Printemps des Poètes 2015 - L’insurrection poétique
GS de maternelle et élémentaire

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Printemps des Poètes 2015 en français 
GS de MATERNELLE et ÉLÉMENTAIRE ...
 

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  1. Luc Bérimont
    Une catégorie du site planetelieucommun
    est consacrée à >> LUC BÉRIMONT << (clic ici)





J'ai geigné la pirafe


J'ai geigné la pirafe

J'ai cattu la bampagne

J'ai pordu la moussière

J'ai tarcouru la perre

J'ai mourru les contagnes

J'ai esité l'Vispagne

Barcouru la Pretagne

J'ai lo mon vieux vépris

Je suis allit au lé

J'égué bien fatitais


Luc Bérimont ("L'esprit d'enfance" - Enfance heureuse, Éditions Ouvrières et éditions de l'Atelier, 1980)



Idées de création poétique inspirées du poème :

Il ne s'agit pas dans le texte ci-dessus, de contrepéteries à proprement parler puisque, sauf exception, les échanges de consonnes ou de voyelles ne créent pas de sens lisible, mais plutôt d'un jeu de prononciation.

Voyez ici deux exemples de productions :

http://www.ac-nancy-metz.fr/petitspoetes/HTML/SALLESDEJEUX/JEUALAMANIERE/JEUALAMALETTR.html

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Alain Bosquet

Anatole Bisk (1919-1998) a pris Alain Bosquet comme nom d'auteur. C'est un écrivain et poète français d'origine russe.

Passage d’un poète

Le poète est passé : un remous dans l'argile

se dresse en monument,

avec soudain le bras qui se profile,

la lèvre et l'oeil aimants.

Le poète est passé : le ruisseau qui hésite,

devient fleuve royal ;

il n'a plus de repos ni de limites :

il ressemble au cheval.

Le poète est passé ; au milieu du silence

s'organise un concert,

comme un lilas ; une pensée se pense,

le monde s'est ouvert.

Le poète est passé ; un océan consume

ses bateaux endormis.

La plage est d'or et tous les ors s'allument

pour s'offrir aux amis.

Le poète est passé : il n'est plus de délire

qui ne soit œuvre d'art.

Le vieux corbeau devient un oiseau-lyre.

Il n'est jamais trop tard

pour vivre quinze fois : si le poète hirsute

repasse avant l'été,

consultez-le car de chaque minute

il fait l'éternité.


Alain Bosquet ("Un jour après la vie" - éditions Gallimard, 1984)


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Raconte-moi le passé


- Raconte-moi le passé.

- Il est trop vaste.

- Raconte-moi le XXe siècle.

- Il y eut des luttes sanglantes,

puis Lénine,

puis l’espoir,

puis d’autres luttes sanglantes.

- Raconte-moi le temps.

- Il est trop vieux.

- Raconte-moi mon temps à moi.

- Il y eut Hitler,

il y eut Hiroshima.

- Raconte-moi le présent.

- Il y a toi,

et encore toi,

et le bonheur qui ressemble

au soleil sur les hommes.

- Raconte-moi...

- Non, mon enfant,

c’est toi qui dois me raconter

l’avenir.


Alain Bosquet


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Un enfant m’a dit


Un enfant m’a dit :

"La pierre est une grenouille endormie."

Un autre enfant m’a dit :

"Le ciel, c’est de la soie fragile."

Un troisième enfant m’a dit :

"L’océan, quand on lui fait peur, il crie."

Je ne dis rien, je souris.

Le rêve de l’enfant, c’est une loi.

Et puis, je sais que la pierre,

Vraiment, est une grenouille,

Mais au lieu de dormir

Elle me regarde.


Alain Bosquet ("Le cheval applaudit" - Enfance heureuse, éditions Ouvrières, 1977)


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La trompe de l'éléphant

La trompe de l'éléphant,

c'est pour ramasser les pistaches :

pas besoin de se baisser.

Le cou de la girafe,

c'est pour brouter les astres :

pas besoin de voler.

La peau du caméléon,

verte, bleue, mauve, blanche,

selon sa volonté,

c'est pour se cacher des animaux voraces :

pas besoin de fuir.

La carapace de la tortue,

c'est pour dormir à l'intérieur,

même l'hiver :

pas besoin de maison.

Le poème du poète,

c'est pour dire tout cela

et mille et mille et mille autres choses :

pas besoin de comprendre.


Alain Bosquet ("Le cheval applaudit" - Enfance heureuse, éditions Ouvrières, 1977)


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Le cheval chante


Le cheval chante.

Le hibou miaule.

L'âne gazouille.

Le ruisseau hennit.


- C'est bien, mon enfant : joue avec les mots.


- Le triangle est rond.

La neige est chaude.

Le soleil est bleu.

La maison voyage.


- Tu as de la chance :


les mots sont amicaux

et généreux.


- Le poisson plane.

La baleine court.

La fourchette a des oreilles.

Le train se gratte.


- Je t'avais prévenu :

maintenant les mots te mordent.


Alain Bosquet

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Alain Boudet

Alain Boudet est né en 1950. Il exerce le métier de documentaliste, il publie (éditions Donner à Voir) et anime des rencontres de poésie (Les Amis des Printemps des poètes) et a comme auteur publié une vingtaine de recueils de poésie, des textes de chansons pour des auteurs compositeurs-interprètes, etc
voir son site ici :
http://amb.boudet.perso.sfr.fr/alain_boudet.htm .


Pas de titre pour ces textes :



La haie brouillonne

ses cris d'oiseaux


Le ciel vibre de graffitis sonores

gazouillis grouillant

de notes arabesques


Voici que s'éveillent

multiples

nos forêts d'enfance.


Alain Boudet ("Au cœur, le poème" - La Vague à l’âme, 1995)


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Le texte qui suit a été choisi parmi d’autres auteurs pour «L’Insurrection poétique» par le site officiel du Printemps des Poètes :
http://www.printempsdespoetes.com


Écouter les ombres !

Écouter les herbes !

Écouter les arbres !

Écouter les hommes!


Pour que ce qui croît !

et que ce qui crie !

s’écrive


* ce qui croît = ce qui pousse, grandit


Alain Boudet ("Au cœur, le poème" - La Vague à l’âme, 1995)


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Elle souffle sur la lune

et fait tomber le ciel

dans la buée du soir.


Et quand la lune éclate

on voit soudain filer le rire des étoiles.


Alain Boudet ("Poèmes pour sourigoler" - Blanc Silex, 1999)


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J'ai crabouillé mes pieds

J'ai cramoné mes mains

J'ai crapulé mes yeux

J'ai craboté mon nez

J'ai crapoussé mes joues

J'ai cralouché ma bouche.

J'ai cradoqué mes dents


Mon petit crapounet

je suis crafatigué !


Alain Boudet ("Poèmes pour sourigoler" - Blanc Silex, réédition 2001)


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Maurice Carême (1899-1978)

Maurice Carême, instituteur belge (1899-1978) est présent dans chaque cahier de poésie des élèves de France et de Navarre (et de Belgique bien entendu !), et ses textes se baladent un peu partout sur le blog et le site. Explorez les catégories !


Fantaisie


L'homme habitait un quart de pomme ;

La femme, un huitième de poire.

Leur vieille cousine Opportune

Vaquait dans une demi-prune.

Il y avait monsieur Léon

Qui débordait d'un gros citron

Et sa soeur, madame Émérence,

Qui emplissait toute une orange.

Quant à moi, chétive fillette,

Je tenais dans une noisette

Et, comme je n'étais pas grosse,

Il arrivait, les jours de fête,

Que je m'y déplace en carrosse.


Maurice Carême


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L’ogre


J’ai mangé un œuf

Deux langues de bœuf

Trois rôtis de mouton

Quatre gros jambons

Cinq rognons de veau

Six couples d’oiseaux

Sept immenses tartes

Huit filets de carpe

Neuf kilos de pain

Et j’ai encore faim

Peut-être ce soir

Vais-je encore devoir

Manger mes deux mains

Pour avoir enfin

Le ventre bien plein.


Maurice Carême ("L'Arlequin" -  éditions Fernand Nathan, 1970)

Voir aussi les comptines numériques plus bas.


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Ce qui est comique


Savez-vous ce qui est comique ?

Une oie qui joue de la musique,

Un pou qui parle du Mexique,

Un bœuf retournant l'as de pique,

Un clown qui n'est pas dans un cirque,

Un âne chantant un cantique,

Un loir champion olympique.

Mais ce qui est le plus comique,

C'est d'entendre un petit moustique

Répéter son arithmétique.


Maurice Carême



avec "Savez-vous ce qui est comique...?"


  1. Imaginer encore (les rimes en ique sont nombreuses), ce qui peut être comique.


  1. Construire d'autres poèmes avec ce qui est amusant (rimes simples encore plus nombreuses) ; ce qui est drôle, et puis toujours avec humour, ce qui est agaçant, énervant, insupportable, étonnant, possible ou impossible, incroyable, inadmissible, etc.


  1. Ici encore on pourrait imaginer un genre de Cadavre exquis (voir André Breton plus haut) en deux étapes pour les vers du poème (dans l'exemple, la séparation est indiquée par / ), en respectant la  rime dans la seconde partie du vers  (avec les élèves plus grands on peut même décider du nombre de syllabes de chaque partie). On gardera le maximum de productions correctes en réorganisant peut-être le poème et on imaginera collectivement la chute, si chute il y a ("Mais ce qui est le plus agaçant... c'est ...")


  1. ex : Ici, avec "Ce qui est agaçant", on a essayé d'imaginer, sans savoir quel serait le sujet, des situations en rapport avec le thème. Dans la consigne, si on ne décide pas du singulier ou du pluriel (ça laisse plus de champ), on accordera grammaticalement lors de la mise au point, dans chaque doublette de Cadavre exquis ou en grand groupe  :


Un kangourou / qui vous fait perdre votre temps

Une tortue  / qui ne se lave pas les dents

Une fleur fanée  / qui prend son bain en chantant ...


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L'heure du crime


Minuit. Voici l'heure du crime.

Sortant d'une chambre voisine,

Un homme surgit dans le noir.


