poésies des saisons - hiver page 2
poésies des saisons - hiver page 2
poésies sur le thème de l’hiver (page 2)
PAGE 1 - A à G (CLIC pour accéder à cette page)
1. Corinne Albaut - Le bonhomme de neige
2. Guillaume Apollinaire - Les sapins
3. Paul Arène - Paysage
4. Albert Atzenwiler - Le bonhomme de neige
5. Théodore de Banville - L'hiver
6. Patrick Bousquet - Bonjour monsieur l'hiver
7. Marguerite Brunat-Provins - Sur l'arbre rouge
8. Maurice Carême - La dernière pomme - Il a neigé - Le givre
9. Pernette Chaponnière - La neige / Le sapin de Noël
10. Anne-Marie Chapouton - L'hiver, la neige
11. François Coppée - Il a neigé - La mort des oiseaux
12. Guy-Charles Cros - Matin de décembre / Croquis de janvier
13. Lucie Delarue-Mardrus - L'hiver
14. Louis Delorme - Le flocon
15. Hermin Dubus - La neige papillonne
16. Micheline Dupray - Les oiseaux de l'hiver
17. Jason Émond - Le bonhomme de neige
18. Jean de La Fontaine - La cigale et la fourmi
19. Pierre Gamarra - Où est donc passé le feu ?
20. Théophile Gautier - Décembre - Fantaisies d'hiver
La dernière feuille - La bonne soirée
21. Fernand Gregh - Un soir
22. Eugène Guillevic - L'ennemi - Arbre l'hiver
PAGE 2 - H à O (VOUS Y ÊTES)
23. Franz Hellens - Manège d'hiver
24. Victor Hugo - La bise (deux textes)
25. Illberg - Toc ! Toc ! ouvrez-moi !
26. Francis Jammes - Il va neiger
27. Jules Laforgue - Couchant d'hiver - Pâle soleil d'hiver
28. Annaïk Le Léard - Quand la neige tombe
29. André Mary - Rondeau de la neige
30. Guy de Maupassant - Nuit de neige
31. Fernand Mazade - Attente
32. Pierre Menanteau - Le vieux rosier
33. Catulle Mendès - paysage de neige
34. Louis Mercier - Psaume à la neige
35. Jacqueline Mériot - Neige
36. Jean-Luc Moreau - Chanson d'hiver
37. Madeleine Morize - Chanson d'hiver
38. Vincent Muselli - Décembre
39. Alfred de Musset - Le premier frisson d'hiver
40. Émile Nelligan - Soir d'hiver
41. Gérard de Nerval - Les papillons
42. Anna de Noailles (Comtesse) - L'hiver
43. Jean Orizet - L'or sous le givre - Haute ponctuation du silence
44. Charles d'Orléans - Hiver, vous n'êtes qu'un vilain
Yver, vous n'estes qu'un villain
PAGE 3 - P à Z (CLIC pour accéder à cette page)
45. Louisa Paulin - Chant de neige
46. Alexandre Pouchkine - Soir d''hiver
47. Gisèle Prassinos - Neige
48. Jacques Prévert - Chanson pour les enfants l'hiver
Noël des ramasseurs de neige
49. Raymond Radiguet - Vitres
50. Pierre Reverdy - Souffle - Calme intérieur - Son de cloche
La neige tombe - Temps couvert
51. Jean Richepin - La neige tombe - Première gelée
La neige est belle La neige est triste - La petite qui tousse
52. Arthur Rimbaud - Les corbeaux
53. Paul-Alexis Robic - Les douze lutins
54. Georges Rodenbach - Ô neige, toi la douce endormeuse des bruits
55. Jean Rousselot - La neige
56. Jules Supervielle - Le pommier
57. Frédéric-Jacques Temple - La blanche migration
58. André Theuriet - La ferme (Les 4 premières strophes sur l'hiver)
59. Georg Trakl - En hiver
60. Émile Verhaeren - La neige - Neige
61. Paul Verlaine - Dans l'interminable ennui de la plaine
62. Jules Verne - Quand par le dur hiver
63. Théophile de Viau - Ode contre l'hiver
64. Gabriel Vicaire - Matin de neige
65. Alfred de Vigny - La neige
66. Paul Vincensini - La boule de neige - Moi l'hiver je pense - Hiver
67. Francis Yard - La neige au village
23. Franz Hellens (1881-1972), de son vrai nom Frédéric Van Ermengem, est un romancier et poète belge.
Pierre Menanteau, poète (voir le sommaire), est l'auteur du Florilège poétique de Franz Hellens, illustré par Michel Ciry (L'Amitié par le Livre - 1963)
Manège d'hiver (titre proposé)
La terre ce matin s'enroule
Dans ses beaux draps de neige.
