Printemps des Poètes 2014 «Au cœur des arts» - textes en français page 4/4
COLLÈGE et LYCÉE - page 4/4
Printemps des Poètes 2014 «Au cœur des arts» - textes en français page 4/4
COLLÈGE et LYCÉE - page 4/4
Printemps des Poètes 2014 - textes originaux en français - COLLÈGE et LYCÉE - page 4
31. Jean Tardieu (suite)
L’ESPACE ET LA FLÛTE
(titre de l’ouvrage)
ci-dessous quelques-uns des poèmes :
Moi je conjure moi je convoque
en moi je fais surgir qui je veux
je suis ventre creux l'espace
batteur de batteries froides
Silence autour des objets
mèche du fouet cobra joli
le tracé du ver dans le sable
toute explosion de planète
en air de flûte finit
...
J'inscris dans l'homme la force et le repos
le berger les bêtes cornues
la lance l'arc et la flèche
la tache violente
et là-haut
la tête étroite et cruelle
de l'insecte guerrier.
J'inscris la danse
repliée sur son espace
et dans le silence qui s'accroît
le tremblement
de la Musique
J'inscris
Je signifie
Je distribue
Je donne l'ordre
Mais j'obéis
au cadre de la vie
à la mesure de l'oeil.
Jean Tardieu dans «L'espace et la flûte», références plus bas
Dans le même ouvrage, autre dessin de Picasso avec le texte de Tardieu en miroir, comparant le travail du peintre à celui du poète :
Le peintre enroule déroule
plie tord aplatit
casse éparpille effiloche
fronce festonne entortille
tache taraude ravaude
installe accroche répartit
étire boucle débrouille
désigne lance – et s’en va.
Le poète déglutit
mâche goûte humecte mord
racle rumine ronchonne
ronge siffle serine
lape susurre murmure
savoure salive entonne
grogne grince décortique
attise souffle – et se tait.
Jean Tardieu dans «L'espace et la flûte», références plus bas
Dans le même ouvrage, autre dessin de Picasso avec ce texte de Tardieu en miroir :
Poème pour le dessin de Picasso :
C'était au temps heureux où je paissais
dans les prairies de l'avenir
Sur les champs dépassés
je me retournais parfois
avec tendresse et mélancolie.
Or, la menace était loin devant moi
mais c'est cela qui peu à peu
rendait ma démarche plus pesante.
Jean Tardieu ("L'espace et la flûte, variations sur douze dessins de Picasso", 1958, dessins originaux de Pablo Picasso)
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autre dessin et autre texte en miroir dans le même ouvrage :
Aimer d'amour ce que l'on tue
en tracer le portrait pour les siècles
ô pur profil par la mort ennobli
de la victime aux yeux de femme
animal-dieu crucifié
gravé dans la poussière
par le couteau du soleil !
Ah qui viendra nous délivrer
de la naissance et de la mort
par quoi tout crime est justifié ?
Laissez-moi aimer sans détruire
le tendre museau des bêtes
Je suis dans le troupeau je regarde j'admire
la profondeur du jour.
Jean Tardieu ("L'espace et la flûte, variations sur douze dessins de Picasso", 1958, dessins originaux de Pablo Picasso)
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ci-dessus un dessin de Picasso pour ""L'espace et la flûte», et le poème de Jean Tardieu qui l’accompagne :
Les jambes ? - soulignent.
La bouche ? - mérite.
La danseuse ? - elle est.
Le serpent ? - dessins.
Le fouet ? - anime.
La flûte ? - fleurit.
L'espace ? - dispose.
Le monde ? - s'absente.
Le son ? - apparaît.
Jean Tardieu ("L'espace et la flûte»)
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une autre page, pour le 7e texte :
Sous les plumes d’autruche
des feuillages faciles
une dame d’espalier
toute de boucles cousue
(...)