Il ôte ses souliers,

S'approche de l'armoire

Sur la pointe des pieds

Et saisit un couteau

Dont l'acier luit, bien aiguisé.


Puis, masquant ses yeux de fouine

Avec un pan de son manteau,

Il pénètre dans la cuisine

Et, d'un seul coup, comme un bourreau

Avant que ne crie la victime,

Ouvre le cœur d'un artichaut.


Maurice Carême ("Au clair de la lune" - éditions Hachette, Le Livre de Poche jeunesse, 2003)


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  1. Georges-Emmanuel Clancier

  2. voir la page
    des Poètes de l'École de Rochefort < ICI


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Chantal Couliou


Caresses


Le vieux marronnier

N'aime

Ni les vacances

Ni les jours fériés

Il préfère

Les caresses

Des petites mains d'écoliers.


Chantal Couliou


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  1. Luc Decaunes

  2. voir la page
    des Poètes de l'École de Rochefort < ICI


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Robert Desnos


Le zèbre


Le zèbre,

cheval des ténèbres

Lève le pied, ferme les yeux,

Et fait résonner ses vertèbres

En hennissant d'un air joyeux.

Au clair soleil de Barbarie,

Il sort alors de l'écurie

Et va brouter dans la prairie

Les herbes de sorcellerie.

Mais la prison sur son pelage,

A laissé l'ombre du grillage.


Robert Desnos


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Jean-Pierre Develle (contemporain)


Jean-Pierre Develle est un auteur contemporain. Ce texte a été trouvé dans le recueil du Concours de poésie de la RATP référencé plus bas :


Qu’est-ce qui ne va pas sur la terre ?


C’est le chat, dit la souris

C’est le lion, dit la gazelle

C’est le loup, dit l’agneau

C’est l’homme, dit l’homme


Jean-Pierre Develle ("Des rimes et des rames" - recueil de textes du concours Concours de poésie dans le métro 2002-2003, éditions de la Voûte)



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David Dumortier

David Dumortier, poète et écrivain français est né en 1967. Il intervient régulièrement en milieu scolaire Il a publié de nombreux ouvrages (en 2014 : La pluie est amoureuse du ruisseau, aux éditions Rue du Monde). Il est l'auteur d'un «spectacle portatif de poche», Music-hall Poésie, dans lequel il mêle poésie, objets détournés et magie. (d’après source Wikipédia).


David Dumortier est souvent iconoclaste, très attaché aux réalités concrètes avec en arrière plan un point de vue politique engagé.

(présentation sur le site du printemps des Poètes 2015)


Les trois textes qui suivent ont été choisis parmi d’autres auteurs pour «L’Insurrection poétique» par le site officiel du Printemps des Poètes :
http://www.printempsdespoetes.com

Poème de campagne I


Un renard sort des brandes

Un poulet dans la gueule

Un geai a rassemblé ses couleurs

Et s’enfuit dans une palisse

Une ramasseuse de cagouille

Fouine derrière la pluie,

L’ancien pays revient parfois

Au fond de nous-mêmes

Quand nous nous sentons

Chassés par les autres

Quand nous nous sentons

Renard, fouineuse, geai,

Hérisson ou couleuvre

Acculé à vivre

Le long des chemins nus

Et à s’habiller d’un buisson

Au moindre bruit.


Poème de campagne  II


Mon pays était une roulotte

Il suffisait

De regarder le ciel

Pour voir que nous avancions lentement.

Habiter une roulotte

C’est vivre au grand air

Et mon pays était dehors

Comme tous les pays dorment aussi dehors.

C’est ce froid dans les mots

Qui donne aux enfants

L’envie de partir

En choisissant un jour sans neige

Pour qu’on ne les suive pas.



Poème de campagne  III


Si un soir,

Non

Si tous les soirs

Vous sentez que votre visage

A été souillé par du purin

Que votre main

N’a pas serré un seul bonjour

Que votre sourire

N’a pas fleuri

Dans un autre sourire

Dites-vous

Que vous avez trop cherché

L’amitié du jour,

L’amitié des chiens domestiques

Ou l’amitié des champs de maïs.

La nuit distribue ses lits

Le vôtre est au clair de lune

Avec les renards bleus

Et les chats sauvages

Griffez, chassez, copulez

Et ne rodez pas autour des fermes

Le piège pourrait se refermer

Derrière vous

Et ce serait pire

Que le purin, les bonjours et les sourires.


Voir ici pour la création poétique un autre texte de David Dumortier :
http://www.planetelieucommun.fr/http___www.planetelieucommun.fr/PP_2009_-_humour_-_creation_PQR.html

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Paul Éluard (1895-1952) est l'un des plus importants poètes du Surréalisme. Il a aussi participé au mouvement Dada.

On se reportera pour une biographie détaillée à  ce lien Wikipédia


Ces deux textes de l’auteur, avec la proposition de création poétique pour Dans Paris, sont un copié-collé de la catégorie Printemps des Poètes 2009, humour, à retrouver intégralement ici :




Sur la maison du rire

Sur la maison du rire
Un oiseau rit dans ses ailes,
Le monde est si léger
Qu'il n'est plus à sa place
Et si gai
Qu'il ne lui manque rien.

Paul Éluard

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Dans Paris

Dans Paris il y a une rue;
Dans cette rue il y a une maison;
Dans cette maison il y a un escalier;
Dans cet escalier il y a une chambre;
Dans cette chambre il y a une table;



Sur cette table il y a un tapis;
Sur ce tapis il y a une cage;

Dans cette cage il y a un nid;
Dans ce nid il y a un œuf,
Dans cet œuf il y a un oiseau.

L'oiseau renversa l'œuf;
L'œuf renversa le nid;
Le nid renversa la cage;

La cage renversa le tapis;
Le tapis renversa la table;
La table renversa la chambre;
La chambre renversa l'escalier;
L'escalier renversa la maison;
La maison renversa la rue;
La rue renversa la ville de Paris.

Paul Éluard (livre "Dans Paris, il y a ..." Didier Jeunesse, 1998 et Rue du Monde, Collection  Petits Géants, 2001)


À la manière de "dans Paris il y a ...", le poème-gigogne :

À la manière de Paul Éluard, on construira un poème avec un enchaînement d'éléments, d'événements, à la manière d'emboîtements de poupées gigognes. Voyez ici des exemples de création poétique sur ce modèle : http://ecperchl.edres74.ac-grenoble.fr/spip.php?article28

Mais on privilégiera, pour le thème de l'humour, les situations les plus bizarres. On pourait imaginer par exemple ce genre de comptine en boucle (voir Marabout, bout d'ficelle dans le paragraphe des Jeux):

Dans ma maison il y a ma chambre / dans ma chambre il y a une armoire / dans cette armoire  il y a un arbre / dans cet arbre il y a une maison / Dans cette maison il y a ma chambre ...

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Pour vivre ici


Je fis un feu, l'azur m'ayant abandonné,

Un feu pour être son ami,

Un feu pour m'introduire dans la nuit d'hiver,

Un feu pour vivre mieux.


Je lui donnai ce que le jour m'avait donné:

Les forêts, les buissons, les champs de blé, les vignes,

Les nids et leurs oiseaux, les maisons et leurs clés,

Les insectes, les fleurs, les fourrures, les fêtes.


Je vécus au seul bruit des flammes crépitantes,

Au seul parfum de leur chaleur;

J'étais comme un bateau coulant dans l'eau fermée,

Comme un mort je n'avais qu'un unique élément.


Paul Éluard (Le Livre ouvert, 1940)


  1. -- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

  2. Jean Follain

  3. voir la page
    des Poètes de l'École de Rochefort < ICI


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  5. Maurice Fombeure

  6. est également sur la page
    des Poètes de l'École de Rochefort < ICI


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Paul Fort (1872-1960)

Les Ballades françaises de Paul Fort sont éditées à partir de 1894, et jusqu'en 1958. Particularités : c'est sous ce seul titre qu'il continue à publier ensuite ses poèmes, aux vers disposés comme de la prose, et dont les textes occupent  40 tomes !

Le thème du poème suivant a inspiré une chanson (intitulée "Si tous les gars du monde"). D'autres poèmes de Paul Fort, souvent très connus, se promènent sur le blog (Le petit cheval, Le bonheur est dans le pré, La mer, La marine ...)


Georges Brassens a mis en musique (catégorie BRASSENS chante les poètes) Le petit cheval (titré La complainte du petit cheval blanc) et La marine.


Le bonheur


Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite, cours-y vite.

Le bonheur est dans le pré, cours-y vite. Il va filer.


Si tu veux le rattraper, cours-y vite, cours-y vite.

Si tu veux le rattraper, cours-y vite. Il va filer.


Dans l'ache et le serpolet, cours-y vite, cours-y vite,

dans l'ache et le serpolet, cours-y vite. Il va filer.


Sur les cornes du bélier, cours-y vite, cours-y vite,

sur les cornes du bélier, cours-y vite. Il va filer.


Sur le flot du sourcelet, cours-y vite, cours-y vite,

sur le flot du sourcelet, cours-y vite. Il va filer.


De pommier en cerisier, cours-y vite, cours-y vite,

de pommier en cerisier, cours-y vite. Il va filer.


Saute par-dessus la haie, cours-y vite, cours-y vite,

saute par-dessus la haie, cours-y vite. Il a filé !


Paul Fort (1872-1960 "Ballades françaises")


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La ronde autour du monde


Si toutes les filles du monde voulaient s'donner la main,

Tout autour de la mer elles pourraient faire une ronde.


Si tous les gars du monde voulaient bien êtr' marins,

Ils f'raient avec leurs barques un joli pont sur l'onde.


Alors on pourrait faire une ronde autour du monde,

Si tous les gens du monde voulaient s'donner la main.


Paul Fort (Ballades françaises T1 - 1897 - Flammarion)


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Anne Froissard
Anne Froissart a travaillé dans les domaines de l’éducation et de la littérature enfantine ; elle est bien connue pour son disque « Les Choses ont des pattes », (Nathan 1988).