Allons nous mettre en boule
Et roule, roule mon manège,
Tourne, tourne entre terre et ciel
Jusqu'au prochain dégel.
Franz Hellens
en attendant leur complète mise en ligne sur ce site, les poésies sur le thème de l’hiver sont toujours à cette adresse :
24. Victor Hugo (1802-1885) est ce romancier et poète tellement célèbre qu'on ne le présente plus, ça lui apprendra ...
La bise
Va-t'en, me dit la bise,
C'est mon tour de chanter.
Et tremblante, surprise,
N'osant pas résister,
Fort décontenancée
Devant un Quos ego,
Ma chanson est chassée
Par cette Virago.
Pluie. On me congédie
Partout, sur tous les tons.
Fin de la comédie.
Hirondelles, partons.
Grêle et vent. La ramée
Tord ses bras rabougris ;
Là-bas fuit la fumée
Blanche sur le ciel gris.
Une pâle dorure
Jaunit les coteaux froids.
Le trou de ma serrure
Me souffle sur les doigts.
Victor Hugo ("Les Chansons des rues et des bois")
Le même passage se retrouve dans cet extrait d'un autre poème, publié dans un recueil posthume, et dont on propose en classe élémentaire (en général), la strophe en couleur :
La bise
Le temps mène le deuil de notre destinée ;
La terre est un sépulcre, et la lugubre année,
Gardienne pâle des tombeaux,
Autour du cénotaphe où gît, couvert de voiles,
Le genre humain couché sous le drap des étoiles,
Allume ses douze flambeaux.
La bise fait le bruit d'un géant qui soupire ;
La fenêtre palpite et la porte respire ;
Le vent d'hiver glapit sous les tuiles des toits ;
Le feu fait à mon âtre une pâle dorure ;
Le trou de ma serrure
Me souffle sur les doigts.
Victor Hugo ("Dernière Gerbe" - 1941) - titre donné et textes choisis par Paul Maurice parmi les manuscrits de l'auteur pour cette édition posthume
25. Gérard Illberg, qui signe de son seul nom, Illberg, écrivain et poète contemporain, a publié de nombreux recueils de poèmes et des contes et légendes de sa région natale, les Vosges.
Voici un joli texte pour la classe :
Toc ! Toc ! ouvrez-moi !
Toc ! Toc ! bonnes gens, ouvrez-moi !
Ayez pitié d’une mésange.
Puis-je venir dans votre grange ?
Dans le verger, il fait si froid.
Toc ! Toc ! bonnes gens, ouvrez-moi !
La neige recouvre la terre ;
Je suis seule et n’ai plus de mère.
Il fait si chaud sous votre toit.
Toc ! Toc ! bonnes gens, ouvrez-moi !
Je me contenterai des miettes
Qui resteront dans vos assiettes.
Comme on doit être bien chez soi !
Toc ! Toc ! bonnes gens, ouvrez-moi !
Je serai toujours propre et sage,
Mais ne me mettez pas en cage ;
Il est si triste, cet endroit.
Toc ! Toc ! bonnes gens, ouvrez-moi !
Je ne serai pas une ingrate ;
Je chanterai une sonate,
Pour vous, au printemps, dans le bois.
Gérard Illberg ("Choix de poésies pour enfants de 8 à 12 ans" - édit André Bonne, 1961)
26. Francis Jammes (1868-1938) est l'auteur de "La Prière", poème chanté par Georges Brassens (voir sur le blog lieucommun.canalblog.com et bientôt sur ce site la catégorie BRASSENS) et de "J'aime l'âne si doux".
Qualifié parfois de "poète naturaliste", il porte une tendresse particulière à cet animal.
Ce texte d'hiver n'est pas à ranger parmi les plus gais de l'auteur.
Il va neiger
à Léopold Bauby
Il va neiger dans quelques jours. Je me souviens
De l'an dernier. Je me souviens de mes tristesses
Au coin du feu. Si l'on m'avait demandé : "Qu'est-ce ?"
J'aurais dit : "Laissez-moi tranquille. Ce n'est rien".
J'ai bien réfléchi, l'année d'avant, dans ma chambre,
Pendant que la neige lourde tombait dehors.
J'ai réfléchi pour rien. A présent comme alors
Je fume une pipe en bois avec un bout d'ambre.
Ma vieille commode en chêne sent toujours bon.
Mais moi j'étais bête parce que ces choses
Ne pouvaient pas changer et que c'est une pose
De vouloir chasser les choses que nous savons.
