ernst, etc.

Il écrit directement en français et aussi en espagnol, et multiplie les versions bilingues de ses textes
D’ailleurs, il réside à Paris depuis sa jeunesse, et contribue, par ces aller-retours inter-culturels,  à diffuser ses idées sur la poésie en Espagne et en Amérique latine.

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"Une œuvre d'art est une nouvelle réalité cosmique que l'artiste ajoute à la Nature et qui doit avoir comme les astres une atmosphère à elle et une force centripète et une autre centrifuge. Forces qui lui donnent un parfait équilibre et la rejettent hors du centre producteur. »

Vicente Huidobro ("conférence sur l'Esthétique", 1916 et revue « L'Esprit Nouveau",  avril 1921)


«Se ha de escribir en una lengua que no sea materna »
«On doit écrire dans une langue qui ne soit pas sa langue maternelle»

  1. - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Le recueil «Ecuatorial» constitue un seul très long poème dédié à Picasso, écrit en espagnol et imprimé à Madrid


ECUATORIAL (début du texte)

À Pablo Picasso

Era el tiempo en que se abrieron mis párpados sin alas
Y empecé a cantar sobre las lejanías desatadas

Saliendo de sus nidos
Atruenan el aire las banderas

LOS HOMBRES
ENTRE LA YERBA
BUSCABAN LAS FRONTERAS

Sobre el campo banal
el mundo muere
De las cabezas prematuras
brotan alas ardientes
Y en la trinchera ecuatorial
trizada a trechos
Bajo la sombra de aeroplanos vivos
Los soldados cantaban en las tardes duras

Las ciudades de Europa
se apagan una a una

Caminando al destierro
El último rey portaba al cuello
Una cadena de lámparas extintas
Las estrellas
que caían
Eran luciérnagas del musgo
Y los afiches ahorcados
pendían a lo largo de los muros
Una sombra rodó sobre la falda de los montes
Donde el viejo organista hace cantar las selvas

El viento mece los horizontes
Colgados de las jarcias y las velas

Sobre el arco iris
un pájaro cantaba

Abridme la montaña

(...)

Vicente Huidobro («Ecuatorial», Madrid, Imprenta Pueyo, 1918)

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ÉQUATORIAL

En ce temps là mes paupières sans des ailes se sont ouvertes
Et j'ai commencé à chanter sur les libres lointains

Sortant de leurs nids
les drapeaux assourdissent l'air

LES HOMMES
DANS L'HERBE
CHERCHAIENT LES FRONTIÈRES

(...)

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Le recueil suivant comporte également un poème dédié à Picasso, écrit en français et en espagnol



  1. -

PAISAJE

À Pablo Picasso

          



PAISAJE

À Pablo Picasso



AL ATARDECER NOS PASEAREMOS POR RUTAS PARALELAS


La luna por donde te miras

EL ARBOL

     ERA

     MÁS

    ALTO

QUE LA

         MONTAÑA


PERO LAEL

          MONTAÑA   RÍO

    ERA TAN ANCHA      QUE

Q U E       E X C E D Í ACORRE

L O S   E X T R E M O SNO

D E   L A   T I E R R A   LLEVA

PECES



NO   JUGAR

EN LA HIERBA

RECIÉN PINTADA


UNA CANCIÓN CONDUCE LAS OVEJAS AL APRISCO



PAYSAGE


à Pablo Picasso


Le soir on se promènera sur des routes parallèles

mais la montagne était si large

qu'elle dépassait les extrémités de la Terre


L'arbre était plus haut que la montagne

Le fleuve qui coule ne porte pas de poissons


Attention à ne pas jouer sur l'herbe

fraîchement peinte


Une chanson conduit les brebis vers l'étable


Vicente Huidobro ("Horizon carré", INDIGO, 1917)


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MAISON


Sur la table

             L'éventail si tendre

Un oiseau mort en plein vol


La maison d'en face

                 blanche de chaux et de neige


La vie à l'ombre de la cheminée


Dans le jardin ignoré

      Quelqu'un se promène


Et l'ange bien-aimé

S'est endormi sur la fumée

                  