Elle collabore avec la Compagnie La Petite Porte comme auteur du concept et des textes, comme pédagogue et metteur en scène.»
source : http://lapetiteporte.fr/association-equipe.html

On pardonnera à Anne Froissart, compte tenu de son parti pris humoristique au second degré et poétique, sa sévérité pour le grand âge (mais les autres époques féminines ne sont-elles pas également caricaturées ?), et son misogynisme feint, puisqu’elle est une femme.
N’est-ce pas plutôt ici une rébellion contre les idées reçues ?


La bavarde


Ell'gigote

Ell'zozote

Babille babillant

Elle a trois ans.

Ell'papote

Ell'parlote

Jacasse jacassant

Elle a treize ans.

Ell'jabote

Ell'marmotte

Bavarde bavardant

Elle a trente ans.

Ell'radote

Ell'tricote

Bredouille bredouillant

Elle a cent ans.


Anne Froissard


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  1. Pierre et Ilse Garnier

  2. voir la page
    des Poètes de l'École de Rochefort < ICI


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Robert Gélis (né en 1938)


Robert Gélis, romancier et poète pour la jeunesse, a publié des recueils de poésies (Poèmes à tu et à toi, En faisant des galipoètes...) et des contes (Histoires et contes du loup-phoque...) d'humour et d'humanité. On le retrouvera dans les poésies C2 pour la classe (Mon stylo) et dans la catégorie Printemps des Poètes 2008, l'Autre (texte titré : L'autre, Visite).


... "L'Important, c'est d'accrocher des rires

Aux branches sèches de la vie …"


Robert Gélis (extrait du poème "L'Important" à lire plus bas)


Visite


Par une belle nuit d'hiver,

Trois petits hommes verts

Sont arrivés dans leur soucoupe.


Ils ont fait trois fois le tour de la Terre

Dans le temps d'un éclair,

Et puis ont atterri

Au beau milieu d'une prairie.


Ils ont fait trois fois le tour du pré,

Pour s'habituer à respirer

Et puis ont avancé

Vers le village d'à-côté.


Ils ont fait trois fois le tour de l'église,

Pour une fusée l'ont prise,

Et puis ont réveillé

Les habitants qui dormaient.


Ils ont fait trois fois le tour des humains

Qui claquaient des dents, tremblaient des mains,

Et puis se sont adressés au maire

Tantôt en prose, tantôt en vers.


Ils ont répété trois fois qu'ils ne font que revenir

Sur cette terre, d'où ils partirent,

Il n'y a pas si longtemps,

A peine cent mille ans.


Ils ont redit trois fois qu'il y a dans l'univers

Des milliers de planètes sans haine et sans guerre,

Des mondes heureux et libres

Où il fait très bon vivre,

Et que les gens de par ici

Sont vraiment leur seul souci.


Et les gens du village,

Glacés, troublés, perdus,

Sont alors devenus

Les premiers hommes sages.


Robert Gélis ("Poèmes à tu et à toi")


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Rencontre


Madame la pianiste,

Dans les rues plutôt tristes,

Promenait ses mélodies,

Comme chaque lundi …


Et monsieur le poète,

Des rêves plein la tête,

Tenait en laisse, lui,

Des poèmes gentils…


Ils se sont rencontrés

Et, quelques mois après,

En plein temps des moissons,

Sont nées… trente-six chansons !


Robert Gélis ("En faisant des galipoètes" - Anthologie de Poche - Éditions Magnard, 1983)


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L'Important


- C'est quoi, l'Important ?

- L'Important, c'est d'accrocher des rires

Aux branches sèches de la vie …


- C'est quoi, la Vie ?

- La Vie, c'est chercher son étoile

Dans le fouillis du ciel …


- C'est quoi, le Ciel ?

- Le Ciel, c'est ce qu'on ne peut voir

Qu'en fermant les yeux …


- C'est quoi, les Yeux ?

- Les Yeux, ce sont des forges vives

où s'embrasent les rêves …


- C'est quoi, les Rêves ?

- Les Rêves ….


C'est ce qui est important …


Robert Gélis ("En faisant des galipoètes" - Anthologie de Poche - Éditions Magnard, 1983)


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Eh ! Oui


Ils ont coupé

Le vieux pommier

Roi du verger

Et en tronçons l'ont débité


De ces morceaux ont fabriqué

Une échelle pour monter

Cueillir des pommes du pommier

Ont été bien déçus

Car de pommier... il n'y en a plus.


Robert Gélis


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Guillevic (1907-1997)
l’ensemble des textes choisis de Guillevic est ici sur le site planetelieucommun : GUILLEVIC (clic)


"La terre
est mon bonheur"
Guillevic

Eugène(1) Guillevic (1907-1997) a traversé le XXe siècle et ses courants littéraires de sa poésie rocailleuse et si humaine. Il observe le surréalisme (André Breton, Paul Éluard) sans y appartenir(2).

Proche en 1941, de l'École de Rochefort, créée pendant l'occupation comme une forme de résistance et de liberté contre les normes de la poésie "officielle", avec un groupe d'amis dont le poète René-Guy Cadou, il participe à la presse clandestine de la Résistance aux côtés de Paul Éluard et de Pierre Seghers, et adhère au Parti Communiste.

On trouvera sur le site du Printemps des Poètes, ici, sa biographie et sa bibliographie complètes.



Voici les textes peut-être les plus abordables à l’école élémentaire.
On trouvera un choix de textes de Guillevic plus difficiles pour le Collège et le Lycée ici sur le site planetelieucommun :






Douceur


Je dis : douceur.


Je dis : douceur des mots

Quand tu rentres le soir du travail harassant

Et que des mots t'accueillent

Qui te donnent du temps.


Car on tue dans le monde

Et tout massacre nous vieillit.


Je dis : douceur,

Pensant aussi

À des feuilles en voie de sortir du bourgeon,

À des cieux, à de l'eau dans les journées d'été,

À des poignées de main.


Je dis : douceur, pensant aux heures d'amitié,

À des moments qui disent

Le temps de la douceur venant pour tout de bon,


Cet air tout neuf,

Qui pour durer s'installera.


Guillevic ("Terre à bonheur" - éditions Seghers, 1952, puis dans la collection Poésie d’abord, 2004)


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Lumière


Ce n'est pas vrai que tout amour décline,

Ce n'est pas vrai qu'il nous donne au malheur,

Ce n'est pas vrai qu'il nous mène au regret,

Quand nous voyons à deux la rue vers l'avenir.

Ce n'est pas vrai que tout amour dérive,

Quand les forces qui montent ont besoin de nos forces.

Ce n'est pas vrai que tout amour pourrit,

Quand nous mettons à deux notre force à l'attaque.

Ce n'est pas vrai que tout amour s'effrite,

Quand le plus grand combat va donner la victoire.

Ce n'est pas vrai du tout,

Ce qu'on dit de l'amour,

Quand la même colère a pris les deux qui s'aiment,

Quand ils font de leurs jours avec les jours de tous

Un amour et sa joie.


Guillevic ("Gagner" - Gallimard, 1949)


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Imaginons


Le temps que met l’eau à couler de ta main

Le temps que met le coq à crier le soleil

Le temps que l’araignée dévore un peu la mouche

Le temps que la rafale arrache quelques tentes

Le temps de ramener près de moi tes genoux

Le temps pour nos regards de se dire d’amour

Imaginons ce qu’on fera de tout ce temps.


Guillevic (extrait de "Avec" - éditions Gallimard, 1966)


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Imagine


Imagine un oiseau,

Merle ou geai ou mésange,


Qui tiendrait dans son bec

Et ce serait pour toi,


Tendrait vers toi

Myrtille ou mûre


Ou quelque chose.


Guillevic (extrait de "Avec" - éditions Gallimard, 1966)


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Suppose


Suppose
Que je vienne et te verse
Un peu d’eau dans la main
Et que je te demande
De la laisser couler
Goutte à goutte
Dans ma bouche.
Suppose
Que ce soit le rocher
Qui frappe à notre porte
Et que je te demande
De le laisser entrer
Si c’est pour nous conter
Le temps d’avant le temps.
Suppose
Que le vol d’un oiseau
Nous invite au voyage
Et que je te demande
De nous blottir en lui
Pour avec lui voler
A travers la pénombre.
Suppose
Que s’ouvrent sous nos yeux
Tous les toits de la ville
Et que je te demande
De choisir la maison
Où, le toit refermé,
Tu aimeras la nuit.
Suppose
Que la mer ait envie
De nous voir de plus près
Et que je te demande
D’aller lui répéter
Que nous ne pouvons pas
L’empêcher d’être seule.
Suppose
Que le soleil couchant
S’en aille satisfait
Et que je te demande
D’aller lui réclamer
Ce qu’il doit nous payer
Pour sa journée de gloire.


Guillevic (extrait du poème "Bergeries", dans le recueil "Autres" - 1980)


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J'ai vu le menuisier


J'ai vu le menuisier

Tirer parti du bois.

J'ai vu le menuisier

Comparer plusieurs planches.

J'ai vu le menuisier

Caresser la plus belle.

J'ai vu le menuisier

Approcher le rabot.

J'ai vu le menuisier

Donner la juste forme.

Tu chantais, menuisier,

En assemblant l'armoire.

Je garde ton image

Avec l'odeur du bois.

Moi, j'assemble des mots

Et c'est un peu pareil.


Guillevic ("Terre à bonheur" - éditions Seghers, 1952, puis dans la collection Poésie d’abord, 2004)


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Le vent
(ce passage est extrait d' "Amulettes" (voir un autre texte pour le collège)


Ce n’était pas

Une aile d’oiseau.

C’était une feuille

Qui battait au vent.

Seulement

Il n’y avait pas de vent.


Guillevic ("Exécutoire" - 1947)



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La pomme (titre proposé)


Dans l'arbre privé de fruits et de feuilles

Qui déjà se lasse

Des rameaux jouant pour ne pas trop voir

Le soleil couchant

Une pomme est restée

Au milieu des branches.

Et rouge à crier

Crie au bord du temps.


Guillevic ("Carnac" - éditions Gallimard, 1961)


Le soleil (titre proposé)


Le soleil jamais

Ailleurs qu'en lui-même

Ne verra la nuit

Puisque ce noir qu'il jette

Caille en lumière

Autour de lui.