Pourquoi donc pensons-nous et parlons-nous ? C'est drôle ;
Nos larmes et nos baisers, eux ne parlent pas,
Et cependant nous les comprenons, et les pas
D'un ami sont plus doux que de douces paroles.
On a baptisé les étoiles sans penser
Qu'elles n'avaient pas besoin de nom, et les nombres
Qui prouvent que les belles comètes dans l'ombre
Passeront, ne les forceront pas à passer.
Et maintenant même, où sont mes vieilles tristesses
De l'an dernier ? A peine si je me souviens.
Je dirais : "Laissez-moi tranquille, ce n'est rien,"
Si dans ma chambre on venait me demander "Qu'est-ce ?"
Francis Jammes ("De l'angélus de l'aube à l'angélus du soir" - 1888)
27. Jules Laforgue (1860-1887) est un poète "décadent" (mouvement littéraire précurseur du symbolisme et teinté de naturalisme), et aussi familier du groupe littéraire "Hydropathe", également précurseur du symbolisme, dont fut membre Alphonse Allais.
J’aurai passé ma vie le long des quais
À faillir m’embarquer
Dans de biens funestes histoires
Tout cela pour l’amour
De mon cœur fou de la gloire d’amour.
Jules Laforgue
("Derniers vers", 1890)
Deux poèmes qui trahissent la douleur de vivre de Jules Laforgue :
Couchant d'hiver (extrait)
Quel couchant douloureux nous avons eu ce soir !
Dans les arbres pleurait un vent de désespoir,
Abattant du bois mort dans les feuilles rouillées,
A travers le lacis des branches dépouillées
Dont l'eau-forte sabrait le ciel bleu-clair et froid,
Solitaire et navrant, descendait l'arbre-roi.
Ô Soleil ! l'autre été, magnifique en ta gloire,
Tu sombrais, radieux comme un grand Saint-Ciboire,
Incendiant l'azur ! A présent, nous voyons
Un disque safrane, malade, sans rayons,
Qui meurt à l'horizon balayé de cinabre,
Tout seul, dans un décor poitrinaire et macabre,
Colorant faiblement les nuages frileux
En blanc morne et livide, en verdâtre fielleux.
Vieil or, rose fané, gris de plomb, lilas pâle,
Oh ! c'est fini, fini ! Longuement le vent râle,
Tout est jaune et poussif ; les jours sont révolus,
La Terre a fait son temps ; ses reins n'en peuvent plus.
...
Jules Laforgue ("Le sanglot de la terre" - 1901)
Pâle soleil d'hiver
(Sonnet)
Pâle soleil d'hiver, tu filtres du ciel gris
Un rayon souffreteux qui fait plus triste encore
La cité s'éveillant dans sa rumeur sonore ;
Et c'est sous ce jour faux que tu veux voir Paris.
Tu songes à ces temps où, pur de son mépris,
L'homme ignorait le spleen, ce mal qui nous dévore,
Jouissait d'un beau vers, du galbe d'une amphore,
Et vivait sans remords sous l'azur incompris.
Tu te dis, n'est-ce pas, que la Terre, ta fille,
Nourrit en ce moment une pauvre famille ?
Et qu'elle a fait son temps ? - Mais, ne sois pas si fier !
Devant l'Éternité, tu n'es qu'une fusée
Qui passe. Et tu mourras, ô vieille lampe usée,
Soleil jaune et poussif, pâle soleil d'hiver.
Jules Laforgue ("Le sanglot de la terre" - 1901)
28. Annaïk Le Léard (1892-1972) était une poète bretonne.
Quand la neige tombe
Quand la neige tombe,
Est-ce une colombe
Qui secoue au vent
Son plumage blanc ?
Ou tout un cortège
De blancs perce-neige
Qui suit en dansant
Le Prince Charmant ?
Annaïk Le Léard
29. André Mary (1879-1962) était tout à la fois éditeur, traducteur de poésies et de romans de l'ancien français au français moderne, en plus d'être romancier et poète lui-même.
On lui doit en particulier la mise en français moderne du Roman de la Rose (en 1929), des Anthologies du Moyen Âge (poésie et prose), le roman Les Profondeurs de la forêt (1946), et des recueils de poèmes, dont Les Sentiers du paradis et Les rondeaux (1926).
Il a signé certains ouvrages du pseudonyme Jean-Vorle Monniot (par exemple la traduction du Livre des oraisons, de Gaston Phébus).
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Le rondeau, initialement chanson de ronde, dans le sens de danse, où la musique et le rythme ont donc leur importance, est également appelé aussi rondel. C'est, en poésie écrite, une forme de poème qui obéit à quelques règles : trois strophes de 5, 3 et 5 vers (ou 4, 4 et 5) en déca ou octosyllabes, utilisant deux rimes seulement, et la reprise d'une partie du premier vers en refrain dans les strophes 2 et 3.
