Printemps des Poètes 2014 «Au cœur des arts»  - textes en français
MATERNELLE, CYCLE 2 et CYCLE 3

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Printemps des Poètes 2014  - textes originaux en français -  MATERNELLE, CYCLE 2 et CYCLE 3


  1. 1.Pierre Albert-Birot - Un poète ; Un dessin ; Mille ans qu’un peintre ... ; Le jardin suspendu ; Les éclats ; Dentelle

  2. 2.Guillaume Apollinaire - Reconnais-toi ; La cravate ; Le cœur ; Le Bestiaire : Le dromadaire, La sauterelle, le paon, le chat l'écrevisse, la chenille, la carpe

  3. 3.Michel Beau - Un peintre

  4. 4.Tahar Ben Jelloun - Hommage à Matisse

  5. 5.Yves Bonnefoy - L’arbre des rues

  6. 6.Maurice Carême - Deux petits éléphants

  7. 7.Jean Cocteau - À Marie Laurencin ; Marie Laurencin ; À la mémoire de Claude Debussy ; Hommage à Jérôme Bosch  ; Parade (chorégraphie pour le ballet) ; Le testament d’Orphée (film)

  8. 8.Pierre Coran - Arc-en-ciel

  9. 9.Chantal Couliou - Crayons de couleur ; pour apprivoiser le vent (extraits)

  10. 10.Gabriel Cousin - Musique et voix

  11. 11.Lucienne Desnoues - La mort du peintre ; Aux branches de la mort

  12. 12.Pierre Ferran - Le cinquième jour  ; Le dragon

  13. 13.Jacques Gaucheron - Le papillon ; L'éléphant

  14. 14.Jean de La Fontaine - Le lion abattu par l’homme

  15. 15.Jean Marcenac - Le peintre ; L’AMOUR DU PLUS LOINTAIN (ouvrage collaboratif)

  16. 16.André Miguel - Quelque part ou ici

  17. 17.Gérard de Nerval - Avril - Le coucher du soleil

  18. 18.Pablo Picasso - poésie, maladie guérissable ; 22 MARS XXXVI ; portrait de jeune fille ; DÉTOURNEMENT/ASSEMBLAGE D’OBJETS

  19. 19.Jacques Prévert - Collage pour «Fatras» ; Bain de soleil ; Pour faire le portrait d’un oiseau ; L’école des beaux-arts ; Beauté

  20. 20.Madeleine Riffaud - Les linges de la nuit (portrait) ; Cheval bleu ; Jardin pour Bonnard

  21. 21.Maurice Rollinat - Coucher de soleil ; Extase du soir

  22. 22.Claude Roy - Paul Klee

  23. 23.Hector de Saint-Denys-Garneau - Pommiers en hiver (lithographie) ; L'aquarelle ; La voix des feuilles ; Portrait

  24. 24.Pierre Seghers - Le carreleur

  25. 25.Jean Tardieu - Les aventures d’une famille de chats ; La nièce attentionnée ; LE CLOWN ET SON ALTER EGO

  26. 26.Roland Topor - Paysage de montagne ; COMPTINES : Les fous, La petite fille, Les bonbons, Les cerises, Les couleurs, Le clown rigolo, Fruits d'automne ; Alice au pays des lettres

  27. 27.Boris Vian - J'aimerais ; Un poète

  28. 28.Gabriel Vicaire - Matin de neige ; Paysage

  29. 29.Charles Vildrac - Être un peintre

les textes proposés dans cette page sont destinés aux élèves d’école primaire.
La plupart sont utilisables en élémentaire,
quelques-uns en MS ou en GS de maternelle.
On peut aussi en proposer certains au Collège (voir la page COLLÈGE-LYCÉE).

  1. 1.Pierre Albert-Birot

(1876-1967), est un écrivain, poète, metteur en scène et dramaturge de théâtre. Sculpteur aussi avec "La veuve", oeuvre monumentale commandée par l'état.

Il a côtoyé, dans la revue SIC (Sons, Idées, Couleurs et Formes) dont il est le fondateur, Guillaume Apollinaire, Louis Aragon, Max Jacob, Pierre Reverdy, Philippe Soupault, Tristan Tzara ...


Proche des surréalistes, sans vraiment appartenir à ce mouvement, il joue avec les mots, les sons et les graphies.


Un poète (titre suggéré)


Que vas-tu peindre, ami ?

- L'invisible.

- Que vas-tu dire, ami ?

- L'indicible, Monsieur,

car mes yeux sont dans ma tête ".


N'ayez pas peur, c'est un poète.


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Un dessin

(poème sans titre, ce titre est proposé)


Que représente-t-il ce dessin
Tout ce qui arrive
Et l’ombre
De ce qui n’arrive pas
Un chef-d’œuvre


Pierre Albert-Birot (31e poème du recueil «Cent-dix gouttes de poésie», éditions Seghers, 1952)


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Mille ans qu’un peintre ...
(ce titre est proposé)


Mille ans qu’un peintre

A mis dans son tableau

Un jour qui nous tend la main

Le peintre doit être mort

Mais nous voici mille ans de moins


Pierre Albert-Birot ("110 gouttes de poésie", Seghers, 1952)


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Un calligramme :


Le jardin suspendu


 


Pierre Albert-Birot ("Les amusements naturels" - éditions Rougerie, 1985)


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Un calligramme, appelé aussi idéogramme :


Les éclats




Pierre Albert-Birot ("La Lune ou le livre des Poèmes», 1924)


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Dentelle




Pierre Albert-Birot ("Poésies, 1916-1924, Gallimard)

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2. Guillaume Apollinaire (1880 -1918), poète français ami de Picasso (voir dans la page  Cycle 3 le poème qui lui est dédié) et de Max Jacob écrit ses premiers poèmes à l'âge de 17 ans.

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un calligramme qui tire le texte vers l’art pictural :




Reconnais-toi


Cette adorable personne c'est toi

Sous le grand chapeau canotier

Oeil

Nez

La bouche

Voici l'ovale de ta figure

Ton cou exquis

Voici enfin l'imparfaite image de ton buste adoré 

vu comme à travers un nuage

Un peu plus bas c'est ton coeur qui bat


Ce calligramme est  un poème écrit le 9 février 1915 et dédié à Lou, Louise de Coligny-Châtillon.
(«Poèmes à Lou»)


La cravate


 


Le cœur



Mon cœur, pareil à une flamme renversée

(ce texte est gravé sur sa tombe au Père-Lachaise)



Guillaume Apollinaire ("Calligrammes", 1918 et éditions Gallimard, 1970)


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Ci-dessous, quelques petits poèmes-quatrains parmi ceux qu’Apollinaire a demandé à Raoul Dufy d’illustrer, en totale collaboration, pour le recueil

Le Bestiaire




Le dromadaire


Avec ses quatre dromadaires

Don Pedro d'Alfaroubeira

Courut le monde et l'admira.

Il fit ce que je voudrais faire

Si j'avais quatre dromadaires.


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La sauterelle


Voici la fine sauterelle,

La nourriture de saint Jean.

Puissent mes vers être comme elle,

Le régal des meilleurs gens.


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Le paon


En faisant la roue, cet oiseau,

Dont le pennage traîne à terre,

Apparaît encore plus beau,

Mais se découvre le derrière.


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Le chat


Je souhaite dans ma maison:

Une femme ayant sa raison,

Un chat passant parmi les livres,

Des amis en toute saison

Sans lesquels je ne peux pas vivre.


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L’écrevisse


Incertitude, ô mes délices

Vous et moi nous nous en allons

Comme s’en vont les écrevisses,
A reculons, à reculons.

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La chenille


Le travail mène à la richesse.

Pauvres poètes, travaillons !

La chenille en peinant sans cesse

Devient le riche papillon..


