Printemps des Poètes 2014 - textes traduits en français
Printemps des Poètes 2014 - textes traduits en français
Printemps des Poètes 2014 au coeur des arts - textes en d’autres langues traduits en français
ci-dessous :
1.ANGLETERRE - William Blake
2.USA - Walt Whitman
3.ESPAGNE - Federico García Lorca
colonne de droite :
4.ESPAGNE - Rafael Alberti
5.ARGENTINE / FRANCE - Vicente Huidobro
1. Angleterre
William Blake (1757-1827)
est un peintre et un poète pré-romantique britannique.
La poésie est son principal domaine de création. Elle est inspirée de visions bibliques à caractère prophétique.
Augures d’innocence
(début du poème)
Voir le monde en un grain de sable,
Un ciel en une fleur des champs,
Retenir l’infini dans la paume des mains
Et l’éternité dans une heure.
Rouge-gorge mis en cage,
Voilà tout le ciel en rage.
Un colombier plein de colombes et de ramiers
Fait frissonner l’enfer en tous ses ateliers.
Un chien qui meurt au seuil de la maison du maître
Prononce que l’Etat bientôt va disparaître.
Cheval frappé sur le chemin
Réclame du sang humain.
A chaque cri plaintif du lièvre que l’on chasse
C’est un fil de la cervelle qui casse.
Alouette à l’aile blessée
Un chérubin cesse de chanter.
Le coq dressé pour le combat,
Fait du soleil levant l’effroi.
Tout hurlement de loup, de lion sur la terre
Réveille une âme et la retire hors de l’enfer.
...
William Blake («Chansons et mythes, poèmes choisis», Editions La différence, 1989). Présentation et traduction de Pierre Boutang.
Auguries of innocence
To see a World in a Grain of Sand
And a Heaven in a Wild Flower,
Hold Infinity in the palm of your hand
And Eternity in an hour.
A Robin Red breast in a Cage
Puts all Heaven in a Rage.
A dove house filld with doves & Pigeons
Shudders Hell thro' all its regions.
A dog starvd at his Masters Gate
Predicts the ruin of the State.
A Horse misusd upon the Road
Calls to Heaven for Human blood.
Each outcry of the hunted Hare
A fibre from the Brain does tear.
A Sky lark wounded in the wing,
A Cherubim does cease to sing.
The Game Cock clipd and armd for fight
Does the Rising Sun affright.
Every Wolf's & Lion's howl
Raises from Hell a Human Soul.
...
William Blake
source (qui présente le texte complet) ici : http://poussierevirtuelle.over-blog.com/article-27698210.html
Tigre O Tigre
Tigre O Tigre! Toi qui luis
Au fond des forêts de la nuit,
Quel esprit immortel sut faire
Ta symétrie meurtrière ?
Sur quels gouffres et sous quels cieux
Brûla-t-il le feu de tes yeux ?
Quelle aile prît un tel essor ?
Quel bras saisit ce feu, cet or ?
Quelle force de quel sculpteur
Tordit les tendons de ton cœur ?
Et quand ce cœur se mut en toi
Quels pieds, quels bras, et quel effroi
A qui la chaîne, le marteau,
La forge où flamba ton cerveau,
L'enclume? Quelle poigne cruelle
Crut serrer ses terreurs mortelles ?
Tout astre a déposé ses armes,
Et trempé le ciel de ses larmes.
Sourit-il ? Te fit-il Celui
Qui fit l'agneau au temps jadis
Tigre O Tigre ! Toi qui luis
Au fond des forêts de la nuit,
Quel immortel oserait faire
Ta symétrie meurtrière ?
William Blake (traduit par A.Z. Foreman)
texte du poème original en anglais :
Tyger, tyger
Tyger tyger, burning bright
In the forests of the night,
What immortal hand or eye
Could frame thy fearful symmetry?
In what distant deeps or skies
Burnt the fire of thine eyes ?
On what wings dare he aspire ?
What the hand dare seize the fire ?
And what shoulder and what art
Could twist the sinews of thy heart ?
And when thy heart began to beat,
What dread hand and what dread feet ?
What the hammer? what the chain ?
In what furnace was thy brain ?
What the anvil? What dread grasp
Dare its deadly terrors clasp ?
When the stars threw down their spears,
And water'd heaven with their tears,
Did He smile His work to see ?
Did He who made the lamb make thee ?
Tyger, tyger, burning bright
In the forests of the night,
What immortal hand or eye
Dare frame thy fearful symmetry ?
William Blake
1. USA
Walt Whitman
(1819-1892) est un poète des Etats-Unis d'Amérique. «Leaves of Grass» ("Feuilles d'herbe"), qu'il a publié à compte d'auteur, avant que d'autres éditeurs ne l'acceptent, est son recueil de poèmes le plus représentatif.
"Qui dégrade autrui me dégrade ;
Et rien ne se dit ou se fait qui ne retourne enfin à moi."
"Whoever degrades another degrades me ;
And whatever is done or said returns at last to me."
(Feuilles d'herbes - Leaves of Grass).
Ce recueil, qu'il a publié à compte d'auteur, avant que d'autres éditeurs ne l'acceptent, est son recueil de poèmes le plus représentatif.
AVEC JEAN LURÇAT
Léon Bazalgette, traducteur de la première édition de «Feuilles d’herbe», a choisi six poèmes (Une femme m'attend ; Le corps d'un homme aux enchères ; J'ai traversé naguère une ville populeuse ; Combien de temps fûmes-nous entravés, nous deux ; Vingt-huit jeunes hommes se baignent près du rivage et Chant pour toutes les mers, tous les navires) pour réaliser un livre d’art orné de lithographies de Jean Lurçat (1892-1966), alors à l'aube de sa carrière artistique :
ouvrage
«Six poèmes de Walt Whitman», «version nouvelle de Léon Bazalgette». Compositions ornementales par Jean Lurçat.
Paris, Les éditions du relieur A. J. Gonon, 1919. (Bois gravés. sous chemise en papier marbré)
Un des six poèmes :
J'ai traversé naguère une ville populeuse
J'ai traversé naguère une ville populeuse imprimant sur mon cerveau,
pour m'en servir plus tard, ses curiosités, ses monuments, ses
mœurs, ses traditions ;
Aujourd'hui, cependant, de toute cette ville je ne me rappelle au'une
femme, rencontrée là par hasard, qui me retint parce (qu'elle
m'aimait ;
Jour après jour, nuit après nuit, nous étions ensemble — tout le
reste depuis longtemps s'est effacé de ma mémoire ;
Je ne me souviens, dis-je, que de cette femme qui s'attacha passion-
nément à moi ;
De nouveau nous errons, nous nous aimons, nous nous quittons ;
De nouveau elle me retient par la main, il ne faut pas que je parte !