André Mary prend des libertés avec la forme et saupoudre celui-ci de quelques termes d'ancien français* (les neiges d'antan ?) :
Rondeau de la neige
Tombe la neige !
Triste manège :
Moucher, toussir,
Prendre élixir,
Au lit gésir.
Maint déplaisir
Mon mal rengrège.
Tombe la neige.
Pardonnerai-je ?
Ou haïrai-je ?
Je n'ai loisir
De rien choisir.
Sur tout désir
Tombe la neige.
* toussir : tousser
gésir : être étendu, allongé. Conjugaison à l'indicatif présent : je gis, tu gis, il gît (sur les tombes : ici-gît), nous gisons, vous gisez, ils gisent
rengrèger : augmenter, s'aggraver
André Mary ("Rimes et bacchanales" - 1935)
30. Guy de Maupassant (1850-1893) est un auteur français de romans (Une vie ; Bel ami) et de nouvelles (Boule de Suif ; Les Contes de la bécasse).
C'est aussi un poète méconnu.
Ce sont les passages en couleur de cette poésie qui sont proposés aux élèves d'élémentaire :
Nuit de neige
La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.
Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte.
Mais on entend parfois, comme une morne plainte,
Quelque chien sans abri qui hurle au coin d'un bois.
Plus de chansons dans l'air, sous nos pieds plus de chaumes.
L'hiver s'est abattu sur toute floraison ;
Des arbres dépouillés dressent à l'horizon
Leurs squelettes blanchis ainsi que des fantômes.
La lune est large et pâle et semble se hâter.
On dirait qu'elle a froid dans le grand ciel austère.
De son morne regard elle parcourt la terre,
Et, voyant tout désert, s'empresse à nous quitter.
Et froids tombent sur nous les rayons qu'elle darde,
Fantastiques lueurs qu'elle s'en va semant ;
Et la neige s'éclaire au loin, sinistrement,
Aux étranges reflets de la clarté blafarde.
Oh ! la terrible nuit pour les petits oiseaux !
Un vent glacé frissonne et court par les allées ;
Eux, n'ayant plus l'asile ombragé des berceaux,
Ne peuvent pas dormir sur leurs pattes gelées.
Dans les grands arbres nus que couvre le verglas
Ils sont là, tout tremblants, sans rien qui les protège ;
De leur œil inquiet ils regardent la neige,
Attendant jusqu'au jour la nuit qui ne vient pas.
Guy de Maupassant
31. Fernand Mazade (1863-1939) est l'auteur entre-autres, de recueils de poésie, et d'une Anthologie des poètes français des origines à nos jours, en plusieurs tomes (Librairie de france, 1927).
Il décrit le trop long hiver dans ce joli petit poème de facture naïve :
Attente
Il neige. La source écume et frissonne
Avant que d'aller mourir dans la mer.
Un seul arbre est vert : c'est un chêne-vert.
Le jour se dissipe et l'angélus sonne.
Le village tousse et s'encapuchonne.
Aucune chanson ne réchauffe l'air :
Les chardonnerets n'aiment point l'hiver.
Sur les sentiers blancs ne passe personne.
Le beau mois de mai quand reviendra-t-il ?
Pourrons-nous bientôt cueillir le myrtil ?
Et des papillons voir les arrivées ?
* Sous le chêne vert, trois enfants blottis
Chevelures d'or tout ébouriffées
Yeux écarquillés, membres engourdis,
Trois petits enfants attendent les fées.
* Merci à armelle1 de nous avoir transmis la dernière strophe du poème en commentaire de ce texte sur le blog lieucommun.canalblog.com
Fernand Mazade ("Intermède fantasque" - Dans les "Cahiers de la quinzaine" - 1936)
32.Pierre Menanteau (1895-1992), poète familier des écoles, a publié quelques recueils, des romans, et contribué par ses florilèges et anthologies à diffuser la poésie.
Le vieux rosier
Quand pourrai-je me reposer ?
Dit le rosier,
J'ai tant de roses, tant de roses ...
C'est en hiver qu'il se repose.
Sait-il alors qu'il a porté
Le poids léger du mois de mai
Sait-il encor qu'une autre année
En décembre il portait trois roses
O vieux rosier, ce poids léger,
Accepte-le comme un poète
Qui, sous la blancheur de sa tête,
Voit s'épanouir la beauté !
