Printemps des Poètes 2015 - L’insurrection poétique
GS de maternelle et élémentaire
Printemps des Poètes 2015 - L’insurrection poétique
GS de maternelle et élémentaire
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J'ai geigné la pirafe
J'ai cattu la bampagne
J'ai pordu la moussière
J'ai tarcouru la perre
J'ai mourru les contagnes
J'ai esité l'Vispagne
Barcouru la Pretagne
J'ai lo mon vieux vépris
Je suis allit au lé
J'égué bien fatitais
Luc Bérimont ("L'esprit d'enfance" - Enfance heureuse, Éditions Ouvrières et éditions de l'Atelier, 1980)
Idées de création poétique inspirées du poème :
Il ne s'agit pas dans le texte ci-dessus, de contrepéteries à proprement parler puisque, sauf exception, les échanges de consonnes ou de voyelles ne créent pas de sens lisible, mais plutôt d'un jeu de prononciation.
Voyez ici deux exemples de productions :
http://www.ac-nancy-metz.fr/petitspoetes/HTML/SALLESDEJEUX/JEUALAMANIERE/JEUALAMALETTR.html
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Alain Bosquet
Anatole Bisk (1919-1998) a pris Alain Bosquet comme nom d'auteur. C'est un écrivain et poète français d'origine russe.
Passage d’un poète
Le poète est passé : un remous dans l'argile
se dresse en monument,
avec soudain le bras qui se profile,
la lèvre et l'oeil aimants.
Le poète est passé : le ruisseau qui hésite,
devient fleuve royal ;
il n'a plus de repos ni de limites :
il ressemble au cheval.
Le poète est passé ; au milieu du silence
s'organise un concert,
comme un lilas ; une pensée se pense,
le monde s'est ouvert.
Le poète est passé ; un océan consume
ses bateaux endormis.
La plage est d'or et tous les ors s'allument
pour s'offrir aux amis.
Le poète est passé : il n'est plus de délire
qui ne soit œuvre d'art.
Le vieux corbeau devient un oiseau-lyre.
Il n'est jamais trop tard
pour vivre quinze fois : si le poète hirsute
repasse avant l'été,
consultez-le car de chaque minute
il fait l'éternité.
Alain Bosquet ("Un jour après la vie" - éditions Gallimard, 1984)
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Raconte-moi le passé
- Raconte-moi le passé.
- Il est trop vaste.
- Raconte-moi le XXe siècle.
- Il y eut des luttes sanglantes,
puis Lénine,
puis l’espoir,
puis d’autres luttes sanglantes.
- Raconte-moi le temps.
- Il est trop vieux.
- Raconte-moi mon temps à moi.
- Il y eut Hitler,
il y eut Hiroshima.
- Raconte-moi le présent.
- Il y a toi,
et encore toi,
et le bonheur qui ressemble
au soleil sur les hommes.
- Raconte-moi...
- Non, mon enfant,
c’est toi qui dois me raconter
l’avenir.
Alain Bosquet
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Un enfant m’a dit
Un enfant m’a dit :
"La pierre est une grenouille endormie."
Un autre enfant m’a dit :
"Le ciel, c’est de la soie fragile."
Un troisième enfant m’a dit :
"L’océan, quand on lui fait peur, il crie."
Je ne dis rien, je souris.
Le rêve de l’enfant, c’est une loi.
Et puis, je sais que la pierre,
Vraiment, est une grenouille,
Mais au lieu de dormir
Elle me regarde.
Alain Bosquet ("Le cheval applaudit" - Enfance heureuse, éditions Ouvrières, 1977)
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La trompe de l'éléphant
La trompe de l'éléphant,
c'est pour ramasser les pistaches :
pas besoin de se baisser.
Le cou de la girafe,
c'est pour brouter les astres :
pas besoin de voler.
La peau du caméléon,
verte, bleue, mauve, blanche,
selon sa volonté,
c'est pour se cacher des animaux voraces :
pas besoin de fuir.
La carapace de la tortue,
c'est pour dormir à l'intérieur,
même l'hiver :
pas besoin de maison.
Le poème du poète,
c'est pour dire tout cela
et mille et mille et mille autres choses :
pas besoin de comprendre.
Alain Bosquet ("Le cheval applaudit" - Enfance heureuse, éditions Ouvrières, 1977)
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Le cheval chante
Le cheval chante.
Le hibou miaule.
L'âne gazouille.
Le ruisseau hennit.
- C'est bien, mon enfant : joue avec les mots.
- Le triangle est rond.
La neige est chaude.
Le soleil est bleu.
La maison voyage.
- Tu as de la chance :
les mots sont amicaux
et généreux.
- Le poisson plane.
La baleine court.
La fourchette a des oreilles.
Le train se gratte.
- Je t'avais prévenu :
maintenant les mots te mordent.
Alain Bosquet
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Alain Boudet
Alain Boudet est né en 1950. Il exerce le métier de documentaliste, il publie (éditions Donner à Voir) et anime des rencontres de poésie (Les Amis des Printemps des poètes) et a comme auteur publié une vingtaine de recueils de poésie, des textes de chansons pour des auteurs compositeurs-interprètes, etc
voir son site ici : http://amb.boudet.perso.sfr.fr/alain_boudet.htm .
Pas de titre pour ces textes :
La haie brouillonne
ses cris d'oiseaux
Le ciel vibre de graffitis sonores
gazouillis grouillant
de notes arabesques
Voici que s'éveillent
multiples
nos forêts d'enfance.
Alain Boudet ("Au cœur, le poème" - La Vague à l’âme, 1995)
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Le texte qui suit a été choisi parmi d’autres auteurs pour «L’Insurrection poétique» par le site officiel du Printemps des Poètes :
http://www.printempsdespoetes.com
Écouter les ombres !
Écouter les herbes !
Écouter les arbres !
Écouter les hommes!
Pour que ce qui croît !
et que ce qui crie !
s’écrive
* ce qui croît = ce qui pousse, grandit
Alain Boudet ("Au cœur, le poème" - La Vague à l’âme, 1995)
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Elle souffle sur la lune
et fait tomber le ciel
dans la buée du soir.
Et quand la lune éclate
on voit soudain filer le rire des étoiles.
Alain Boudet ("Poèmes pour sourigoler" - Blanc Silex, 1999)
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J'ai crabouillé mes pieds
J'ai cramoné mes mains
J'ai crapulé mes yeux
J'ai craboté mon nez
J'ai crapoussé mes joues
J'ai cralouché ma bouche.
J'ai cradoqué mes dents
Mon petit crapounet
je suis crafatigué !
Alain Boudet ("Poèmes pour sourigoler" - Blanc Silex, réédition 2001)
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Maurice Carême (1899-1978)
Maurice Carême, instituteur belge (1899-1978) est présent dans chaque cahier de poésie des élèves de France et de Navarre (et de Belgique bien entendu !), et ses textes se baladent un peu partout sur le blog et le site. Explorez les catégories !
Fantaisie
L'homme habitait un quart de pomme ;
La femme, un huitième de poire.
Leur vieille cousine Opportune
Vaquait dans une demi-prune.
Il y avait monsieur Léon
Qui débordait d'un gros citron
Et sa soeur, madame Émérence,
Qui emplissait toute une orange.
Quant à moi, chétive fillette,
Je tenais dans une noisette
Et, comme je n'étais pas grosse,
Il arrivait, les jours de fête,
Que je m'y déplace en carrosse.
Maurice Carême
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L’ogre
J’ai mangé un œuf
Deux langues de bœuf
Trois rôtis de mouton
Quatre gros jambons
Cinq rognons de veau
Six couples d’oiseaux
Sept immenses tartes
Huit filets de carpe
Neuf kilos de pain
Et j’ai encore faim
Peut-être ce soir
Vais-je encore devoir
Manger mes deux mains
Pour avoir enfin
Le ventre bien plein.
Maurice Carême ("L'Arlequin" - éditions Fernand Nathan, 1970)
Voir aussi les comptines numériques plus bas.
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Ce qui est comique
Savez-vous ce qui est comique ?
Une oie qui joue de la musique,
Un pou qui parle du Mexique,
Un bœuf retournant l'as de pique,
Un clown qui n'est pas dans un cirque,
Un âne chantant un cantique,
Un loir champion olympique.
Mais ce qui est le plus comique,
C'est d'entendre un petit moustique
Répéter son arithmétique.
Maurice Carême
✴Imaginer encore (les rimes en ique sont nombreuses), ce qui peut être comique.
✴Construire d'autres poèmes avec ce qui est amusant (rimes simples encore plus nombreuses) ; ce qui est drôle, et puis toujours avec humour, ce qui est agaçant, énervant, insupportable, étonnant, possible ou impossible, incroyable, inadmissible, etc.
✴Ici encore on pourrait imaginer un genre de Cadavre exquis (voir André Breton plus haut) en deux étapes pour les vers du poème (dans l'exemple, la séparation est indiquée par / ), en respectant la rime dans la seconde partie du vers (avec les élèves plus grands on peut même décider du nombre de syllabes de chaque partie). On gardera le maximum de productions correctes en réorganisant peut-être le poème et on imaginera collectivement la chute, si chute il y a ("Mais ce qui est le plus agaçant... c'est ...")
✴ex : Ici, avec "Ce qui est agaçant", on a essayé d'imaginer, sans savoir quel serait le sujet, des situations en rapport avec le thème. Dans la consigne, si on ne décide pas du singulier ou du pluriel (ça laisse plus de champ), on accordera grammaticalement lors de la mise au point, dans chaque doublette de Cadavre exquis ou en grand groupe :
Un kangourou / qui vous fait perdre votre temps
Une tortue / qui ne se lave pas les dents
Une fleur fanée / qui prend son bain en chantant ...