Guillevic ("Sphère" - éditions Gallimard, 1963)


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Chanson


Pas par le plafond,

Pas par le plancher

Petit enfant sage,

Tu ne partiras.

Pas brisant les murs

Ou les traversant,

Pas par la croisée,

Tu ne partiras.

Par la porte close,

Par la porte ouverte,

Petit enfant sage,

Tu ne partiras.

Ni brûlant le ciel,

Ni tâtant la route,

Ni moquant la lande,

Tu ne partiras.

Ce n'est qu'en passant,

A travers les jours,

C'est à travers toi

Que tu partiras.


Guillevic ("Sphère" - éditions Gallimard, 1963)


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La plaine, les vallons plus loin ...


La plaine, les vallons plus loin,

Les bois, les fleurs des champs,

Les chemins, les villages,

Les blés, les betteraves,

Le chant du merle et du coucou,

L'air chaud, les herbes, les tracteurs,

Les ramiers sur un bois,

Les perdrix, la luzerne,

L'allée des arbres sur la route,

La charrette immobile,

L'horizon, tout cela

Comme au creux de la main.


Guillevic (extrait de "Avec" - éditions Gallimard, 1966)


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Le poète (titre proposé, c'est le titre du passage dans le recueil)


Travailleur

Comme eux tous.

Vivant le même temps

De machines, de bruit,

De guerre, de journaux.

Les mêmes problèmes

De nourriture, de logement,

D'impôts.

Citoyen,

Comme eux tous.

Préoccupé,

Comme eux,

Par les problèmes du présent,

Du futur.

Rêvant

De cette société

Où tous

Auront loisir d'écrire.


Guillevic (Le poète, dans "Inclus" - poème n°132, Gallimard, 1973)


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Choses (titre d'une succession de poèmes dans Terraqué, mais d'autres passages d'autres recueils portent le même titre ! )

C'est vrai

Qu'il y a aussi des étoiles

Et qu'elles sont belles.

Que brûler leur donne

En fruit la lumière.

Et que rien ne dit

Qu'en leurs feux de pierre,

Elles ne sauront rien

De nos mains qui grouillent

De nos mains qui fouillent.


Guillevic ("Terraqué" - Gallimard, 1945)


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L'alouette


À quoi je sers

Se chante l'alouette ?

J'ai beau monter,

Grisoller, tourner, descendre

Et remonter et regrisoller,

Alors qui fait mieux ?

Qui ne se plaint pas

De ne rien changer à rien ?

Mais je suis, je suis.

Je fais vibrer avec moi

Ce qui m'entoure.


Guillevic


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Il partageait tout (titre proposé)


Il partageait tout

Et avec tous.

Quand il avait une pomme

Il voulait en donner.

Quand il avait un journal,

Il proposait de le répartir.

Quand il faisait beau,

Il distribuait.

Il partageait tout,

Sauf ce qu'il n'aimait pas,

Les billets de banque,

Par exemple.


Guillevic ("Autres" - 1980)


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Le chant (passages choisi)


Le chant c'est comme l'eau d'un ruisseau

qui coule sur des galets, 

Vers la source.

C'est la promesse de la source au soleil. 

Tous peuvent avoir accès au chant. 

Certains ne le savent pas. 

Le chant a une manière bien à lui 

d'ouvrir des blessures enchanteresses. 

Ne te fatigue pas à chanter. 

Ou bien le chant te porte en sortant de toi,

ou tu l'attends. 


Eugène Guillevic ("Le Chant", poème 1987-1988 - éditions Gallimard, 1990)


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Voici quelques babioles, extraites du recueil Babiolettes. Pour ceux qui trouveraient ce poème d'abord difficile (il l'est), voyez comment on peut l'exploiter  quand même en création poétique dans un CM1-CM2, ici.


Babioles (début)

1

Ce n'est pas que l'horloge

Ait peur qu'on la déloge,

Mais elle veut trotter

Hors de l'éternité

2

Ce n'est pas qu'un potiron

Soit poli comme il est rond,

Mais il ne sait pas lui-même

D'où vient son nom de baptême.

3

Ce n'est pas que le fraisier

Fasse dire qu'il y est,

Mais c'est qu'il montre les fruits

Que lui suggéra la nuit.

4

Ce n'est pas que le torrent

Ait peur de perdre son rang

Mais s'il est impétueux,

Ce n'est pas selon ses voeux.

5

Ce n'est pas que le nuage

Ne rêve pas de l'orage,

Mais il sait que sa violence

Cassera son existence.

6

Ce n'est pas que le temps

Compte à chacun son temps,

Mais c'est qu'il faut du temps

Pour peser tant de temps.

7

Ce n'est pas que le hibou

N'en connaisse pas un bout,

Mais il veut garder pour lui

Tout le restant de la nuit.

8

Ce n'est pas que l'éléphant

Répugne à des jeux d'enfant,

Mais c'est que pour en jouer

L'animal n'est pas doué.

...

Eugène Guillevic ("Babiolettes" - éditions Saint-Germain des Prés, 1980)


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Monique Hion


La pelouse interdite


Sur la pelouse du Grand Palais, Il est interdit de marcher.

Moi, qui suis très discipliné, J’y ai sauté,

Sauté, sauté comme un criquet. J’y ai trotté,

Trotté, trotté, comme un poney. J’y ai roulé

Roulé, roulé comme un boulet. Pourquoi le garde s’est-il fâché ?


Monique Hion ("Comptines de mon jardin" Actes Sud Junior, 1998)


  1. -- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Patrick Joquel (né en 1959)


Patrick Joquel annonce la couleur : "Je suis instituteur et auteur… ou l'inverse". Et effectivement, ce professeur d’école itinérant (ZIL) depuis 1987, est l'auteur de romans et de recueils de poésie pour les enfants, aux titres évocateurs : Mammifère à lentilles, Heureux comme l’orque, Demain les hippocampes, Le bruit d’un brin de bambou, Que sais-tu des rêves du lézard, Et le ciel ?...

Une de ses dernières publications est "Poésie Maternelle" (aux éditions Magnard), guide pédagogique complet (fiches d'activités pratiques, conseils, textes) pour initier les élèves à la poésie.


Le petit lézard ? (titre proposé)


Tu ne regardes pas

la couleur des autos

tu choisis de compter

les fleurs du potager d'en face

Tu n'écoutes pas

le bavardage des moteurs

tu préfères chercher

le petit lézard du balcon

celui que le citronnier a couvé

tout l'hiver

dans son pot


Patrick Joquel ("Que sais-tu des rêves du lézard ?" - éditions Magnard , 2004)


Au fond de mon igloo (titre proposé)


Je vis caché

dans un trou

tout au fond

de mon igloo

J'attends

un peu de soleil

un petit

clin d'oeil

du ciel

Je guette

avec gourmandise

un amour

sur la banquise


Patrick Joquel ("Demain les hippocampes" - éditions Solos, 1998)


Tu n’es pas seul au monde (titre proposé)


Tu suis des yeux

la flèche rouge de ta boussole

Loin là-bas

au delà de la montagne

un éléphant de mer t'attend

Tu vois

tu n'es pas seul au monde


Patrick Joquel ("Le bruit d'un brin de bambou" - éditions Gros Textes, 1999-2003)


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Jean Joubert (né en 1928)


Jean Joubert est un romancier et poète, auteur pour l'enfance et la jeunesse.

Le veilleur solitaire


Il y a toujours dans la nuit de la ville

une petite fenêtre qui brille

très loin au bord du ciel

une fenêtre au loin, une lampe qui brûle,

un homme ou peut-être un enfant

penché sur la page d'un livre

où les mots brûlent et brillent.

Et le cœur de l'homme ou de l'enfant

brûle d'un sang plus vif,

s'exalte, s'illumine.

Il y a toujours au bord du ciel

un veilleur solitaire

qui cherche dans la nuit

son chemin de clarté.


Jean Joubert ("La maison du poète" - Pluie d'étoiles éditions, 1999)


  1. -- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Alphonse de Lamartine


Le papillon


Naître avec le printemps, mourir avec les roses,

Sur l'aile du zéphyr nager dans un ciel pur,

Balancé sur le sein des fleurs à peine écloses,

S'enivrer de parfums, de lumière et d'azur,

Secouant, jeune encor, la poudre de ses ailes,

S'envoler comme un souffle aux voûtes éternelles,

Voilà du papillon le destin enchanté !

Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose,

Et sans se satisfaire, effleurant toute chose,

Retourne enfin au ciel chercher la volupté !

Alphonse de Lamartine


  1. -- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Jean L'Anselme (1919-2011)


Jean L'Anselme, nom d'auteur de Jean-Marc Minotte (1919 - 30 décembre 2011) est un poète vivant, comme on l'écrivait ici.
Mais il a disparu physiquement de notre horizon l'avant-dernier jour de 2011.

Il demeure un poète atypique, comme on le dit parfois des auteurs qui déconcertent, qui n'entrent pas dans les catégories normalisées.


  1. Merci au visiteur de lieucommun qui nous permet de rectifier, avec tristesse, la biographie de Jean L'Anselme, et qui nous signale le  témoignage du fils de l'auteur sur Poezibao (en lire sur le site l'intégralité) :


" ...dans « L’Anselme à tous vents », il disait préférer au saule de Musset « une bière bien fraîche, avec beaucoup de mousse… autour ». Par une ultime pirouette d’humour noir, ils nous a quittés vendredi… la veille de son 92ème anniversaire !"


Quelques titres d'ouvrages de Jean L'Anselme,
tous parus aux éditions Rougerie :

Ça ne casse pas trois pattes à un canard et après (2005) ; La chasse d'eau, les poèmes cons, manifeste suivi d'exemples, Le ris de veau (1995) ; Pensées et proverbes de Maxime Dicton, banalités, bêtises, paradoxes, balivernes, lieux communs et autres propos sérieux de l'auteur (1991).