Pierre Menanteau
33. Catulle Mendès (1841-1909) est un des fondateurs du mouvement littéraire Le Parnasse, avec des poètes comme Leconte de Lisle (qui en est considéré, si on peut dire, comme le leader), François Coppée, José-Maria de Heredia et Théodore de Banville.
Ces poètes prônent et pratiquent "l'art pour l'art", c'est-à-dire une poésie dégagée de toute expression sentimentale ou sociale, tournée uniquement vers la beauté.
Paysage de neige
Au dedans, le silence et la paix sont profonds ;
De froides pesanteurs descendent des plafonds,
Et, miroirs blanchissants, des parois colossales
Cernent de marbre nu l'isolement des salles.
De loin en loin, et dans les dalles enchâssé,
Un bassin de porphyre au rebord verglacé
Courbe sa profondeur polie, où l'onde gèle ;
Le froid durcissement a poussé la margelle,
Et le porphyre en plus d un endroit est fendu ;
Un jet d'eau qui montait n'est point redescendu,
Roseau de diamant dont la cime évasée
Suspend une immobile ombelle de rosée.
Dans la vasque, pourtant, des fleurs, givre à demi,
Semblent les rêves frais du cristal endormi
Et sèment d'orbes blancs sa lucide surface,
Lotus de neige éclos sur un étang de glace,
Lys étranges, dans l'âme éveillant l'idéal
D'on ne sait quel printemps farouche et boréal.
Catulle Mendès - 1869, passage de "La Vision suprême", partie IV (dans le recueil "Hespérus", Librairie des Bibliophiles, 1872)
34. Louis Mercier (1870-1951) a célébré dans ses poèmes la nature de sa région natale, le Forez.
On trouve le poème suivant dans son recueil Le Poème de la maison (éditions Calmann-Lévy, 1910).
Psaume à la neige
Louange à la neige blanche, amie des grands sapins noirs !
Parce qu'elle préfère nos ramures à celles des autres arbres.
Parce que ses papillons se prennent innombrables aux aiguilles de notre feuillage.
Parce qu'elle est légère, silencieuse, Immaculée.
Parce qu'elle nous revêt d'une blancheur plus blanche que tout ce qu'il y a de blanc au monde.
Plus blanche que les fleurs du narcisse et du lys.
Plus blanche que l'écume du ruisseau qui saute sur les pierres.
Plus blanche que la face de la lune par les claires nuits d'hiver.
Plus blanche que les étoiles qui fleurissent dans les prés de la nuit.
Louange à la neige, amie des sapins noirs.
Louis Mercier ("Le poème de la maison")
35. Jacqueline Mériot est une écrivaine contemporaine, poète, auteure de contes et légendes, animatrice de "Rencontres Poétiques".
Elle a enregistré sur CD audio des poèmes et des contes (voir le site, lien ci-dessous).
Recueils de poésie : Papiers Découpés (Les Dossiers d'Aquitaine, 2004) ; Fleurs du silence (2005), Refuges, Matins de brume, Lueurs du soir.
On trouvera plus d'informations sur son site www.jacqueline.meriot.pagesperso-orange.fr
Neige
Sur la musique du silence
Dansent dansent les flocons blancs
Qui se balancent
Et qui s'en vont
Tisser une douce couverture
Pour la terre qui s'endort
Sur la musique du silence
Dansent dansent les flocons blancs.
Jacqueline Mériot
36.Jean-Luc Moreau, né en 1927, est écrivain, poète et universitaire.
Il est l’auteur de recueils de poèmes (un parmi bien d’autres : Poèmes de la souris verte, Hachette Jeunesse, 2003) et d’anthologies (La Liberté racontée aux enfants, éditions ouvrières, 1988), et a également écrit des contes pour les enfants.
Chanson d'hiver
Le soleil est en congé :
Comme il neige ! comme il neige !
Le soleil est en congé
(Joli temps pour voyager !...)
La froidure a délogé
Sous la neige, sous la neige,
La froidure a délogé
Les oiseaux du potager.
Le soleil est en congé :
Comme il neige ! comme il neige !
Le soleil est en congé
(Quelque part à l'étranger ?...)
Quant à moi, flocons légers,
Quand il neige, quand il neige,
Quant à moi, flocons légers,
J'aime à vous voir voltiger.
Le soleil est en congé :
Comme il neige ! comme il neige !
Le soleil est en congé
(S'il n'a pas déménagé ! ...)
Chacun de s'interroger,
Tant il neige, tant il neige,
Chacun de s'interroger :
Jusqu'à quand va-t-il neiger ?