Jean Tardieu ("L'espace et la flûte»)
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LE PARQUET SE SOULÈVE
(éditions Vadus/Brunidor/Apeïros, diffusion Robert Altmann, 1973 )
comprend le texte de Jean Tardieu et 6 lithographies de Max Ernst en bleu sur Chine réalisées par frottage à la mine de plomb des feuilles de papier sur un plancher, (d’où ce titre).
En regard de chacune des six lithographies obtenues par cette méthode figure un poème de Jean Tardieu :
Un repas de roi ; Cassandre sort des planches ; Veuve en manteau de lion. Ogre changé en ronces ; Sire vautour Dame pélican (ci-dessous) ; Cigale de l'espace.
Poème accompagnant cette lithographie :
Sire vautour Dame pélican
La race des vautours
en cape de soir
se perd et si
Madame
(née Pélican)
sous une jupe longue
montre sa gorge à demi nue,
je vois onduler sur sa hanche
une écharpe de flammes.
Déjà le pied fourchu
de l'Ennemi des hommes
pointe périlleusement.
Jean Tardieu (éditions Vadus/Brunidor/Apeïros, diffusion Robert Altmann, 1973)
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Un des dessins de Jean Cortot dans le Cahier d'art n°12 "En Puisaye"
titré « À Jean Tardieu, poème et lithographies de Jean Cortot», 2003
et le poème à l’adresse de Jean Tardieu :
Nous sommes tes amis
(début du poème)
Grand et cher Jean Tardieu,
très cher Jean,
tu es encore toujours,
de nouveau aujourd'hui,
comme autrefois
Parmi nous, tes amis
Nous sommes contents,
nous sommes très contents,
d'être avec toi.
nous sommes très contents
d'être ensemble tous avec toi
Nous sommes, tu le sais,
tes amis rapprochés
et fidèles
Nous sommes tes amis,
nous sommes près de toi,
avec toi.
Nous sommes tes amis,
parmi tous ceux qui t'admirent,
qui t'aiment
...
Jean Cortot dans le Cahier d'art n°12 "En Puisaye"
titré « À Jean Tardieu, poème et lithographies de Jean Cortot», 2003
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«Les figures du mouvement», Jean Tardieu, (douze poèmes avec douze dessins de Hans Hartung, éditions de Grenelle, Paris, 1987)
poème accompagnant cette lithographie :
L'aigu
est lancé,
au-delà de tout espace
concevable,
par un geste
qui est l'ombre amassée
toujours plus noire
dans l'épaisseur.
Jean Tardieu «Les figures du mouvement»
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«lignes de fuite»- dessin de Hans Hartung pour l’ouvrage avec Jean Tardieu :
«Les figures du mouvement», Jean Tardieu, (douze poèmes avec douze dessins de Hans Hartung, éditions de Grenelle, Paris, 1987)
poème accompagnant cette lithographie :
Feindre de fuir
dans tous les sens
et se retrouver réuni
dans une ligne,
sortir du tumulte
et des visages de la vie
pour retomber
dans un repos
chargé de sens
c’est changer la musique
en un regard silencieux.
Jean Tardieu «Les figures du mouvement»
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autre lithographie de Hans Hartung avec le poème de Tardieu qui l’accompagne :
Parfois
je dormais
enroulé sur moi-même
lové
les plumes repliées
parce que l'origine
est ainsi
dans sa palpitation aveugle
avant de donner vie
à l'être qui refuse
et tremble encore
de peur.
Jean Tardieu «Les figures du mouvement»
ouvrage «L’ombre, la branche»
textes de Jean Tardieu avec des lithographies couleur sur papier Japon de Jean Bazaine (Paris, Editions Maeght, 1977)
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de (et avec) POL BURY
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TOUT ET RIEN (éd Biel,1979), poème de Jean Tardieu illustré d’estampes (gravure sur bois) par Pol Bury
pliage accordéon
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32. Roland Topor
(1938-1997), a poussé très loin l’humour noir, avec autant de talent, dans ses dessins d’abord, ses textes de contes et romans, ses poésies, la réalisation de films, etc ...(prix de l’Humour noir, 1961).