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L'heure du crime
Minuit. Voici l'heure du crime.
Sortant d'une chambre voisine,
Un homme surgit dans le noir.
Il ôte ses souliers,
S'approche de l'armoire
Sur la pointe des pieds
Et saisit un couteau
Dont l'acier luit, bien aiguisé.
Puis, masquant ses yeux de fouine
Avec un pan de son manteau,
Il pénètre dans la cuisine
Et, d'un seul coup, comme un bourreau
Avant que ne crie la victime,
Ouvre le cœur d'un artichaut.
Maurice Carême ("Au clair de la lune" - éditions Hachette, Le Livre de Poche jeunesse, 2003)
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Georges-Emmanuel Clancier
voir la page
des Poètes de l'École de Rochefort < ICI
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Chantal Couliou
Caresses
Le vieux marronnier
N'aime
Ni les vacances
Ni les jours fériés
Il préfère
Les caresses
Des petites mains d'écoliers.
Chantal Couliou
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Luc Decaunes
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Robert Desnos
Le zèbre
Le zèbre,
cheval des ténèbres
Lève le pied, ferme les yeux,
Et fait résonner ses vertèbres
En hennissant d'un air joyeux.
Au clair soleil de Barbarie,
Il sort alors de l'écurie
Et va brouter dans la prairie
Les herbes de sorcellerie.
Mais la prison sur son pelage,
A laissé l'ombre du grillage.
Robert Desnos
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Jean-Pierre Develle (contemporain)
Jean-Pierre Develle est un auteur contemporain. Ce texte a été trouvé dans le recueil du Concours de poésie de la RATP référencé plus bas :
Qu’est-ce qui ne va pas sur la terre ?
C’est le chat, dit la souris
C’est le lion, dit la gazelle
C’est le loup, dit l’agneau
C’est l’homme, dit l’homme
Jean-Pierre Develle ("Des rimes et des rames" - recueil de textes du concours Concours de poésie dans le métro 2002-2003, éditions de la Voûte)
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David Dumortier
David Dumortier, poète et écrivain français est né en 1967. Il intervient régulièrement en milieu scolaire Il a publié de nombreux ouvrages (en 2014 : La pluie est amoureuse du ruisseau, aux éditions Rue du Monde). Il est l'auteur d'un «spectacle portatif de poche», Music-hall Poésie, dans lequel il mêle poésie, objets détournés et magie. (d’après source Wikipédia).
David Dumortier est souvent iconoclaste, très attaché aux réalités concrètes avec en arrière plan un point de vue politique engagé.
(présentation sur le site du printemps des Poètes 2015)
Les trois textes qui suivent ont été choisis parmi d’autres auteurs pour «L’Insurrection poétique» par le site officiel du Printemps des Poètes :
http://www.printempsdespoetes.com
Poème de campagne I
Un renard sort des brandes
Un poulet dans la gueule
Un geai a rassemblé ses couleurs
Et s’enfuit dans une palisse
Une ramasseuse de cagouille
Fouine derrière la pluie,
L’ancien pays revient parfois
Au fond de nous-mêmes
Quand nous nous sentons
Chassés par les autres
Quand nous nous sentons
Renard, fouineuse, geai,
Hérisson ou couleuvre
Acculé à vivre
Le long des chemins nus
Et à s’habiller d’un buisson
Au moindre bruit.
Poème de campagne II
Mon pays était une roulotte
Il suffisait
De regarder le ciel
Pour voir que nous avancions lentement.
Habiter une roulotte
C’est vivre au grand air
Et mon pays était dehors
Comme tous les pays dorment aussi dehors.
C’est ce froid dans les mots
Qui donne aux enfants
L’envie de partir
En choisissant un jour sans neige
Pour qu’on ne les suive pas.
Poème de campagne III
Si un soir,
Non
Si tous les soirs
Vous sentez que votre visage
A été souillé par du purin
Que votre main
N’a pas serré un seul bonjour
Que votre sourire
N’a pas fleuri
Dans un autre sourire
Dites-vous
Que vous avez trop cherché
L’amitié du jour,
L’amitié des chiens domestiques
Ou l’amitié des champs de maïs.
La nuit distribue ses lits
Le vôtre est au clair de lune
Avec les renards bleus
Et les chats sauvages
Griffez, chassez, copulez
Et ne rodez pas autour des fermes
Le piège pourrait se refermer
Derrière vous
Et ce serait pire
Que le purin, les bonjours et les sourires.
Voir ici pour la création poétique un autre texte de David Dumortier :
http://www.planetelieucommun.fr/http___www.planetelieucommun.fr/PP_2009_-_humour_-_creation_PQR.html
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Paul Éluard (1895-1952) est l'un des plus importants poètes du Surréalisme. Il a aussi participé au mouvement Dada.
On se reportera pour une biographie détaillée à ce lien Wikipédia
Ces deux textes de l’auteur, avec la proposition de création poétique pour Dans Paris, sont un copié-collé de la catégorie Printemps des Poètes 2009, humour, à retrouver intégralement ici :
Sur la maison du rire
Sur la maison du rire
Un oiseau rit dans ses ailes,
Le monde est si léger
Qu'il n'est plus à sa place
Et si gai
Qu'il ne lui manque rien.
Paul Éluard
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Dans Paris
Dans Paris il y a une rue;
Dans cette rue il y a une maison;
Dans cette maison il y a un escalier;
Dans cet escalier il y a une chambre;
Dans cette chambre il y a une table;
Sur cette table il y a un tapis;
Sur ce tapis il y a une cage;
Dans cette cage il y a un nid;
Dans ce nid il y a un œuf,
Dans cet œuf il y a un oiseau.
L'oiseau renversa l'œuf;
L'œuf renversa le nid;
Le nid renversa la cage;
La cage renversa le tapis;
Le tapis renversa la table;
La table renversa la chambre;
La chambre renversa l'escalier;
L'escalier renversa la maison;
La maison renversa la rue;
La rue renversa la ville de Paris.
Paul Éluard (livre "Dans Paris, il y a ..." Didier Jeunesse, 1998 et Rue du Monde, Collection Petits Géants, 2001)
À la manière de "dans Paris il y a ...", le poème-gigogne :
À la manière de Paul Éluard, on construira un poème avec un enchaînement d'éléments, d'événements, à la manière d'emboîtements de poupées gigognes. Voyez ici des exemples de création poétique sur ce modèle : http://ecperchl.edres74.ac-grenoble.fr/spip.php?article28
Mais on privilégiera, pour le thème de l'humour, les situations les plus bizarres. On pourait imaginer par exemple ce genre de comptine en boucle (voir Marabout, bout d'ficelle dans le paragraphe des Jeux):
Dans ma maison il y a ma chambre / dans ma chambre il y a une armoire / dans cette armoire il y a un arbre / dans cet arbre il y a une maison / Dans cette maison il y a ma chambre ...
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Pour vivre ici
Je fis un feu, l'azur m'ayant abandonné,
Un feu pour être son ami,
Un feu pour m'introduire dans la nuit d'hiver,
Un feu pour vivre mieux.
Je lui donnai ce que le jour m'avait donné:
Les forêts, les buissons, les champs de blé, les vignes,
Les nids et leurs oiseaux, les maisons et leurs clés,
Les insectes, les fleurs, les fourrures, les fêtes.
Je vécus au seul bruit des flammes crépitantes,
Au seul parfum de leur chaleur;
J'étais comme un bateau coulant dans l'eau fermée,
Comme un mort je n'avais qu'un unique élément.
Paul Éluard (Le Livre ouvert, 1940)
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Jean Follain
voir la page
des Poètes de l'École de Rochefort < ICI
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Maurice Fombeure
est également sur la page
des Poètes de l'École de Rochefort < ICI
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Paul Fort (1872-1960)
Les Ballades françaises de Paul Fort sont éditées à partir de 1894, et jusqu'en 1958. Particularités : c'est sous ce seul titre qu'il continue à publier ensuite ses poèmes, aux vers disposés comme de la prose, et dont les textes occupent 40 tomes !
Le thème du poème suivant a inspiré une chanson (intitulée "Si tous les gars du monde"). D'autres poèmes de Paul Fort, souvent très connus, se promènent sur le blog (Le petit cheval, Le bonheur est dans le pré, La mer, La marine ...)
Georges Brassens a mis en musique (catégorie BRASSENS chante les poètes) Le petit cheval (titré La complainte du petit cheval blanc) et La marine.
Le bonheur
Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite, cours-y vite.
Le bonheur est dans le pré, cours-y vite. Il va filer.
Si tu veux le rattraper, cours-y vite, cours-y vite.
Si tu veux le rattraper, cours-y vite. Il va filer.
Dans l'ache et le serpolet, cours-y vite, cours-y vite,
dans l'ache et le serpolet, cours-y vite. Il va filer.
Sur les cornes du bélier, cours-y vite, cours-y vite,
sur les cornes du bélier, cours-y vite. Il va filer.
Sur le flot du sourcelet, cours-y vite, cours-y vite,
sur le flot du sourcelet, cours-y vite. Il va filer.
De pommier en cerisier, cours-y vite, cours-y vite,
de pommier en cerisier, cours-y vite. Il va filer.
Saute par-dessus la haie, cours-y vite, cours-y vite,
saute par-dessus la haie, cours-y vite. Il a filé !
Paul Fort (1872-1960 "Ballades françaises")
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La ronde autour du monde
Si toutes les filles du monde voulaient s'donner la main,
Tout autour de la mer elles pourraient faire une ronde.
Si tous les gars du monde voulaient bien êtr' marins,
Ils f'raient avec leurs barques un joli pont sur l'onde.
Alors on pourrait faire une ronde autour du monde,
Si tous les gens du monde voulaient s'donner la main.