Jean-Luc Moreau ("Poèmes de la souris verte - éditions Hachette Jeunesse, 2003)
37. Madeleine Morize
ou Madeleine Prat ou encore Madeleine Prat-Morize (1877-1967), a écrit des poèmes classiques d'une grande sensibilité (non publiés à notre connaissance), que présente son petit-fils à cette adresse : http://www.philippemorize.com/
« Le poète c’est un homme qui peut ne jamais savoir forger un vers
mais qui comprend le langage mystérieux des fleurs,
les signes des étoiles et la poésie troublante des rayons de lune. »
Madeleine Morize (1898)
Ce poème a été emprunté à l’adresse indiquée.
On en propose parfois les passages descriptifs en école élémentaire, en évitant (c’est quand même dommage) la belle et triste métaphore sur la vie et la mort.
Chanson d'hiver
Les flocons, loin du ciel sévère,
S'en sont allés, tout en dansant,
Bien pressés d'atteindre la terre
Qui les attirait doucement.
Menant une ronde joyeuse,
Ils semblent un duvet léger
Échappé d'une aile soyeuse
Et que le vent fait voltiger.
Petits et clairs, dans la tourmente,
Ils ont l'allure de lutins
Qui se frôlent dans la descente
Aussi caressants que mutins.
Mais la glace emprisonne et gèle
Les jolis flocons blancs si fous.
La mort étend sur tout son aile.
Cœurs qui souffrez, endormez-vous !
Et maintenant, dans le mystère,
Sous l'épaisseur du manteau blanc,
C'est le grand travail de la terre !
Elle prépare dans son flanc
Toutes les richesses futures :
Les fleurs si douces du printemps,
De l'été, les vertes ramures,
De l'automne, les tons ardents.
Et pourtant, elle semble morte ;
Les charmes sont ensevelis ;
Chaque neige que le vent porte
Du linceul alourdit les plis.
Cette blancheur s'immobilise
Sous le ciel gris, en contours flous
Et toute forme est imprécise.
Oh ! Cœurs qui dormez, rêvez-vous ?
Mais voici que dans la nature
Viennent à passer des frissons.
Peu à peu s'en vont la froidure,
La neige pâle et les glaçons.
Écartant son voile superbe,
La terre apparaît et sourit ;
Des rubans d'eau courent dans l'herbe
Qui, sous leurs baisers, reverdit.
Et, là-bas, voilà que s'éveille
La voix profonde des forêts
Et que s'ouvre, pure merveille,
La clochette des blancs muguets.
La vie, en tout, fleurit et chante
Et l'air est infiniment doux.
Il se lève une aube charmante.
Cœurs qu'on croit morts, réveillez-vous !
Madeleine Morize (écrit en mars 1917)
38. Vincent Muselli (1879-1956) est un poète lyrique français.
Décembre
Voici qu'un deuil nouveau couvre le voisinage,
Déjà l'eau des étangs gèle dans les roseaux,
Et déjà les chemins sont pleins de ton carnage,
Hiver ! cruel chasseur de feuilles et d'oiseaux.
Vincent Muselli ("L'Oeuvre Poétique" - numéro spécial de la revue Points & Contrepoints, 1957)
39. Alfred de Musset (1810-1857) est un poète romantique, auteur de contes et de pièces de théâtre («On ne badine pas avec l'amour»).
Le premier frisson d'hiver
(titre proposé)
Que j'aime le premier frisson d'hiver ! le chaume,
Sous le pied du chasseur, refusant de ployer !
Quand vient la pie aux champs que le foin vert embaume,
Au fond du vieux château s'éveille le foyer ;
C'est le temps de la ville. - Oh ! lorsque l'an dernier,
J'y revins, que je vis ce bon Louvre et son dôme,
Paris et sa fumée, et tout ce beau royaume
(J'entends encore au vent les postillons crier),
Que j'aimais ce temps gris, ces passants, et la Seine
Sous ses mille falots assise en souveraine !
J'allais revoir l'hiver. Et toi, ma vie, et toi !
Oh ! dans tes longs regards j'allais tremper mon âme
Je saluais tes murs. Car, qui m'eût dit, madame,
Que votre cœur sitôt avait changé pour moi ?
Alfred de Musset ("Premières poésies" - 1829-1835)
40. Émile Nelligan (1879-1941), le poète le plus important du Québec, a connu un destin tragique (frappé de schizophrénie à l'âge de 19 ans, il finit son existence en hôpital psychiatrique).
Ce texte noir de neige est peut-être à réserver aux plus grands élèves :
Soir d'hiver
Ah ! comme la neige a neigé !
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah ! comme la neige a neigé!
Qu'est-ce que le spasme de vivre
À la douleur que j'ai, que j'ai !
Tous les étangs gisent gelés ,
Mon âme est noire: Où vis-je ? Où vais-je ?