Je la vois encore debout contre moi, les lèvres silencieuses, navrée
et tremblante.
(traduction : Léon Bazalgette)
Texte original :
Once I Pass’d Through a Populous City
Once I pass’d through a populous city, imprinting my brain, for future use, with its shows, architecture, customs, and traditions ;
Yet now, of all that city, I remember only a woman I casually met there, who detain’d me for love of me ;
Day by day and night by night we were together,—All else has long been forgotten by me ;
I remember, I say, only that woman who passionately clung to me ;
Again we wander—we love—we separate again ;
Again she holds me by the hand—I must not go !
I see her close beside me, with silent lips, sad and tremulous.
Walt Whitman , diverses éditions dont celle illustrée par Lurçat, et
"Feuilles d'herbes", 1855 à 1891 - traduction de Léon Bazalgette
"Feuilles d’herbe", traduction de Jacques Darras, NRF Poésie/Gallimard, 2002)
3. Espagne
Federico García Lorca
(1898-1936) est un poète et auteur de pièces de théâtre espagnol, dans la mouvance du surréalisme. Il a été l'ami du cinéaste Luis Buñuel et du peintre Salvador Dalí.
Il est mort fusillé au début de la Guerre civile par les troupes franquistes.
" Toutes les choses ont leur mystère, la poésie c'est le mystère de toutes les choses "
Le Romancero Gitano (1928) est son recueil de poèmes le plus connu.
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Verde, que te quiero verde / Vert, que je t’aime vert
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portrait de Salvador Dalí par Lorca
Oda a Salvador Dalí
(...)
¡Oh, Salvador Dalí, de voz aceitunada!
No elogio tu imperfecto pincel adolescente
ni tu color que ronda la color de tu tiempo,
pero alabo tus ansias de eterno limitado.
Alma higiénica, vives sobre mármoles nuevos.
Huyes la oscura selva de formas increíbles.
Tu fantasía llega donde llegan tus manos,
y gozas el soneto del mar en tu ventana.
El mundo tiene sordas penumbras y desorden,
en los primeros términos que el humano frecuenta.
Pero ya las estrellas ocultando paisajes,
señalan el esquema perfecto de sus órbitas.
La corriente del tiempo se remansa y ordena
en las formas numéricas de un siglo y otro siglo.
Y la Muerte vencida se refugia temblando
en el círculo estrecho del minuto presente.
Al coger tu paleta, con un tiro en un ala,
pides la luz que anima la copa del olivo.
Ancha luz de Minerva, constructora de andamios,
donde no cabe el sueño ni su flora inexacta.
Pides la luz antigua que se queda en la frente,
sin bajar a la boca ni al corazón del bosque.
Luz que temen las vides entrañables de Baco
y la fuerza sin orden que lleva el agua curva.
Haces bien en poner banderines de aviso,
en el límite oscuro que relumbra de noche.
Como pintor no quieres que te ablande la forma
el algodón cambiante de una nube imprevista.
El pez en la pecera y el pájaro en la jaula.
No quieres inventarlos en el mar o en el viento.
Estilizas o copias después de haber mirado,
con honestas pupilas sus cuerpecillos ágiles.
Amas una materia definida y exacta
donde el hongo no pueda poner su campamento.
Amas la arquitectura que construye en lo ausente
y admites la bandera como una simple broma.
Dice el compás de acero su corto verso elástico.
Desconocidas islas desmiente ya la esfera.
Dice la línea recta su vertical esfuerzo
y los sabios cristales cantan sus geometrías.
* * *
Pero también la rosa del jardín donde vives.
¡Siempre la rosa, siempre, norte y sur de nosotros!
Tranquila y concentrada como una estatua ciega,
ignorante de esfuerzos soterrados que causa.
Rosa pura que limpia de artificios y croquis
y nos abre las alas tenues de la sonrisa
(Mariposa clavada que medita su vuelo).
Rosa del equilibrio sin dolores buscados.
¡Siempre la rosa!
* * *
¡Oh, Salvador Dalí de voz aceitunada!
Digo lo que me dicen tu persona y tus cuadros.
No alabo tu imperfecto pincel adolescente,
pero canto la firme dirección de tus flechas.
Canto tu bello esfuerzo de luces catalanas,
tu amor a lo que tiene explicación posible.
Canto tu corazón astronómico y tierno,
de baraja francesa y sin ninguna herida.
Canto el ansia de estatua que persigues sin tregua,
el miedo a la emoción que te aguarda en la calle.
Canto la sirenita de la mar que te canta
montada en bicicleta de corales y conchas.
Pero ante todo canto un común pensamiento
que nos une en las horas oscuras y doradas.
No es el Arte la luz que nos ciega los ojos.
Es primero el amor, la amistad o la esgrima.
(...)
Federico García Lorca
Ode à Salvador Dali
(passage)
(…)
Ô Salvador Dali à la voix olivée !
Je ne vante pas ton imparfait pinceau adolescent,
Ni ta couleur qui courtise la couleur de ton temps.
Je chante ton angoisse, ô limité, limité éternel !
Âme hygiénique, tu vis sur des marbres nouveaux.
Tu fuis l’obscure selve des formes incroyables.
Où atteignent tes mains, ta fantaisie atteint,
Et tu jouis du sonnet de la mer dans ta fenêtre.
Aux premières bornes que l’homme rencontre,
Le monde n’est que désordre et que sourde pénombre.
Mais déjà les étoiles, cachant les paysages,
Désignent le schéma parfait de ses orbites.
Le courant du temps s’apaise et s’ordonne
Dans les formes numériques d’un siècle, et d’un autre siècle.
La Mort vaincue se réfugie en tremblant
Dans le cercle étroit de la minute présente.
En prenant ta palette, dont l’aile est trouée d’un coup de feu,
Tu demandes la lumière qui anime la coupe renversée de l’olivier.
Large lumière de Minerve, constructrice d’échafaudages,
Lumière où ni le songe, ni sa flore inexacte n’ont place.
Tu demandes la lumière antique qui reste sur le front,
Qui ne descend ni à la bouche, ni au cœur de l’homme.