Paul Fort (Ballades françaises T1 - 1897 - Flammarion)
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Anne Froissard
Anne Froissart a travaillé dans les domaines de l’éducation et de la littérature enfantine ; elle est bien connue pour son disque « Les Choses ont des pattes », (Nathan 1988).
Elle collabore avec la Compagnie La Petite Porte comme auteur du concept et des textes, comme pédagogue et metteur en scène.»
source : http://lapetiteporte.fr/association-equipe.html
On pardonnera à Anne Froissart, compte tenu de son parti pris humoristique au second degré et poétique, sa sévérité pour le grand âge (mais les autres époques féminines ne sont-elles pas également caricaturées ?), et son misogynisme feint, puisqu’elle est une femme.
N’est-ce pas plutôt ici une rébellion contre les idées reçues ?
La bavarde
Ell'gigote
Ell'zozote
Babille babillant
Elle a trois ans.
Ell'papote
Ell'parlote
Jacasse jacassant
Elle a treize ans.
Ell'jabote
Ell'marmotte
Bavarde bavardant
Elle a trente ans.
Ell'radote
Ell'tricote
Bredouille bredouillant
Elle a cent ans.
Anne Froissard
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Pierre et Ilse Garnier
voir la page
des Poètes de l'École de Rochefort < ICI
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Robert Gélis (né en 1938)
Robert Gélis, romancier et poète pour la jeunesse, a publié des recueils de poésies (Poèmes à tu et à toi, En faisant des galipoètes...) et des contes (Histoires et contes du loup-phoque...) d'humour et d'humanité. On le retrouvera dans les poésies C2 pour la classe (Mon stylo) et dans la catégorie Printemps des Poètes 2008, l'Autre (texte titré : L'autre, Visite).
... "L'Important, c'est d'accrocher des rires
Aux branches sèches de la vie …"
Robert Gélis (extrait du poème "L'Important" à lire plus bas)
Visite
Par une belle nuit d'hiver,
Trois petits hommes verts
Sont arrivés dans leur soucoupe.
Ils ont fait trois fois le tour de la Terre
Dans le temps d'un éclair,
Et puis ont atterri
Au beau milieu d'une prairie.
Ils ont fait trois fois le tour du pré,
Pour s'habituer à respirer
Et puis ont avancé
Vers le village d'à-côté.
Ils ont fait trois fois le tour de l'église,
Pour une fusée l'ont prise,
Et puis ont réveillé
Les habitants qui dormaient.
Ils ont fait trois fois le tour des humains
Qui claquaient des dents, tremblaient des mains,
Et puis se sont adressés au maire
Tantôt en prose, tantôt en vers.
Ils ont répété trois fois qu'ils ne font que revenir
Sur cette terre, d'où ils partirent,
Il n'y a pas si longtemps,
A peine cent mille ans.
Ils ont redit trois fois qu'il y a dans l'univers
Des milliers de planètes sans haine et sans guerre,
Des mondes heureux et libres
Où il fait très bon vivre,
Et que les gens de par ici
Sont vraiment leur seul souci.
Et les gens du village,
Glacés, troublés, perdus,
Sont alors devenus
Les premiers hommes sages.
Robert Gélis ("Poèmes à tu et à toi")
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Rencontre
Madame la pianiste,
Dans les rues plutôt tristes,
Promenait ses mélodies,
Comme chaque lundi …
Et monsieur le poète,
Des rêves plein la tête,
Tenait en laisse, lui,
Des poèmes gentils…
Ils se sont rencontrés
Et, quelques mois après,
En plein temps des moissons,
Sont nées… trente-six chansons !
Robert Gélis ("En faisant des galipoètes" - Anthologie de Poche - Éditions Magnard, 1983)
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L'Important
- C'est quoi, l'Important ?
- L'Important, c'est d'accrocher des rires
Aux branches sèches de la vie …
- C'est quoi, la Vie ?
- La Vie, c'est chercher son étoile
Dans le fouillis du ciel …
- C'est quoi, le Ciel ?
- Le Ciel, c'est ce qu'on ne peut voir
Qu'en fermant les yeux …
- C'est quoi, les Yeux ?
- Les Yeux, ce sont des forges vives
où s'embrasent les rêves …
- C'est quoi, les Rêves ?
- Les Rêves ….
C'est ce qui est important …
Robert Gélis ("En faisant des galipoètes" - Anthologie de Poche - Éditions Magnard, 1983)
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Eh ! Oui
Ils ont coupé
Le vieux pommier
Roi du verger
Et en tronçons l'ont débité
De ces morceaux ont fabriqué
Une échelle pour monter
Cueillir des pommes du pommier
Ont été bien déçus
Car de pommier... il n'y en a plus.
Robert Gélis
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Guillevic (1907-1997)
l’ensemble des textes choisis de Guillevic est ici sur le site planetelieucommun : GUILLEVIC (clic)
"La terre
est mon bonheur"
Guillevic
Eugène(1) Guillevic (1907-1997) a traversé le XXe siècle et ses courants littéraires de sa poésie rocailleuse et si humaine. Il observe le surréalisme (André Breton, Paul Éluard) sans y appartenir(2).
Proche en 1941, de l'École de Rochefort, créée pendant l'occupation comme une forme de résistance et de liberté contre les normes de la poésie "officielle", avec un groupe d'amis dont le poète René-Guy Cadou, il participe à la presse clandestine de la Résistance aux côtés de Paul Éluard et de Pierre Seghers, et adhère au Parti Communiste.
On trouvera sur le site du Printemps des Poètes, ici, sa biographie et sa bibliographie complètes.
Voici les textes peut-être les plus abordables à l’école élémentaire.
On trouvera un choix de textes de Guillevic plus difficiles pour le Collège et le Lycée ici sur le site planetelieucommun :
Douceur
Je dis : douceur.
Je dis : douceur des mots
Quand tu rentres le soir du travail harassant
Et que des mots t'accueillent
Qui te donnent du temps.
Car on tue dans le monde
Et tout massacre nous vieillit.
Je dis : douceur,
Pensant aussi
À des feuilles en voie de sortir du bourgeon,
À des cieux, à de l'eau dans les journées d'été,
À des poignées de main.
Je dis : douceur, pensant aux heures d'amitié,
À des moments qui disent
Le temps de la douceur venant pour tout de bon,
Cet air tout neuf,
Qui pour durer s'installera.
Guillevic ("Terre à bonheur" - éditions Seghers, 1952, puis dans la collection Poésie d’abord, 2004)
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Lumière
Ce n'est pas vrai que tout amour décline,
Ce n'est pas vrai qu'il nous donne au malheur,
Ce n'est pas vrai qu'il nous mène au regret,
Quand nous voyons à deux la rue vers l'avenir.
Ce n'est pas vrai que tout amour dérive,
Quand les forces qui montent ont besoin de nos forces.
Ce n'est pas vrai que tout amour pourrit,
Quand nous mettons à deux notre force à l'attaque.
Ce n'est pas vrai que tout amour s'effrite,
Quand le plus grand combat va donner la victoire.
Ce n'est pas vrai du tout,
Ce qu'on dit de l'amour,
Quand la même colère a pris les deux qui s'aiment,
Quand ils font de leurs jours avec les jours de tous
Un amour et sa joie.
Guillevic ("Gagner" - Gallimard, 1949)
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Imaginons
Le temps que met l’eau à couler de ta main
Le temps que met le coq à crier le soleil
Le temps que l’araignée dévore un peu la mouche
Le temps que la rafale arrache quelques tentes
Le temps de ramener près de moi tes genoux
Le temps pour nos regards de se dire d’amour
Imaginons ce qu’on fera de tout ce temps.
Guillevic (extrait de "Avec" - éditions Gallimard, 1966)
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Imagine
Imagine un oiseau,
Merle ou geai ou mésange,
Qui tiendrait dans son bec
Et ce serait pour toi,
Tendrait vers toi
Myrtille ou mûre
Ou quelque chose.
Guillevic (extrait de "Avec" - éditions Gallimard, 1966)
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Suppose
Suppose
Que je vienne et te verse
Un peu d’eau dans la main
Et que je te demande
De la laisser couler
Goutte à goutte
Dans ma bouche.
Suppose
Que ce soit le rocher
Qui frappe à notre porte
Et que je te demande
De le laisser entrer
Si c’est pour nous conter
Le temps d’avant le temps.
Suppose
Que le vol d’un oiseau
Nous invite au voyage
Et que je te demande
De nous blottir en lui
Pour avec lui voler
A travers la pénombre.
Suppose
Que s’ouvrent sous nos yeux
Tous les toits de la ville
Et que je te demande
De choisir la maison
Où, le toit refermé,
Tu aimeras la nuit.
Suppose
Que la mer ait envie
De nous voir de plus près
Et que je te demande
D’aller lui répéter
Que nous ne pouvons pas
L’empêcher d’être seule.
Suppose
Que le soleil couchant
S’en aille satisfait
Et que je te demande
D’aller lui réclamer
Ce qu’il doit nous payer
Pour sa journée de gloire.
Guillevic (extrait du poème "Bergeries", dans le recueil "Autres" - 1980)
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J'ai vu le menuisier
J'ai vu le menuisier
Tirer parti du bois.
J'ai vu le menuisier
Comparer plusieurs planches.
J'ai vu le menuisier
Caresser la plus belle.
J'ai vu le menuisier
Approcher le rabot.
J'ai vu le menuisier
Donner la juste forme.
Tu chantais, menuisier,
En assemblant l'armoire.
Je garde ton image
Avec l'odeur du bois.
Moi, j'assemble des mots
Et c'est un peu pareil.
Guillevic ("Terre à bonheur" - éditions Seghers, 1952, puis dans la collection Poésie d’abord, 2004)
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Le vent
(ce passage est extrait d' "Amulettes" (voir un autre texte pour le collège)
Ce n’était pas
Une aile d’oiseau.
