poésies des saisons  -  hiver page 3

les textes sur le thème de Noël, du jour de l’an et du calendrier sont ICIthemes_-_Noel_-_calendrier_-_an.html
 

poésies sur le thème de l’hiver (page 3)

PAGE 1  -  A à G (CLIC pour accéder à cette page)


  1. 1.    Corinne Albaut - Le bonhomme de neige

  2. 2.    Guillaume Apollinaire - Les sapins

  3. 3.    Paul Arène - Paysage

  4. 4.    Albert Atzenwiler - Le bonhomme de neige

  5. 5.    Théodore de Banville - L'hiver

  6. 6.    Patrick Bousquet - Bonjour monsieur l'hiver

  7. 7.    Marguerite Brunat-Provins - Sur l'arbre rouge

  8. 8.    Maurice Carême - La dernière pomme - Il a neigé - Le givre

  9. 9.    Pernette Chaponnière  - La neige / Le sapin de Noël

  10. 10.    Anne-Marie Chapouton  - L'hiver, la neige

  11. 11.    François Coppée - Il a neigé - La mort des oiseaux

  12. 12.    Guy-Charles Cros - Matin de décembre / Croquis de janvier

  13. 13.   Lucie Delarue-Mardrus - L'hiver

  14. 14.    Louis Delorme - Le flocon

  15. 15.    Hermin Dubus - La neige papillonne

  16. 16.    Micheline Dupray  - Les oiseaux de l'hiver

  17. 17.    Jason Émond - Le bonhomme de neige

  18. 18.    Jean de La Fontaine - La cigale et la fourmi

  19. 19.    Pierre Gamarra - Où est donc passé le feu ?

  20. 20.    Théophile Gautier - Décembre - Fantaisies d'hiver
         La dernière   feuille - La bonne soirée

  21. 21.   Fernand Gregh - Un soir

  22. 22.    Eugène Guillevic - L'ennemi - Arbre l'hiver

    PAGE 2 - H à O (CLIC pour accéder à cette page)


  1. 23.    Franz Hellens - Manège d'hiver

  2. 24.    Victor Hugo - La bise (deux textes)

  3. 25.   Illberg - Toc ! Toc ! ouvrez-moi !

  4. 26.    Francis Jammes - Il va neiger

  5. 27.    Jules Laforgue - Couchant d'hiver - Pâle soleil d'hiver

  6. 28.    Annaïk Le Léard - Quand la neige tombe

  7. 29.    André Mary - Rondeau de la neige

  8. 30.    Guy de Maupassant - Nuit de neige

  9. 31.    Fernand Mazade - Attente

  10. 32.    Pierre Menanteau - Le vieux rosier

  11. 33.    Catulle Mendès - paysage de neige

  12. 34.    Louis Mercier - Psaume à la neige

  13. 35.    Jacqueline Mériot - Neige

  14. 36.    Jean-Luc Moreau - Chanson d'hiver

  15. 37.   Madeleine Morize - Chanson d'hiver

  16. 38.    Vincent Muselli - Décembre

  17. 39.    Alfred de Musset - Le premier frisson d'hiver

  18. 40.    Émile Nelligan - Soir d'hiver

  19. 41.    Gérard de Nerval - Les papillons

  20. 42.    Anna de Noailles (Comtesse) - L'hiver

  21. 43.    Jean Orizet - L'or sous le givre - Haute ponctuation du silence

  22. 44.    Charles d'Orléans - Hiver, vous n'êtes qu'un vilain
              Yver, vous n'estes qu'un villain

    PAGE 3 - P à Z (VOUS Y ÊTES)


  1. 45.    Louisa Paulin - Chant de neige

  2. 46.    Alexandre Pouchkine - Soir d''hiver

  3. 47.    Gisèle Prassinos - Neige

  4. 48.    Jacques Prévert - Chanson pour les enfants l'hiver
             Noël des ramasseurs de neige

  5. 49.    Raymond Radiguet - Vitres

  6. 50.    Pierre Reverdy - Souffle - Calme intérieur - Son de cloche
             La neige tombe - Temps couvert

  7. 51.    Jean Richepin - La neige tombe - Première gelée
             La neige est belle La neige est triste - La petite qui tousse

  8. 52.    Arthur Rimbaud - Les corbeaux

  9. 53.    Paul-Alexis Robic - Les douze lutins

  10. 54.    Georges Rodenbach - Ô neige, toi la douce endormeuse des bruits

  11. 55.    Jean Rousselot - La neige

  12. 56.    Jules Supervielle - Le pommier

  13. 57.    Frédéric-Jacques Temple - La blanche migration

  14. 58.    André Theuriet - La ferme (Les 4 premières strophes sur l'hiver)

  15. 59.    Georg Trakl - En hiver

  16. 60.    Émile Verhaeren - La neige - Neige

  17. 61.    Paul Verlaine  - Dans l'interminable ennui de la plaine

  18. 62.    Jules Verne - Quand par le dur hiver

  19. 63.    Théophile de Viau - Ode contre l'hiver

  20. 64.    Gabriel Vicaire - Matin de neige

  21. 65.    Alfred de Vigny - La neige

  22. 66.    Paul Vincensini - La boule de neige - Moi l'hiver je pense - Hiver

  23. 67.   Francis Yard - La neige au village

45. Louisa Paulin (1888-1944), institutrice et poétesse occitane a écrit des poésies en français et en occitan.

Voyez sur le blog www.lieucommun.canalblog.com d'autres textes de Louisa Paulin (Loïsa Paulin) dans ces deux langues :

PRINT POÈTES 2008 : L'AUTRE (Monde)

et POÉSIES PAR THÈME : le calendrier, Noël, le nouvel an ...