Lumière que craignent les vignes poignantes de Bacchus
Et la force désordonnée qui porte l’eau courbe.
Tu as raison de banderoler la limite obscure,
Toute brillante de nuit. Et en tant que peintre,
Tu ne veux pas que ta forme soit amollie
Par le coton changeant d’un nuage imprévu.
Le poisson dans le vivier, l’oiseau dans la cage,
Tu ne veux pas les inventer dans la mer ou le vent.
Après les avoir, de tes honnêtes pupilles, bien regardés,
Tu stylises ou copies les petits corps agiles.
Tu aimes une matière définie et exacte
Où le champignon ne puisse dresser sa tente.
Tu aimes l’architecture qui contruit dans l’absent
Et tu prends le drapeau pour une simple plaisanterie.
Le compas d’acier rythme son court vers élastique.
La sphère déjà dément les îles inconnues.
La ligne droite exprime son effort vertical
Et les cristaux savants chantent leurs géométries.
* * *
Mais encore et toujours la rose du jardin où tu vis.
Toujours la rose, toujours ! nord et sud de nous-mêmes !
Tranquille et concentrée comme une statue aveugle,
Ignorante des efforts souterrains qu’elle cause.
Rose pure, abolissant artifices et croquis
Et nous ouvrant les ailes ténues du sourire.
(Papillon cloué qui médite son vol).
Rose de l’équilibre sans douleurs voulues. Toujours la rose !
* * *
Ô Salvador Dali à la voix olivée !
Je dis ce que me disent ta personne et tes tableaux.
Je ne loue pas ton imparfait pinceau adolescent,
Mais je chante la parfaite direction de tes flèches.
Je chante ton bel effort de lumières catalanes
Et ton amour pour tout ce qui explicable.
Je chante ton cœur astronomique et tendre,
Ton cœur de jeu de cartes, ton cœur sans blessure.
Je chante cette anxiété de statue que tu poursuis sans trêve,
La peur de l’émotion qui t’attend dans la rue.
Je chante la petite sirène de la mer qui te chante,
Montée sur une bicyclette de coraux et de coquillages.
Mais avant tout je chante une pensée commune
Qui nous unit aux heures obscures et dorées.
L’art, sa lumière ne gâche pas nos yeux.
C’est l’amour, l’amitié, l’escrime qui nous aveuglent.
(...)
Federico Garcia Lorca, 1924
(traduction en français de Paul Éluard et Louis Parrot , éditions G.L.M., 1938)
Federico García Lorca - El beso (le baiser), 1927 - portrait double (qui relie sans doute les deux amis) réalisé par Lorca en imitation d’un tableau de Dali
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dessin de Federico García Lorca - Musée Lorca, Fuentevaqueros (Espagne)
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en hommage à Paul Verlaine :
Verlaine
La canción,
que nunca diré,
se ha dormido en mis labios.
La canción,
que nunca diré.
Sobre las madreselvas
había una luciérnaga,
y la luna picaba
con un rayo en el agua.
Entonces yo soñé,
la canción,
que nunca diré.
Canción llena de labios
y de cauces lejanos.
Canción llena de horas
perdidas en la sombra.
Canción de estrella viva
sobre un perpetuo día.
Federico Garcia Lorca («Canciones» en «Tres retratos con sombras»)
(adaptation en français de lieucommun)
traduction en français :
Verlaine
La chanson
que jamais je ne dirai
s’est endormie sur mes lèvres.
La chanson
que jamais je ne dirai
Parmi les chèvrefeuilles
était un ver luisant
et la lune effleurait
l’eau d’un de des rayons.
C’est alors que je rêvai
la chanson
que jamais je ne dirai.
Chanson plein de lèvres
et de rives lointaines.
Chanson des longues heures
perdues dans l’ombre.
Chanson d’étoile vive
et d’un jour éternel.
Federico Garcia Lorca
(adaptation en français de lieucommun)
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Claude Debussy
Mi sombra va silenciosa
por el agua de la acequia.
Por mi sombra están las ranas
privadas de las estrellas.
La sombra manda a mi cuerpo
reflejos de cosas quietas.
Mi sombra va como inmenso
cínife color violeta.
Cien grillos quieren dorar
la luz de la cañavera.
Una luz nace en mi pecho,
reflejado, de la acequia.
Federico Garcia Lorca («Canciones» en «Tres retratos con sombras»)
(adaptation en français de lieucommun)
Claude Debussy
Mon ombre passe en silence
sur l’eau fraîche du canal.
Mon ombre en passant efface
aux grenouilles les étoiles.
L’ombre pose sur mon corps
des reflets de choses calmes.
Mon ombre passe comme un
immense insecte lilas.
Cent grillons veulent dorer
le jour des herbes sauvages.
Une clarté naît en moi
reflet venu du canal.
Federico Garcia Lorca (texte en français dans «Poésies, tome II
Poèmes traduits de l’espagnol par André Belamich, Pierre Darmangeat, Jean Prévost et Jules Supervielle - Poésie/Gallimard tome II,1966)
quelques images fortes et colorées de l’Espagne de Lorca :
Août
Contrastes de pêche et de sucre,
et le soleil dans l'après-midi
comme le noyau dans un fruit.
L'épi de maïs garde intact
son rire jaune et dur.
Août.
Les enfants mangent
le pain brun et la délicieuse lune.
Federico García Lorca
(adaptation en français proposée par lieucommun)
Agosto
Contraponientes de melocotón y azucar,
y el sol dentro de la tarde,
come el hueso en una fruta.
La panocha guarda intacta
su risa amarilla y dura.
Agosto.
Los niños comen
pan moreno y rica luna.
Federico García Lorca
Paysage
Le champ d’oliviers
s’ouvre et se ferme
comme un éventail.
Sur l’olivier,
un ciel écroulé
et une pluie obscure
d’étoiles froides.
Au bord de la rivière
tremblent jonc et pénombre.
L’air gris se froisse.
Les oliviers sont lourds de cris :
une troupe
d’oiseaux captifs,
qui remuent leurs très longues
queues dans l’obscurité.
Federico García Lorca (Poème de la séguidille gitane dans "Poèmes du Cante Jondo" - Gallimard 1966)
(adaptation en français proposée par lieucommun)
Paisaje
El campo de olivos
se abre y se cierra
como un abanico.
Sobre el olivar
hay un cielo hundido
y una lluvia oscura
de luceros fríos.