C’était une feuille
Qui battait au vent.
Seulement
Il n’y avait pas de vent.
Guillevic ("Exécutoire" - 1947)
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La pomme (titre proposé)
Dans l'arbre privé de fruits et de feuilles
Qui déjà se lasse
Des rameaux jouant pour ne pas trop voir
Le soleil couchant
Une pomme est restée
Au milieu des branches.
Et rouge à crier
Crie au bord du temps.
Guillevic ("Carnac" - éditions Gallimard, 1961)
Le soleil (titre proposé)
Le soleil jamais
Ailleurs qu'en lui-même
Ne verra la nuit
Puisque ce noir qu'il jette
Caille en lumière
Autour de lui.
Guillevic ("Sphère" - éditions Gallimard, 1963)
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Chanson
Pas par le plafond,
Pas par le plancher
Petit enfant sage,
Tu ne partiras.
Pas brisant les murs
Ou les traversant,
Pas par la croisée,
Tu ne partiras.
Par la porte close,
Par la porte ouverte,
Petit enfant sage,
Tu ne partiras.
Ni brûlant le ciel,
Ni tâtant la route,
Ni moquant la lande,
Tu ne partiras.
Ce n'est qu'en passant,
A travers les jours,
C'est à travers toi
Que tu partiras.
Guillevic ("Sphère" - éditions Gallimard, 1963)
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La plaine, les vallons plus loin ...
La plaine, les vallons plus loin,
Les bois, les fleurs des champs,
Les chemins, les villages,
Les blés, les betteraves,
Le chant du merle et du coucou,
L'air chaud, les herbes, les tracteurs,
Les ramiers sur un bois,
Les perdrix, la luzerne,
L'allée des arbres sur la route,
La charrette immobile,
L'horizon, tout cela
Comme au creux de la main.
Guillevic (extrait de "Avec" - éditions Gallimard, 1966)
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Le poète (titre proposé, c'est le titre du passage dans le recueil)
Travailleur
Comme eux tous.
Vivant le même temps
De machines, de bruit,
De guerre, de journaux.
Les mêmes problèmes
De nourriture, de logement,
D'impôts.
Citoyen,
Comme eux tous.
Préoccupé,
Comme eux,
Par les problèmes du présent,
Du futur.
Rêvant
De cette société
Où tous
Auront loisir d'écrire.
Guillevic (Le poète, dans "Inclus" - poème n°132, Gallimard, 1973)
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Choses (titre d'une succession de poèmes dans Terraqué, mais d'autres passages d'autres recueils portent le même titre ! )
C'est vrai
Qu'il y a aussi des étoiles
Et qu'elles sont belles.
Que brûler leur donne
En fruit la lumière.
Et que rien ne dit
Qu'en leurs feux de pierre,
Elles ne sauront rien
De nos mains qui grouillent
De nos mains qui fouillent.
Guillevic ("Terraqué" - Gallimard, 1945)
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L'alouette
À quoi je sers
Se chante l'alouette ?
J'ai beau monter,
Grisoller, tourner, descendre
Et remonter et regrisoller,
Alors qui fait mieux ?
Qui ne se plaint pas
De ne rien changer à rien ?
Mais je suis, je suis.
Je fais vibrer avec moi
Ce qui m'entoure.
Guillevic
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Il partageait tout (titre proposé)
Il partageait tout
Et avec tous.
Quand il avait une pomme
Il voulait en donner.
Quand il avait un journal,
Il proposait de le répartir.
Quand il faisait beau,
Il distribuait.
Il partageait tout,
Sauf ce qu'il n'aimait pas,
Les billets de banque,
Par exemple.
Guillevic ("Autres" - 1980)
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Le chant (passages choisi)
Le chant c'est comme l'eau d'un ruisseau
qui coule sur des galets,
Vers la source.
C'est la promesse de la source au soleil.
Tous peuvent avoir accès au chant.
Certains ne le savent pas.
Le chant a une manière bien à lui
d'ouvrir des blessures enchanteresses.
Ne te fatigue pas à chanter.
Ou bien le chant te porte en sortant de toi,
ou tu l'attends.
Eugène Guillevic ("Le Chant", poème 1987-1988 - éditions Gallimard, 1990)
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Voici quelques babioles, extraites du recueil Babiolettes. Pour ceux qui trouveraient ce poème d'abord difficile (il l'est), voyez comment on peut l'exploiter quand même en création poétique dans un CM1-CM2, ici.
Babioles (début)
1
Ce n'est pas que l'horloge
Ait peur qu'on la déloge,
Mais elle veut trotter
Hors de l'éternité
2
Ce n'est pas qu'un potiron
Soit poli comme il est rond,
Mais il ne sait pas lui-même
D'où vient son nom de baptême.
3
Ce n'est pas que le fraisier
Fasse dire qu'il y est,
Mais c'est qu'il montre les fruits
Que lui suggéra la nuit.
4
Ce n'est pas que le torrent
Ait peur de perdre son rang
Mais s'il est impétueux,
Ce n'est pas selon ses voeux.
5
Ce n'est pas que le nuage
Ne rêve pas de l'orage,
Mais il sait que sa violence
Cassera son existence.
6
Ce n'est pas que le temps
Compte à chacun son temps,
Mais c'est qu'il faut du temps
Pour peser tant de temps.
7
Ce n'est pas que le hibou
N'en connaisse pas un bout,
Mais il veut garder pour lui
Tout le restant de la nuit.
8
Ce n'est pas que l'éléphant
Répugne à des jeux d'enfant,
Mais c'est que pour en jouer
L'animal n'est pas doué.
...
Eugène Guillevic ("Babiolettes" - éditions Saint-Germain des Prés, 1980)
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Monique Hion
La pelouse interdite
Sur la pelouse du Grand Palais, Il est interdit de marcher.
Moi, qui suis très discipliné, J’y ai sauté,
Sauté, sauté comme un criquet. J’y ai trotté,
Trotté, trotté, comme un poney. J’y ai roulé
Roulé, roulé comme un boulet. Pourquoi le garde s’est-il fâché ?
Monique Hion ("Comptines de mon jardin" Actes Sud Junior, 1998)
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Patrick Joquel (né en 1959)
Patrick Joquel annonce la couleur : "Je suis instituteur et auteur… ou l'inverse". Et effectivement, ce professeur d’école itinérant (ZIL) depuis 1987, est l'auteur de romans et de recueils de poésie pour les enfants, aux titres évocateurs : Mammifère à lentilles, Heureux comme l’orque, Demain les hippocampes, Le bruit d’un brin de bambou, Que sais-tu des rêves du lézard, Et le ciel ?...
Une de ses dernières publications est "Poésie Maternelle" (aux éditions Magnard), guide pédagogique complet (fiches d'activités pratiques, conseils, textes) pour initier les élèves à la poésie.
Le petit lézard ? (titre proposé)
Tu ne regardes pas
la couleur des autos
tu choisis de compter
les fleurs du potager d'en face
Tu n'écoutes pas
le bavardage des moteurs
tu préfères chercher
le petit lézard du balcon
celui que le citronnier a couvé
tout l'hiver
dans son pot
Patrick Joquel ("Que sais-tu des rêves du lézard ?" - éditions Magnard , 2004)
Au fond de mon igloo (titre proposé)
Je vis caché
dans un trou
tout au fond
de mon igloo
J'attends
un peu de soleil
un petit
clin d'oeil
du ciel
Je guette
avec gourmandise
un amour
sur la banquise
Patrick Joquel ("Demain les hippocampes" - éditions Solos, 1998)
Tu n’es pas seul au monde (titre proposé)
Tu suis des yeux
la flèche rouge de ta boussole
Loin là-bas
au delà de la montagne
un éléphant de mer t'attend
Tu vois
tu n'es pas seul au monde
Patrick Joquel ("Le bruit d'un brin de bambou" - éditions Gros Textes, 1999-2003)
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Jean Joubert (né en 1928)
Jean Joubert est un romancier et poète, auteur pour l'enfance et la jeunesse.
Le veilleur solitaire
Il y a toujours dans la nuit de la ville
une petite fenêtre qui brille
très loin au bord du ciel
une fenêtre au loin, une lampe qui brûle,
un homme ou peut-être un enfant
penché sur la page d'un livre
où les mots brûlent et brillent.
Et le cœur de l'homme ou de l'enfant
brûle d'un sang plus vif,
s'exalte, s'illumine.
Il y a toujours au bord du ciel
un veilleur solitaire
qui cherche dans la nuit
son chemin de clarté.
Jean Joubert ("La maison du poète" - Pluie d'étoiles éditions, 1999)
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Alphonse de Lamartine
Le papillon
Naître avec le printemps, mourir avec les roses,
Sur l'aile du zéphyr nager dans un ciel pur,
Balancé sur le sein des fleurs à peine écloses,
S'enivrer de parfums, de lumière et d'azur,
Secouant, jeune encor, la poudre de ses ailes,
S'envoler comme un souffle aux voûtes éternelles,
Voilà du papillon le destin enchanté !
Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose,
Et sans se satisfaire, effleurant toute chose,
Retourne enfin au ciel chercher la volupté !
Alphonse de Lamartine
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Jean L'Anselme (1919-2011)
Jean L'Anselme, nom d'auteur de Jean-Marc Minotte (1919 - 30 décembre 2011) est un poète vivant, comme on l'écrivait ici.
Mais il a disparu physiquement de notre horizon l'avant-dernier jour de 2011.
Il demeure un poète atypique, comme on le dit parfois des auteurs qui déconcertent, qui n'entrent pas dans les catégories normalisées.