Certaines œuvres parmi les plus abordables (les comptines) sont regroupées à la page Cycle 2 et C 3 du Printemps des Poètes 2014, ici
Voir aussi la page COMPTINES/CHANSONS du Printemps des Poètes 2014, ici)
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AFFICHES pour le mensuel HARA-KIRI de la grande époque (source : http://leblogdeshige.com/tag/roland-topor/)
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POÉSIE GRAPHIQUE
(visible aussi à la page C2-C3)
Ci-dessous, cette poésie graphique dessine un paysage de montagne.
On songe au travail d’Apollinaire (les calligrammes) ou d’Henri Michaux (les «Alphabets»), mais Roland Topor n’invente pas un tracé ni un alphabet, il utilise l’écriture et la lecture conventionnelle (tout en capitales comme tapées à la machine, police de caractères sans empattements, identique en corps, style et graisse ; espaces, ligne de lecture horizontale de gauche à droite, renvoi à le ligne), et la répétition de noms d’objets sur le thème suffit à tracer le paysage comme par des coups de pinceau :
Paysage de montagne
Roland Topor (1968)
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TEXTES
VACHES NOIRES
Vaches noires, écrit en 1996, est le dernier livre de Roland Topor, paru en 2011, quinze ans après le décès de son auteur.
On y retrouve évidemment dans les 33 textes, l'humour noir créatif qui caractérise Topor, et qui serait désespérance sans la distance nécessaire (ou pas ?).
Ce sont des réflexions, un point de vue disons désenchanté quand même, sur la société, le monde, ses semblables, lui-même, mais pas de méchanceté gratuite ni de mépris malgré tout, puisque c‘est du xème degré.
Personnage récurrent : la mort, qui rend dérisoire toute entreprise à long terme.
Vaches noires (extraits)
Je n’ai jamais tenté de trouver un sens à la vie, moral ou esthétique, ni essayé de faire évoluer l’humanité dans le bon sens. Le non-sens parait plus proche de la réalité. En général, je dessine pour me raccrocher à mon porte-plume comme un orang-outang se suspend aux branches. Il faut bien vivre, trouver de quoi payer l’ordinaire et s’offrir le luxe du vertige. Dessiner ne rapporte pas grand-chose mais ne coûte rien.
(...)
Les vaches noires portent la poisse. Pire que les chats. Je ne comprends pas par quelle aberration les gens redoutent les chats noirs et se tamponnent des vaches noires. Un chat noir croise leur route, de droite à gauche, ils se mettent à toucher du bois. Un troupeau de vaches noires leur défile sous le nez, ils rigolent. Pas longtemps. La première tuile qui tombera sera pour eux et ils se demanderont pourquoi.
(...)
Le regard des vaches, tout le monde dit qu’il est bête. Il n’est pas seulement bête. Il est méchant. Un regard de tueur comme on en décrit dans les Série noire. Une vache noire sortirait un flingue et vous arroserait de pruneaux sans même cesser de mâcher son chewing-gum. Sans états d’âme et sans remords. Un contrat comme tant d’autres, pour le fric, voilà comment elles sont, les vaches noires. Saloperies !
(...)
Je ne tiens pas à m’encombrer l’esprit avec de l’argent. Je tiens à le garder disponible pour ce qui en vaut vraiment la peine: la poésie, la musique, l’art.
Des tableaux de maîtres, j’en ai plein mes murs. «Ce Van Gogh a dû vous coûter la peau des fesses!» Les yeux leur sortent de la tête. Oui, sans aucun doute, il s’agit d’un très beau Van Gogh, les chefs-d’œuvre sont plus onéreux que les croûtes. L’argent ne vaudra plus rien, mon Van Gogh sera toujours beau. Alors, un million de dollars de plus ou de moins, quelle importance? L’émotion que me donne mon Van Gogh ne peut pas se chiffrer. Ni mon palais de Venise, ni Karine.