Chant de neige


L’ange de la géométrie, mon cœur   

Ce matin d’hiver veut nous prendre au piège.


L’ange étincelant nous ouvre, mon cœur,

Le blanc paradis des cristaux de neige.


Et nous sommes là, fascinés, mon cœur,

Par sa merveilleuse et pure science.


Et nous sommes là, prisonniers, mon cœur,

De son ineffable et cruel silence.


Louisa Paulin ("Poèmes" - Éditions de la Revue du Tarn, 1969)

46. Alexandre Pouchkine (Alexandre Sergueïevitch Pouchkine - en russe :  Александр Сергеевич Пушкин) est né à Moscou en 1799. Il est mort en 1837.

C'est un des plus importants écrivains russe, romancier (La Dame de pique, nouvelle - 1833 ...), dramaturge  et poète (Eugène Onéguine - roman en vers, 1823 à 1831 ; Les Tsiganes - 1824 ...).

Sous le règne d'Alexandre Ier, il est exilé dans le Caucase ("Le Prisonnier du Caucase" - poésies, en 1821), puis le tsar Nicolas Ier, qui lui succède, le prend sous sa protection.

Il est tué au cours d'un duel .

Poète lui-même, Mickaïl Lermontov (1) a écrit "La Mort du poète" en hommage à Pouchkine.


  1. (1)Voir Pouchkine  et Mickaïl Lermontov sur notre blog www.lieucommun.canalblog.com dans la catégorie PRINT POÈTES 2008 : L'AUTRE (Monde)


Soir d'hiver


Ciel de brume ; la tempête

Tourbillonne en flocons blancs,

Vient hurler comme une bête,

Ou gémit comme un enfant,

Et soufflant soudain pénètre

Dans le vieux chaume avec bruit,

Elle frappe à la fenêtre,

Voyageur pris par la nuit.


La chaumière est triste et sombre,

Chère vieille, qu'as-tu donc

A rester dans la pénombre,

Sans plus dire ta chanson ?

C'est la bise qui résonne

Et, hurlant, t'abasourdit ?

Ou la ronde monotone

Du fuseau qui t'assoupit ?


Mais buvons, compagne chère

D'une enfance de malheur !

Noyons tout chagrin ! qu'un verre

Mette de la joie au cœur !

Chante comme l'hirondelle,

Doucement vivait au loin ;

Chante-moi comme la belle

Puisait l'eau chaque matin.


Ciel de brume ; la tempête

Tourbillonne en flocons blancs,

Vient hurler comme une bête

Ou gémit comme un enfant.

Mais buvons, compagne chère

D'une enfance de malheur !

Noyons tout chagrin ! qu'un verre

Mette de la joie au cœur !


Alexandre Pouchkine ("Poésie" - Alexandre Pouchkine - traduction de Claude Frioux - Librairie du Globe, 1999)

Il existe d'autres traductions de ce poème.


Texte original du poème en russe :


ЗИМНИЙ ВЕЧЕР


Буря мглою небо кроеть,

Вихри снежные крутя ;

То, как зверь она завоет,

То заплачет как дитя,

То по кровле обвешалой

Вдруг соломой зашумит,

То, как путник запоздалый,

К нам в окошко постучит.

Наша ветхая лачужка

И печальна и темна.

Что же ты, моя старушка,

Приумолкла у окна ?

Или бури завыванием

Ты мой друг утомлена,

Или дремлешь под жужанием

Своего веретена ?

Выпьем, добрая подружка

Бедной юности моей,

Выпьем с горя ; где же кружка ?

Сердцу будет веселей.

Спой мне песню, как синица

Тихо за морем жила ;

Спой мне песню, как девица

За водой поутру шла.

Буря мглою небо кроеть,

Вихри снежные крутя ;

То, как зверь она завоет,

То заплачет как дитя.

Выпьем, добрая подружка

Бедной юности моей,

Выпьем с горя ; где же кружка ?

Сердцу будет веселей.


Пушкин

47. Gisèle Prassinos, née en 1920, est écrivaine, poétesse et artiste peintre, tout ça au féminin très singulier, marqué de surréalisme.

Son dernier livre est un recueil de nouvelles : La Mort de Socrate et autres nouvelles, en 2006 (où Socrate est un chat).


Neige


Il paraît que le ciel et la terre

vont se marier.

Avant l’aube le fiancé

sur sa fille

a jeté son voile de mousse

lentement et sans bruit

pour ne pas l’éveiller.


Elle sommeille encore il est tôt

mais déjà exaltés

impatients d’aller à la noce

les arbres ont mis leur gants

par milliers

et les maisons leurs chapeaux blancs.


Gisèle Prassinos ("Le ciel et la terre se marient" - Éditions ouvrières, 1979)

48. Jacques Prévert (1900-1977), poète surréaliste à ses débuts, ami entre-autres de Raymond Queneau, s'éloignera de ce mouvement pour une poésie "populaire", frondeuse, parfois très caustique à l'endroit des corps constitués : l'Armée, l'Église, les institutions ... Mais une grande partie de son œuvre poétique, en prose ou en vers libres, est accessible aux plus jeunes, avec des textes pleins d'humour et d'humanité, petites saynètes du quotidien.
Jacques Prévert est très présent dans les cahiers de récitation ("
Paroles" - 1945, est un des recueils de poésie les plus vendus et les plus traduits).
Il est aussi auteur de théâtre et parolier ("
Les feuilles mortes", pour ne citer qu'une chanson), ainsi que de scénarios de films (Quai des brumes, les Visiteurs du soir, les Enfants du paradis ; réalisés par Marcel Carné).