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La carpe

Dans vos viviers, dans vos étangs,

Carpes, que vous vivez longtemps !

Est-ce que la mort vous oublie,

Poissons de la mélancolie ?


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Guillaume Apollinaire («Le Bestiaire ou Cortège d'Orphée», recueil de trente courts poèmes avec des gravures sur bois de Raoul Dufy - édit Deplanche, 1911).

Le projet initial du «Bestiaire» comportait  deux autres quatrains, censurés, «Le morpion» et «le scorpion», qui ont fait l’objet d’une publication en 1931, donc bien après la disparition du poète, avec toujours des gravures de Raoul Dufy ...


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3. Michel Beau


Un peintre


Les blancs nuages

Dans le ciel bleu

Les bords sableux

Du blond rivage

Les rayons d'or

Le sombre orage

Le vert feuillage

Où l'oiseau dort.

La belle rose

Charmant décor

Où l'ombre encor'

Tremble et se pose.

Le ru d'argent

Vif ou morose

Qui court ... arrose

Les prés changeants.

D'une main sûre

Depuis longtemps

Monsieur printemps

Peint la nature.


Michel Beau

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4. Tahar Ben Jelloun

est né à Fès, au Maroc, en 1944. Écrivain et poète, il est l'auteur de deux recueils de poésie, dont Les Amandiers sont morts de leurs blessures, et de romans : La Nuit sacrée a obtenu le Prix Goncourt 1987.

Le  texte qui sut est extrait du recueil "Les Amandiers sont morts de leurs blessures" édité en 1976 par la Librairie François Maspero, dans PCM (Petite Collection Maspero). Il ne porte pas de titre.


Tous les matins

le soleil entre chez Si Lmokhtar

pille la mémoire du miroir

monte sur l'échelle

et s'en va en riant


Tahar Ben Jelloun ("Asilah, saison d'écume")


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dans ce livre, un passage dédié à Matisse, peut-être accessible en lecture pour le cycle 3 :


Lettre à Matisse (extrait)

(...) Je vous écris assis sur un tas de ruines. Le vent venu de l’Est fait trembler les chênes hauts dans le ciel. Il soulève une poussière d'or et des platanes aux racines meurtries. Le vent et des hommes de plus en plus jeunes à califourchon sur un muret. La mer, là-bas. Blanche, verte, bleue. Une chevelure dérangée par les caprices de la lune. Les bruits de la ville se retirent laissant au vent sa musique sans harmonie. Quelque chose de moderne. Des gifles, des claques, des draps gonflés se déchirent. Tanger tangue. Des têtes retenues par les mains. Le ciel est d’un bleu inquiétant. Ce bleu-là, vous allez l’adopter.(...)


Tahar Ben Jelloun («Lettre à Matisse et autres écrits sur l'art» Folio Gallimard,2013)

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5. Yves Bonnefoy

(né en 1923) fut un «compagnon de route» des poètes et des artistes surréalistes puis, sa route croisera celle d’autres auteurs, comme Philippe Jaccottet, Paul Celan, Giacometti, Balthus, Salah Stétié ...
Il est également traducteur (Shakespeare) et enseignant universitaire.
Son recueil de poèmes
«Les Planches courbes» (2001) est bien connu des lycéens de terminale.

Dans L’Arrière-pays (1972), récit très personnel de réflexion et de rêverie sur son rapport au monde, il écrit :
«N’est-ce pas toujours l’évidence qui nous échappe le plus ? (…) l’universel est en chaque lieu dans le regard qu'on en prend, l'usage qu'on en peut faire»

«Le voyage auquel Yves Bonnefoy convie son lecteur, pour une délectation de l’esprit, est de terre, de mer, d’îles, de peintures, de prédelles, et même de quelques souvenirs d’enfance.» Pierre Perrin (revue de poésie Vagabondages, 1998)




D’autres ouvrages (comme celui sur l’image ci-dessus) sont consacrés aux poètes, à l’art sous différentes formes (pas seulement pictural) et à l’Histoire, comme Remarques sur le dessin ; Dessin, couleur et lumière, 1995 ; Breton à l’avant de soi, 2001 ; Remarques sur le regard, 2002 ;  Goya, les peintures noires, 2006 ; L’Alliance de la poésie et de la musique, 2007 ;

source Wikipédia :
«Depuis les premiers volumes réalisés en collaboration avec des artistes et édités par Maeght - Pierre écrite avec Raoul Ubac en 1958 et Anti-Platon avec Joan Miró en 1962 -, Yves Bonnefoy a régulièrement publié des livres de cette nature, dans lesquels un dialogue s'engage entre les mots du poème et l'œuvre graphique qui l'accompagne, avec notamment Pierre Alechinsky, Nasser Assar, Eduardo Chillida, Claude Garache, Jacques Hartmann, Alexandre Hollan, George Nama, Farhad Ostovani, Antoni Tàpies, Gérard Titus-Carmel, Bram Van Velde, Zao Wou-Ki. (...)».


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avec PIERRE ALECHINSKY


Cet «arbre des rues» est une grande peinture murale réalisée par Pierre Alechinsky sur la façade d’une maison de la rue Descartes à Paris (quartier Latin).
L’oeuvre graphique a inspiré un poème àYves Bonnefoy, poème également tracé sur le mur, à côté de l’arbre.



L’arbre des rues


Passant,
regarde ce grand arbre
                et à travers lui
il peut suffire.

Car même déchiré, souillé,
l'arbre des rues,
c'est toute la nature,
                tout le ciel,
l'oiseau s'y pose,
                le vent y bouge, le soleil
y dit le même espoir malgré
                la mort.

Philosophe,
as-tu chance d'avoir l'arbre
                dans ta rue,
tes pensées seront moins ardues,
                tes yeux plus libres,
tes mains plus désireuses
                de moins de nuit.

 

Yves Bonnefoy

(la disposition des vers tente de respecter ici l’écriture murale)

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6. Maurice Carême


Deux petits éléphants


C'était deux petits éléphants,

Deux petits éléphants tout blancs.


Lorsqu'ils mangeaient de la tomate,

Ils devenaient tout écarlates.


Dégustaient-ils un peu d'oseille,

On les retrouvait vert bouteille.


Suçaient-ils une mirabelle,

Ils passaient au jaune de miel.


On leur donnait alors du lait :

Ils redevenaient d'un blanc frais.


Mais on les gava, près d'Angkor,

Pour le mariage d'un raja,

D'un grand sachet de poudre d'or.


Et ils brillèrent, ce jour-là,

D'un tel éclat que plus jamais,

Même en buvant des seaux de lait,

Ils ne redevinrent tout blancs,

Ces jolis petits éléphants.


Maurice Carême


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7. Jean Cocteau

(1889-1963) est un poète, graphiste, dessinateur, dramaturge et cinéaste français.



Trois jeunes femmes, Marie Laurencin, 1953 - Musée  Nagano-Ken, Japon


À Marie Laurencin
 
Tu sourirais sans visage
Tes cheveux sont l’arbre humain
La guitare est une cage
Qu’emprisonne ta main
Approche biche sauvage
Que je mange dans ta main.
 
Jean Cocteau



portrait de Cocteau par Marie Laurencin, 1921

Marie Laurencin


Entre les fauves et les cubistes

Prise au piège, petite biche.

Une pelouse, des anémies

Pâlissent le nez des amies.

France, fille nombreuse,

Clara d'Ellebeuse,

Sophie Fichini.

Bientôt la guerre sera finie

Pour que se cabre un doux bétail,

Aux volets de ton éventail.

Vive la France !

Jean Cocteau (cité par Georges Auric dans "Huit Poèmes de Jean Cocteau" - Demets, Paris, 1920).


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Jean Cocteau, portrait d’Erick Satie à la mine de plomb, 1917



À la mémoire de Claude Debussy


Les vagues,les feuilles,le vent

Et autres bêtes sans visage

T'aiment,charmeur de paysages,

Et te savent toujours vivant.