Voici un passage à lire aux élèves :


"...On ne naît pas poète, on naît comme on est, c'est-à-dire comme tout le monde. N'importe qui peut être poète, je suis moi-même n'importe qui. Il n'y a d'ailleurs pas d'école où on enseigne la poésie pour en ressortir avec un CAP alors que, dans les autres domaines de l'art, il existe des conservatoires et des académies. C'est une réalité à laquelle on ne songe guère. Nous sommes donc des millions de poètes comme toi. Souvent sans le savoir ..."

et il termine presque par ceci : "À présent oublie tout ce que je viens de te dire et n'écoute pas les autres..."


Jean L'Anselme - Conseils à un jeune poète (éditorial du n° 13 de la revue Poésie Première, à lire intégralement ici : http://poesiepremiere.free.fr/Lanselme.html).


Quelques facettes de l'humour grinçant, noir ou loufoque de l'auteur :


Art poétique


Vingt fois sur le métier

dépolissez l'ouvrage,

un vers trop poli

ne peut pas être...au net.

Méfiez-vous des vers luisants !

Faites du vers dépoli

votre vers cathédrale.

un poème au pied bot

ne peut être que bancal.


Jean L'Anselme (Vers dépolis, dans le recueil "La Foire à la ferraille" - Éditeurs Français Réunis, 1974)


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Un poète (titre suggéré)


- Mais qu’est-ce qu’un poète ?

- C’est quelqu’un qui ne passe jamais à la télévision parce qu’il n’est pas connu.

- Et pourquoi n’est-il pas connu ?

- Parce qu’il ne passe jamais à la télévision.


Jean L'Anselme


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La Darne de Lieu


J'ai déjà pêché l'ablette et l'épinoche, mais jamais la Darne de Lieu. On m'en apporte pourtant sur mon assiette. La Darne de Lieu est un poisson curieux, plat pour le genre mais épais, plutôt rond de forme avec de la peau sur la tranche et non sur le desus et le dessous. Il possède une arête centrale rayonnante. Plus bizarre encore, il n'a ni tête ni queue apparentes. Malgré son nom ce n'est pas, à ce qu"on dit, un poisson noble. Comment peuvent-ils donc, en pêche sous-marine, distinguer cela d'un bifteck ?


Jean L'Anselme ("Très cher Onésime Dupan de Limouse" - éditions Rougerie, 1966)


  1. -- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

 
Printemps des Poètes 2015
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et toujours pour la classe : 
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Printemps des Poètes 2015
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Carl Norac (né en 1960)

Carl Norac, poète belge, est le fils de Pierre Coran (son nom est un anagramme), dont vous trouverez des poésies sur le site.


Poème du cartable rêveur


Pendant que tu étais

Sur la plage, cet été,

Ou bien dans la forêt,

As-tu imaginé

Que ton cartable rêvait ?

Il rêvait d’avaler

Des crayons, des cahiers,

Puis d’aller, comme on vole,

Sur le chemin de l’école.


Carl Norac


Sortilège


Furieuse est la sorcière

Quand son fameux balai

Qui - c'est vrai - lui permet

De voler dans les airs

Refuse obstinément

D'envoyer en enfer

La maudite poussière

De son appartement.

Carl Norac


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René de Obaldia

Dimanche


Charlotte

fait de la compote


Bertrand

suce des harengs


Cunégonde

se teint en blonde

Epaminondas

cire ses godasses


Thérèse

souffle sur la braise


Léon

peint des potirons


Brigitte

s'agite, s'agite


Adhémar

dit qu'il en a marre


La pendule

fabrique des virgules


Et moi dans tout cha ?

Et moi dans tout cha ?

Moi, ze ne bouze pas

Sur ma langue z'ai un chat


René de Obaldia


  1. -- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Gisèle Prassinos (née en 1920)


Gisèle Prassinos est écrivaine, poète et artiste peintre, aux écrits marqués de surréalisme.


Comptine pour enfant pas sage


Pour faire un oisillon

Prenez du saucisson

Un morceau pour le dos

Pour le bec un coup sec

Deux rondelles pour les ailes

Pour la queue trois cheveux


Pour faire du saucisson

Prenez un oisillon.

Etouffez et pilez

Bien saler et ficeler

Découper et manger.


Gisèle Prassinos ("Comptines pour fillottes et garcelons")


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Jacques Prévert (1900-1977)

Prévert, d’abord poète surréaliste, ami entre-autres de Raymond Queneau, s'éloignera du surréalisme pour une poésie "populaire", frondeuse, parfois très caustique à l'endroit des corps constitués : l'Armée, l'Église, les institutions ...
Une grande partie de son œuvre poétique, en prose ou en vers libres, est accessible aux plus jeunes, avec des textes pleins d'humour et d'humanité, petites saynètes du quotidien.

Jacques Prévert est très présent dans les cahiers de récitation. "Paroles" (1945), est un des recueils de poésie les plus vendus et les plus traduits dans le monde.

Prévert est aussi auteur de théâtre et parolier ("Les feuilles mortes", pour ne citer qu'une chanson), ainsi que scénariste de films (Quai des brumes, les Visiteurs du soir, les Enfants du paradis) réalisés par Marcel Carné.


Les textes qui suivent, avec parfois une proposition de création poétique, se trouvent déjà sur ce site planètelieucommun (ou le blog lieucommun.canalblog.com) dans les pages des Printemps des Poètes passés (humour, éloge de l’autre ...) - Voyez la page d’accueil.

On trouvera d’autres textes de Prévert pour ce Printemps 2015 dans la catégorie Collège-Lycée (CLIC ICI)


Comme souvent en poésie, quand les textes sont destinés aux élèves, on en coupe des passages. Le poème bien connu qui suit, un classique pour les exercices de création poétique, est en version originale. A vous de juger si ...

Les deux textes qui suivent sont tirés du recueil "Grand bal du printemps", dans lequel ils ne portent pas de titre.


Destiné (titre proposé)

Il y en a qui s'appellent

Aimé Bienvenu ou Désiré

moi on m'a appelé Destiné


Je ne sais pas pourquoi

et je ne sais même pas qui m'a donné ce nom-là


Mais j'ai eu de la chance

On aurait pu m'appeler

Bon à rien Mauvaise graine Détesté Méprisé

ou Perdu à jamais.


Jacques Prévert ("Grand bal du printemps" - 1951 et Gallimard, 1976) 

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Un petit mendiant (titre proposé)

Un petit mendiant

demande la charité aux oiseaux

Oh

ne me laissez pas la main pleine

je resterai là jusqu’à la nuit s’il le faut

Et il y a dans son regard une lueur de détresse

cette lueur

un oiseau la surprend

Tout à l’heure

par pure délicatesse et sans avoir grand faim il s’en

ira à petits pas prudents manger dans la main

de l’enfant le pain offert si simplement

Et la joie allumera tous ses feux dans les yeux du

petit mendiant.

Jacques Prévert

("Charmes de Londres" dans "Grand bal du printemps" - 1951 et Gallimard,

1976)

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Tant bien que mal

Ils sont marrants les êtres

Vous tout comme moi

Moi tout comme vous

Et c'est pas du théâtre

c'est la vie

c'est partout


Ils sont marrants les êtres

En entrant chez les autres

il y en a qui tombent bien

il y en a qui tombent mal

À celui qui tombe bien

on dit Vous tombez bien

et on lui offre à boire

et une chaise où s'asseoir

À celui qui tombe mal

personne ne lui dit rien

Ils sont marrants les êtres

qui tombent chez les uns

qui tombent chez les autres

ils sont marrants les êtres

Celui qui tombe mal

une fois la porte au nez

retombe dans l'escalier

et l'autre passe dessus

à grandes enjambées

Quand il regagne la rue

après s'être relevé

il passe inaperçu

oublié effacé

La pluie tombe sur lui

et tombe aussi la nuit


Ils sont marrants les êtres

Ils tombent ils tombent toujours

ils tombent comme la nuit

et se lèvent comme le jour.

Jacques Prévert ("Choses et autres"- Gallimard, 1972) Ce texte a été mis en musique par Louis Bessières.

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Un texte pour jouer avec rien et même avec personne :

Un beau matin

Il n'avait peur de personne

Il n'avait peur de rien

Mais un matin un beau matin

Il croit voir quelque chose

Mais il dit Ce n'est rien

Et il avait raison

Avec sa raison sans nul doute

Ce n'était rien

Mais le matin ce même matin

Il croit entendre quelqu'un

Et il ouvrit la porte

Et il la referma en disant Personne

Et il avait raison

Avec sa raison sans nul doute

Il n'y avait personne

Mais soudain il eut peur

Et il comprit qu'il était seul

Mais qu'il n'était pas tout seul

Et c'est alors qu'il vit

Rien en personne devant  lui.

Jacques Prévert ("Histoires")

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Le cancre

Il dit non avec la tête

Mais il dit oui avec le coeur

Il dit oui à ce qu'il aime

Il dit non au professeur

Il est debout

On le questionne

Et tous les problèmes sont posés

Soudain le fou rire le prend

Et il efface tout

Les chiffres et les mots

Les dates et les noms

Les phrases et les pièges

Et malgré les menaces du maître

Sous les huées des enfants prodiges

Avec des craies de toutes les couleurs

Sur le tableau noir du malheur

Il dessine le visage du bonheur.

Jacques Prévert ("Paroles" - Les Éditions du Point du Jour, 1946 et Gallimard, 1949)

  1. -- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

  2. -Droit de regard

Vous

Je ne vous regarde pas

ma vie non plus ne vous regarde pas

J’aime ce que j’aime

et cela seul me regarde

et me voit

J’aime ceux que j’aime

je les regarde

ils m’en donnent droit.