Tous ses espoirs gisent gelés :
Je suis la nouvelle Norvège
D'où les blonds ciels s'en sont allés.
Pleurez, oiseaux de février,
Au sinistre frisson des choses,
Pleurez, oiseaux de février,
Pleurez mes pleurs, pleurez mes roses,
Aux branches du genévrier.
Ah! comme la neige a neigé !
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah! comme la neige a neigé !
Qu'est-ce que le spasme de vivre
À tout l'ennui que j'ai, que j'ai ! ...
Émile Nelligan ("Poésies complètes" - éditions Fides, 1952)
41. Gérard de Nerval, pseudonyme de Gérard Labrunie (1808-1855) est un poète "moderne", auteur des recueils "Les Filles du Feu" (1854) ; Les Chimères (1854) ; Aurélia ou le rêve et la vie (1855). Il traduit le poète allemand Heinrich Heine .
En grande détresse matérielle et morale, il se pend dans une rue de Paris.
Je suis le ténébreux, le veuf, l'inconsolé,
Le prince d'Aquitaine à la tour abolie:
Ma seule étoile est morte, et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la Mélancolie ...
Gérard de Nerval dans le poème El Desdichado ("le malheureux", en espagnol) ("Les Chimères")
Gérard de Nerval a écrit un long poème pour les papillons absents de l'hiver. On peut en proposer aux élèves le dialogue initial et une ou deux strophes choisies, suivant le niveau de la classe.
Les papillons
De toutes les belles choses
Qui nous manquent en hiver,
Qu'aimez-vous mieux ? - Moi, les roses ;
- Moi, l'aspect d'un beau pré vert ;
- Moi, la moisson blondissante,
Chevelure des sillons ;
- Moi, le rossignol qui chante ;
- Et moi, les beaux papillons !
Le papillon, fleur sans tige,
Qui voltige,
Que l'on cueille en un réseau ;
Dans la nature infinie,
Harmonie
Entre la plante et l'oiseau !...
Quand revient l'été superbe,
Je m'en vais au bois tout seul :
Je m'étends dans la grande herbe,
Perdu dans ce vert linceul.
Sur ma tête renversée,
Là, chacun d'eux à son tour,
Passe comme une pensée
De poésie ou d'amour !
Voici le papillon faune,
Noir et jaune ;
Voici le mars azuré,
Agitant des étincelles
Sur ses ailes
D'un velours riche et moiré.
Voici le vulcain rapide,
Qui vole comme un oiseau :
Son aile noire et splendide
Porte un grand ruban ponceau.
Dieux ! le soufré, dans l'espace,
Comme un éclair a relui...
Mais le joyeux nacré passe,
Et je ne vois plus que lui !
Comme un éventail de soie,
Il déploie
Son manteau semé d'argent ;
Et sa robe bigarrée
Est dorée
D'un or verdâtre et changeant.
Voici le machaon-zèbre,
De fauve et de noir rayé ;
Le deuil, en habit funèbre,
Et le miroir bleu strié ;
Voici l'argus, feuille-morte,
Le morio, le grand-bleu,
Et le paon-de-jour qui porte
Sur chaque aile un oeil de feu !
Mais le soir brunit nos plaines;
Les phalènes
Prennent leur essor bruyant,
Et les sphinx aux couleurs sombres,
Dans les ombres
Voltigent en tournoyant.
C'est le grand'paon à l'oeil rose
Dessiné sur un fond gris
Qui ne vole qu'à nuit close,
Comme les chauves-souris ;
Le bombice du troëne,
Rayé de jaune et de vert,
Et le papillon du chêne
Qui ne meurt pas en hiver !...
Voici le sphinx à la tête
De squelette,
Peinte en blanc sur un fond noir,
Que le villageois redoute,
Sur sa route,
De voir voltiger le soir.
Je hais aussi le phalènes,
Sombres hôtes de la nuit,
Qui voltigent dans nos plaines
De sept heures à minuit ;
Mais vous, papillons que j'aime,
Légers papillons de jour,
Tout en vous est un emblême
De poésie et d'amour !
Malheur, papillons que j'aime,
Doux emblème,
A vous pour votre beauté !...
Un doigt, de votre corsage,
Au passage,
Froisse, hélas ! le velouté !...
Une toute jeune fille
Au coeur tendre, au doux souris,
Perçant vos coeurs d'une aiguille,
Vous contemple, l'oeil surpris :
Et vos pattes sont coupées
Par l'ongle blanc qui les mord,
Et vos antennes crispées
Dans les douleurs de la mort!...