Une reine-claude se tue

Sa blessure saigne de l'or

Marbre n'écrase pas ce mort

Dont un nuage est la statue.


Jean Cocteau ("Faire-part, poèmes, 1922-1962, 1968" - Librairie Saint-Germain-des-Prés)


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Hommage à Jérôme Bosch


Toi qui toi que toi dont ventre de cornue

L'échelle de grenouille et la bulle du Pape

Et les mystérieux vignobles de Priape

Et la honte du couple à la licorne nue


Et le verger absurde et le cortège en marche

Vers lui-même et le vent dans une voile d'os

Soufflé par le postérieur d'un patriarche

Te poussant à l'Escurial Dionysos


Et ton rire caché derrière une main vierge

Et le monde effrayé par la foudre d'un pet

Les paradis perdus et les larmes de cierge

Formant un lac en bas on ne peut plus suspect.


Jean Cocteau ("Clair-obscur", Edition du rocher., Monaco, 1954)



COCTEAU, LA MUSIQUE, LA DANSE, LE BALLET




Rideau de scène réalisé par Picasso pour le ballet de Jean Cocteau «Parade» (1917), décors et costumes de Pablo Picasso, chorégraphie de Jean Cocteau et de Léonide Massine.
La musique est d’É́rik Satie.
Ce spectacle a été donné au théâtre du Châtelet à Paris la même année, par la Compagnie des Ballets russes de Serge Diaghilev.

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COCTEAU ET LE CINÉMA


image du film «Le testament d’Orphée»

réalisé par Jean Cocteau en 1959 (sortie en salles :1960)

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8. Pierre Coran
(né en 1934) est un auteur belge de langue française.
Instituteur, poète et romancier pour la jeunesse, la liste de ses écrits est longue.


Arc-en-ciel


Quand le soleil pleut

Et que la pluie luit,

Le ciel met le feu

À son parapluie.

Il sort d’une étoile

Des pinceaux de poils

Et de la blancheur,

Sa boîte à couleurs.

Puis il effiloche

Un paon fabuleux

Sur le chapeau cloche

D’une ombrelle bleue.


Pierre Coran

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9. Chantal Couliou


Crayons de couleur


Le vert pour les pommes et les prairies,

Le jaune pour le soleil et les canaris,

Le rouge pour les fraises et le feu,

Le noir pour la nuit et les corbeaux

Le gris pour les ânes et les nuages,

Le bleu pour la mer et le ciel

Et toutes les couleurs pour colorier Le monde.


Chantal Couliou


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«pour apprivoiser le vent», recueil de poèmes de Chantal Couliou
illustré à l’encre de Chine par Annnie Bouthémy ( S’éditions, 2008)


Lire le secret de la pluie géomètre

sur les murs

et déchiffrer ses rébus

pour apprivoiser le vent.


Chantal Couliou


extraits :


Le vent s'engouffre sous la barrière,

s'accroche

hésite

et puis s'enfuit

dans les blés assoupis.


(...)


La pluie déchire

la terre desséchée

à grands coups

de ciseaux rageurs.


Chantal Couliou, («pour apprivoiser le vent», S’éditions - livres pour les enfants dans la lune, 2008)


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10. Gabriel Cousin

(1918-2010) est un poète et dramaturge français


Musique et Voix


L'accordéon et la voix hongroise conduisent sous d'épaisses pluies vers d'immenses plaines.

La guitare et la voix espagnole conduisent par de frêles jeux d'eau vers d'ombreuses cours.

Le violoncelle et la voix romaine conduisent par de lents escaliers vers de longues plages.

Le clavecin et la voix tourangelle conduisent par de sévères jardins vers de légères amours.

La flûte et la voix arabe conduisent sous l'éclatante lumière vers de fraîches mosaïques.


Gabriel Cousin ("Au milieu du fleuve", éditions Saint-Germain-des-Prés)


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11. Lucienne Desnoues
(1921-2004) poète, a également écrit des contes pour les enfants.


Ce poème est consacré au paysage, à qui on demande de faire discrètement le deuil de sa représentation :


La mort du peintre


La palette à peine avertie
Sera déjà sèche à midi
Et demain les pinceaux roidis *
Iront finir dans les orties.
Chantez moins haut, belles collines,
Chantez moins clair et moins certain.
Par le monde il est ce matin
Mille aquarelles orphelines.
Vous qui en fûtes les modèles
Avec vos galops d'amandiers
J'aimerais que vous retardiez
L'instant fatal d'être infidèles,
L'instant d'oublier, vieilles mousses,
Les fins sabots du chevalet
Et cet œil cligné qui voulait
Saisir vos allusions douces.


Lucienne Desnoues ("Les Ors", éditions Seghers, 1966) 
* "roidis" : On préfèrera  peut-être "raidis" pour les élèves.


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Cet album CD (réédition en CD du vinyl de 1968 titré «Mes amis, mes amours») rassemble 16 poèmes de Lucienne Desnoues.
Hélène Martin, a mis en musique * et chante Lucienne Desnoues.
* pour trois des titres la musique est de Jean-François Gaël




Aux branches de la mort
mis en musique par Hélène Martin sous le titre
Mes amis, mes amours (première strophe)


à Miche et Jean Tordeur


Mes amis, mes amours, la salle est si petite

Que nos cœurs suffiraient, ensemble, à la chauffer

Mais vivent les flambeaux, l'âtre qui danse vite

Et tous ces chaleureux, les cuivres, les marmites,

Les épices, le rhum, le tabac, le café

(...)

Lucienne Desnoues («Les Ors» - Seghers, 1966)

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12. Pierre Ferran (1930-1989) était enseignant, poète et écrivain.


Le cinquième jour


Du haut d'un nuage,

Les mains rouges d'argile,

Dieu contemplait les animaux :

- "Je suis mécontent du zèbre,

Dit-il à saint Rémi

Qui tenait la liste,

Il ressemble trop au cheval,

Rayez-le !"


Pierre Ferran (recueil "Les Yeux", 1971)


                                  


Le dragon


Mettez des ailes au caïman
Et faites-lui cracher du feu,

Badigeonnez son corps de bleu,

De noir, de jaune et puis de sang :

Voici l’épouvantable, le hideux,

Le lance-flammes à pattes,

Invulnérable casemate
Dont l’ombre garantit encor

L’entrée des grottes à trésors.


Pierre Ferran


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13. Jacques Gaucheron
(1920-2009) est un poète, professeur de philosophie, enseignant à l’École des arts décoratifs, résistant et militant communiste

Il fut  l’ami intime de Paul Éluard (et aussi son biographe, voir le livre ci-dessous) Tristan Tzara, Louis Aragon, Jean Marcenac, Eugène Guillevic …


                           


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Le quotidien l’Humanité a édité son calendrier 1992 avec des textes de Jacques Gaucheron inspirés de 14 tapisseries de Jean Lurçat, reproduites en couleur (image)

Le papillon

S'il s'échappe, le papillon,

des chrysalides de la nuit,
C'est pour se comparer aux fleurs et aux étoiles

sur les prairies du ciel et de la terre.
De toutes ses couleurs, il crie : bonheur, espoir ...


Jacques Gaucheron


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L'éléphant 


Lent

Opulent

Corpulent


L'éléphant

Paraît bon enfant


Mais l'éléphant

ça trompe, ça trompe

Mais l'éléphant

ça trompe énormément


Si on veut le dessiner

Il ne tient pas dans la page

On ne pourra jamais croquer

L’éléphant tout entier.


Jacques Gaucheron

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14. Jean de La Fontaine
(1621-1695) avocat au parlement de Paris, puis Maître des Eaux et Forêts à Château-Thierry, a fréquenté Molière, Boileau et Racine et accédé à l'Académie, au fauteuil de Colbert.