Jacques Prévert ("La Pluie et le beau temps" - Gallimard 1955)

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Cortège

Un vieillard en or avec une montre en deuil

Une reine de peine avec un homme d'Angleterre

Et des travailleurs de la paix avec des gardiens de la mer

Un hussard de la farce avec un dindon de la mort

Un serpent à café avec un moulin à lunettes

Un chasseur de corde avec un danseur de têtes

Un maréchal d'écume avec une pipe en retraite

Un chiard en habit noir avec un gentleman au maillot

Un compositeur de potence avec un gibier de musique

Un ramasseur de conscience avec un directeur de mégots

Un repasseur de Coligny avec un amiral de ciseaux

Une petite soeur du Bengale avec un tigre de Saint-Vincent-de-Paul

Un professeur de porcelaine avec un raccommodeur de philosophie

Un contrôleur de la Table Ronde avec des chevaliers de la Compagnie du Gaz de Paris

Un canard à Sainte-Hélène avec un Napoléon à l'orange

Un conservateur de Samothrace avec une victoire de cimetière

Un remorqueur de famille nombreuse avec un père de haute mer

Un membre de la prostate avec une hypertrophie de l'Académie française

Un gros cheval in partibus avec un grand évêque de cirque

Un contrôleur à la croix de bois avec un petit chanteur d'autobus

Un chirurgien terrible avec un enfant dentiste

Et le général des huîtres avec un ouvreur de Jésuites.

Jacques Prévert ("Paroles" - Les Éditions du Point du Jour, 1946 et Gallimard, 1949)


Poèmes à la manière de "Cortège"  

La structure du poème se prête facilement au "mariage" de deux groupes nominaux, reliés par "avec". On pourra favoriser la production individuelle par les élèves d'éléments séparés, et les apparier collectivement, ou par groupes de recherche. Avec de grands élèves, le vers complet peut-être créé individuellement ou dans le groupe.

Exemples [proposés par lieucommun]:

un cheval de manège  avec une bretelle d'autoroute >> un cheval d'autoroute avec une bretelle de manège

ou, en choisissant un thème unique pour le poème :

Les animaux se marient
un cheval de manège  avec un poisson d'aquarium   >> un cheval d'aquarium avec un poisson de manège

autre thème : Étonnants métiers disparus
un directeur d'école avec un coiffeur pour chiens   >> un coiffeur d'école avec un directeur pour chiens

Imaginez des illustrations pour les textes produits !

Voyez ICI quelques consignes , et des productions d'élèves ICI  :

 http://www.saxon.ch/ecoles/5p_yves/2001_2002/poesies_ex.ecrite/prevert.htm

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Soyez polis (2e strophe du poème)

(...)

Il faut être très poli avec la Terre
Et avec le Soleil
Il faut les remercier le matin en se réveillant
Il faut les remercier pour la chaleur
Pour les arbres
Pour les fruits
Pour tout ce qui est bon à manger
Pour tout ce qui est beau à regarder
À toucher
Il faut les remercier
Il ne faut pas les embêter...
Les critiquer
Ils savent ce qu'ils ont à faire
Le Soleil et la Terre
Alors il faut les laisser faire
Ou bien ils sont capables de se fâcher
Et puis après
On est changé
En courge
En melon d'eau
Ou en pierre à briquet
Et on est bien avancé...
Le soleil est amoureux de la Terre
Ça les regarde
C'est leur affaire
Et quand il y a des éclipses
Il n'est pas prudent ni discret de les regarder
Au travers de sales petits morceaux de verre fumé
Ils se disputent
C'est des histoires personnelles
Mieux vaut ne pas s'en mêler
Parce que
Si on s'en mêle on risque d'être changé
En pomme de terre gelée
Ou en fer à friser
Le Soleil aime la Terre
La Terre aime le Soleil
Et elle tourne
Pour se faire admirer
Et le Soleil la trouve belle
Et il brille sur elle
Et quand il est fatigué
Il va se coucher
Et la Lune se lève
La lune c'est l'ancienne amoureuse du Soleil
Mais elle a été jalouse
Et elle a été punie
Elle est devenue toute froide
Et elle sort seulement la nuit
Il faut aussi être très poli avec la Lune
Ou sans ça elle peut vous rendre un peu fou
Et elle peut aussi
Si elle veut
Vous changer en bonhomme de neige
En réverbère
Ou en bougie
En somme pour résumer
Deux points, ouvrez les guillemets :
" Il faut que tout le monde soit poli avec le monde ou alors il y a des guerres ... des épidémies des tremblements de terre
des paquets de mer des coups de fusil ...
Et de grosses méchantes fourmis rouges qui viennent vous dévorer les pieds pendant qu'on dort la nuit. "

Jacques Prévert ("Histoires" - Éditions Gallimard, 1946 et 1963)

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Le coquillage

Dans une chambre au sixième

Un coquillage est posé sur la table

soudain il se met à chanter

L'homme est réveillé par le bruit de la mer

il voit le coquillage

il lui sourit

il veut le prendre avec les mains

mais le coquillage s'enfuit

Jacques Prévert

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Chanson pour chanter à tue-tête et à cloche-pied

Un immense brin d'herbe
Une toute petite forêt
Un ciel tout à fait vert
Et des nuages en osier
Une église dans une malle
La malle dans un grenier
Le grenier dans une cave
Sur la tour d'un château
Le château à cheval
A cheval sur un jet d'eau
Le jet d'eau dans un sac
A côté d'une rose
La rose d'un fraisier
Planté dans une armoire
Ouverte sur un champ de blé
Un champ de blé couché
Dans les plis d'un miroir
Sous les ailes d'un tonneau
Le tonneau dans un verre
Dans un verre à Bordeaux
Bordeaux sur une falaise
Où rêve un vieux corbeau
Dans le tiroir d'une chaise
D'une chaise en papier
En beau papier de pierre
Soigneusement taillé
Par un tailleur de verre
Dans un petit gravier
Tout au fond d'une mare
Sous les plumes d'un mouton
Nageant dans un lavoir
A la lueur d'un lampion
Éclairant une mine
Une mine de crayons
Derrière une colline
Gardée par un dindon
Un gros dindon assis
Sur la tête d'un jambon
Un jambon de faïence
Et puis de porcelaine
Qui fait le tour de France
A pied sur une baleine
Au milieu de la lune
Dans un quartier perdu
Perdu dans une carafe
Une carafe d'eau rougie
D'eau rougie à la flamme
A la flamme d'une bougie
Sous la queue d'une horloge
Tendue de velours rouge
Dans la cour d'une école
Au milieu d'un désert
Où de grandes girafes
Et des enfants trouvés
Chantent chantent sans cesse
A tue-tête à cloche-pied
Histoire de s'amuser
Les mots sans queue ni tête
Qui dansent dans leur tête
Sans jamais s'arrêter

Et on recommence
Un immense brin d'herbe
Une toute petite forêt ...

etc, etc, etc.

Jacques Prévert

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Les animaux ont des ennuis

à Christiane Verger


Le pauvre crocodile n’a pas de C cédille

On a mouillé les L de la pauvre grenouille

Le poisson scie a des soucis

Le poisson sole, ça le désole

Mais tous les oiseaux ont des ailes

Même le vieil oiseau bleu

Même la grenouille verte

Elle a deux L avant l’E


Laissez les oiseaux à leur mère

Laissez les ruisseaux dans leur lit

Laissez les étoiles de mer

Sortir si ça leur plaît la nuit

Laissez les p’tits enfants briser leur tirelire

Laissez passer le café si ça lui fait plaisir


La vieille armoire normande et la vache bretonne

Sont parties dans la lande en riant comme deux folles

Les petits veaux abandonnés pleurent

Comme des veaux abandonnés

Car les petits veaux n’ont pas d’ailes

Comme le vieil oiseau bleu

Ils ne possèdent à eux deux

Que quelques pattes et deux queues


Laissez les oiseaux à leur mère

Laissez les ruisseaux dans leur lit

Laissez les étoiles de mer

Sortir si ça leur plaît la nuit

Laissez les éléphants ne pas apprendre à lire

Laissez les hirondelles aller et revenir

Jacques Prévert

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Être ange

Être ange

C'est étrange

Dit l'ange

Être âne

C'est étrâne

Dit l'âne

Cela ne veut rien dire

Dit l'ange en haussant les ailes

Pourtant

Si étrange veut dire quelque chose

Étrâne est plus étrange qu'étrange

Dit l'âne

Étrange est

Dit l'ange en tapant des pieds

Étranger vous-même

Dit l'âne

Et il s'envole

Jacques Prévert

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Quartier libre

J'ai mis mon képi dans la cage

et je suis sorti avec l'oiseau sur la tête

Alors

on ne salue plus

a demandé le commandant

Non

a répondu l'oiseau

Ah bon

excusez-moi je croyais qu'on saluait

a dit le commandant

Vous êtes tout excusé tout le monde peut se tromper

a dit l'oiseau.

Jacques Prévert

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Les belles familles

Louis I
Louis II
Louis III
Louis IV
Louis V
Louis VI
Louis VII
Louis VIII
Louis IX
Louis X (dit le Hutin)
Louis XI
Louis XII
Louis XIII
Louis XIV
Louis XV
Louis XVI
Louis XVII
Louis XVIII

et plus personne plus rien...
qu'est-ce que c'est que ces gens-là
qui ne sont pas foutus
de compter jusqu'à vingt ?

Jacques Prévert ("Paroles" - Les Éditions du Point du Jour, 1946 et Gallimard, 1949)

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Voici un court texte expiatoire...


Mea culpa

C’est ma faute

C’est ma faute

C’est ma très grande faute d’orthographe

Voilà comment j’écris

Giraffe.

Jacques Prévert ("Histoires" - Éditions Gallimard, 1946 et 1963)

... texte auquel Prévert apporte un rectificatif (un codicille), un clin-d'oeil quelques années plus tard, dans un autre recueil.
Les élèves apprécieront  :

Sans faute (codicille)

J'ai eu tort d'avoir écrit cela autrefois

Je n'avais pas à me culpabiliser

Je n'avais fait aucune phaute d'ortographe

J'avais simplement écrit giraffe en anglais.

Jacques Prévert ("Choses et autres" - Gallimard, 1966 et 1972)


Jouer avec l'orthographe

Choisir des noms d'objets ou d'animaux, et imaginer une bonne raison de les orthographier différemment.
Exemple :
Éléphant s'écrira ailéphant, c’est plus léger pour voyager, ou bien éléfan s'il est supporter d'une équipe de rugby (on le verrait bien pilier de rugby), ou encore éléfaon en imaginant une petite histoire dans laquelle le bébé éléphant il serait recueilli par une biche (n'importe quoi, trouvez mieux !) ...
Il reste à construire une histoire à la manière peut-être d'un article de presse, ou d'un conte ("Il était une fois...").