★Merci au visiteur de lieucommun qui nous permet de rectifier, avec tristesse, la biographie de Jean L'Anselme, et qui nous signale le témoignage du fils de l'auteur sur Poezibao (en lire sur le site l'intégralité) :
" ...dans « L’Anselme à tous vents », il disait préférer au saule de Musset « une bière bien fraîche, avec beaucoup de mousse… autour ». Par une ultime pirouette d’humour noir, ils nous a quittés vendredi… la veille de son 92ème anniversaire !"
Quelques titres d'ouvrages de Jean L'Anselme,
tous parus aux éditions Rougerie :
Ça ne casse pas trois pattes à un canard et après (2005) ; La chasse d'eau, les poèmes cons, manifeste suivi d'exemples, Le ris de veau (1995) ; Pensées et proverbes de Maxime Dicton, banalités, bêtises, paradoxes, balivernes, lieux communs et autres propos sérieux de l'auteur (1991).
Voici un passage à lire aux élèves :
"...On ne naît pas poète, on naît comme on est, c'est-à-dire comme tout le monde. N'importe qui peut être poète, je suis moi-même n'importe qui. Il n'y a d'ailleurs pas d'école où on enseigne la poésie pour en ressortir avec un CAP alors que, dans les autres domaines de l'art, il existe des conservatoires et des académies. C'est une réalité à laquelle on ne songe guère. Nous sommes donc des millions de poètes comme toi. Souvent sans le savoir ..."
et il termine presque par ceci : "À présent oublie tout ce que je viens de te dire et n'écoute pas les autres..."
Jean L'Anselme - Conseils à un jeune poète (éditorial du n° 13 de la revue Poésie Première, à lire intégralement ici : http://poesiepremiere.free.fr/Lanselme.html).
Quelques facettes de l'humour grinçant, noir ou loufoque de l'auteur :
Art poétique
Vingt fois sur le métier
dépolissez l'ouvrage,
un vers trop poli
ne peut pas être...au net.
Méfiez-vous des vers luisants !
Faites du vers dépoli
votre vers cathédrale.
un poème au pied bot
ne peut être que bancal.
Jean L'Anselme (Vers dépolis, dans le recueil "La Foire à la ferraille" - Éditeurs Français Réunis, 1974)
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Un poète (titre suggéré)
- Mais qu’est-ce qu’un poète ?
- C’est quelqu’un qui ne passe jamais à la télévision parce qu’il n’est pas connu.
- Et pourquoi n’est-il pas connu ?
- Parce qu’il ne passe jamais à la télévision.
Jean L'Anselme
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La Darne de Lieu
J'ai déjà pêché l'ablette et l'épinoche, mais jamais la Darne de Lieu. On m'en apporte pourtant sur mon assiette. La Darne de Lieu est un poisson curieux, plat pour le genre mais épais, plutôt rond de forme avec de la peau sur la tranche et non sur le desus et le dessous. Il possède une arête centrale rayonnante. Plus bizarre encore, il n'a ni tête ni queue apparentes. Malgré son nom ce n'est pas, à ce qu"on dit, un poisson noble. Comment peuvent-ils donc, en pêche sous-marine, distinguer cela d'un bifteck ?
Jean L'Anselme ("Très cher Onésime Dupan de Limouse" - éditions Rougerie, 1966)
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Printemps des Poètes 2015
CLIC vers la page ÉCOLE DE ROCHEFORT <<
Carl Norac (né en 1960)
Carl Norac, poète belge, est le fils de Pierre Coran (son nom est un anagramme), dont vous trouverez des poésies sur le site.
Poème du cartable rêveur
Pendant que tu étais
Sur la plage, cet été,
Ou bien dans la forêt,
As-tu imaginé
Que ton cartable rêvait ?
Il rêvait d’avaler
Des crayons, des cahiers,
Puis d’aller, comme on vole,
Sur le chemin de l’école.
Carl Norac
Sortilège
Furieuse est la sorcière
Quand son fameux balai
Qui - c'est vrai - lui permet
De voler dans les airs
Refuse obstinément
D'envoyer en enfer
La maudite poussière
De son appartement.
Carl Norac
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René de Obaldia
Dimanche
Charlotte
fait de la compote
Bertrand
suce des harengs
Cunégonde
se teint en blonde
Epaminondas
cire ses godasses
Thérèse
souffle sur la braise
Léon
peint des potirons
Brigitte
s'agite, s'agite
Adhémar
dit qu'il en a marre
La pendule
fabrique des virgules
Et moi dans tout cha ?
Et moi dans tout cha ?
Moi, ze ne bouze pas
Sur ma langue z'ai un chat
René de Obaldia
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Gisèle Prassinos (née en 1920)
Gisèle Prassinos est écrivaine, poète et artiste peintre, aux écrits marqués de surréalisme.
Comptine pour enfant pas sage
Pour faire un oisillon
Prenez du saucisson
Un morceau pour le dos
Pour le bec un coup sec
Deux rondelles pour les ailes
Pour la queue trois cheveux
Pour faire du saucisson
Prenez un oisillon.
Etouffez et pilez
Bien saler et ficeler
Découper et manger.
Gisèle Prassinos ("Comptines pour fillottes et garcelons")
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Jacques Prévert (1900-1977)
Prévert, d’abord poète surréaliste, ami entre-autres de Raymond Queneau, s'éloignera du surréalisme pour une poésie "populaire", frondeuse, parfois très caustique à l'endroit des corps constitués : l'Armée, l'Église, les institutions ...
Une grande partie de son œuvre poétique, en prose ou en vers libres, est accessible aux plus jeunes, avec des textes pleins d'humour et d'humanité, petites saynètes du quotidien.
Jacques Prévert est très présent dans les cahiers de récitation. "Paroles" (1945), est un des recueils de poésie les plus vendus et les plus traduits dans le monde.
Prévert est aussi auteur de théâtre et parolier ("Les feuilles mortes", pour ne citer qu'une chanson), ainsi que scénariste de films (Quai des brumes, les Visiteurs du soir, les Enfants du paradis) réalisés par Marcel Carné.
Les textes qui suivent, avec parfois une proposition de création poétique, se trouvent déjà sur ce site planètelieucommun (ou le blog lieucommun.canalblog.com) dans les pages des Printemps des Poètes passés (humour, éloge de l’autre ...) - Voyez la page d’accueil.
Comme souvent en poésie, quand les textes sont destinés aux élèves, on en coupe des passages. Le poème bien connu qui suit, un classique pour les exercices de création poétique, est en version originale. A vous de juger si ...
Les deux textes qui suivent sont tirés du recueil "Grand bal du printemps", dans lequel ils ne portent pas de titre.
Destiné (titre proposé)
Il y en a qui s'appellent
Aimé Bienvenu ou Désiré
moi on m'a appelé Destiné
Je ne sais pas pourquoi
et je ne sais même pas qui m'a donné ce nom-là
Mais j'ai eu de la chance
On aurait pu m'appeler
Bon à rien Mauvaise graine Détesté Méprisé
ou Perdu à jamais.
Jacques Prévert ("Grand bal du printemps" - 1951 et Gallimard, 1976)
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Un petit mendiant (titre proposé)
Un petit mendiant
demande la charité aux oiseaux
Oh
ne me laissez pas la main pleine
je resterai là jusqu’à la nuit s’il le faut
Et il y a dans son regard une lueur de détresse
cette lueur
un oiseau la surprend
Tout à l’heure
par pure délicatesse et sans avoir grand faim il s’en
ira à petits pas prudents manger dans la main
de l’enfant le pain offert si simplement
Et la joie allumera tous ses feux dans les yeux du
petit mendiant.
Jacques Prévert
("Charmes de Londres" dans "Grand bal du printemps" - 1951 et Gallimard,
1976)
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Tant bien que mal
Ils sont marrants les êtres
Vous tout comme moi
Moi tout comme vous
Et c'est pas du théâtre
c'est la vie
c'est partout
Ils sont marrants les êtres
En entrant chez les autres
il y en a qui tombent bien
il y en a qui tombent mal
À celui qui tombe bien
on dit Vous tombez bien
et on lui offre à boire
et une chaise où s'asseoir
À celui qui tombe mal
personne ne lui dit rien
Ils sont marrants les êtres
qui tombent chez les uns
qui tombent chez les autres
ils sont marrants les êtres
Celui qui tombe mal
une fois la porte au nez
retombe dans l'escalier
et l'autre passe dessus
à grandes enjambées
Quand il regagne la rue
après s'être relevé
il passe inaperçu
oublié effacé
La pluie tombe sur lui
et tombe aussi la nuit
Ils sont marrants les êtres
Ils tombent ils tombent toujours
ils tombent comme la nuit
et se lèvent comme le jour.
Jacques Prévert ("Choses et autres"- Gallimard, 1972) Ce texte a été mis en musique par Louis Bessières.
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Un texte pour jouer avec rien et même avec personne :
Un beau matin
Il n'avait peur de personne
Il n'avait peur de rien
Mais un matin un beau matin
Il croit voir quelque chose
Mais il dit Ce n'est rien
Et il avait raison
Avec sa raison sans nul doute
Ce n'était rien
Mais le matin ce même matin
Il croit entendre quelqu'un
Et il ouvrit la porte
Et il la referma en disant Personne
Et il avait raison
Avec sa raison sans nul doute
Il n'y avait personne
Mais soudain il eut peur
Et il comprit qu'il était seul
Mais qu'il n'était pas tout seul
Et c'est alors qu'il vit
Rien en personne devant lui.
Jacques Prévert ("Histoires")
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Le cancre
Il dit non avec la tête
Mais il dit oui avec le coeur
Il dit oui à ce qu'il aime
Il dit non au professeur
Il est debout
On le questionne
Et tous les problèmes sont posés
Soudain le fou rire le prend
Et il efface tout
Les chiffres et les mots
Les dates et les noms
Les phrases et les pièges
Et malgré les menaces du maître
Sous les huées des enfants prodiges
Avec des craies de toutes les couleurs
Sur le tableau noir du malheur
Il dessine le visage du bonheur.