Tiembla junco y penumbra
a la orilla del río.
Se riza el aire gris.
Los olivos
están cargados
de gritos.
Una bandada
de pájaros cautivos,
que mueven sus larguísimas
colas en lo sombrío.
Federico García Lorca (Poema de la seguidilla gitana en "Poemas del Cante Jondo" 1966)
Papillon du ciel
Papillon du ciel
comme tu es beau,
papillon du ciel
couleur or et vert.
Lumière des lampes,
papillon du ciel,
reste là, reste là !
Tu ne t'arrêtes pas,
Tu ne veux pas t'arrêter.
Papillon du ciel
couleur or et vert.
Lumière des lampes,
papillon du ciel,
reste là, reste là !
reste là !
Papillon, tu es là ?
Federico García Lorca
(adaptation en français proposée par lieucommun)
Mariposa
Mariposa del aire,
qué hermosa eres,
mariposa del aire
dorada y verde.
Luz del candil,
mariposa del aire,
¡quédate ahí, ahí, ahí!
No te quieres parar,
pararte no quieres.
Mariposa del aire
dorada y verde.
Luz de candil,
mariposa del aire,
¡quédate ahí, ahí, ahí !
¡Quédate ahí!
Mariposa, ¿estás ahí?
Federico García Lorca (Extrait de la pièce de théâtre "la savetière prodigieuse" ["La zapatera prodigiosa"] )
La Guitare
Commencent les lamentations
de la guitare.
les coupes de l'aube se brisent.
Commencent les lamentations
de la guitare.
Il est inutile
de la faire taire.
Il est impossible
de la faire taire.
C'est une plainte monotone,
comme la plainte de l'eau,
comme la plainte du vent
sur la neige.
Il est impossible
de la faire taire.
Elle pleure sur des choses
lointaines.
Sable du Sud brûlant
qui veut des camélias blancs.
Elle pleure la flèche sans but,
le soir sans lendemain,
et le premier oiseau mort
sur la branche.
Oh guitare !
Coeur blessé à mort
par cinq épées.
Federico García Lorca (Poema del cante jondo - 1921).
(adaptation en français proposée par lieucommun)
La Guitarra
Empieza el llanto
de la guitarra.
Se rompen las copas
de la madrugada.
Empieza el llanto
de la guitarra.
Es inútil callarla.
Es imposible
callarla.
Llora monótona
como llora el agua,
como llora el viento
sobre la nevada
Es imposible
callarla,
Llora por cosas
lejanas.
Arena del Sur caliente
que pide camelias blancas.
Llora flecha sin blanco,
la tarde sin mañana,
y el primer pájaro muerto
sobre la rama
¡ Oh guitarra !
Corazón malherido
por cinco espadas.
Federico García Lorca (Poema del cante jondo - 1921).
(adaptation en français proposée par lieucommun)
Romance somnambule (deux premières strophes)
Vert, que je t’aime vert.
Le vent vert. Les vertes branches.
Le bateau sur la mer
et le cheval dans la montagne.
Avec l’ombre à la ceinture,
elle rêve à son balcon
verte chair, cheveux verts,
les yeux d’argent glacé.
Vert que je t’aime vert.
Sous la lune gitane
les choses la regardent
et elle, elle ne peut pas les regarder.
Vert que je t’aime vert.
De grandes étoiles de givre,
viennent avec le poisson d’ombre
qui ouvre le chemin de l’aube.
Le figuier frotte son vent
avec la lime de ses branches,
et la colline, chat sauvage
hérisse ses dures agaves .
Mais qui viendra ? Et d’où … ?
Elle est toujours à son balcon
verte chair, chevelure verte,
rêvant de la mer amère.
Federico García Lorca
(adaptation en français proposée par lieucommun)
Romance sonámbulo
Verde que te quiero verde.
Verde viento. Verdes ramas.
El barco sobre la mar
y el caballo en la montaña.
Con la sombra en la cintura
ella sueña en su baranda,
verde carne, pelo verde,
con ojos de fría plata.
Verde que te quiero verde.
Bajo la luna gitana,
las cosas la están mirando
y ella no puede mirarlas.
Verde que te quiero verde.
Grandes estrellas de escarcha
vienen con el pez de sombra
que abre el camino del alba.
La higuera frota su viento
con la lija de sus ramas,
y el monte, gato garduño,
eriza sus pitas agrias.
¿Pero quién vendra? ¿Y por dónde...?
Ella sigue en su baranda,
Verde came, pelo verde,
soñando en la mar amarga.
Federico García Lorca ("Romancero Gitano" - 1928)
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Rafael Alberti
(1902-1999) est un poète et dramaturge espagnol appartenant à la «génération de 27», qui a fait de la poésie et de la peinture les deux passions de sa vie.
«Qu’on me rende aujourd’hui la folie
qui me tenait en ce temps-là
pour peindre la poésie
avec le pinceau de la Peinture» (voir plus bas)
Pablo Picasso,
Mujer llorando (Femme en pleurs), 1937.
Ce tableau fait suite à «Guernica», exprimant la douleur d’un impossible deuil.
poème de Rafael Alberti évoquant ce tableau :
Mujer llorando
Se puede llorar piedras.
lágrimas como gotas de piedra.
Dientes que caen de los ojos
igual que si los ojos llorasen
dentaduras de piedra.
Nunca el dolor lloró tan gran dolor
lanzando goterones de piedra,
dientes y muelas de dolor de piedra.
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traduction proposée par lieucommun :
Mujer llorando
On peut pleurer des pierres
des larmes comme des gouttes de pierre.
Les dents qui tombent des yeux
comme si les yeux pleuraient
des dents de pierre.
Jamais douleur ne pleura plus grande douleur
lançant de grosses gouttes de pierre
des dents, des molaires de douleur de pierre
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«Los ojos de Picasso», Roma, Renzo Romero, 1966
Los ojos de Picasso
À Jaqueline
que vive siempre dentro
de los ojos del monstruo.
El ojo humano, el ojo luz,
el ojo caos, el ojo universo,
el ojo eternidad...
Vicente Huidobro
Siempre es todo ojos.
No te quita los ojos.
Se come las palabras con los ojos.
Es el siete ojos.
Es el cien mil ojos en dos ojos.
El gran mirón
como un botón marrón
y otro botón.
El ojo de la cerradura
por el que se ve la pintura.
El que te abre bien los ojos
cuando te muerde con los ojos.