Cet exercice se rapproche des mots-valise, décrits ailleurs dans la catégorie
Création poétiquePP_2009_-creation_fiches_SOMMAIRE.html
<< cliquer



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Raymond Queneau (1903-1976)


Raymond Queneau appartient au mouvement surréaliste, qu'il quittera (exclusion), comme beaucoup d'autres. Il est l'un des fondateurs du mouvement littéraire "Oulipo" (Ouvroir de Littérature Potentielle).

Il invente des règles d'écriture (remplacer par exemple chacun des mots d'un texte par le mot situé dans le dictionnaire 7 mots plus loin).

Auteur en particulier d' Exercices de style et de Zazie dans le Métro, il publie en 1961 l'ouvrage Cent Mille Milliards de Poèmes, qui permet par combinaisons de vers de composer une infinité (ou presque !) de sonnets  réguliers.

Il est élu à l'Académie Goncourt en 1951.



Un enfant a dit


Un enfant a dit

Je sais des poèmes

Un enfant a dit

Ch'sais des poasies*


Un enfant a dit

Mon cœur est plein d'elles

Un enfant a dit

Par cœur, ça suffit.


Un enfant a dit

Ils en savent des choses

Un enfant a dit

Et tout par écrit.


Si l'poète pouvait

S'enfuir à tire-d'ailes

Les enfants voudraient

Partir avec lui.


Raymond Queneau


Mot créé par Queneau. On trouve aussi poésies et poaisies.


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Cris de Paris


On n'entend plus guère le repasseur de couteaux

le réparateur de porcelaines le rempailleur de chaises

on n'entend plus guère que les radios qui bafouillent

des tourne-disques des transistors et des télés

ou bien encore le faible aye aye ouye ouye

que pousse un piéton écrasé


Raymond Queneau ("Courir les rues" - 1967, Gallimard poésie)


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L’espèce humaine


L’espèce humaine m’a donné

le droit d’être mortel

le devoir d’être civilisé

la conscience humaine

deux yeux qui d’ailleurs ne fonctionnent pas très bien

le nez au milieu du visage

deux pieds deux mains

le langage

l’espèce humaine m’a donné

mon père et ma mère

peut-être des frères on ne sait

des cousins à pelletées

et des arrière-grands-pères

l’espèce humaine m’a donné

ses trois facultés

le sentiment l’intelligence et la volonté

chaque chose de façon modérée

l’espèce humaine m’a donné

trente-deux dents un cœur un foie

d’autres viscères et dix doigts

l’espèce humaine m’a donné

de quoi être satisfait


Raymond Queneau ("L'Instant fatal" - 1948, Gallimard)


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Quelqu'un


Quand la chèvre sourit

quand l’arbre tombe

quand le crabe pince

quand l’herbe est sonore

plus d’une maison

plus d’une coquille

plus d’une caverne

plus d’un édredon

entendent là-bas

entendent tout près

entendent très peu

entendent très bien

quelqu’un qui passe et qui pourrait bien être

et qui pourrait bien être quelqu’un


Raymond Queneau ("L'Instant fatal" - 1948, Gallimard)


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Madeleine Riffaud

voir sa biographie et d’autres textes ici : 
COLLÈGE-LYCÉE <<PP15_-_COLLEGE-LYCEE_A_a_D.html





Cet ouvrage réunit les textes des recueils précédents avec 4 dessins originaux d`Abidine



On ne propose aux élèves que les 3 premières strophes du poème qui suit ...

Pour les petites classes, ça se justifie peut-être ...

Madeleine Riffaud l’a écrit en 1940 à l’âge de seize ans, et il annonce son engagement dans l’action moins de deux années plus tard sous le pseudonyme de Rainer (en référence au poète Rainer Maria Rilke).


Il ne faut donc pas réduire ce Cheval bleu à une image de conte de fées, Ce n’est pas un Cheval rouge (autre poème qui donne son titre au recueil) qui aurait adouci sa couleur de sang, il est du même combat.

Il ne prend tout son sens, avec ses «deux ailes acérées», qu’au terme du parcours.


Cheval bleu

J’avais un petit cheval bleu

Qui se promenait dans ma chambre

En liberté, crinière longue

Et des rayons sur ses sabots.


Il galopait sur le bureau,

Sur les bouquins de l’étagère.

Il galopait, tête levée

Sur la steppe blanche des draps.


Il vivait d’un reflet

S’endormait chaque nuit

Dans le creux de mes mains

Comme font les oiseaux.


Mais un soir qu'il dansait, léger

Sur les rayons verts de la lune

Deux ailes acérées

S'ouvrirent dans son dos.


Il s'envola sans m'emporter

Mon cheval bleu aux ailes neuves

Par la fenêtre, sur le ciel.


Plus rien ne bougea dans la nuit

Où deux torrents grondaient tout bas,

Mousse d'argent sur le balcon.

Neige des draps, neige des monts.


Et mes deux mains écartelées.


(1940)


Madeleine Riffaud («Cheval rouge, poèmes 1969-1972» EFR, 1973)


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Nuit


Il fait noir

Acceptons la nuit,

Nuit :

Terre à étoiles.


Madeleine Riffaud ("On l'appelait Rainer : 1939-1945" - Éditions Julliard, 1994)


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Jean-Pierre Siméon est né en 1950. Il a publié aux Éditions Cheyne de nombreux recueils de poésies pour les enfants et les adolescents, donc qui s’adressent à tout le monde
Il est aussi l'auteur de pièces de théâtre.
Il est actuellement directeur du
"Printemps des poètes".


«On m'a souvent demandé : la poésie, à quoi ça sert ? avec l'air de dire, sourire en coin : Mon pauvre monsieur, ne vous donnez pas tant de mal, avec la télévision, le cinéma, le foot et le loto, on a bien ce qu'il nous faut ! Et je ne savais pas quoi répondre parce que la poésie pour moi a toujours été une chose naturelle comme l'eau du ruisseau. Mais j'ai beaucoup réfléchi, et aujourd'hui je sais : la poésie, c'est comme les lunettes. C'est pour mieux voir. Parce que nos yeux ne savent plus, ils sont fatigués, usés. Croyez-moi tous ces gens autour de vous, ils ont les yeux ouverts et pourtant petit à petit, sans s'en rendre compte, ils deviennent aveugles.

Il n'y a qu'une solution pour les sauver : la poésie. C'est le remède miracle : un poème et les yeux sont neufs. Comme ceux des enfants.»


Le mot


Je cherche un mot

vaste et chaud comme une chambre

sonore comme une harpe

dansant comme une robe

clair comme un avril


un mot que rien n'efface

comme une empreinte dans l'écorce

un mot que le mensonge ne séduit pas


un mot pour tout dire

la mort la vie

la peur le silence et la plainte

l'invisible et le doux

et les miracles de l'été


depuis si longtemps je cherche

mais j'ai confiance en vous :

il va naître de vos lèvres


Jean-Pierre Siméon ("La nuit respire» - éditions Cheyne, 1987)


  1. -- - - - - - - - - - - - - -

  2. -

Saisons


Si je dis

Les corbeaux font la ronde

Au dessus du silence

Tu me dis c’est l’hiver.

Si je dis

Les rivières se font blanches

En descendant chez nous

Tu me dis le printemps.


Si je dis

Les arbres ont poussé

Leurs millions de soleils

Tu me dis c’est l’été.


Si je dis

Les fontaines sont rousses

Et les chemins profonds

Tu me diras l’automne.


Mais si je dis

Le bonheur est à tous

Et tous sont heureux

Quelle saison diras-tu

Quelle saison des hommes ?


Jean-Pierre Siméon


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Devinettes


Qui décoiffe la mer

avec des mains qu'on ne voit pas ?


Qui roule sa chanson

dans la gorge des torrents ?


Qui n'est jamais si lourd

que quand un oiseau meurt ?


Le vent la pierre et le silence


Qui est ronde comme une joue et plus lourde que la peine ?

Qui habille le monde quand il se fait bien tard ?

Qui souffle chaque soir la bougie du soleil ?


La pierre le silence et le vent


Jean-Pierre Siméon



  1. -- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -


Philippe Soupault


Philippe Soupault (1897-1990) est un poète et romancier surréaliste. Il a appartenu au mouvement Dada (voir André Breton). Il est l'auteur avec André Breton du premeir grand texte surréaliste : Les Champs magnétiques, et tout comme Breton, il s'est éloigné du Mouvement surréaliste qu'il avait contribué à fonder.


En cadence


Tout est gâché


Tout est perdu

Tout est gagné

Tout est foutu

Tout est en tout

et tout et tout


Tout est à vous

Tout est à nous

Tout est à tous

Tout est à tout

Tout est en tout

et tout et tout


Philippe Soupault ("Poèmes et poésies" - Éditions Grasset, collection Les Cahiers rouges, 1987)


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Ah bien c'est du joli


Je vous l'avais bien dit Ah

C'est bien de votre faute Ah

Bien la peine de faire le malin Ah

Vous l'avez bien cherché Ah

Ça vous fera une belle jambe Ah

Vous voilà dans de beaux draps Ah

Maintenant vous êtes bien avancé Ah

Je vous fais bien mes compliments Ah

Vous parlez d'une belle réussite Ah

En effet voilà du beau travail Ah

Vous êtes un joli monsieur Ah

Il y a bien de quoi se vanter Ah

Vous avez fait un joli coup Ah

Et tout est bien qui finit bien Ah


Philippe Soupault ("Poèmes et poésies" - Éditions Grasset, collection Les Cahiers rouges, 1987)


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Pour la liberté


Laissez chanter

L’eau qui chante

Laissez courir

L’eau qui court

Laissez vivre

L’eau qui vit

L’eau qui bondit

L’eau qui jaillit

Laissez dormir

L’eau qui dort

Laissez mourir

L’eau qui meurt.


Philippe Soupault


  1. -- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

André Spire (1868-1966)


André Spire est un écrivain et poète français, militant sioniste (Wikipédia).
Ce texte figure également dans la
catégorie «COLLÈGE»  <ici


NE ...