Gérard de Nerval ("Petits châteaux de Bohème" - 1853)
42. Anna de Noailles (1876-1933), appelée à juste titre :-) Comtesse de Noailles, est une écrivaine et une poétesse, au féminin total, romantique et passionnée.
Voir d'autres poèmes (en construction) dans la catégorie AUTOMNE
... "Je me suis appuyée à la beauté du Monde
Et j'ai tenu l'odeur des saisons dans mes mains" ...
[extrait du poème L'offrande à la Nature, recueil "Le Cœur innombrable"].
L'hiver
C'est l'hiver sans parfums ni chants ...
Dans le pré, des brins de verdure
Percent de leurs jets fléchissants
La neige étincelante et dure ...
Quelques buissons gardent encor
Des feuilles dures et cassantes
Que le vent âpre et rude mord
Comme font les chèvres grimpantes.
Et les arbres silencieux
Que toute cette neige isole
Ont cessé de se faire entre eux
Leurs confidences bénévoles ...
Bois feuillus qui, pendant l'été,
Au chaud des feuilles cotonneuses,
Avez connu les voluptés
Et les cris des huppes chanteuses,
Vous qui, dans la douce saison,
Respiriez la senteur des gommes,
Vous frissonnez à l'horizon
Avec des gestes qu'ont les hommes.
Vous êtes las, vous êtes nus,
Plus rien dans l'air ne vous protège,
Et vos cœurs, tendres ou chenus,
Se désespèrent sous la neige.
Et près de vous, frère orgueilleux,
Le sapin où le soleil brille
Balance les fruits écailleux
Qui luisent entre ses aiguilles ...
Anna de Noailles ("Le Cœur innombrable" - 1901)
43. Jean Orizet est né en 1937. Il est l'auteur de nombreux recueils et d'anthologies de poésie, et l'un des fondateurs de la revue Poésie 1, devenue Poésie1/Vagabondages (éditions le cherche midi), première revue distribuée en kiosques.
Parmi les derniers livres parus de Jean Orizet : Une anthologie de la poésie amoureuse en France (Bartillat, janvier 2008) ; Anthologie de la Poésie Française (Larousse, 2007) ; L'attrapeur de rêves, roman poétique (Melis, 2006) ; et pour les enfants de 7 à 12 ans : Les plus beaux poèmes pour les enfants (le cherche midi, 1997, paru aussi en Livre de Poche, 2004)
L'or sous le givre
Grise et blanche
une froide alchimie nocturne
brise l'instant
Au matin
c'est le couperet du soleil
qui tranche
Une pie cherche de l'or
sous le givre
de la branche
Jean Orizet ("Miroir oblique" - Librairie de Saint-Germain des Prés, 1969)
Haute ponctuation du silence
(début du poème)
Sur la neige émiettée de rouges-gorges
les sapins, haute ponctuation du silence,
supportent presque tout le poids de l'hiver.
Leurs branches savent retenir le soleil
ou tisser une trame de bise
pour quelque vêtement solennel
...
Jean Orizet (dans "Nouveau trésor de la poésie pour enfants", anthologie de Georges - le cherche midi, 2003)
44. Charles d'Orléans, «né à Paris le 24 novembre 1394 et mort à Amboise le 5 janvier 1465, duc d'Orléans, est un prince français, connu surtout pour son œuvre poétique réalisée lors de sa longue captivité anglaise. Il est le fils de Louis Ier, duc d'Orléans (le frère du roi de France Charles VI), et de Valentine Visconti fille du duc de Milan.» (Wikipédia)
Hiver, vous n'êtes qu'un vilain ...
Hiver, vous n'êtes qu'un vilain,
Eté est plaisant et gentil,
En témoin de Mai et d'Avril
Qui l'accompagnent soir et matin.
Eté revêt champs, bois et fleurs
De sa livrée de verdure,
Et de maintes autres couleurs,
Par l'ordonnance de Nature.
Mais vous, hiver, vous êtes plein
De neige, vent, pluie et grésil :
On doit vous bannir en exil.
Sans vous flatter je parle plein,
Hiver, vous n'êtes qu'un vilain !
Charles d'Orléans (1394-1465)
version originale :
Yver, vous n'estes qu'un villain
Yver, vous n'estes qu'un villain,
Esté est plaisant et gentil,
En tesmoing de May et d'Avril
Qui l'acompaignent soir et matin.
Esté revest champs, bois et fleurs
De sa livree de verdure,
Et de maintes autres couleurs,
Par l'ordonnance de Nature.
Mais, vous, Yver, trop estes plain
De nege, vent, pluye et grezil :
On vous deust bannir en essil.
Sans point flater, je parle plain,
Yver, vous n'estes qu'un villain !
Charles d'Orléans