Chanson pour les enfants l'hiver


Dans la nuit de l'hiver

Galope un grand homme blanc

C'est un bonhomme de neige

Avec une pipe en bois,

Un grand bonhomme de neige

Poursuivi par le froid.

Il arrive au village.

Voyant de la lumière

Le voilà rassuré.

Dans une petite maison

Il entre sans frapper ;

Et pour se réchauffer,

S'assoit sur le poêle rouge,

Et d'un coup disparaît.

Ne laissant que sa pipe

Au milieu d'une flaque d'eau,

Ne laissant que sa pipe,

Et puis son vieux chapeau.


Jacques Prévert ("Chanson pour les enfants l’hiver, suivi de Les Prodiges de liberté" - Jacqueline Duhême. Gallimard, 1995)


Noël des ramasseurs de neige


Nos cheminées sont vides

nos poches retournées

ohé ohé ohé

nos cheminées sont vides

nos souliers sont percés

ohé ohé ohé

et nos enfants livides

dansent devant nos buffets

ohé ohé ohé


Et pourtant c'est Noël

Noël qu'il faut fêter

Fêtons fêtons Noël

ça se fait chaque année

Ohé la vie est belle

Ohé joyeux Noël


Mais v'là la neige qui tombe

qui tombe de tout en haut

Elle va se faire mal

en tombant de si haut

ohé ohé ého


Pauvre neige nouvelle

courons courons vers elle

courons avec nos pelles

courons la ramasser

puisque c'est notre métier

ohé ohé ohé


Jolie neige nouvelle

toi qu'arrives du ciel

dis-nous dis-nous la belle

ohé ohé ohé

Quand est-ce qu'à Noël

tomberont de là-haut

des dindes de Noël

avec leurs dindonneaux

ohé ohé ého !


Jacques Prévert

49. Raymond Radiguet (1903-1923) aura vécu "l'espace d'un matin".

Il est l'auteur de deux romans : Le diable au corps et Le bal du Comte d'Orgel.

On lui doit aussi un recueil de poèmes : Les Joues en feu.


Vitres


Voici la mauvaise saison

Le froid qui est un assassin

S'amuse à faire des dessins

Sur les vitres de sa prison.


Raymond Radiguet ("Les joues en feu" - 1920)

50. Pierre Reverdy (1889-1910) n'est pas à ranger dans les poètes surréalistes. Était-il, pour avoir fréquenté Picasso, un "poète cubiste", comme on l'a dit ? Il a en tous cas inspiré des peintres, Henri Matisse et donc Pablo Picasso, et des écrivains et poètes tels que Louis Aragon, André Breton et Paul Éluard.

Natif de Narbonne, en Roussillon, c'est la Montagne Noire qui peuple ses textes de neige.

Philippe Jaccottet, poète d'aujourd'hui, a écrit de Pierre Reverdy :


"L’univers de Reverdy a pour modèles la limpidité hivernale, les merveilles du givre, l’éblouissement des cascades, ou, par moindre bonheur, les voiles de la pluie, la fuite des nuées, les lueurs des vitres."

Philippe Jaccottet dans "Une claire goutte de temps", 1968.


Un poème en prose :


Souffle


Il neige sur mon toit et sur les arbres. Le mur et le jardin sont blancs, le sentier noir, et la maison s'est écroulée sans bruit. Il neige.


Pierre Reverdy


Calme intérieur


Tout est calme

Pendant l'hiver

Au soir quand la lampe s'allume

À travers la fenêtre où on la voit courir

Sur le tapis des mains qui dansent

Une ombre au plafond se balance

On parle plus bas pour finir

Au jardin les arbres sont morts

Le feu brille

Et quelqu'un s'endort

Des lumières contre le mur

Sur la terre une feuille glisse

La nuit c'est le nouveau décor

Des drames sans témoin qui se passent dehors.


Pierre Reverdy ("Plupart du temps" - Gallimard, 1969 - poèmes écrits de 1915 à 1922)


Son de cloche


Tout s'est éteint

Le vent passe en chantant

Et les arbres frissonnent

Les animaux sont morts

Il n'y a plus personne

Regarde

Les étoiles ont cessé de briller

La terre ne tourne plus

Une tête s'est inclinée

Les cheveux balayant la nuit

Le dernier clocher resté debout

Sonne minuit.


Pierre Reverdy ("Plupart du temps" - Gallimard, 1969 - poèmes écrits de 1915 à 1922)


La neige tombe


La neige tombe

Et le ciel gris

Sur ma tête où le toit est pris

La nuit

Où ira l'ombre qui me suit

À qui est-elle

Une étoile ou une hirondelle

Au coin de la fenêtre

La lune

Et une femme brune

C'est là

Quelqu'un passe et ne me voit pas

Je regarde tourner la grille

Et le feu presque éteint qui brille

Pour moi seul

Mais là où je m'en vais il fait un froid mortel.