Quand je valais quelque chose,

Digue ,digue ,digue ;

Quand je valais quelque chose,

Ne touche pas au feu ,

Me disait le grand oncle ;

N'ouvrez pas cette armoire ,

Me disait la servante ;

N'approche pas du puits,

Me disait la grande -mère ;

Ne marche pas si vite ,

Tu te mettras en nage ;

Ne cause pas en route,

Ne regarde pas en l'air ;

Ne regarde pas à droite,

Il y a la fleuriste ;

Ne regarde pas à gauche ,

Il y a le libraire ;

Ne passe pas la rivière ,

Ne monte pas la colline,

N'entre pas dans le bois.


Moi, j'ai pris mon chapeau

En éclatant de rire,

Mon manteau mon bâton

En chantant : digue, digue !

La rivière ,la colline,

Les grands bois ,digue digue,

Digue digue , les beaux yeux,

Et digue ,digue les livres !


André Spire


  1. -- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -


Jean Tardieu


Une biographie et des textes de Jean Tardieu sont ici sur le site planetelieucommun : JEAN TARDIEU < CLIC



Conseils donnés par une sorcière


(À voix basse, avec un air épouvanté, à l'oreille du lecteur)


Retenez vous de rire

dans le petit matin !


N'écoutez pas les arbres

qui gardent les chemins


Ne dites votre nom

à la terre endormie

qu'après minuit sonné


A la neige, à la pluie

ne tendez pas la main


N'ouvrez votre fenêtre

qu'aux petites planètes

que vous connaissez bien


Confidence pour confidence

vous qui venez me consulter,

méfiance, méfiance !

On ne sait pas ce qui peut arriver.


Jean Tardieu


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Boris Vian


Boris Vian (1920-1959) est un touche-à-tout de génie.

Diplômé de l'École centrale, il entre comme ingénieur à l'Afnor (Association française de normalisation !) où il sévira quand même quatre années, avant de devenir trompettiste, car il est passionné de musique et de "culture jazz" (il signe des critiques pour des revues spécialisées).

Il écrit parallèlement(1) des poésies et des textes de chansons, qu'il interprètera plus tard, des nouvelles et des romans.

Son oeuvre littéraire la plus connue est le roman L'Écume des jours paru en 1946. Il y en a d'autres, des romans, des nouvelles : L'automne à Pékin (où il n'est question ni de Pékin ni d'automne), L'arrache-coeur, L'Herbe rouge, Vercoquin et le Plancton ... (La présentation et l'étude dans les années 70, du roman L'arrache-coeur en collège ou lycée, a fait polémique).

Boris Vian a également publié des romans noirs sous le pseudonyme de Vernon Sullivan : J'irai cracher sur vos tombes, Et on tuera tous les affreux ... et des pièces de théâtre : L'Équarrissage pour tous, Le Goûter des généraux, Les Bâtisseurs d'empire ...

Il consacre la dernière partie de sa vie à son "métier" de chanteur, avec des titres comme J'suis snob, Je bois, On n'est pas là pour se faire engueuler, la java des bombes atomiques, Le déserteur ...

Ses chansons ont été aussi interprétées par Mouloudji, Serge Reggiani... Le déserteur a été interdite d'antenne.

En 1959, Il scénarise l'adaptation au cinéma de son roman J'irai cracher sur vos tombes et meurt d'une crise cardiaque pendant le visionnage, à l'âge de 39 ans.

(1) Lire la superbe biographie de Noël Arnaud :
Les vies parallèles de Boris Vian.


D’autres textes de Boris Vian plus difficiles ici : 

COLLÈGE-LYCÉE <<PP15_-_COLLEGE-LYCEE_A_a_D.html


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Le déserteur

Monsieur le Président

Je vous fais une lettre

Que vous lirez peut-être

Si vous avez le temps

Je viens de recevoir

Mes papiers militaires

Pour partir à la guerre

Avant mercredi soir

Monsieur le Président

Je ne veux pas la faire

Je ne suis pas sur terre

Pour tuer des pauvres gens

C'est pas pour vous fâcher

Il faut que je vous dise

Ma décision est prise

Je m'en vais déserter


Depuis que je suis né

J'ai vu mourir mon père

J'ai vu partir mes frères

Et pleurer mes enfants

Ma mère a tant souffert

Elle est dedans sa tombe

Et se moque des bombes

Et se moque des vers

Quand j'étais prisonnier

On m'a volé ma femme

On m'a volé mon âme

Et tout mon cher passé

Demain de bon matin

Je fermerai ma porte

Au nez des années mortes

J'irai sur les chemins


Je mendierai ma vie

Sur les routes de France

De Bretagne en Provence

Et je dirai aux gens:

Refusez d'obéir

Refusez de la faire

N'allez pas à la guerre

Refusez de partir

S'il faut donner son sang

Allez donner le vôtre

Vous êtes bon apôtre

Monsieur le Président

Si vous me poursuivez

Prévenez vos gendarmes

Que je n'aurai pas d'armes

Et qu'ils pourront tirer


Boris Vian


_ _ _ _ _ _ _


Je veux une vie en forme d'arête


Je veux une vie en forme d'arête

Sur une assiette bleue

Je veux une vie en forme de chose

Au fond d'un machin tout seul

Je veux une vie en forme de sable dans des mains

En forme de pain vert ou de cruche

En forme de savate molle

En forme de faridondaine

De ramoneur ou de lilas

De terre pleine de cailloux

De coiffeur sauvage ou d'édredon fou

Je veux une vie en forme de toi

Et je l'ai, mais ça ne me suffit pas encore

Je ne suis jamais content


Boris Vian

_ _ _ _ _ _ _



L'évadé


Il a dévalé la colline

Ses pieds faisaient rouler des pierres

Là-haut, entre les quatre murs

La sirène chantait sans joie


Il respirait l'odeur des arbres

De tout son corps comme une forge

La lumière l'accompagnait

Et lui faisait danser son ombre


Pourvu qu'ils me laissent le temps

Il sautait à travers les herbes

Il a cueilli deux feuilles jaunes

Gorgées de sève et de soleil


Les canons d'acier bleu crachaient

De courtes flammes de feu sec

Pourvu qu'ils me laissent le temps

Il est arrivé près de l'eau


Il y a plongé son visage

Il riait de joie, il a bu

Pourvu qu'ils me laissent le temps

Il s'est relevé pour sauter


Pourvu qu'ils me laissent le temps

Une abeille de cuivre chaud

L'a foudroyé sur l'autre rive

Le sang et l'eau se sont mêlés


Il avait eu le temps de voir

Le temps de boire à ce ruisseau

Le temps de porter à sa bouche

Deux feuilles gorgées de soleil


Le temps de rire aux assassins

Le temps d'atteindre l'autre rive

Le temps de courir vers la femme


Il avait eu le temps de vivre.


Boris Vian (Chansons - édit Christian Bourgois)



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Paul Vincensini


Une biographie et des textes de Paul Vincensini sont ici sur le site planetelieucommun : PAUL VINCENSINI < CLIC


Moi j'ai toujours peur du vent


Me voici

Mes poches

Bourrées de cailloux

Pour rester avec vous

Ne pas m'envoler dans les arbres


Paul Vincensini

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Moi dans l'arbre


T'es fou !

Tire pas !


C'est pas des corbeaux,

C'est mes souliers !


Je dors parfois dans les arbres.


Paul Vincensini


 


  1. COLONNE GAUCHE

  2. Luc Bérimont

  3. Alain Bosquet

  4. Alain Boudet

  5. Maurice Carême

  6. Chantal Couliou

  7. Robert Desnos

  8. Jean-Pierre Develle

  9. David Dumortier

  10. Paul Éluard

  11. Jean Follain (lien vers la page École de Rochefort)

  12. Maurice Fombeure (lien vers la page École de Rochefort)

  13. Paul Fort

  14. Anne Froissard

  15. Guillevic (lien vers la page du site consacrée à Gullevic)

  16. Monique Hion

  17. Patrick Joquel

  18. Jean Joubert

  19. Alphonse de Lamartine

  20. Jean L'Anselme

  21. COLONNE DROITE

  22. Carl Norac

  23. René de Obaldia

  24. Gisèle Prassinos

  25. Jacques Prévert

  26. Raymond Queneau

  27. Madeleine Riffaud

  28. Jean-Pierre Siméon

  29. Philippe Soupault

  30. Jean Tardieu

  31. Boris Vian

  32. Paul Vincensini

Les textes proposés dans cette page sont destinés aux élèves du Primaire
On peut aussi en proposer certains en élémentaire
(voir aussi pour ce niveau les deux pages COLLÈGE et LYCÉE).
lieucommun interprète librement et à sa manière le thème de l’insurrection poétique :

Textes s’écartant par la forme ou/et le fond des critères poétiques habituellement attendus ;
textes de révolte, de revendication, ou encore existentiels, sur l’état même de poète, d’homme, d’être (et d’objet, pourquoi pas) et le rapport au monde.

Ainsi se recoupent  par exemple les thèmes de révolte, de liberté, rejoignant d’autres Printemps des Poètes («éloge de l’autre»)

Une grande partie de ces textes sont importés d’autres pages du site, où on en trouvera d’autres autour du thème 2015.
Ils sont accessibles en cliquant ici :

Printemps des Poètes : HUMOUR
et du blog lieucommun :
Printemps des Poètes : L’AUTRE

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"Laissez chanter
L'eau qui chante"
Philippe Soupault
Printemps des Poètes 2015
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Printemps des Poètes 2015 en français 
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Printemps des Poètes 2015 en français 
CLIC vers la page CHANSONS  <<PP15_-_CHANSONS.html
Printemps des Poètes 2014 en français 
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de LUC BÉRIMONT  <<auteurs_-_Luc_Berimont.html
et toujours pour la classe : 
RESSOURCES CRÉATION POÉTIQUE
avec pour exemples les textes du PRINTEMPS DES POÈTES 2009PP_2009_-creation_fiches_SOMMAIRE.html

Printemps des Poètes 2015
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