Il a écrit 243 fables, en s’inspirant largement des fables d'Ésope qu’il a réécrites en langue poétique.


Gustave Doré (1832-1883) a illustré une édition des Fables de Jean de La Fontaine de  gravures sur bois (Librairie L. Hachette et Cie, 1868)



Dans cette fable, l’Artisan (l’artiste) décide arbitrairement («il avait la liberté de feindre») du sort de l’animal ...


Le lion abattu par l'homme


On exposait une peinture,

Où l'Artisan avait tracé

Un Lion d'immense stature

Par un seul homme terrassé.

Les regardants en tiraient gloire.

Un Lion, en passant rabattit leur caquet.

Je vois bien, dit-il, qu'en effet

On vous donne ici la victoire:

Mais l'Ouvrier vous a déçus :

Il avait liberté de feindre.

Avec plus de raison nous aurions le dessus,

Si mes Confrères savaient peindre.


Jean de La Fontaine («Les Fables», fable X du Livre III, 1668)

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15. Jean Marcenac
(1913-1984) est un écrivain, poète, traducteur et journaliste français qui exerçait le métier de professeur de philosophie.

Il a été aussi traducteur de Pablo Neruda de l’espagnol au français.


Le peintre


C'est un homme entre tant d'autres

Un peintre creusant le silence familier


Les yeux du coeur sur la main

la main du coeur sur les yeux

pour clore le mauvais oeil

Voici qu'il parle des fleurs


La joie n'était cachée que par les apparences


Jean Marcenac ("Les petits métiers" - Éditeurs Français Réunis, 1969)

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Jean Marcenac est le co-auteur du volume  n°1 de la collection de Pierre Seghers «Poètes d’aujourd’hui», consacré à Paul Éluard
Fruit d’un travail clandestin, cet ouvrage est paru le 10 mai 1944. “Au plus noir de l’occupation” ...
Dans cette même collection, il est également l’auteur d’un ouvrage consacré à Pablo Neruda (première édition en 1953)

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OUVRAGE COLLABORATIF




gravure de James Coignard pour l’ouvrage cité


Ouvrage «L’AMOUR DU PLUS LOINTAIN»,  poèmes de Jean Marcenac illustrations de James Coignard (9 gravures)
(éditions Au Vent d’Arles, Paris, 1969).

Paru en recueil aux éditions Julliard en 1970.

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16. André Miguel
est né en 1920 en Belgique, dans le Hainaut.

Il est poète, romancier, auteur dramatique et critique littéraire.


Ce poème de couleur et de brume dessine un tableau de saison :.


Quelque part ou ici


Un arbre jaune est un soleil

Une fumée pleure la saison perdue

Nous marchons à pas légers

Sur l'envers des feuilles

Des maisons brillent dans la brime

La route tourne

Le ciel et le présent changent

Des géraniums de sang caillé

Crient une joie


Quelque part un soleil consume

Quelque part un soleil éclaire


André Miguel ("Fleuve-Forêt", Fagne, 1968)


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178. Gérard de Nerval (1808-1855)
est le pseudonyme de Gérard Labrunie .

C’est un poète "moderne", auteur des "Filles du Feu" (1854) ; Les Chimères (1854) ; Aurélia ou le rêve et la vie (1855). Il traduit le poète allemand Heinrich Heine .

En grande détresse matérielle et morale, il se pend dans une rue de Paris.


Voici deux tableaux, où s'exprime en touches discrètes la sensibilité du poète (tiens, ça rime, pur hasard, Gérard)...


Avril

Déjà les beaux jours, - la poussière,
Un ciel d’azur et de lumière,
Les murs enflammés, les longs soirs ;
Et rien de vert : à peine encore
Un reflet rougeâtre décore
Les grands arbres aux rameaux noirs !

Ce beau temps me pèse et m’ennuie.
Ce n’est qu’après des jours de pluie
Que doit surgir, en un tableau,
Le printemps verdissant et rose,
Comme une nymphe fraîche éclose
Qui, souriante, sort de l’eau.

Gérard de Nerval ("Odelettes", 1853)


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Le coucher du soleil
   
Quand le Soleil du soir parcourt les Tuileries
Et jette l'incendie aux vitres du château,
Je suis la Grande Allée et ses deux pièces d'eau
Tout plongé dans mes rêveries !

Et de là, mes amis, c'est un coup d'œil fort beau
De voir, lorsqu'à l'entour la nuit répand son voile,
Le coucher du soleil, riche et mouvant tableau,
Encadré dans l'arc de l'Étoile !

Gérard de Nerval ("Odelettes", 1853)
Des signes de ponctuation, les tirets, ont été supprimés des textes pour simplifier la présentation.

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18. Pablo Picasso (1881-1973).

Exception à la règle que s’est fixée lieucommun pour cette catégorie, Pablo Picasso, qui n’est pas un poète d’écriture au sens habituel, trouve ici un petit paragraphe.
Ses ouvrages collaboratifs, eux, on les trouvera chez Eluard, Aragon, Prévert (ci-dessous) ...

Reportez-vous à ces paragraphes, en catégorie Collège-Lycée




extrait de l’ouvrage  «Pablo Picasso, Ecrits» (référ plus bas)
rébus de Picasso pouvant donner lieu à diverses interprétations :


  1. poésie, maladie guérissable

est le choix généralement retenu, celui de l’auto-dérision, acceptable, mais qui nécessite «une cheville» (le «é») dans poésie

  1. pot (chance), si ma lady (Dora Maar ?) guérissable, c’est celui du coeur

  2. pot si maladie guérissable, ce n’est que l’hypercondriaque en vous qui s’exprime ...


le texte de l’image, en écriture automatique :


22 MARS XXXVI


miette de pain posée si gentiment par ses doigts sur le bord du ciel autant bleu soupirant que le coquillage enchaîné joueur de flûte battant des ailes à chaque goutte fleurit au printemps à l'accroc que fait dans sa robe la fenêtre que se gonfle et remplit la pièce et l'emporte flottant au vent ses longs cheveux


(...) "C'est un flot verbal où son imagination torrentielle s'accroche à des sensations vécues et sa valeur documentaire l'apparente aux textes surréalistes. C'est la matière brute de la poésie que Picasso a exposée à l'état naissant, sans se préoccuper d'une quelconque conclusion».


Tristan Tzara


commentaire de Tristan Tzara, cité par Henri Béhar dans son ouvrage : «Les enfants perdus : essai sur l'avant-garde, Bibliothèque Mélusine, éd L’Age d’Homme, 2002, actualisé en 2010)


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4 AVRIL XXXVI

portrait de jeune fille

sur une vieille boîte de conserves écrasée par un camion

attacher un morceau de verre brisé  et lui peindre le profil d'une face de femme

accrocher au bas une paire de petits gants de poupée

sur le haut planter quelques plumes

piquer l'ensemble sur une orange amère

faire sur le couvercle de la boîte un trou


texte extrait de l’ouvrage  «Pablo Picasso, Ecrits»
préface de Michel Leiris, textes et dessins présentés et annotés par Marie-Laure Bernadac et Christine Piot, traduit de l’espagnol par Albert Bensoussan (Réunion des musées nationaux / Gallimard,1989)


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DÉTOURNEMENT/ASSEMBLAGE D’OBJETS




Pour sa « tête de taureau», réalisée en 1942, Pablo Picasso a assemblé deux objets, une selle de vélo en cuir et un guidon en métal

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19. Jacques Prévert (1900-1977), poète surréaliste à ses débuts, ami entre-autres poètes et artistes de Picasso et de Raymond Queneau, s'éloignera de ce mouvement pour une poésie "populaire", frondeuse, parfois très caustique à l'endroit des corps constitués : l'Armée, l'Église, les institutions ...
Mais une grande partie de son œuvre poétique, en prose ou en vers libres, est accessible aux plus jeunes, avec des textes pleins d'humour et d'humanité, petites saynètes du quotidien.