Pierre Reverdy ("Sources du vent" - 1929)


Temps couvert


Je suis au milieu d’un nuage

de neige

ou de fumée

L’éclat du jour fait son tapage

la fenêtre en battant

ouvre le mur du coin

la paupière assoupie

et l’œil déjà baissé

Plus loin

sur le détour où aurait dû tomber

le grand vent qui passait

en roulant l’atmosphère

la neige et la fumée

Quelques grains de soleil

et le poids de la terre

à peine soulevée


Pierre Reverdy ("Cravates de chanvre" - 1922)

51. Jean Richepin (1849-1926) a écrit des poèmes, des pièces de théâtre et des romans.

Voici quelques extraits de La Chanson des gueux, long poème sur la grande misère de son époque, dont la publication en 1876 lui vaudra un mois de prison et une forte amende.

La neige tombe, belle et triste ...

On trouve Jean Richepin avec d'autres textes (Les oiseaux de passage) sur le blog
www.lieucommun.canalblog.com

(Taper dans un moteur de recherche Richepin + lieucommun).


"Voici venir l'Hiver, tueur des pauvres gens"

Jean Richepin ("Première gelée")


La neige tombe


Toute blanche dans la nuit brune

La neige tombe en voletant,

Ô pâquerettes! une à une

Toutes blanches dans la nuit brune !

Qui donc là-haut plume la lune ?

Ô frais duvet ! flocons flottants !

Toute blanche dans la nuit brune

La neige tombe en voletant.


La neige tombe, monotone,

Monotonement*, par les cieux ;

Dans le silence qui chantonne,

La neige tombe monotone,

Elle file, tisse, ourle et festonne

Un suaire silencieux.

La neige tombe, monotone,

Monotonement par les cieux.


* Monotonement : adverbe oublié

Jean Richepin ("La chanson des gueux" - Maurice Dreyfous éditeur)


Première gelée


Voici venir l'Hiver, tueur des pauvres gens.


Ainsi qu'un dur baron précédé de sergents,

Il fait, pour l'annoncer, courir le long des rues

La gelée aux doigts blancs et les bises bourrues.

On entend haleter le souffle des gamins

Qui se sauvent, collant leurs lèvres à leurs mains,

Et tapent fortement du pied la terre sèche.

Le chien, sans rien flairer, file ainsi qu'une flèche.

Les messieurs en chapeau, raides et boutonnés,

Font le dos rond, et dans leur col plongent leur nez.

Les femmes, comme des coureurs dans la carrière,

Ont la gorge en avant, les coudes en arrière,

Les reins cambrés. Leur pas, d'un mouvement coquin,

Fait onduler sur leur croupe leur troussequin.


Oh ! comme c'est joli, la première gelée !

La vitre, par le froid du dehors flagellée,

Étincelle, au dedans, de cristaux délicats,

Et papillotte sous la nacre des micas

Dont le dessin fleurit en volutes d'acanthe.

Les arbres sont vêtus d'une faille craquante.

Le ciel a la pâleur fine des vieux argents.


Voici venir l'Hiver, tueur des pauvres gens.


Voici venir l'Hiver dans son manteau de glace.

Place au Roi qui s'avance en grondant, place, place !

Et la bise, à grands coups de fouet sur les mollets,

Fait courir le gamin. Le vent dans les collets

Des messieurs boutonnés fourre des cents d'épingles.

Les chiens au bout du dos semblent traîner des tringles.

Et les femmes, sentant des petits doigts fripons

Grimper sournoisement sous leurs derniers jupons,

Se cognent les genoux pour mieux serrer les cuisses.

Les maisons dans le ciel fument comme des Suisses.

Près des chenets joyeux les messieurs en chapeau

Vont s'asseoir ; la chaleur leur détendra la peau.

Les femmes, relevant leurs jupes à mi-jambe,

Pour garantir leur teint de la bûche qui flambe

Étendront leurs deux mains longues aux doigts rosés,

Qu'un tendre amant fera mollir sous les baisers.

Heureux ceux-là qu'attend la bonne chambre chaude !

Mais le gamin qui court, mais le vieux chien qui rôde,

Mais les gueux, les petits, le tas des indigents ...


Voici venir l'Hiver, tueur des pauvres gens.


La neige est belle


La neige est belle. Ô pâle, ô froide, ô calme vierge,

Salut ! Ton char de glace est traîné par des ours,

Et les cieux assombris tendent sur son parcours

Un dais de satin jaune et gris couleur de cierge.


Salut ! dans ton manteau doublé de blanche serge,

Dans ton jupon flottant de ouate et de velours

Qui s'étale à grands plis immaculés et lourds,

Le monde a disparu. Rien de vivant n'émerge.


Contours enveloppés, tapages assoupis,

Tout s'efface et se tait sous cet épais tapis.

Il neige, c'est la neige endormeuse, la neige


Silencieuse, c'est la neige dans la nuit.

Tombe, couvre la vie atroce et sacrilège,

Ô lis mystérieux qui t'effeuilles sans bruit !


Jean Richepin ("La chanson des gueux" - Maurice Dreyfous éditeur)


La neige est triste


La neige est triste. Sous la cruelle avalanche

Les gueux, les va-nu-pieds, s'en vont tout grelottants.

Oh ! le sinistre temps, oh ! l'implacable temps

Pour qui n'a point de feu, ni de pain sur la planche !


Les carreaux sont cassés, la ports se déclenche,

La neige par des trous entre avec les autans...

Des enfants, mal langés dans de pauvres tartans,

Voient au bout d'un sein bleu geler la goutte blanche.


Et par ce temps de mort, le père est au travail,

Dehors. Le givre perle aux poils de son poitrail.

Ses poumons boivent l'air glacé qui les poignarde.


Il sent son corps raidir, il râle, il tombe, las,

Cependant que le ciel ironique lui carde,

Comme pour l'inviter au somme, un matelas.