El ojo de la aguja
que sólo ensarta cuando dibuja.
El que te clava con los ojos
en un abrir y cerrar de ojos.
El ojo avizor,
agresor,
abrasador,
inquisidor.
El ojo amor.
El ojo en vela,
centinela,
espuela,
candela,
el que se rebela y revela.
No cierra los ojos.
No baja los ojos.
Te quita los ojos.
Te arranca los ojos
y te deja manco
o te deja cojo.
Luego te compone
o te descompone,
la nariz te quita,
luego te la pone,
después te la quita
o te pone dos.
Ojo que te espeta,
que te desjarreta,
te agranda las tetas,
te achica las tetas,
te hace la puñeta,
te levanta el culo,
te deja sin culo,
te vuelve un alambre,
te ensarta en estambre,
te ve del revés,
todo dividido,
tundido, partido,
cosido, raído, zurzido, fluido.
Ojos animales,
letales,
mortales,
umbilicales.
Ojos cataclismo,
temblor,
terremoto,
maremoto,
abismo,
flor.
Ojos toro azul,
ojos negro toro,
ojos toro rojo.
Ojos.
Son el con y es sin,
son el sin y el con.
Con esto y sin esto,
traspuestos, opuestos,
crueles, molestos,
el sumo y el resto.
El mundo tranquilo
pendía de un hilo.
Y el desbarajuste
de la gran baraja
cortó con su filo
su pincel navaja.
Salta el mundo, vuela.
Hecho añicos canta,
relincha, arde en vela,
se espanta.
¡Afuera esos ojos!
¡Quítenme esos ojos!
¿Quién trajo esos ojos?
Yo quiero ser flor.
Pero soy un pez.
Yo quiero ser pez.
Pero soy manzana.
Quiero ser sirena.
Pero soy un gallo.
Quiero ser la noche
y soy la mañana.
Mátenme esos ojos,
virojos,
pintojos,
ojos trampantojos.
Aquí la matanza,
aquí la esperanza,
el fusilamiento,
el derrumbamiento,
la paz, la bonanza.
Ojo, que remonto plato.
Ojo, que salto hecho jarra.
Ojo, que giro paloma.
Ojo, que remonto cabra.
Vivan esos ojos.
Luz para esos ojos.
Líneas y colores
para esos dos ojos.
Todo el amor para esos ojos.
El cielo entero para esos ojos.
El mar entero para esos ojos.
La tierra entera para esos ojos.
La eternidad para esos ojos.
Rafaël Albertí, 1966
«Los ojos de Picasso», Roma, Renzo Romero, 1966
y reproducidos en el libro PICASSO ALBERTI, La última tertulia, catálogo del IVAM, Valencia, 2002
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deux poèmes calligaphiés de et par Rafael Alberti
«Las 4 estaciones», les 4 saisons (ici Le printemps), 1985, comprend douze planches: un poème manuscrit et deux dessins pour chaque saison.
(extrait de «Marinero en tierra», Le marin à terre)
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À LA PEINTURE - A LA PINTURA
À la peinture (poème de la couleur et de la forme) – A la pintura (poema del color y la línea)
(composé durant ses années d’exil, entre 1945 et 1967. Le texte espagnol a été traduit en français par Claude Couffon. Ces poèmes permettent, pour Alberti, de faire le lien entre ses deux grandes passions : la poésie et la peinture - source : Wikipédia)
(adaptation en français de quelques passages, proposée par lieucommun)
Mil novecientos diecisiete.
Mi adolescencia : la locura
por una caja de pintura,
un lienzo en blanco, un caballete.
(Mille neuf cent dix-sept.
Mon adolescence : la folie
pour une boîte de peinture,
une toile blanche, un chevalet.)
Divino gozo, la imprevista
lección abierta del paisaje.
Felicidad de mi equipaje
en la mañana impresionista.
(Joie divine, l’imprévue.
leçon ouverte du paysage
Le bonheur de mon bagage
dans le matin impressionniste)
Candidamente complicado
fluye el color de la paleta,
que alumbra al arbol en violeta
y al tronco en sombra de morado.
(Naïvement compliquée
coule la couleur de la palette
qui illumine l’arbre en violet
et le tronc en ombre violette)
Comas radiantes son las flores,
puntos las hojas, reticentes,
y el agua, discos trasparentes
que juegan todos los colores.
El bermellon arde dichoso
por desposar al amarillo
y erguir la torre de ladrillo
bajo un naranja luminoso.
(Le vermillon brûle, heureux
de se marier avec le jaune
et dresser une tour de briques
sous un orange lumineux)
El verde cramo empalidece
junto al feliz blanco de plata,
mas ante el sol que lo aquilata
renace y nuevo reverdece.
Llueve la luz, y sin aviso
ya es una ninfa fugitiva
que el ojo busca clavar viva
sobre el espacio mas precioso.
Clarificada azul, la hora
lavadamente se disuelve en una
atmosfera que envuelve,
define el cuadro y lo evapora.
Diérame ahora la locura
que en aquel tiempo me tenia,
para pintar la poesia
con el pincel de la Pintura.
(Qu’on me rende aujourd’hui la folie
qui me tenait en ce temps-là
pour peindre la poésie
avec le pinceau de la Peinture)
Rafael Alberti (« A la pintura»)
A LA PINTURA est un ouvrage dédié à Picasso.
Il contient outre ce poème titre, des poèmes aux titres évoquant le thème dur des techniques ou des outils :
«A la retina”, “A la mano”, “A la Paleta”, "A la Pintura Mural", "Al Lienzo", "Al Pincel", "A la Línea", "A la Perspectiva", "Al Claroscuro", "A la Composición", "Al Color", "Al Ropaje", "A la Luz", "A la Sombra", "Al Movimiento", "Al Desnudo", "A la Gracia", "A la Acuarela", "A la Divina Proporción".
dédié aux couleurs primaires, au blanc et au noir ; ou en hommage à des peintres admirés ou amis :
« Goya », « Miró », « Botticelli », « Rubens », « Renoir », « Van Gogh »,etc.
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A ti, lino en el campo. A ti, extendida
superficie, a los ojos, en espera.
A ti, imaginación, helor u hoguera,
diseño fiel o llama desceñida.
A ti, línea impensada o concebida.
A ti, pincel heroico, roca o cera,
obediente al estilo o la manera,
dócil a la medida o desmedida.
A ti, forma; color, sonoro empeño
porque la vida ya volumen hable,
sombra entre luz, luz entre sol, oscura.