Jacques Prévert ("Paroles" - Les Éditions du Point du Jour, 1946 et Gallimard, 1949)
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-Droit de regard
Vous
Je ne vous regarde pas
ma vie non plus ne vous regarde pas
J’aime ce que j’aime
et cela seul me regarde
et me voit
J’aime ceux que j’aime
je les regarde
ils m’en donnent droit.
Jacques Prévert ("La Pluie et le beau temps" - Gallimard 1955)
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Cortège
Un vieillard en or avec une montre en deuil
Une reine de peine avec un homme d'Angleterre
Et des travailleurs de la paix avec des gardiens de la mer
Un hussard de la farce avec un dindon de la mort
Un serpent à café avec un moulin à lunettes
Un chasseur de corde avec un danseur de têtes
Un maréchal d'écume avec une pipe en retraite
Un chiard en habit noir avec un gentleman au maillot
Un compositeur de potence avec un gibier de musique
Un ramasseur de conscience avec un directeur de mégots
Un repasseur de Coligny avec un amiral de ciseaux
Une petite soeur du Bengale avec un tigre de Saint-Vincent-de-Paul
Un professeur de porcelaine avec un raccommodeur de philosophie
Un contrôleur de la Table Ronde avec des chevaliers de la Compagnie du Gaz de Paris
Un canard à Sainte-Hélène avec un Napoléon à l'orange
Un conservateur de Samothrace avec une victoire de cimetière
Un remorqueur de famille nombreuse avec un père de haute mer
Un membre de la prostate avec une hypertrophie de l'Académie française
Un gros cheval in partibus avec un grand évêque de cirque
Un contrôleur à la croix de bois avec un petit chanteur d'autobus
Un chirurgien terrible avec un enfant dentiste
Et le général des huîtres avec un ouvreur de Jésuites.
Jacques Prévert ("Paroles" - Les Éditions du Point du Jour, 1946 et Gallimard, 1949)
Poèmes à la manière de "Cortège"
La structure du poème se prête facilement au "mariage" de deux groupes nominaux, reliés par "avec". On pourra favoriser la production individuelle par les élèves d'éléments séparés, et les apparier collectivement, ou par groupes de recherche. Avec de grands élèves, le vers complet peut-être créé individuellement ou dans le groupe.
ou, en choisissant un thème unique pour le poème :
Les animaux se marient
un cheval de manège avec un poisson d'aquarium >> un cheval d'aquarium avec un poisson de manège
autre thème : Étonnants métiers disparus
un directeur d'école avec un coiffeur pour chiens >> un coiffeur d'école avec un directeur pour chiens
Imaginez des illustrations pour les textes produits !
Voyez ICI quelques consignes , et des productions d'élèves ICI :
http://www.saxon.ch/ecoles/5p_yves/2001_2002/poesies_ex.ecrite/prevert.htm
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Soyez polis (2e strophe du poème)
(...)
Il faut être très poli avec la Terre
Et avec le Soleil
Il faut les remercier le matin en se réveillant
Il faut les remercier pour la chaleur
Pour les arbres
Pour les fruits
Pour tout ce qui est bon à manger
Pour tout ce qui est beau à regarder
À toucher
Il faut les remercier
Il ne faut pas les embêter...
Les critiquer
Ils savent ce qu'ils ont à faire
Le Soleil et la Terre
Alors il faut les laisser faire
Ou bien ils sont capables de se fâcher
Et puis après
On est changé
En courge
En melon d'eau
Ou en pierre à briquet
Et on est bien avancé...
Le soleil est amoureux de la Terre
Ça les regarde
C'est leur affaire
Et quand il y a des éclipses
Il n'est pas prudent ni discret de les regarder
Au travers de sales petits morceaux de verre fumé
Ils se disputent
C'est des histoires personnelles
Mieux vaut ne pas s'en mêler
Parce que
Si on s'en mêle on risque d'être changé
En pomme de terre gelée
Ou en fer à friser
Le Soleil aime la Terre
La Terre aime le Soleil
Et elle tourne
Pour se faire admirer
Et le Soleil la trouve belle
Et il brille sur elle
Et quand il est fatigué
Il va se coucher
Et la Lune se lève
La lune c'est l'ancienne amoureuse du Soleil
Mais elle a été jalouse
Et elle a été punie
Elle est devenue toute froide
Et elle sort seulement la nuit
Il faut aussi être très poli avec la Lune
Ou sans ça elle peut vous rendre un peu fou
Et elle peut aussi
Si elle veut
Vous changer en bonhomme de neige
En réverbère
Ou en bougie
En somme pour résumer
Deux points, ouvrez les guillemets :
" Il faut que tout le monde soit poli avec le monde ou alors il y a des guerres ... des épidémies des tremblements de terre
des paquets de mer des coups de fusil ...
Et de grosses méchantes fourmis rouges qui viennent vous dévorer les pieds pendant qu'on dort la nuit. "
Jacques Prévert ("Histoires" - Éditions Gallimard, 1946 et 1963)
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Le coquillage
Dans une chambre au sixième
Un coquillage est posé sur la table
soudain il se met à chanter
L'homme est réveillé par le bruit de la mer
il voit le coquillage
il lui sourit
il veut le prendre avec les mains
mais le coquillage s'enfuit
Jacques Prévert
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Chanson pour chanter à tue-tête et à cloche-pied
Un immense brin d'herbe
Une toute petite forêt
Un ciel tout à fait vert
Et des nuages en osier
Une église dans une malle
La malle dans un grenier
Le grenier dans une cave
Sur la tour d'un château
Le château à cheval
A cheval sur un jet d'eau
Le jet d'eau dans un sac
A côté d'une rose
La rose d'un fraisier
Planté dans une armoire
Ouverte sur un champ de blé
Un champ de blé couché
Dans les plis d'un miroir
Sous les ailes d'un tonneau
Le tonneau dans un verre
Dans un verre à Bordeaux
Bordeaux sur une falaise
Où rêve un vieux corbeau
Dans le tiroir d'une chaise
D'une chaise en papier
En beau papier de pierre
Soigneusement taillé
Par un tailleur de verre
Dans un petit gravier
Tout au fond d'une mare
Sous les plumes d'un mouton
Nageant dans un lavoir
A la lueur d'un lampion
Éclairant une mine
Une mine de crayons
Derrière une colline
Gardée par un dindon
Un gros dindon assis
Sur la tête d'un jambon
Un jambon de faïence
Et puis de porcelaine
Qui fait le tour de France
A pied sur une baleine
Au milieu de la lune
Dans un quartier perdu
Perdu dans une carafe
Une carafe d'eau rougie
D'eau rougie à la flamme
A la flamme d'une bougie
Sous la queue d'une horloge
Tendue de velours rouge
Dans la cour d'une école
Au milieu d'un désert
Où de grandes girafes
Et des enfants trouvés
Chantent chantent sans cesse
A tue-tête à cloche-pied
Histoire de s'amuser
Les mots sans queue ni tête
Qui dansent dans leur tête
Sans jamais s'arrêter
Et on recommence
Un immense brin d'herbe
Une toute petite forêt ...
etc, etc, etc.
Jacques Prévert
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Les animaux ont des ennuis
à Christiane Verger
Le pauvre crocodile n’a pas de C cédille
On a mouillé les L de la pauvre grenouille
Le poisson scie a des soucis
Le poisson sole, ça le désole
Mais tous les oiseaux ont des ailes
Même le vieil oiseau bleu
Même la grenouille verte
Elle a deux L avant l’E
Laissez les oiseaux à leur mère
Laissez les ruisseaux dans leur lit
Laissez les étoiles de mer
Sortir si ça leur plaît la nuit
Laissez les p’tits enfants briser leur tirelire
Laissez passer le café si ça lui fait plaisir
La vieille armoire normande et la vache bretonne
Sont parties dans la lande en riant comme deux folles
Les petits veaux abandonnés pleurent
Comme des veaux abandonnés
Car les petits veaux n’ont pas d’ailes
Comme le vieil oiseau bleu
Ils ne possèdent à eux deux
Que quelques pattes et deux queues
Laissez les oiseaux à leur mère
Laissez les ruisseaux dans leur lit
Laissez les étoiles de mer
Sortir si ça leur plaît la nuit
Laissez les éléphants ne pas apprendre à lire
Laissez les hirondelles aller et revenir
Jacques Prévert
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Être ange
Être ange
C'est étrange
Dit l'ange
Être âne
C'est étrâne
Dit l'âne
Cela ne veut rien dire
Dit l'ange en haussant les ailes
Pourtant
Si étrange veut dire quelque chose
Étrâne est plus étrange qu'étrange
Dit l'âne
Étrange est
Dit l'ange en tapant des pieds
Étranger vous-même
Dit l'âne
Et il s'envole
Jacques Prévert
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Quartier libre
J'ai mis mon képi dans la cage
et je suis sorti avec l'oiseau sur la tête
Alors
on ne salue plus
a demandé le commandant
Non
a répondu l'oiseau
Ah bon
excusez-moi je croyais qu'on saluait
a dit le commandant
Vous êtes tout excusé tout le monde peut se tromper
a dit l'oiseau.
Jacques Prévert
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Les belles familles
Louis I
Louis II
Louis III
Louis IV
Louis V
Louis VI
Louis VII
Louis VIII
Louis IX
Louis X (dit le Hutin)
Louis XI
Louis XII
Louis XIII
Louis XIV
Louis XV
Louis XVI
Louis XVII
Louis XVIII
et plus personne plus rien...
qu'est-ce que c'est que ces gens-là
qui ne sont pas foutus
de compter jusqu'à vingt ?