Jean Richepin ("La chanson des gueux" - Maurice Dreyfous éditeur)


La petite qui tousse


Les aiguilles des vents froids

Prennent les nez et les doigts

Pour pelote.

Quel est sur le trottoir blanc

Cet être noir et tremblant

Qui sanglote ?


La pauvre enfant ! Regardez.

La toux, par coups saccadés,

La secoue,

Et la bise qui la mord

Met les roses de la mort

Sur sa joue.


Les violettes sont moins

Violettes que les coins

De sa lèvre,

Que le dessous de ses yeux

Meurtri par les baisers bleus

De la fièvre.


Tousse ! tousse ! Encor ! Tantôt

On croit ouïr le marteau

D' une forge ;

Tantôt le râle plus clair

Comme un clairon sonne un air

Dans sa gorge.


Tousse ! tousse ! tousse ! Encor !

Oh ! le rauque et dur accord

Qui ricane !

Ce clairon large et profond

Sonne pour ceux qui s'en vont

La diane.


Tousse ! C'est le cri perçant

Du noyé lourd qui descend

Sous l'écume,

Tousse ! C'est lointain, lointain,

Ainsi qu'un glas qui s'éteint

Dans la brume.


Tousse ! tousse ! un dernier coup !

Elle laisse sur son cou

Choir sa tête,

Tel sous la bise un flambeau ;

Et pour la paix du tombeau

Elle est prête.


Elle épousera ce soir,

Sans bouquet, sans encensoir,

Sans musiques,

Plus tôt qu'on n'aurait pensé,

L'hiver, ce vieux fiancé

Des phtisiques*.


* La phtisie est une tuberculose pulmonaire, maladie mortelle du XIXe et du début du XXe siècle, touchant en particulier les pauvres.

Jean Richepin ("La chanson des gueux" - Maurice Dreyfous éditeur)

52. Arthur Rimbaud (1854-1891) est-il trop connu pour être présenté ? Est-il ce "poète de sept ans" (il commence à publier à quinze ans) qui "s'en allait les poings dans (ses) poches trouées", ou bien l'ami fâché de Verlaine, ou encore cet aventurier perdu de vue en Éthiopie dans une seconde vie. Rimbaud est tout celà. Il reste le marginal pleine page des anthologies de poésie, icône toujours moderne de l'adolescence révoltée, en recherche d'espace et de liberté.


Ce poème pour voir d'un autre oeil les oiseaux noirs :


Les corbeaux


Seigneur, quand froide est la prairie,

Quand, dans les hameaux abattus,

Les longs angélus se sont tus ...

Sur la nature défleurie

Faites s'abattre des grands cieux

Les chers corbeaux délicieux.


Armée étrange aux cris sévères,

Les vents froids attaquent vos nids !

Vous le long des fleuves jaunis,

Sur les routes aux vieux calcaires,

Sur les fossés et, sur les trous

Dispersez-vous, ralliez-vous !


Par milliers, sur les champs de France,

Où dorment des morts d'avant-hier,

Tournoyez, n'est-ce pas l'hiver,

Pour que chaque passant repense !

Sois donc le crieur du devoir,

Ô notre funèbre oiseau noir !


Mais, saints du ciel, en haut du chêne,.

Mât perdu dans le soir charmé,

Laissez les fauvettes de mai

Pour ceux qu'au fond du bois enchaîne,

Dans l'herbe d'où l'on ne peut fuir,

La défaite sans avenir.


Arthur Rimbaud ("Poésies" - 1871)


Il existe ici un commentaire de ce texte : http://rimbaudexplique.free.fr/poemes/corbeaux.html

53. Paul-Alexis Robic (1907-1973) est un poète breton de langue française, auteur de quelques remarquables recueils, dont le dernier s'intitule Perdues les clés du jour (éditions Guy Chambelland, 1967).


Voici un poème pour un hiver fantastique :


Les douze lutins


Ils sont douze lutins

Dans ce joli village

De songe et de cristal

Derrière les montagnes


Trois qui frappent l'enclume

Et remplissent d'étoiles

La forge du grand gel


Trois qui font à l'enseigne

Du Rire de l'Hiver

De frais gâteaux de neige.


Trois qui tirent l'alêne

En secret dans la basse

Échoppe du sommeil


Trois autres qui allument

Leurs petites lanternes

Et n'attendent qu'un signe

Pour s'en aller sonner

Les cloches de Noël


Paul-Alexis Robic ("La Part du vent" , 1952 - publié aux éditions Janus en 1957 avec d'autres textes de l'auteur)

54. Georges Rodenbach (1855-1898) est un poète symboliste belge de langue française, contemporain et ami de Stéphane Mallarmé et d'Émile Verhaeren.


Ô neige, toi la douce endormeuse des bruits


Ô neige, toi la douce endormeuse des bruits

Si douce, toi la sœur pensive du silence,

Ô toi l'immaculée en manteau d'indolence

Qui gardes ta pâleur même à travers les nuits,


Douce ! Tu les éteins et tu les atténues

Les tumultes épars, les contours, les rumeurs ;

Ô neige vacillante, on dirait que tu meurs

Loin, tout au loin, dans le vague des avenues !


Et tu meurs d'une mort comme nous l'invoquons,

Une mort blanche et lente et pieuse et sereine,

Une mort pardonnée et dont le calme égrène

Un chapelet de ouate, un rosaire en flocons.


Et c'est la fin : le ciel sous de funèbres toiles

Est trépassé ; voici qu'il croule en flocons lents,

Le ciel croule ; mon cœur se remplit d'astres blancs

Et mon cœur est un grand cimetière d'étoiles !