                     Pour suivre le chemin

                     Il faut recommencer


            QUI A CACHÉ LES CLÉS


    Il y avait tant de choses que je ne pus trouver


Vicente Huidobro ( Poèmes Arctiques», Madrid, 1918)


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La Tour Eiffel et le Champ de Mars, 1912

Le tableau de Robert Delaunay à qui le poème qui suit est dédié, dans leur ouvrage commun

Le livre «Tour Eiffel» (J Pueyo, 1918) est imprimé en français sur 10 pages de papiers de couleurs différentes, avec une reproduction du tableau de Delaunay. Les feuilles sont tenues attachées par un ruban




la couverture de cet ouvrage est ornée d'un pochoir original de Robert Delaunay figurant la tour Eiffel dans des cercles irradiants titrés "Nord, Est, Sud, Ouest"

Tour Eiffel


à Robert Delaunay


Tour Eiffel
Guitare du ciel
          Ta télégraphie sans fil
          Attire les mots
          Comme un rosier les abeilles

Pendant la nuit
La Seine ne coule plus
          Télescope ou clairon

          TOUR EIFFEL

Et c'est une ruche de mots
Ou un encrier de miel

Au fond de l'aube
Une araignée aux pattes en fil de fer
Faisait sa toile de nuages

          Mon petit garçon
          Pour monter à la Tour Eiffel
          On monte sur une chanson

          Do
             ré
                mi
                   fa
                      sol
                         la
                            si
                               do

          Nous sommes en haut

Un oiseau chante                  C'est le vent
Dans les antennes                 De l'Europe
Télégraphiques                      Le vent électrique

          Là bas

Les chapeaux s'envolent
Ils ont des ailes mais ils ne chantent pas

Jaqueline
          Fille de France
Qu'est-ce que tu vois là haut?

La Seine dort
Sous l'ombre de ses ponts

Je vois tourner la Terre
Et je sonne mon clairon
Vers toutes les mers

         Sur le chemin
         De ton parfum
         Toutes les abeilles et les paroles s'en vont

         Sur les quatre horizons
Qui n'a pas entendu cette chanson

JE SUIS LA REINE DE L'AUBE DES POLES
JE SUIS LA ROSE DES VENTS QUI SE FANE
[TOUS LES AUTOMNES
ET TOUTE PLEINE DE NEIGE
JE MEURS DE LA MORT DE CETTE ROSE
DANS MA TÊTE UN OISEAU CHANTE
[TOUTE L'ANNÉE

C'est comme ça qu'un jour la Tour m'a parlé

Tour Eiffel
Volière du monde

Chante                           Chante

Sonnerie de Paris

Le géant pendu au milieu du vide
Est l'affiche de France
         Le jour de la Victoire
         Tu la raconteras aux étoiles


Vicente Huidobro («Tour Eiffel», J Pueyo, 1918)


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POÈMES PEINTS




Marine, collage et gouache sur papier, 1922. Dimensions : 63,5 x 49 cm




Océan, gouache sur papier, 1921. Dimensions : 65,5 x 51 cm


Piano, collage et gouache sur papier, 1922. Dimensions : 61,5 x 47 cm




Moulin, poème peint, gouache sur papier, 1921


MOULIN


MATIN


Le vent plus qu'un âne est patient

Tourne tourne tourne

Moulin qui moud les heures

Bientôt c'est le Printemps

Tu auras tes ailes pleines de fleurs


MIDI


Tourne tourne tourne

Moulin qui moud les jours

Bientôt sera l'Eté

Et tu auras des fleurs dans ta tour


SOIR


Tourne tourne tourne

Moulin qui moud les mois

Bientôt viendra l'Automne

Tu seraS triste dans ta croix


NUIT


Tourne tourne tourne

Moulin mouleur d'années

Bientôt viendra l'Hiver

Et tes larmes seront gelées


Voila ici le vrai moulin

N'oubliez jamais sa chanson

Il fait la pluie et le beau temps

Il fait les quatre saisons


Moulin de la mort moulin de la vie

Moud les instants comme une horloge

Ils sont des grains aussi Moulin de la mélancolie

Farine du temps qui fera nos cheveux blancs.


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