A ti, fingida realidad del sueño.
A ti, materia plástica palpable.
A ti, mano, pintor de la Pintura.
Rafael Alberti («A LA PINTURA», à la peinture)
libre adaptation en français par lieucommun :
À LA PEINTURE
À toi, champ de lin. À toi, surface
étendue sous les yeux, en attente.
À toi, imagination, glacier ou fournaise,
fidèle dessin ou flamme libérée.
À toi,ligne spontanée ou réfléchie.
À toi, pinceau héroïque, roche ou cire,
obéissant au style ou la manière,
docile à la mesure ou démesurée.
À toi forme, couleur, volonté sonore
Pour que la vie faite volume parle,
Ombre dans la clarté, lueur entre soleil et obscurité.
À toi, feinte réalité du rêve.
À toi, matériau plastique palpable.
À toi, main, peintre de la Peinture.
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Ci-dessous quelques textes, en version originala et avec leur traduction en français par Claude Couffon :
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Al pincel
A tí, vara de música rectora,
Concertante del mar que te abre el lino,
silencioso, empapado peregrino
de la noche, el crepúsculo y la aurora.
A tí, caricia que el color colora,
fino estilete en el operar fino,
escoba barredera del camino
que te ensancha, te oprime y te aminora.
A tí, espiga en invierno y en verano,
cabeceante al soplo de la mano,
brasa de sombra o yerta quemadura.
La obstinación en ti se resplandece.
Tu vida es tallo que sin tierra crece.
A tí, esbelto albañil de la Pintura.
traduction sur la 4e de couverture de l’ouvrage en français :
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A la composicíon
A ti, cimiento azul de la armonía,
sólida trama que una ley sanciona,
suma de acordes que entre sí aprisiona
en su red ideal la geometría.
A ti, premeditada fantasía,
diosa avara de cálculo, ladrona
de! pleno espacio puro que corona
la inspiración de la sabiduría.
A ti, intocable flor, orden dilecto,
cabal conjunto, rítmico arquitecto,
inconmovible, mágica armadura.
Tu mejor monumento arde en tu frente.
Te alzas total imperativamente.
A ti, soplo y razón de la Pintura.
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A la composition
A toi, assise bleue de l'harmonie,
trame solide qu'une loi régit,
somme de conventions emprisonnant
dans un filet idéal la géométrie.
A toi, la fantaisie préméditée,
déesse avare de calcul, subtilisant
le plein espace pur que vient couronner
l'inspiration de la maîtrise du savoir.
A toi, fleur intouchable, ordre choyé,
ensemble parfait, rythmique architecte
qu'on ne peut fléchir, armure magique.
Ton plus beau monument brûle sur ton front,
Tu te dresses entière, impérieusement.
A toi, souffle et raison de la Peinture.
Rafael Alberti («À la peinture» traduit de l'espagnol et préfacé par Claude Couffon, textes et dessins de Rafael Alberti - Nantes, le Passeur-Cecofop, 2001)
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D’autres poèmes, dans ce même ouvrage, célèbrent les couleurs.
Voici deux de ces couleurs en texte original complet, (traduction/adaptation de certains passages proposée par lieucommun) avec la numérotation originale des strophes, comme autant de versets d’une célébration divine :
AZUL (BLEU)
1
Llegó el azul y se pintó su tiempo
(Le bleu est arrivé et a peint son époque)
2
¿Cuántos azules dio el Mediterraneo ?
(Combien de bleus nous a donnés la Méditerranée)
3
Venus, madre del mar de los azules.
(Vénus, mère de l’océan des bleus)
4
El azul de los griegos
descansa, como un dios, sobre columnas.
(Le bleu des grecs anciens
repose, comme un dieu, sur des colonnes)
5
El azul Edad Media delicado.
(Le bleu délicat du Moyen-Âge)
6
Trajo su virginal azul la virgen :
azul María, azul Nuestra Señora.
7
A su paleta descendió. Traía
el azul más oculto de los cielos.
De rodillas pintaba sus azules.
Lo bautizaron con azul los ángeles.
Le pusieron: Beato Azul Angélico.
8
Hay paletas celestes como alas
descendidas del blanco de las nubes.
(Il y a des palettes célestes comme des ailes
descendues du blanc des nuages)
9
Los azules de Italia,
los azules de España,
los azules de Francia…..
10
Rafael tenía alas.
También el Perugino tenía alas
que al pintar derramaban sus azules.
11
Pinceles que son plumas,
azul añil, cuando de ti se tiñen.
12
Venecia del azul Tiziano en oro.
13
Roma de los azules. Poussin entre los pinos.
14
Me enveneno de azules Tintoretto.
15
Azul azufre alcohol fósforo Greco.
Greco azul ponzoñoso cardenillo.
16
En la paleta de Velázquez tengo
otro nombre: me llamo Guadarrama.
17
Cuando serpeo entre las carnes nácar,
me llamo alegre azul vena de Rubens.
18
Y por la madrugada de los lagos,
con un azul, que repiten
los ecos de la umbría: Patinir.
19
Hay un azul Murillo Inmaculada,
precursor del brillante de los cromos.
20
También dio azules Tiépolo a su siglo.
21
Soy una banda, una ligera cinta
azul de Goya tenue, diluido.
22
Te diría:
- Eres bella, eres tan bella
como el azul glorioso de los techos.
23
Explosiones de azul en las alegorías.
24
En el azul Manet cantan los ecos
de un azul español en lejanía.
25
También me llamo Renoir. Me gritan.
Pero respondo a veces
con voz azul transparentada en lila.
26
Soy la sombra azulada,
la clara silueta de tu cuerpo.
Para los viejos ojos, el escándalo.
27
Dieron las Baleares su azul a la Pintura.
(Les Baléares ont donné leur bleu à la Peinture.)
28
El mar invade a veces la paleta
del pintor y le pone
un cielo azul que sólo da en secreto.
29
La sombra es más azul cuando ya el cuerpo
que la proyecta se ha desvanecido.
30
Tiene el azul estático nostalgia
de haber sido azul puro en movimiento.
31
Aunque el azul no esté dentro del cuadro,
como un fanal lo envuelve.
32
Dijo el azul un día:
- Hoy tengo un nuevo nombre. Se me llama :
Azul Pablo Ruiz, Azul Picasso.