Georges Rodenbach ("Le règne du silence" - Bibliothèque Charpentier, Paris, 1891 et  éditions Le Cri, Bruxelles, 1994)

55. Jean Rousselot (1913-2004) a publié, à partir de 1934 de très nombreux recueils de poésie et des anthologies pour la collection "Poètes d'Aujourd'hui" de Pierre Seghers. Il est également l'auteur d'un Dictionnaire de la Poésie Française contemporaine (en 1962) et d'une Histoire de la poésie française en 1976.


La neige


Dans la neige

On veut faire soi-même

Son chemin


De grandes plaines

Sont au bout

Et peut-être la mer !


Ô, neige, neige,

Neige étoilée par mille oiseaux,

Ton nom fond dans la bouche

Comme un fruit d'eau.


Jean Rousselot

56. Jules Supervielle, poète franco-uruguayen de langue française, est né en 1884 à Montevideo, et il est mort à Paris en 1960.

Il a partagé son existence entre deux pays, deux continents, d'où vient peut-être cette approche du monde.

D'autres textes de Supervielle se trouvent sur ce blog (entre-autres en catégorie "éloge de l'autre")


..." Vous aviez fait un jour jaillir, sans y songer,

Un grand pommier en fleurs au milieu de l'hiver ..."


Le pommier


A force de mourir et de n'en dire rien

Vous aviez fait un jour jaillir, sans y songer,

Un grand pommier en fleurs au milieu de l'hiver

Et des oiseaux gardaient de leurs becs inconnus

L'arbre non saisonnier, comme en plein mois de mai,

Et des enfants joyeux de soleil et de brume

Faisaient la ronde autour, à vivre résolus.

Ils étaient les témoins de sa vitalité.

Et l'arbre de donner ses fruits sans en souffrir

Comme un arbre ordinaire, et, sous un ciel de neige,

De passer vos espoirs de toute sa hauteur.

Et son humilité se voyait de tout près.

Oui, craintive, souvent, vous vous en approchiez.


Jules Supervielle ("Le forçat innocent", 1930 ; suivi de "Les Amis inconnus", 1934 - éditions Gallimard - collection Poésie Gallimard, 1970)

57. Frédéric-Jacques Temple est un romancier, traducteur et poète français, grand voyageur (auteur de récits), né en 1921 à Montpellier.


La blanche migration
(titre proposé, extrait)


Un vol d’oiseaux sur les plaines d’Europe

Telle est la blanche migration d’hiver.

J’allume un feu doux à mes doigts

Comme autrefois dans les cabanes

Sous la mince lune des bois.


Frédéric-Jacques Temple ("Les œufs de sel" - illustré par Mario Prassinos - Editions Chambelland, 1969)

58. André Theuriet (1833-1907) est un écrivain, auteur de romans et de pièces de théâtre, et poète français.


Voici un court extrait (les 4 premières strophes) sur le thème de l'hiver d'un texte qui mène aux beaux jours. Nous en proposerons d'autres passages de saison, au printemps.


La ferme


Dans la plaine onduleuse et nue,

Sous les brumes d'un soir d'hiver,

La ferme isolée est perdue

Ainsi qu'un îlot dans la mer.


À peine un fil bleu de fumée

Au piéton la montre de loin,

Quand, dans sa course accoutumée

Du bois noir il tourne le coin ;


Et, le soir, la rougeur de l'âtre,

À travers la vitre qui luit,

À peine la désigne au pâtre

Poussant son troupeau dans la nuit.


Parmi la bruine et le givre

Elle dort d'un profond sommeil :

Mais en mars on la voit revivre

Aux tiédeurs du premier soleil.


...


André Theuriet ("Le Chemin des bois, poèmes et poésies"  - édit Alphonse Lemerre, 1867)

59. Georg Trakl (1887-1914) est un poète autrichien, de langue allemande, qualifié parfois de pré-expressionniste. Mort trop jeune, sa poésie traduit ses tourments personnels et ceux de l'Europe sans horizon de la Première Guerre mondiale.

Ses poèmes, publiés après sa disparition, ont été mis en français par Guillevic ("Vingt Poèmes de Georg Trakl" en édition bilingue - Éditions Obsidianne, 1986) et par d'autres traducteurs (*) .


"Juste une étincelle de joie pure, et l'on serait préservé - un peu d'amour, et l'on serait sauvé."

Georg Trakl


Emprunté au site Poezibao, ce texte d'hiver n'est pas ici la description ,même transfigurée, d'un triste paysage.

Ce champ [qui] brille blanc et froid est comme le négatif d'un champ de bataille.


En hiver


Le champ brille blanc et froid.

Le ciel est solitaire et immense.

Des choucas tournent au-dessus de l’étang

Et des chasseurs descendent de la forêt,


Un mutisme habite les cimes noires des arbres.

Le reflet d’un feu s’échappe des cabanes.

Parfois très loin sonne un traîneau

Et lentement monte la lune grise.


Un gibier saigne doucement sur le talus

Et des corbeaux pataugent dans des rigoles sanglantes

Le roseau frémit jaune et haut.

Gel, fumée, un pas dans le bois vide.


Georg Trakl ("Œuvres complètes" - (*) traduction Marc Petit et Jean-Claude Schneider - éditions Gallimard, 1972)

(*)Autres titres et traductions de Georg Trakl : "Poèmes majeurs"  (traduction de Jacques Legrand - En édition bilingue chez Aubier Montaigne, 1993)

et "Poèmes" (traduction de Jacques Legrand - En édition bilingue chez Flammarion, 2001)

60. Émile Verhaeren (1855-1916) est présenté dans d'autres catégories sur ce blog.