(photo : Prévert et Picasso)

               

Jacques Prévert est très présent dans les cahiers de récitation ("Paroles" - 1945, est un des recueils de poésie les plus vendus et les plus traduits).
Il est aussi auteur de théâtre et parolier ("Les feuilles mortes", pour ne citer qu'une chanson), ainsi que de scénarios de films (Quai des brumes, les Visiteurs du soir, les Enfants du paradis ; réalisés par Marcel Carné).
Il a également accompagné ses textes de dessins et de collages (pour le recueil «Fatras» en particulier).
                     

Il dit du collage : "pour moi c'est pareil qu'un texte, ça dit la même chose.
Il n est pas nécessaire à l'auteur de dominer ou même de connaître les règles de l'imitation puisque le collage détourne le savoir faire d'autrui."

(cité par L'art caché de Jacques Prévert, 19 Mai 2002 Laurent POITHIER)


«Tout au long de sa vie, Prévert s'est lié d'amitié avec de nombreux photographes, de ceux qui étaient proches des surréalistes, tels Man Ray, Brassaï, Robert Doisneau, Izis, Willy Ronis, André Villers, le décorateur de cinéma Alexandre Trauner. Ce demi-siècle de connivences a inspiré de nombreux livres réalisés en collaboration, mais aussi des jeux de correspondance entre l'écriture et la photographie».


texte et collage de Jacques Prévert pour «Fatras» empruntés ici :

http://www.mep-fr.org/evenement/collage-de-jacques-prevert/



Un court poème qui pourrait inspirer un nouveau peintre cubiste :

Bain de soleil


La salle de bains est fermée à clef

Le soleil entre par la fenêtre

et il se baigne dans la baignoire

et il se frotte avec le savon

et le savon pleure

il a du soleil dans l'oeil.


Jacques Prévert ("Textes divers"  (1929-1977) - Oeuvres complètes tome II - Gallimard-La Pléiade, 1996)


Un classique :


Pour faire le portrait d'un oiseau


Peindre d'abord une cage

avec une porte ouverte

peindre ensuite

quelque chose de joli

quelque chose de simple

quelque chose de beau

quelque chose d'utile

pour l'oiseau

placer ensuite la toile contre un arbre

dans un jardin

dans un bois

ou dans une forêt

se cacher derrière l'arbre

sans rien dire

sans bouger...

Parfois l'oiseau arrive vite

mais il peut aussi bien mettre de longues années

avant de se décider

Ne pas se décourager

attendre

attendre s'il faut pendant des années

la vitesse ou la lenteur de l'arrivée de l'oiseau

n'ayant aucun rapport

avec la réussite du tableau

Quand l'oiseau arrive

s'il arrive

observer le plus profond silence

attendre que l'oiseau entre dans la cage

et quand il est entré

fermer doucement la porte avec le pinceau

puis

effacer un à un tous les barreaux

en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l'oiseau

Faire ensuite le portrait de l'arbre

en choisissant la plus belle de ses branches

pour l'oiseau

peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent

la poussière du soleil

et le bruit des bêtes de l'herbe dans la chaleur de l'été

et puis attendre que l'oiseau se décide à chanter

Si l'oiseau ne chante pas

c'est mauvais signe

signe que le tableau est mauvais

mais s'il chante c'est bon signe

signe que vous pouvez signer

Alors vous arrachez tout doucement

une des plumes de l'oiseau

et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau.


Jacques Prévert ("Paroles" - Les Éditions du Point du Jour, 1946 et Gallimard, 1949)

L'école des beaux-arts


Dans une boîte de paille tressée

Le père choisit une petite boule de papier

Et il la jette

Dans la cuvette

Devant ses enfants intrigués

Surgit alors

Multicolore

La grande fleur japonaise

Le nénuphar instantané

Et les enfants se taisent

Émerveillés

Jamais plus tard dans leur souvenir

Cette fleur ne pourra se faner

Cette fleur subite

Faite pour eux

À la minute

Devant eux.


Jacques Prévert ("Paroles" - Les Éditions du Point du Jour, 1946 et Gallimard, 1949)


Beauté


Beauté

qui pourrait inventer

un nom plus beau

plus calme

plus indéniable

plus mouvementé

Beauté

Souvent j'emploie ton nom

et je travaille à ta publicité

je ne suis pas le patron

Beauté

je suis ton employé.


Jacques Prévert (extrait de «Adonides» dans le recueil «Fatras»1966, éditions Le point du jour)


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20. Madeleine Riffaud est née en 1924

Résistante contre le nazisme, journaliste engagée (grand reporter pour le quotidien communiste
L'Humanité), elle a publié des romans, des contes pour enfants (Le chat si extraordinaire ; Contes du Viet-Nam illustrés de dessins de Ragataya), des romans, des récits (Dans les maquis Vietcongs ;

Au Nord-Vietnam : écrit sous les bombes ; Les linges de la nuit) *
et des poèmes :
"Le Poing fermé», références ci-dessous ;
«Le Courage d’aimer», collection «Poésie 49», recueil n°7», Pierre Seghers,1949 ;

«Vienne le temps des pigeons blancs» idem, collection Poésie 51
et «Cheval rouge : anthologie poétique, 1939-1972" , Éditeurs Français Réunis, 1973)

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"Le Poing fermé», son premier recueil de poèmes, comporte un frontispice de Pablo Picasso (portrait de l’auteure) et une préface de Paul Éluard. («éditions l'Ancolie, 1945)

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L’édition de l’ouvrage «De votre envoyée spéciale» («Les Éditeurs français réunis,1964) comporte aussi un portrait de lMadeleine Riffaud par Pablo Picasso, réalisé en 1945

 

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pour «Les linges de la nuit», voir ICI sur lieucommun


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le recueil «Cheval rouge, poèmes 1969-1972» (EFR, 1973), collection Domaine poétique, préfacé par Vladimir Pozner

Cet ouvrage réunit les textes des recueils précédents avec 4 dessins originaux d`Abidine




dessin d’Abidine page 43, illustrant les textes de cachot («Près des murailles du silence, une mandoline est posée»)

Cheval bleu

On ne propose aux élèves que les 3 premières strophes de ce poème ...

Pour les petites classes, ça se justifie peut-être ...

Madeleine Riffaud l’a écrit en 1940 à l’âge de seize ans, et il annonce son engagement dans l’action moins de deux années plus tard sous le pseudonyme de Rainer (en référence au poète Rainer Maria Rilke).

Il ne faut donc pas réduire ce Cheval bleu à une image de conte de fées, Ce n’est pas un Cheval rouge (autre poème qui donne son titre au recueil) qui aurait adouci sa couleur de sang, il est du même combat.
Il ne prend tout son sens, avec ses «deux ailes acérées», qu’au terme du parcours.


J’avais un petit cheval bleu
Qui se promenait dans ma chambre
En liberté, crinière longue
Et des rayons sur ses sabots.

Il galopait sur le bureau,
Sur les bouquins de l’étagère.
Il galopait, tête levée
Sur la steppe blanche des draps.

Il vivait d’un reflet
S’endormait chaque nuit
Dans le creux de mes mains
Comme font les oiseaux.


Mais un soir qu'il dansait, léger

Sur les rayons verts de la lune

Deux ailes acérées

S'ouvrirent dans son dos.


Il s'envola sans m'emporter

Mon cheval bleu aux ailes neuves

Par la fenêtre, sur le ciel.


Plus rien ne bougea dans la nuit

Où deux torrents grondaient tout bas,

Mousse d'argent sur le balcon.

Neige des draps, neige des monts.


Et mes deux mains écartelées.