(Le bleu a dit un jour :
-Aujourd’hui, je porte un nouveau nom. On m’appelle :
Bleu Pablo Ruiz, Bleu Picasso.)
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VERDE (VERT)
1
Yo soy el verdemar,
subido a azul cuando el azul del cielo
tiende su pecho azul sobre mi espalda.
(Je suis le vert marin
qui vire au bleu quand le bleu du ciel
penche sa poitrine bleue par-dessus mon épaule)
2
Tengo otro nombre siempre : Primavera.
(J’ai un autre nom, toujours : Printemps.)
3
Y alta forma de copa, que los árboles
se encargan presurosos de llenar,
hasta el borde, de verde.
4
Mi forma repetida más constante,
desde que vi la luz, es la de hoja.
(Depuis que je suis né, c’est sous forme de feuille
que j’apparais constamment)
5
Soy tallo, esbelto pie
sostenedor de todos los colores.
6
Claro, soy la Esperanza.
Pero me descompongo y tengo entonces
cierto horrible matiz el verde de la envidia.
7
Un verde sumergido en las aguas del tiempo.
(Un vert submergé par les eaux du temps.)
8
Verde ojival que el sol
oblicuo -catedrales-
penetra sin romperlo ni mancharlo.
9
Dio el olivo si verde de Minerva
y su verde, "el laurel del verde Apolo "
10
Verde de exhalación,
verde relámpago,
en un abrir y en un cerrarse verde.
11
Y tierra verde antiguo en los pinceles
de las manos maestras ya remotas.
12
El alegre, bailable, florecido
verde -Brueghel- flamenco.
13
Aunque soy verde, tengo
muchas veces el alma de amarillo.
(Bien que je sois vert, j’ai
souvent, l’âme du jaune.)
14
Cuando sueño ser gris le quito un poco
al negro y al azul de su hermosura.
(Quand je rêve de devenir gris, j’enlève un peu
de leur beauté au noir et au bleu.)
15
Para Tiziano, un jubiloso, eterno
verde ondear de tréboles floridos.
16
A veces me acelesto y me confundo
con el azul que anhela erguirse verde.
17
Me han dado un nombre -Veronés- que tiene
blasón de principado.
18
El verde solitario de la muerte.
19
El mar vomita un verde umbroso alga
que al expandirse inunda,
tomándola por playa,
la tenebrosa luz que empuja a Tintoretto.
20
Un agónico verde helado Greco,
un verde musgo legamoso Greco,
un disecado verde vidrio Greco,
un verde roto Greco.
21
Verde jubón en un arcabucero
-Velázquez- de las lanzas.
22
Voz de Verde misterio
-Rembrandt- que se abre paso
desde el fondo de tierra de la sombra.
23
Muchos días me engarza al paisaje
la luz como un anillo a una esmeralda.
24
Para Rubens, un rubio verde viña,
líquido por las plantas oscilantes de Baco.
25
Sigo a veces teniendo
claras sonoridades de cristales
cuando ya para el tacto
soy nada más que tela.
26
Un verde popular de romería
y un lazo en fino verde para Goya.
27
Delacroix me exalta hasta dar voces.
Courbert -verde intrincado de selva- me ensombrece.
28
Me lavaron también, me evaporaron
pinceles que a la luz pidieron todo.
29
Cézanne me corta, Renoir me envuelve.
30
A ti, verde lavado
líquido verde Francia.
(Manet, Sisley, Monet,
Pissarro, Renoir)
31
En la sombra persisto.
En la luz arrebato y borro todo.
(Je persiste dans l’ombre.
Dans la lumière j’arrache et j’efface tout.)
32
¡Si un día se pudiera
en ciertos momentáneos
verdes que alumbra el mar
hundir por la mañana los pinceles !
33
Desagradables verdes que dan gritos
en pinceladas que nadie ve ni escucha.
34
Y un verde, el más hermoso
de los verdes, que olvido o no recuerdo.
(Et un vert, le plus beau
des verts, que j’oublie ou dont je ne me souviens pas.)
35
Cuando soy puro, cuando
soy tan total como una pared blanca,
respondo por Juan Gris, Braque o Picasso.
(Quand je suis pur, quand
je suis aussi uni qu’un mur blanc,
je signe pour Juan Gris, Braque ou Picasso.)
Rafael Alberti («A la pintura»)
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4. Amérique latine
Vicente Huidobro
portraits de Vicente Huidobro
par Jean Hans Arp (1931), et par Picasso (dans "Saisons choisies", éditions La Cible, 1921)
(1893-1948), est un poète surréaliste et écrivain chilien, fondateur du ‘Créationnisme’, «une poésie caractérisée par l'absence de signes de ponctuation, la disposition des vers, les thèmes non transcendantaux et les images extraordinaires» (Wikipédia»)
Admirateur d’Apollinaire, il côtoie des poètes de cette nouvelle mouvance, Pierre Albert Birot, Pierre Reverdy, Tzara, Ernst, etc.
Il écrit directement en français et aussi en espagnol, et multiplie les versions bilingues de ses textes
D’ailleurs, il réside à Paris depuis sa jeunesse, et contribue, par ces aller-retours inter-culturels, à diffuser ses idées sur la poésie en Espagne et en Amérique latine.
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"Une œuvre d'art est une nouvelle réalité cosmique que l'artiste ajoute à la Nature et qui doit avoir comme les astres une atmosphère à elle et une force centripète et une autre centrifuge. Forces qui lui donnent un parfait équilibre et la rejettent hors du centre producteur. »
Vicente Huidobro ("conférence sur l'Esthétique", 1916 et revue « L'Esprit Nouveau", avril 1921)
«Se ha de escribir en una lengua que no sea materna »
«On doit écrire dans une langue qui ne soit pas sa langue maternelle»
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Le recueil «Ecuatorial» constitue un seul très long poème dédié à Picasso, écrit en espagnol et imprimé à Madrid
ECUATORIAL (début du texte)
À Pablo Picasso
Era el tiempo en que se abrieron mis párpados sin alas
Y empecé a cantar sobre las lejanías desatadas
Saliendo de sus nidos
Atruenan el aire las banderas
LOS HOMBRES
ENTRE LA YERBA
BUSCABAN LAS FRONTERAS
Sobre el campo banal
el mundo muere
De las cabezas prematuras
brotan alas ardientes
Y en la trinchera ecuatorial
trizada a trechos
Bajo la sombra de aeroplanos vivos
Los soldados cantaban en las tardes duras
Las ciudades de Europa
se apagan una a una
Caminando al destierro
El último rey portaba al cuello
Una cadena de lámparas extintas
Las estrellas
que caían
Eran luciérnagas del musgo
Y los afiches ahorcados
pendían a lo largo de los muros
Una sombra rodó sobre la falda de los montes
Donde el viejo organista hace cantar las selvas
El viento mece los horizontes
Colgados de las jarcias y las velas
Sobre el arco iris
un pájaro cantaba
Abridme la montaña
(...)