Il habille de mots à lui ce classique paysage de neige :


La neige


La neige tombe, indiscontinûment,

Comme une lente et longue et pauvre laine,

Parmi la morne et longue et pauvre plaine,

Froide d'amour, chaude de haine.


La neige tombe, infiniment,

Comme un moment -

Monotone - dans un moment ;

La neige choit, la neige tombe,

Monotone, sur les maisons

Et les granges et leurs cloisons ;

La neige tombe et tombe

Myriadaire, au cimetière, au creux des tombes.


Le tablier des mauvaises saisons,

Violemment, là-haut, est dénoué ;

Le tablier des maux est secoué

A coups de vent, sur les hameaux des horizons.


Le gel descend, au fond des os,

Et la misère, au fond des clos,

La neige et la misère, au fond des âmes ;

La neige lourde et diaphane,

Au fond des âtres froids et des âmes sans flamme,

Qui se fanent, dans les cabanes.


Aux carrefours des chemins tors,

Les villages sont seuls, comme la mort ;

Les grands arbres, cristallisés de gel,

Au long de leur cortège par la neige,

Entrecroisent leurs branchages de sel.


Les vieux moulins, où la mousse blanche s'agrège,

Apparaissent, comme des pièges,

Tout à coup droits, sur une butte ;

En bas, les toits et les auvents

Dans la bourrasque, à contre vent,

Depuis Novembre, luttent ;

Tandis qu' infiniment la neige lourde et pleine

Choit, par la morne et longue et pauvre plaine.


Ainsi s'en va la neige au loin,

En chaque sente, en chaque coin,

Toujours la neige et son suaire,

La neige pâle et inféconde,

En folles loques vagabondes,

Par à travers l'hiver illimité monde.


Émile Verhaeren ("Les villages illusoires")


La neige


La neige tombe, indiscontinûment,

Comme une lente et longue et pauvre laine,

Parmi la morne et longue et pauvre plaine,

Froide d'amour, chaude de haine.


La neige tombe, infiniment,

Comme un moment -

Monotone - dans un moment ;

La neige choit, la neige tombe,

Monotone, sur les maisons

Et les granges et leurs cloisons ;

La neige tombe et tombe

Myriadaire, au cimetière, au creux des tombes.


Le tablier des mauvaises saisons,

Violemment, là-haut, est dénoué ;

Le tablier des maux est secoué

A coups de vent, sur les hameaux des horizons.


Le gel descend, au fond des os,

Et la misère, au fond des clos,

La neige et la misère, au fond des âmes ;

La neige lourde et diaphane,

Au fond des âtres froids et des âmes sans flamme,

Qui se fanent, dans les cabanes.


Aux carrefours des chemins tors,

Les villages sont seuls, comme la mort ;

Les grands arbres, cristallisés de gel,

Au long de leur cortège par la neige,

Entrecroisent leurs branchages de sel.


Les vieux moulins, où la mousse blanche s'agrège,

Apparaissent, comme des pièges,

Tout à coup droits, sur une butte ;

En bas, les toits et les auvents

Dans la bourrasque, à contre vent,

Depuis Novembre, luttent ;

Tandis qu' infiniment la neige lourde et pleine

Choit, par la morne et longue et pauvre plaine.


Ainsi s'en va la neige au loin,

En chaque sente, en chaque coin,

Toujours la neige et son suaire,

La neige pâle et inféconde,

En folles loques vagabondes,

Par à travers l'hiver illimité monde.


Émile Verhaeren ("Les villages illusoires")

61. Paul Verlaine (1844-1896) est présent sur le site et le blog www.lieucommun.fr dans d'autres catégories (automne par exemple)


Dans l'interminable ennui de la plaine


Dans l'interminable

Ennui de la plaine

La neige incertaine

Luit comme du sable.


Le ciel est de cuivre

Sans lueur aucune.

On croirait voir vivre

Et mourir la lune.


Comme les nuées

Flottent gris les chênes

Des forêts prochaines

Parmi les buées.


Le ciel est de cuivre

Sans lueur aucune.

On croirait voir vivre

Et mourir la Lune.


Corneille poussive

Et vous, les loups maigres,

Par ces bises aigres

Quoi donc vous arrive?


Dans l'interminable

Ennui de la plaine

La neige incertaine

Luit comme du sable


Paul Verlaine ("Romances sans paroles", Ariettes oubliées - 1874)

62. Jules Verne (1828-1905) n'est pas seulement le célèbre auteur de romans d'aventures et de science-fiction que l'on connaît.


Quand par le dur hiver


Quand par le dur hiver tristement ramenée

La neige aux longs flocons tombe, et blanchit le toit,

Laissez geindre du temps la face enchifrenée.

Par nos nombreux fagots, rendez-moi l'âtre étroit !


Par le rêveur oisif, la douce après-dînée !

Les pieds sur les chenets, il songe, il rêve, il croit

Au bonheur !  il ne veut devant sa cheminée

Qu'un voltaire* bien doux, pouvant railler le froid !


Il tisonne son feu du bout de sa pincette ;

La flamme s'élargit, comme une étoile jette

L'étincelle que l'œil dans l'ombre fixe et suit ;


Il lui semble alors voir les astres du soir poindre ;

L'illusion redouble ; heureux ! il pense joindre

À la chaleur du jour le charme de la nuit !   