(1940)


Madeleine Riffaud («Cheval rouge, poèmes 1969-1972» EFR, 1973)





jardin du Cannet - Pierre Bonnard (1867-1947)


Jardin pour Bonnard


Les peintres meurent souvent l'hiver

Quand le monde a moins de couleurs.


Bonnard était si vieux

Et le froid était blanc.


Qui a crié - "Bonnard est mort !"

  1. -Il est parti dans son jardin.


(25 janvier 1947)


Madeleine Riffaud («Cheval rouge, poèmes 1969-1972» EFR, 1973)


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21. Maurice Rollinat
(1846-1903)


deux poèmes qui pourraient être illustrés en arts plastiques


Coucher de soleil

(sonnet)


Le soleil sur les monts s'écroule,

S'empourpre, et, graduellement,

Rétrécit son rayonnement,

Toujours plus se ramasse en boule.


Sa grande âme presque exhalée,

De ses derniers soupirs de feu

Rougit la côte et le milieu

De la solitaire vallée.


Et quand il s'éteint, descendu

Sur un roc lierreux et fendu,

Taché de noir comme les marbres,


Il figure, brûlant les yeux,

Un saint sacrement monstrueux

Qui saigne parmi des troncs d'arbres.


Maurice Rollinat ("Paysages et paysans", 1899)


Extase du soir

(sonnet)


Droits et longs, par les prés, de beaux fils de la Vierge

Horizontalement tremblent aux arbrisseaux.

La lumière et le vent vernissent les ruisseaux.

Et du sol, çà et là, la violette émerge.


Comme le ciel sans tache, incendiant d'azur

Les grands lointains des bois et des hauteurs farouches,

La rivière, au frisson de ses petites mouches,

A dormi, tout le jour, son miroitement pur.


Dans l'espace, à présent voilé sans être sombre,

Des morceaux lumineux joignent des places d'ombre,

Du ciel frais tombe un soir bleuâtre, extasiant.


Et, tandis que, pâmé, le peuplier s'allonge,

Le soleil bas, dans l'eau, fait un trou flamboyant

Où le regard brûlé s'abîme avec le songe.


Maurice Rollinat ("Paysages et paysans", 1899)


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22. Claude Roy
(1915-1997), poète français, est au rendez-vous des catégories pour la classe (Le chat blanc - Chevaux : trois ; oiseau : un - J'ai trouvé dans mes cheveux - Les corridors où dort Anne qu'on adore - Le soleil dit bonjour).




Paul Klee - chat et oiseau,1928, (The Museum of Modern Art (MoMA) New-York)


Paul Klee


Le chat qui marche l'air de rien

voudrait se mettre sous la dent

l'oiseau qui vit de l'air du temps

oiseau voyou moineau vaurien.


Mais plus fûté l'oiseau lanlaire

n'a pas sa langue dans sa poche

et siffle clair comme eau de roche

un petit air entre deux airs.


Un petit air pour changer d'air

et s'en aller voir du pays

un petit air qu'il a appris

à force de voler en l'air.


Faisant celui qui n'a pas l'air

le chat prend l'air indifférent

l'oiseau s'estime bien content

et se déguise en courant d'air.


Claude Roy («Le parfait amour», Gallimard, 1952)

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23. Hector de Saint-Denys-Garneau

D’autres poèmes de l’auteur sont rangés en catégorie Collège du Printemps des Poètes 2014, ICI

Hector de Saint-Denys-Garneau (1912-1943) est un poète, écrivain et peintre québécois.
Il a écrit la plupart de ses poèmes entre 1935 et 1937 (
«Regards et jeux dans l’espace» est publié en 1937 à compte d’auteur). Il est un des pionniers du vers libre.


(Regards Et Jeux Dans l'Espace", Montréal, édition de l'auteur, 1937 sans illustrations, a été réédité à l’identique par plusieurs éditeurs.
Les éditions Fides, qui avaient publié l’ouvrage dans leur collection Nénuphar en 1949 puis en 1972, ont repris les 25 poèmes avec 35 lithographies de l’auteur photographiées par Michel Pilon, dans un dernier ouvrage publié en1993 (sous la direction d’Henri Rivard)


La poète Anne Hébert a préfacé l’ouvrage de Fides :

(extrait) :
« Saint-Denys Garneau rêvait d'habiter le paysage de fond en comble, de tout son corps, de toute son âme, de la crête des arbres au plus profond de la rivière, de surprendre les secrets des arbres et de la rivière, de s'y fondre comme dans son propre secret révélé. Il scrutait la moindre avance, le moindre recul de la lumière sur le paysage, ainsi qu'en lui-même il suivait le passage, allant venant, de la grâce de vivre se donnant et se reprenant. Sainte-Catherine, Baie-Saint-Paul, Oka. Tout pays visité et reconnu. « C'est un peintre qui part en rêve qui part en chasse. » (...)
Sa double réponse à la vie foisonnante en lui et autour de lui était de peintre et de poète. Il écrivait des poèmes, il peignait des toiles. La terre était devant lui, exigeante et pleine. (...)
Garneau est moins « moderne » en peinture qu’il l’est en écriture. On découvre l’influence des impressionnistes, à commencer par Cézanne et Van Gogh (...)

source, le site officiel consacré au poète :
http://www.saintdenysgarneau.com




«pommiers en hiver», une des lithographies d’ Hector de Saint-Denys-Garneau qui illustre ses poèmes dans l’édition FIDES de l’ouvrage «Regards et jeux dans l’espace».


L'aquarelle


Est-il rien de meilleur pour vous chanter

les champs

Et vous les arbres transparents

Les feuilles

Et pour ne pas cacher la moindre des lumières


Que l’aquarelle, cette claire

Claire tulle ce voile clair sur le papier.


Hector de Saint-Denys-Garneau ("Regards Et Jeux Dans l'Espace", références plus haut)


La voix des feuilles


La voix des feuilles

Une chanson

Plus claire un froissement

De robes plus claires aux plus

transparentes couleurs.


Hector de Saint-Denys-Garneau ("Regards Et Jeux Dans l'Espace", références plus haut)


Portrait


C'est un drôle d'enfant
C'est un oiseau
Il n'est plus là

II s'agit de le trouver
De le chercher
Quand il est là

Il s'agit de ne pas lui faire peur
C'est un oiseau
C'est un colimaçon.

Il ne regarde que pour vous embrasser
Autrement il ne sait pas quoi faire
           avec ses yeux

Où les poser
Il les tracasse comme un paysan sa casquette

Il lui faut aller vers vous
Et quand il s'arrête
Et s'il arrive
Il n'est plus là

Alors il faut le voir venir
Et l'aimer durant son voyage.


Hector de Saint-Denys-Garneau ("Regards Et Jeux Dans l'Espace", références plus haut)


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24. Pierre Seghers
(1906-1987) est un poète et un éditeur de poésie (Les éditions Seghers publient toujours).

Il est le créateur de la revue des poètes de la Résistance : Poésie 40, qui publie, aussi des textes actuels et de la collection "Poètes d’aujourd’hui", ainsi que de nombreuses anthologies poétiques.


Le carreleur


Un jour le carreleur croira terminé son ouvrage

qui occupait toute sa vie. Il sera différent

non plus agenouillé, renivelant sans cesse

Mais debout. Il prendra le sol de ses mains

et l'immense tapis de grès et de faïence

flammes, fleurs et oiseaux, tessons et les carreaux

Il les dressera d'un seul coup. Le mur ne sera que lumière

multicolore et verticale où il disparaîtra.


Pierre Seghers («Les mots couverts», Les Éditeurs français Réunis, 1970)


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25. Jean Tardieu
(1903-1995), est un écrivain français né dans le Jura, poète, auteur de théâtre et romancier.