Vicente Huidobro («Ecuatorial», Madrid, Imprenta Pueyo, 1918)
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ÉQUATORIAL
En ce temps là mes paupières sans des ailes se sont ouvertes
Et j'ai commencé à chanter sur les libres lointains
Sortant de leurs nids
les drapeaux assourdissent l'air
LES HOMMES
DANS L'HERBE
CHERCHAIENT LES FRONTIÈRES
(...)
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Le recueil suivant comporte également un poème dédié à Picasso, écrit en français et en espagnol
-
PAISAJE
À Pablo Picasso
PAISAJE
À Pablo Picasso
AL ATARDECER NOS PASEAREMOS POR RUTAS PARALELAS
La luna por donde te miras
EL ARBOL
ERA
MÁS
ALTO
QUE LA
MONTAÑA
PERO LAEL
MONTAÑA RÍO
ERA TAN ANCHA QUE
Q U E E X C E D Í ACORRE
L O S E X T R E M O SNO
D E L A T I E R R A LLEVA
PECES
NO JUGAR
EN LA HIERBA
RECIÉN PINTADA
UNA CANCIÓN CONDUCE LAS OVEJAS AL APRISCO
PAYSAGE
à Pablo Picasso
Le soir on se promènera sur des routes parallèles
mais la montagne était si large
qu'elle dépassait les extrémités de la Terre
L'arbre était plus haut que la montagne
Le fleuve qui coule ne porte pas de poissons
Attention à ne pas jouer sur l'herbe
fraîchement peinte
Une chanson conduit les brebis vers l'étable
Vicente Huidobro ("Horizon carré", INDIGO, 1917)
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MAISON
Sur la table
L'éventail si tendre
Un oiseau mort en plein vol
La maison d'en face
blanche de chaux et de neige
La vie à l'ombre de la cheminée
Dans le jardin ignoré
Quelqu'un se promène
Et l'ange bien-aimé
S'est endormi sur la fumée
Pour suivre le chemin
Il faut recommencer
QUI A CACHÉ LES CLÉS
Il y avait tant de choses que je ne pus trouver
Vicente Huidobro ( Poèmes Arctiques», Madrid, 1918)
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La Tour Eiffel et le Champ de Mars, 1912
Le tableau de Robert Delaunay à qui le poème qui suit est dédié, dans leur ouvrage commun
Le livre «Tour Eiffel» (J Pueyo, 1918) est imprimé en français sur 10 pages de papiers de couleurs différentes, avec une reproduction du tableau de Delaunay. Les feuilles sont tenues attachées par un ruban
la couverture de cet ouvrage est ornée d'un pochoir original de Robert Delaunay figurant la tour Eiffel dans des cercles irradiants titrés "Nord, Est, Sud, Ouest"
Tour Eiffel
à Robert Delaunay
Tour Eiffel
Guitare du ciel
Ta télégraphie sans fil
Attire les mots
Comme un rosier les abeilles
Pendant la nuit
La Seine ne coule plus
Télescope ou clairon
TOUR EIFFEL
Et c'est une ruche de mots
Ou un encrier de miel
Au fond de l'aube
Une araignée aux pattes en fil de fer
Faisait sa toile de nuages
Mon petit garçon
Pour monter à la Tour Eiffel
On monte sur une chanson
Do
ré
mi
fa
sol
la
si
do
Nous sommes en haut
Un oiseau chante C'est le vent
Dans les antennes De l'Europe
Télégraphiques Le vent électrique
Là bas
Les chapeaux s'envolent
Ils ont des ailes mais ils ne chantent pas
Jaqueline
Fille de France
Qu'est-ce que tu vois là haut?
La Seine dort
Sous l'ombre de ses ponts
Je vois tourner la Terre
Et je sonne mon clairon
Vers toutes les mers
Sur le chemin
De ton parfum
Toutes les abeilles et les paroles s'en vont
Sur les quatre horizons
Qui n'a pas entendu cette chanson
JE SUIS LA REINE DE L'AUBE DES POLES
JE SUIS LA ROSE DES VENTS QUI SE FANE
[TOUS LES AUTOMNES
ET TOUTE PLEINE DE NEIGE
JE MEURS DE LA MORT DE CETTE ROSE
DANS MA TÊTE UN OISEAU CHANTE
[TOUTE L'ANNÉE
C'est comme ça qu'un jour la Tour m'a parlé
Tour Eiffel
Volière du monde
Chante Chante
Sonnerie de Paris
Le géant pendu au milieu du vide
Est l'affiche de France
Le jour de la Victoire
Tu la raconteras aux étoiles
Vicente Huidobro («Tour Eiffel», J Pueyo, 1918)
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POÈMES PEINTS
Marine, collage et gouache sur papier, 1922. Dimensions : 63,5 x 49 cm
Océan, gouache sur papier, 1921. Dimensions : 65,5 x 51 cm
Piano, collage et gouache sur papier, 1922. Dimensions : 61,5 x 47 cm
Moulin, poème peint, gouache sur papier, 1921
MOULIN
MATIN
Le vent plus qu'un âne est patient
Tourne tourne tourne
Moulin qui moud les heures
Bientôt c'est le Printemps
Tu auras tes ailes pleines de fleurs
MIDI
Tourne tourne tourne
Moulin qui moud les jours
Bientôt sera l'Eté
Et tu auras des fleurs dans ta tour
SOIR
Tourne tourne tourne
Moulin qui moud les mois
Bientôt viendra l'Automne
Tu seraS triste dans ta croix
NUIT
Tourne tourne tourne
Moulin mouleur d'années
Bientôt viendra l'Hiver
Et tes larmes seront gelées
Voila ici le vrai moulin
N'oubliez jamais sa chanson
Il fait la pluie et le beau temps
Il fait les quatre saisons
Moulin de la mort moulin de la vie
Moud les instants comme une horloge
Ils sont des grains aussi Moulin de la mélancolie
Farine du temps qui fera nos cheveux blancs.
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