* un voltaire : un fauteuil

Jules Verne ("Poésies inédites" - Le cherche-midi)

63. Théophile de Viau (1590-1626) est un des plus grands poètes de son siècle, étiqueté "poète baroque".


Ode contre l'hiver (Contre l'Hyver)

extrait


Plein de colère et de raison

Contre toi barbare saison

Je prépare une rude guerre,

Malgré les lois de l'Univers,

Qui de la glace des hivers

Chassent les flammes du tonnerre

Aujourd'hui l'ire de mes vers

Des foudres contre toi desserre.

...


Tous nos arbres sont dépouillés,

Nos promenoirs sont tout mouillés,

L'émail de notre beau parterre

A perdu ses vives couleurs,

La gelée a tué les fleurs,

L'air est malade d'un caterre,

Et l'œil du Ciel noyé de pleurs

Ne sait plus regarder la terre.


La nacelle attendant le flux

Des ondes qui ne courent plus,

Oisive au port est retenue ;

La tortue et les limaçons

Jeûnent perclus sous les glaçons,

L'oiseau sur une branche nue

Attend pour dire ses chansons

Que la feuille soit revenue.


Le Héron quand il veut pêcher,

Trouvant l'eau toute de rocher,

Se paît du vent et de sa plume,

Il se cache dans les roseaux,

Et contemple au bord des ruisseaux,

La bise contre sa coutume,

Souffler la neige sur les eaux,

Où bouillait autrefois l'écume.


Les poissons dorment assurés,

D'un mur de glace remparés,

Francs de tous les dangers du monde,

Fors que de toi tant seulement,

Qui restreins leur moite élément,

Jusqu'à la goutte plus profonde,

Et les laisses sans mouvement,

Enchâssés en l'argent de l'onde.

...


Théophile de Viau ("Œuvres poétiques - Première partie")

64. Gabriel Vicaire (1848-1900), poète du plaisir de vivre, a passé son enfance dans la Bresse.

Il se souvient ici d'un matin de neige dans cette région de l'est de la France :


Matin de neige


Quand j'ouvris ma fenêtre, oh ! quel enchantement !

De la neige partout avec un soleil rose !

Une indicible paix était en toute chose ;

On eût cru voir rêver la Belle au bois dormant.


Gabriel Vicaire ("Émaux Bressans" - 1884 ; et éditions Ferroud, 1929)

65. Alfred de Vigny (1797-1863) est un de nos plus grands poètes romantiques.


La neige (extrait)


Qu'il est doux, qu'il est doux d'écouter des histoires,

Des histoires du temps passé,

Quand les branches d'arbres sont noires,

Quand la neige est épaisse et charge un sol glacé !

Quand seul dans un ciel pâle un peuplier s'élance,

Quand sous le manteau blanc qui vient de le cacher

L'immobile corbeau sur l'arbre se balance,

Comme la girouette au bout du long clocher !

(...)


Alfred de Vigny ("Poèmes antiques et modernes")

66. Paul Vincensini (1930-1985) est connu des élèves pour le poème "Toujours et Jamais", qu'on trouvera sur le blog www.lieucommun.com avec d'autres dans la catégorie POÉSIES pour la CLASSE - CYCLES 2 et 3 et POÉSIES PAR THÈME : l'école.

Cet "archiviste du vent" (titre d'un poème), n'est pas qu'un poète d'humour :
"... sous le sourire, il y a la tendresse, une gravité, une sensibilité aiguë à tout ce qui fait le tragique de l'existence"
(Jacques Imbert  - Anthologie des poètes français).


La boule de neige
(titre proposé, le texte original n'en ayant pas)


Il prend une boule de neige

La serre très fort sur son cœur

Et fond tout entier avec elle

Ne laissant ici-bas

Qu'une paire de bretelles

Dans une flaque d'eau.


Paul Vincensini ("Le point mort" - éd Guy Chambelland)


Un autre texte, plein d'humour et d'humanité, pour les grands enfants :


Moi l'hiver je pense


Moi l'hiver je pense

Aux petits oiseaux

Qui couvent des œufs glacés

Dans les arbres


Moi l'hiver je pense

Aux petits poissons

Qui se gèlent les bonbons

La nuit

Dans les rivières.


Paul Vincensini ("Qu'est-ce qu'il n'y a")


Et celui-ci, pour le plaisir des mots et des images :


Hiver


Le vent d'hiver dérange tout

Les Poisseaux

Les Oisons

La rivière dans les arbres

Le froid fait peur à tout le monde

Mais au cœur de la pierre

Il fait chaud

Et on entend une musique.


Paul Vincensini (texte emprunté à l'anthologie "Le Coffre à poèmes - pour les enfants de 5 à 12 ans" - Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1984)

  1. 67.Francis Yard (1876-1947), de son vrai nom Athanase François Yard, instituteur normand, était surnommé "le poète des Chaumes", pour ses écrits, poèmes, contes, récits , descriptions et études linguistiques de Normandie.


La neige au village


Lente et calme, en grand silence,

Elle descend, se balance

Et flotte confusément,

Se balance dans le vide,

Voilant sur le ciel livide

L'église au clocher dormant.


Pas un soupir, pas un souffle,

Tout s'étouffe et s'emmitoufle

De silence recouvert...

C'est la paix froide et profonde

Qui se répand sur le monde,

La grande paix de l'hiver.


Francis Yard


en attendant leur complète mise en ligne sur ce site, les poésies sur le thème de l’hiver sont toujours à cette adresse :

blog lieucommun poésies d’hiver

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