On trouvera ici, sur le blog lieucommun, en attendant la mise en ligne sur ce site, une présentation biographique et des textes, à l'occasion du Printemps des Poètes 2009, qui lui a rendu hommage :

http://lieucommun.canalblog.com/archives/_print_poetes_2009___jean_tardieu/index.html


Voir d’autres textes de Tardieu dans la catégorie COLLÈGE-LYCÉE << ici

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En 1947, Jean Tardieu publie un premier recueil destiné particulièrement aux enfants : "Il était une fois, deux fois, trois fois ... ou La table de multiplication en vers" (Gallimard), illustré par Élie Lascaux, dans lequel on trouve mise en scène, la table de multiplication.



illustration de la strophe :

"Chat et chatte, heureux comme des rois,

Regardent leur petit qui boit,

Une fois trois, trois."


Les aventures d’une famille de chats


Le chat brun, dans le salon

A beau tourner en rond,

Ça ne fait qu’un seul chat brun,

Une fois un, un.


Le chat fait la grimace,

Car il est furieux

De voir un autre chat dans la glace !

Une fois deux, deux.


Chat et chatte, heureux comme des rois,

Regardent leur petit qui boit,

Une fois trois, trois.


Les chats font semblant de se battre

Une fois quatre, quatre…


Puis, grimpés sur le toit de zinc,

Une fois cinq, cinq.


Ils pourchassent les souris,

Une fois six, six.


Et sautent après les alouettes,

Une fois sept, sept…


Sur le toit, ils passent la nuit,

Une fois huit, huit…


Alors que leur bon lit d’étoffes,

Une fois neuf, neuf,


En bas, les attend chez Clarisse,

Une fois dix, dix.


Jean Tardieu ("Il était une fois, deux fois, trois fois ... - Gallimard, 1947)


Cette "table de multiplication en vers" a été rééditée en collection Folio Cadet Gallimard (1991), puis dans la collection "Enfance en poésie" sous le titre "Je m'amuse en rimant", avec des illustrations modernisées...

En Gallimard-Jeunesse est paru un deuxième ouvrage sous le même titre, "Je m'amuse en rimant" (1992), sous-titré "Au chiffre des grands hommes", il ne contient pas la table de multiplication, mais un inédit, "Petit voyage autour des capitales", et diverses reprises, ainsi que des jeux de rimes.


Voici un autre passage de cette "table de multiplication" :


La nièce attentionnée


Séraphine dans sa main

Tient quatre fleurs du jardin

Qu'elle a cueillies à quatre pattes

Quatre fois un quatre


Va au marché, choisit des truites

Quatre fois deux huit


Qu'elle pose dans sa blouse

Quatre fois trois douze


Achète un panier de fraises

Quatre fois quatre seize


Une bouteille de vin

Quatre fois cinq vingt


Un cornet de belles dattes

Quatre fois six vingt-quatre


Puis une douzaine d'huîtres

Quatre fois sept vingt-huit


Puis un ananas juteux

Quatre fois huit trente-deux


Enfin des grappes de cassis

Quatre fois neuf trente-six


Pour la fête de sa tante

Quatre fois dix quarante.


Jean Tardieu ("Il était une fois, deux fois, trois fois ... - Gallimard, 1947)


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Un texte à rapprocher de «La môme néant» (voir la page des poésies pour la classe)


LE CLOWN ET SON ALTER EGO


(Tous les registres clownesques, barrissants et hénissants, du plus graves au plus aigus. Accent « étranger »,- mais on ne sait d’où. Une insondable innocence. La bouche plus large que nature et badigeonnée de blanc.)


Où t’en vas-ti ?

- Jé né sais pâs.


D’où viens-ti ?

- Jé né sais pâs non plis !


Où t’es-ti donc ? Là-bas ou ici ?

- Entré les deux, entré les deux, je souis.


Alors qui t’es-ti ?

- Jé né sais pâs, Jé né sais pâs,

Jé né sais plis !


Jean Tardieu («L’accent grave et l’accent aigu»)


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26. Roland Topor
(1938-1997), a poussé très loin l’humour noir, avec autant de talent, dans ses dessins d’abord, ses textes de contes et romans, ses poésies, la réalisation de films, etc ...(prix de l’Humour noir, 1961).

Une partie des oeuvres est destinée au Cycle 2 ou 3 ci-dessous, et également pour d’autres oeuvres plus difficiles et d’autres domaines de création, à la page Collège-Lycée (à venir)


Poésie graphique


Ci-dessous, cette poésie graphique dessine un paysage de montagne.
On songe au travail d’Apollinaire (les calligrammes) ou d’Henri Michaux (les «Alphabets»), mais Roland Topor n’invente pas un tracé ni un alphabet, il utilise l’écriture et la lecture conventionnelle (tout en capitales comme tapées à la machine, police de caractères sans empattements, identique en corps, style et graisse ; espaces, ligne de lecture horizontale de gauche à droite, renvoi à le ligne), et la répétition de noms d’objets sur le thème suffit à tracer le paysage comme par des coups de pinceau :


Paysage de montagne




Roland Topor (1968)

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COMPTINES


(voir la page COMPTINES/CHANSONS du Printemps des Poètes 2014, ici)




Les fous


Et ton phoque ?

Et ton coq ?
Et ton sac ?
Et ton lac ?

Et ton pic ?
Et ton tic ?
Et ton bœuf ?
Et ton œuf ?
Ils vont bien ce matin

Merci pour eux

Pour nous
On s'amuse comme des fous



La petite fille


Une petite fille

sur une balançoire
Qui se tord la cheville
Et perd la mémoire.
Un monsieur lui dit :

« comment t’appelles-tu ? »

Elle répond : « tant pis,

je ne m’en souviens plus

Est-ce que c’est Juliette

Est-ce que c’est Juliane
Est-ce que c’est Mariette
Est-ce que c’est Marianne ?
Mais ce que je sais,

je le sais bien :

Rue des serins

Numéro vingt

Habite un chien

Qui est coquin.



Les bonbons


J'aime mieux les bonbons
Que le gigot de mouton,
J'aime mieux la cannelle
Que les vermicelles,
J'aime mieux les gâteaux
Que la soupe aux poireaux
J'ai des confitures
Sur toute la figure
Et du chocolat
Du haut jusqu'en bas.
Moustache de chat,
Filet de foie gras!



Les cerises


Au fond du cendrier
Il y a un cerisier
Les cerises sont grises
J’en remplis ma chemise

Elles sont pleines d’asticots

Je les mets dans un seau

Je le donne à la reine

Ça lui fait de la peine

Elle me jette au cachot

Pour casser les noyaux



Les couleurs


Du rouge et du vert
Dans un pot de terre
Du bleu et du gris

Sur un p’tit biscuit

J’ai perdu deux dents
En mordant dedans
Quand je ferme les volets
Le ciel est violet
Mais quand c’est le soir
Il devient tout noir



Le clown rigolo


Un clown rigolo
Qui s’appelle Coquelicot

On lui donne une claque

Ça le rend patraque
On lui donne un baiser
Il tombe de côté
Il tombe sur un os
Ça lui fait une bosse
Il tombe dans le feu
Ça lui fait des bleus.
Aille ! Ouille !
Ça fait mal !
J’ai les yeux qui mouillent

Comme une grenouille !



Fruits d'automne

 

Je me suis bien régalé de fruits d'automne,
Je me suis bien régalé avec la pomme du pommier.
Je n'ai surtout pas mangé le gland du chêne,
Je n'ai surtout pas mangé le marron du marronnier.
Je me suis bien régalé de fruits d'automne,
Je me suis bien régalé avec la poire du poirier.
Je n'ai surtout pas mangé le gland du chêne,
Je n'ai surtout pas mangé le marron du marronnier.