Jacques Prévert ("Paroles" - Les Éditions du Point du Jour, 1946 et Gallimard, 1949)
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Voici un court texte expiatoire...
Mea culpa
C’est ma faute
C’est ma faute
C’est ma très grande faute d’orthographe
Voilà comment j’écris
Giraffe.
Jacques Prévert ("Histoires" - Éditions Gallimard, 1946 et 1963)
... texte auquel Prévert apporte un rectificatif (un codicille), un clin-d'oeil quelques années plus tard, dans un autre recueil.
Les élèves apprécieront :
J'ai eu tort d'avoir écrit cela autrefois
Je n'avais pas à me culpabiliser
Je n'avais fait aucune phaute d'ortographe
J'avais simplement écrit giraffe en anglais.
Jacques Prévert ("Choses et autres" - Gallimard, 1966 et 1972)
Choisir des noms d'objets ou d'animaux, et imaginer une bonne raison de les orthographier différemment.
Exemple :
Éléphant s'écrira ailéphant, c’est plus léger pour voyager, ou bien éléfan s'il est supporter d'une équipe de rugby (on le verrait bien pilier de rugby), ou encore éléfaon en imaginant une petite histoire dans laquelle le bébé éléphant il serait recueilli par une biche (n'importe quoi, trouvez mieux !) ...
Il reste à construire une histoire à la manière peut-être d'un article de presse, ou d'un conte ("Il était une fois...").
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Raymond Queneau (1903-1976)
Raymond Queneau appartient au mouvement surréaliste, qu'il quittera (exclusion), comme beaucoup d'autres. Il est l'un des fondateurs du mouvement littéraire "Oulipo" (Ouvroir de Littérature Potentielle).
Il invente des règles d'écriture (remplacer par exemple chacun des mots d'un texte par le mot situé dans le dictionnaire 7 mots plus loin).
Auteur en particulier d' Exercices de style et de Zazie dans le Métro, il publie en 1961 l'ouvrage Cent Mille Milliards de Poèmes, qui permet par combinaisons de vers de composer une infinité (ou presque !) de sonnets réguliers.
Il est élu à l'Académie Goncourt en 1951.
Un enfant a dit
Un enfant a dit
Je sais des poèmes
Un enfant a dit
Ch'sais des poasies*
Un enfant a dit
Mon cœur est plein d'elles
Un enfant a dit
Par cœur, ça suffit.
Un enfant a dit
Ils en savent des choses
Un enfant a dit
Et tout par écrit.
Si l'poète pouvait
S'enfuir à tire-d'ailes
Les enfants voudraient
Partir avec lui.
Raymond Queneau
Mot créé par Queneau. On trouve aussi poésies et poaisies.
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Cris de Paris
On n'entend plus guère le repasseur de couteaux
le réparateur de porcelaines le rempailleur de chaises
on n'entend plus guère que les radios qui bafouillent
des tourne-disques des transistors et des télés
ou bien encore le faible aye aye ouye ouye
que pousse un piéton écrasé
Raymond Queneau ("Courir les rues" - 1967, Gallimard poésie)
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L’espèce humaine
L’espèce humaine m’a donné
le droit d’être mortel
le devoir d’être civilisé
la conscience humaine
deux yeux qui d’ailleurs ne fonctionnent pas très bien
le nez au milieu du visage
deux pieds deux mains
le langage
l’espèce humaine m’a donné
mon père et ma mère
peut-être des frères on ne sait
des cousins à pelletées
et des arrière-grands-pères
l’espèce humaine m’a donné
ses trois facultés
le sentiment l’intelligence et la volonté
chaque chose de façon modérée
l’espèce humaine m’a donné
trente-deux dents un cœur un foie
d’autres viscères et dix doigts
l’espèce humaine m’a donné
de quoi être satisfait
Raymond Queneau ("L'Instant fatal" - 1948, Gallimard)
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Quelqu'un
Quand la chèvre sourit
quand l’arbre tombe
quand le crabe pince
quand l’herbe est sonore
plus d’une maison
plus d’une coquille
plus d’une caverne
plus d’un édredon
entendent là-bas
entendent tout près
entendent très peu
entendent très bien
quelqu’un qui passe et qui pourrait bien être
et qui pourrait bien être quelqu’un
Raymond Queneau ("L'Instant fatal" - 1948, Gallimard)
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Cet ouvrage réunit les textes des recueils précédents avec 4 dessins originaux d`Abidine
On ne propose aux élèves que les 3 premières strophes du poème qui suit ...
Pour les petites classes, ça se justifie peut-être ...
Madeleine Riffaud l’a écrit en 1940 à l’âge de seize ans, et il annonce son engagement dans l’action moins de deux années plus tard sous le pseudonyme de Rainer (en référence au poète Rainer Maria Rilke).
Il ne faut donc pas réduire ce Cheval bleu à une image de conte de fées, Ce n’est pas un Cheval rouge (autre poème qui donne son titre au recueil) qui aurait adouci sa couleur de sang, il est du même combat.
Il ne prend tout son sens, avec ses «deux ailes acérées», qu’au terme du parcours.
Cheval bleu
J’avais un petit cheval bleu
Qui se promenait dans ma chambre
En liberté, crinière longue
Et des rayons sur ses sabots.
Il galopait sur le bureau,
Sur les bouquins de l’étagère.
Il galopait, tête levée
Sur la steppe blanche des draps.
Il vivait d’un reflet
S’endormait chaque nuit
Dans le creux de mes mains
Comme font les oiseaux.
Mais un soir qu'il dansait, léger
Sur les rayons verts de la lune
Deux ailes acérées
S'ouvrirent dans son dos.
Il s'envola sans m'emporter
Mon cheval bleu aux ailes neuves
Par la fenêtre, sur le ciel.
Plus rien ne bougea dans la nuit
Où deux torrents grondaient tout bas,
Mousse d'argent sur le balcon.
Neige des draps, neige des monts.
Et mes deux mains écartelées.
(1940)
Madeleine Riffaud («Cheval rouge, poèmes 1969-1972» EFR, 1973)
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Nuit
Il fait noir
Acceptons la nuit,
Nuit :
Terre à étoiles.
Madeleine Riffaud ("On l'appelait Rainer : 1939-1945" - Éditions Julliard, 1994)
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Jean-Pierre Siméon est né en 1950. Il a publié aux Éditions Cheyne de nombreux recueils de poésies pour les enfants et les adolescents, donc qui s’adressent à tout le monde
Il est aussi l'auteur de pièces de théâtre.
Il est actuellement directeur du "Printemps des poètes".
«On m'a souvent demandé : la poésie, à quoi ça sert ? avec l'air de dire, sourire en coin : Mon pauvre monsieur, ne vous donnez pas tant de mal, avec la télévision, le cinéma, le foot et le loto, on a bien ce qu'il nous faut ! Et je ne savais pas quoi répondre parce que la poésie pour moi a toujours été une chose naturelle comme l'eau du ruisseau. Mais j'ai beaucoup réfléchi, et aujourd'hui je sais : la poésie, c'est comme les lunettes. C'est pour mieux voir. Parce que nos yeux ne savent plus, ils sont fatigués, usés. Croyez-moi tous ces gens autour de vous, ils ont les yeux ouverts et pourtant petit à petit, sans s'en rendre compte, ils deviennent aveugles.
Il n'y a qu'une solution pour les sauver : la poésie. C'est le remède miracle : un poème et les yeux sont neufs. Comme ceux des enfants.»
Le mot
Je cherche un mot
vaste et chaud comme une chambre
sonore comme une harpe
dansant comme une robe
clair comme un avril
un mot que rien n'efface
comme une empreinte dans l'écorce
un mot que le mensonge ne séduit pas
un mot pour tout dire
la mort la vie
la peur le silence et la plainte
l'invisible et le doux
et les miracles de l'été
depuis si longtemps je cherche
mais j'ai confiance en vous :
il va naître de vos lèvres
Jean-Pierre Siméon ("La nuit respire» - éditions Cheyne, 1987)
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Saisons
Si je dis
Les corbeaux font la ronde
Au dessus du silence
Tu me dis c’est l’hiver.
Si je dis
Les rivières se font blanches
En descendant chez nous
Tu me dis le printemps.
Si je dis
Les arbres ont poussé
Leurs millions de soleils
Tu me dis c’est l’été.
Si je dis
Les fontaines sont rousses
Et les chemins profonds
Tu me diras l’automne.
Mais si je dis
Le bonheur est à tous
Et tous sont heureux
Quelle saison diras-tu
Quelle saison des hommes ?
Jean-Pierre Siméon
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Devinettes
Qui décoiffe la mer
avec des mains qu'on ne voit pas ?
Qui roule sa chanson
dans la gorge des torrents ?
Qui n'est jamais si lourd
que quand un oiseau meurt ?
Le vent la pierre et le silence
Qui est ronde comme une joue et plus lourde que la peine ?
Qui habille le monde quand il se fait bien tard ?
Qui souffle chaque soir la bougie du soleil ?
La pierre le silence et le vent
Jean-Pierre Siméon
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Philippe Soupault
Philippe Soupault (1897-1990) est un poète et romancier surréaliste. Il a appartenu au mouvement Dada (voir André Breton). Il est l'auteur avec André Breton du premeir grand texte surréaliste : Les Champs magnétiques, et tout comme Breton, il s'est éloigné du Mouvement surréaliste qu'il avait contribué à fonder.