Roland Topor ("La tête à Topor", «oh ! les comptines» - Rue du Monde, 2009)



Ces comptines ont été mises en musique et chantées par Max Rongier (Philips) :




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LITTÉRATURE ET THÉÂTRE

ALICE AU PAYS DES LETTRES




Illustration de Topor pour l’ouvrage «Alice au pays des lettres»
(Le Seuil, 1991)


Ci-dessous l’affiche et une présentation de ce spectacle (sur scène en 2006), d’après le conte de Topor, lui-même inspiré du roman de Lewis Caroll, «Alice au pays des merveilles».où on constate le plaisir de Roland Topor à jouer avec le langage et l’écriture.


                         


«Il pleut, Alice s'ennuie, elle espère une lettre. Surgit un personnage captivant qui l'entraîne dans un étrange pays peuplé de lettres aux caractères bien trempés. Toutes rêvent de participer à un casting pour rédiger une lettre sentimentale. Elles présentent leurs numéros dans un petit castelet jusqu'à ce que monsieur le M réalise une énorme faute. Mesdames Grammaire et Syntaxe vont le juger et le condamner si méchamment que les autres lettres se révoltent, chassent les deux tyrans et, pour fêter leur victoire organisent un grand bal. Sans ordre ni logique, tout se mélange, Alice ne comprend plus rien, cherche à s'enfuir. On entend une sonnerie, un facteur apporte une lettre, de qui ?»


Alice au pays des lettres (extrait)

Il y avait là toutes les lettres : des B, des L, des U, enfin tous ces signes qui, convenablement placés, constituent l’alphabet. Elle aperçut un O avec sa fille, Mademoiselle O, rougissante et timide. Elle vit également un J et un E qui se tenaient par le bras. C’était sans doute un jeune couple en pleine lune de miel. Il y avait des milliers de caractères de toutes sortes qui se pressaient, se bousculaient, comme s’ils avaient quelque chose de très important à faire.

« Peut-être vont-ils prendre leur goûter ? » se demanda Alice. En s’approchant de la bibliothèque, elle avisa une espèce de guichet dans lequel une grosse femme tenait des listes à la main. De temps à autre elle annonçait d’une voix forte :

« Un rôle pour S ! Un rôle pour E ! Un rôle pour J ! » Alice comprit qu’il s’agissait d’une espèce de régisseur de théâtre qui distribuait des rôles pour une représentation. Elle battit des mains car elle avait joué une fois le rôle du Petit Chaperon Rouge dans une fête et tout le monde lui avait dit qu’elle était très bonne actrice.

Avec Karim Kadjar, Sarah Olivier

D'après Roland Topor

Mise en scène et adaptation par Elzbieta Jeznach

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27. Boris Vian (voir aussi la catégorie Collège-Lycée)
(1920-1959) est un "touche-à-tout de génie".

Diplômé de l'École centrale, il entre comme ingénieur à l'Afnor (Association française de normalisation !) où il sévira quand même quatre années, avant de devenir trompettiste, car il est passionné de musique et de "culture jazz" (il signe des critiques pour des revues spécialisées).

Il écrit parallèlement(1) des poésies et des textes de chansons, qu'il interprètera plus tard, des nouvelles et des romans.


«N'importe quel objet peut être un objet d'art pour peu qu'on l'entoure d'un cadre» (Boris Vian)


Voir également la page du site qui lui est consacrée, (en préparation) ....


J'aimerais


J'aimerais

Devenir un grand poète

Et les gens me mettraient

Plein de laurier sur la tête

Mais voilà

Je n'ai pas

Assez de goût pour les livres

Et je songe trop à vivre

Et je pense trop aux gens

Pour être toujours content

De n'écrire que du vent.


Boris Vian ("Je voudrais pas crever", éditions Jean-Jacques Pauvert, 1962)


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Un poète


Un poète

C’est un être unique

A des tas d’exemplaires

Qui ne pense qu’en vers

Et n’écrit qu’en musique

Sur des sujets divers

Des rouges ou des verts

Mais toujours magnifiques


Boris Vian ("Je voudrais pas crever", éditions Jean-Jacques Pauvert, 1962)

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tableau de Boris Vian, "les hommes de fer»

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28. Gabriel Vicaire
Gabriel Vicaire (1848-1900), poète du plaisir de vivre, a passé son enfance dans la Bresse.


Il se souvient ici d'un matin de neige dans cette région de l'est de la France, et nous en fait un tableau, tout comme du «Paysage» qui suit :


Matin de neige


Quand j'ouvris ma fenêtre, oh ! quel enchantement !

De la neige partout avec un soleil rose !

Une indicible paix était en toute chose ;

On eût cru voir rêver la Belle au bois dormant.


Gabriel Vicaire ("Émaux Bressans, 1884 et éditions Ferroud, 1929)


Le paysage, dans cette région de l'est de la France, peint en plusieurs plans, comme un tableau :



en illustration du poème, image empruntée ici :
http://cm2bduras.wordpress.com/2012/04/17/posie-paysage/


Paysage


Il est charmant ce paysage

Peu compliqué, mais que veux-tu ?

Ce n’est qu’une mer de feuillage,

Où timide, peine surnage,

Un tout petit clocher pointu.


Au premier plan, toujours tranquille,

La Saône reluit au matin.

Par instants, de l’herbe immobile

Un bœuf se détache et profile

Ses cornes sur le ciel lointain.


Vis à vis, gardant ses ouailles,

Le nez penché sur un tricot,

Tandis qu’au loin chantent les cailles,

Une vieille compte ses mailles,

Rouge comme un coquelicot.


Et moi, distrait à ma fenêtre,

Je regarde et n’ose parler.

A quoi je pense? A rien peut-être.

Je regarde les vaches paître

Et la rivière s’écouler.


Gabriel Vicaire ("Émaux Bressans, 1884 et éditions Ferroud, 1929)

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29. Charles Vildrac
(1882-1971), a écrit des pièces de théâtre, des contes pour enfants (avec des personnages que de nombreuses générations d'élèves ont forcément rencontrés dans les manuels de lecture scolaire, du CE1 au CM2 : Bridinette, 1935 ; Poucette, 1936 ; Amadou le Bouquillon, 1951). C'est également un poète (son premier ouvrage est "Livre d’amour", 1910. Il a présidé le jury du Prix Jeunesse et un prix de poésie porte son nom.





«Paysage cubiste» - tableau de Marcel Lenoir (1872-1931)


Être un peintre


À Marcel Lenoir


Être un peintre !… Prendre ses pinceaux le matin…

Avoir besoin du bon, du généreux seigneur

Le Soleil, qui donne leur vie chaude aux couleurs,

Qui allume les doux cheveux et le satin,

Et qui caresse les nuques et les mains …


Être un peintre…

Le clair atelier où du ciel pénètre…

La toile sonore au lieu du papier…

Puis le petit puits noir des encriers,

Mais large et rutilante, la palette !


Être un peintre : Donner un peu

D'ivresse enfin à ses pauvres yeux !


Car nos lampes, nos lampes,

Bien que douces et confidentes

De leur menu crépitement,

Bien que si blondes, nos lampes

Tueront nos yeux, sûrement,

Nos pauvres yeux, saturés d'elles...


Dans le rets des mots captivant l'Idée,

Nous sommes ceux de la nuit,

Et nous avons désappris

Cette fraîcheur : la matinée ...


Être un peintre... Quand le soleil quitte les formes,

Pareillement quitter son labeur ;

Et puis la nuit, dormir comme dorment

Les enfants, les animaux, les fleurs.


Goûter le logique repos

Que n'amoindrit pas la veillée,

Celui qui fait limpides les journées,

Et les matins, oh ! les matins dispos ...


Charles Vildrac ("Poèmes», éditions du Beffroi, 1905)

 
Dans chaque enfant il y a un artiste
Picasso
CRÉATION POÉTIQUE et ARTISTIQUE
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