En cadence
Tout est gâché
Tout est perdu
Tout est gagné
Tout est foutu
Tout est en tout
et tout et tout
Tout est à vous
Tout est à nous
Tout est à tous
Tout est à tout
Tout est en tout
et tout et tout
Philippe Soupault ("Poèmes et poésies" - Éditions Grasset, collection Les Cahiers rouges, 1987)
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Ah bien c'est du joli
Je vous l'avais bien dit Ah
C'est bien de votre faute Ah
Bien la peine de faire le malin Ah
Vous l'avez bien cherché Ah
Ça vous fera une belle jambe Ah
Vous voilà dans de beaux draps Ah
Maintenant vous êtes bien avancé Ah
Je vous fais bien mes compliments Ah
Vous parlez d'une belle réussite Ah
En effet voilà du beau travail Ah
Vous êtes un joli monsieur Ah
Il y a bien de quoi se vanter Ah
Vous avez fait un joli coup Ah
Et tout est bien qui finit bien Ah
Philippe Soupault ("Poèmes et poésies" - Éditions Grasset, collection Les Cahiers rouges, 1987)
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Pour la liberté
Laissez chanter
L’eau qui chante
Laissez courir
L’eau qui court
Laissez vivre
L’eau qui vit
L’eau qui bondit
L’eau qui jaillit
Laissez dormir
L’eau qui dort
Laissez mourir
L’eau qui meurt.
Philippe Soupault
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André Spire (1868-1966)
André Spire est un écrivain et poète français, militant sioniste (Wikipédia).
Ce texte figure également dans la catégorie «COLLÈGE» <ici
NE ...
Quand je valais quelque chose,
Digue ,digue ,digue ;
Quand je valais quelque chose,
Ne touche pas au feu ,
Me disait le grand oncle ;
N'ouvrez pas cette armoire ,
Me disait la servante ;
N'approche pas du puits,
Me disait la grande -mère ;
Ne marche pas si vite ,
Tu te mettras en nage ;
Ne cause pas en route,
Ne regarde pas en l'air ;
Ne regarde pas à droite,
Il y a la fleuriste ;
Ne regarde pas à gauche ,
Il y a le libraire ;
Ne passe pas la rivière ,
Ne monte pas la colline,
N'entre pas dans le bois.
Moi, j'ai pris mon chapeau
En éclatant de rire,
Mon manteau mon bâton
En chantant : digue, digue !
La rivière ,la colline,
Les grands bois ,digue digue,
Digue digue , les beaux yeux,
Et digue ,digue les livres !
André Spire
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Jean Tardieu
Conseils donnés par une sorcière
(À voix basse, avec un air épouvanté, à l'oreille du lecteur)
Retenez vous de rire
dans le petit matin !
N'écoutez pas les arbres
qui gardent les chemins
Ne dites votre nom
à la terre endormie
qu'après minuit sonné
A la neige, à la pluie
ne tendez pas la main
N'ouvrez votre fenêtre
qu'aux petites planètes
que vous connaissez bien
Confidence pour confidence
vous qui venez me consulter,
méfiance, méfiance !
On ne sait pas ce qui peut arriver.
Jean Tardieu
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Boris Vian
Boris Vian (1920-1959) est un touche-à-tout de génie.
Diplômé de l'École centrale, il entre comme ingénieur à l'Afnor (Association française de normalisation !) où il sévira quand même quatre années, avant de devenir trompettiste, car il est passionné de musique et de "culture jazz" (il signe des critiques pour des revues spécialisées).
Il écrit parallèlement(1) des poésies et des textes de chansons, qu'il interprètera plus tard, des nouvelles et des romans.
Son oeuvre littéraire la plus connue est le roman L'Écume des jours paru en 1946. Il y en a d'autres, des romans, des nouvelles : L'automne à Pékin (où il n'est question ni de Pékin ni d'automne), L'arrache-coeur, L'Herbe rouge, Vercoquin et le Plancton ... (La présentation et l'étude dans les années 70, du roman L'arrache-coeur en collège ou lycée, a fait polémique).
Boris Vian a également publié des romans noirs sous le pseudonyme de Vernon Sullivan : J'irai cracher sur vos tombes, Et on tuera tous les affreux ... et des pièces de théâtre : L'Équarrissage pour tous, Le Goûter des généraux, Les Bâtisseurs d'empire ...
Il consacre la dernière partie de sa vie à son "métier" de chanteur, avec des titres comme J'suis snob, Je bois, On n'est pas là pour se faire engueuler, la java des bombes atomiques, Le déserteur ...
Ses chansons ont été aussi interprétées par Mouloudji, Serge Reggiani... Le déserteur a été interdite d'antenne.
En 1959, Il scénarise l'adaptation au cinéma de son roman J'irai cracher sur vos tombes et meurt d'une crise cardiaque pendant le visionnage, à l'âge de 39 ans.
(1) Lire la superbe biographie de Noël Arnaud :
Les vies parallèles de Boris Vian.
D’autres textes de Boris Vian plus difficiles ici :
_ _ _ _ _ _ _
Le déserteur
Monsieur le Président
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre
Avant mercredi soir
Monsieur le Président
Je ne veux pas la faire
Je ne suis pas sur terre
Pour tuer des pauvres gens
C'est pas pour vous fâcher
Il faut que je vous dise
Ma décision est prise
Je m'en vais déserter
Depuis que je suis né
J'ai vu mourir mon père
J'ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants
Ma mère a tant souffert
Elle est dedans sa tombe
Et se moque des bombes
Et se moque des vers
Quand j'étais prisonnier
On m'a volé ma femme
On m'a volé mon âme
Et tout mon cher passé
Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes
J'irai sur les chemins
Je mendierai ma vie
Sur les routes de France
De Bretagne en Provence
Et je dirai aux gens:
Refusez d'obéir
Refusez de la faire
N'allez pas à la guerre
Refusez de partir
S'il faut donner son sang
Allez donner le vôtre
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le Président
Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je n'aurai pas d'armes
Et qu'ils pourront tirer
Boris Vian
_ _ _ _ _ _ _
Je veux une vie en forme d'arête
Je veux une vie en forme d'arête
Sur une assiette bleue
Je veux une vie en forme de chose
Au fond d'un machin tout seul
Je veux une vie en forme de sable dans des mains
En forme de pain vert ou de cruche
En forme de savate molle
En forme de faridondaine
De ramoneur ou de lilas
De terre pleine de cailloux
De coiffeur sauvage ou d'édredon fou
Je veux une vie en forme de toi
Et je l'ai, mais ça ne me suffit pas encore
Je ne suis jamais content
Boris Vian
_ _ _ _ _ _ _
L'évadé
Il a dévalé la colline
Ses pieds faisaient rouler des pierres
Là-haut, entre les quatre murs
La sirène chantait sans joie
Il respirait l'odeur des arbres
De tout son corps comme une forge
La lumière l'accompagnait
Et lui faisait danser son ombre
Pourvu qu'ils me laissent le temps
Il sautait à travers les herbes
Il a cueilli deux feuilles jaunes
Gorgées de sève et de soleil
Les canons d'acier bleu crachaient
De courtes flammes de feu sec
Pourvu qu'ils me laissent le temps
Il est arrivé près de l'eau
Il y a plongé son visage
Il riait de joie, il a bu
Pourvu qu'ils me laissent le temps
Il s'est relevé pour sauter
Pourvu qu'ils me laissent le temps
Une abeille de cuivre chaud
L'a foudroyé sur l'autre rive
Le sang et l'eau se sont mêlés
Il avait eu le temps de voir
Le temps de boire à ce ruisseau
Le temps de porter à sa bouche
Deux feuilles gorgées de soleil
Le temps de rire aux assassins
Le temps d'atteindre l'autre rive
Le temps de courir vers la femme
Il avait eu le temps de vivre.
Boris Vian (Chansons - édit Christian Bourgois)
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Paul Vincensini
Moi j'ai toujours peur du vent
Me voici
Mes poches
Bourrées de cailloux
Pour rester avec vous
Ne pas m'envoler dans les arbres
Paul Vincensini
_ _ _ _ _ _ _
Moi dans l'arbre
T'es fou !
Tire pas !
C'est pas des corbeaux,
C'est mes souliers !
Je dors parfois dans les arbres.
Paul Vincensini
COLONNE GAUCHE
✓Luc Bérimont
✓Alain Bosquet
✓Alain Boudet
✓Maurice Carême
✓Chantal Couliou
✓Robert Desnos
✓Jean-Pierre Develle
✓David Dumortier
✓Paul Éluard
✓Paul Fort
✓Anne Froissard
✓Monique Hion
✓Patrick Joquel
✓Jean Joubert
✓Alphonse de Lamartine
✓Jean L'Anselme
COLONNE DROITE
✓Carl Norac
✓René de Obaldia
✓Gisèle Prassinos
✓Jacques Prévert
✓Raymond Queneau
✓Madeleine Riffaud
✓Jean-Pierre Siméon
✓Philippe Soupault
✓Jean Tardieu
✓Boris Vian
✓Paul Vincensini
Les textes proposés dans cette page sont destinés aux élèves du Primaire
On peut aussi en proposer certains en élémentaire
(voir aussi pour ce niveau les deux pages COLLÈGE et LYCÉE).
lieucommun interprète librement et à sa manière le thème de l’insurrection poétique :
Textes s’écartant par la forme ou/et le fond des critères poétiques habituellement attendus ;
textes de révolte, de revendication, ou encore existentiels, sur l’état même de poète, d’homme, d’être (et d’objet, pourquoi pas) et le rapport au monde.
Ainsi se recoupent par exemple les thèmes de révolte, de liberté, rejoignant d’autres Printemps des Poètes («éloge de l’autre»)
Une grande partie de ces textes sont importés d’autres pages du site, où on en trouvera d’autres autour du thème 2015.
Ils sont accessibles en cliquant ici :
Printemps des Poètes : HUMOUR
et du blog lieucommun :
Printemps des Poètes : L’AUTRE
Printemps des Poètes 2015
CLIC vers la page ÉCOLE DE ROCHEFORT <<