(...)
Roland Topor ("Vaches noires», 33 textes - Wombat, 2011)
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LA PRINCESSE ANGINE
Dans ce conte, plus pour adultes que pour enfants, Topor exerce toujours son humour ravageur, et joue avec les mots, le sens , l’écriture, jusqu’à leur accorder parfois une existence propre
Roland Topor ("La Princesse Angine», Libretto, 2012)
La Princesse Angine (extraits)
L'animal était couleur fraise écrasée. Sur son flanc figurait en lettres noires l'inscription suivante :
RIEN NE VAUT LE THON A L'HUILE
Le vieillard trottina jusqu'à la porte arrière qu'il ouvrit à l'aide d'une clé dorée. Il disparut à l'intérieur.
- Vous regardez notre lama ? demanda Angine.
- Non, je regardais l'éléphant.
- Vous voulez dire notre crocodile ?
- Non, l'éléphant du camion.
- Ah ! vous voulez parler de l'okap !
- Mais non, de l'éléphant, là, sur la route.
- Imbécile, éclata Angine, "éléphant" est un mot interdit ! C'est un gros mot. On ne dit pas un éléphant, on dit une souris.
- Mais ce n'est pas la même chose !
- Qu'en savez-vous ? Ils sont de la même couleur, grise ou blanche. Ce sont également des mammifères, et ils mangent de l'herbe.
- Ils n'ont pas la même forme, ni la même taille!
- Un petit éléphant est quand même un éléphant, n'est-ce pas, et une grande souris, une souris. Donc la taille ne compte pas. Quant à la forme... c'est à s'y méprendre. Avec un peu de bonne volonté c'est absolument pareil.
-Vous allez fort !
-
(...)
Jonathan demande à la princesse Angine :
“ Que voulez-vous que j'écrive ?
— Elastique.
Les doigts de Jonathan palpitèrent sur les touches.
Voilà. Elastique.
Vous n'êtes pas un bon écrivain. Passez-moi la machine. Elle tapa à son tour.
ELASSSSSSSSSSSSSSSSTIQUE
— Voilà. C'est ainsi qu'il faut l'écrire. Ou comme cela si on le détend :
ELTIQUE. ”
Roland Topor ("La Princesse Angine», Buchet-Chastel, 1967- et sur l’image, la réédition chez Libretto, 2012)
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LE CINÉMA DE TOPOR
dessin de Topor pour le film
Roland Topor a écrit le scénario de ce film, dont le titre annonce l’humour noir, mais il est mort avant sa distribution (2010).
Le réalisateur Jacques Richard raconte (source : http://www.allocine.fr/film/fichefilm-171756/secrets-tournage/) :
"Le film, qui ne ressemble à rien de ce qui se produit aujourd’hui en France a donc mis quatorze ans à voir le jour, aucun producteur, distributeur, ni chaînes ne voulant me suivre. Heureusement la région Bourgogne a choisi d’aider le film et on a pu le tourner quasi entièrement entre Beaune et Chalon-sur-Saône. On a eu la chance de trouver de très beaux décors favorisant le rêve et le fantasme"
Topor a scénarisé d’autres longs métrages, les plus connus étant «Le locataire» (en 1976), de Roman Polanski, (d’après son ouvrage «Le Locataire chimérique», Buchet/Chastel, 1996) et «La planète sauvage» (en 1973), tiré également d’un de ses romans, et dont il a aussi assuré la direction artistique.
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LITTÉRATURE ET THÉÂTRE
ALICE AU PAYS DES LETTRES
Illustration de Topor pour l’ouvrage «Alice au pays des lettres»
(Le Seuil, 1991)
Ci-dessous l’affiche et une présentation de ce spectacle (sur scène en 2006), d’après le conte de Topor, lui-même inspiré du roman de Lewis Caroll, «Alice au pays des merveilles».où on constate le plaisir de Roland Topor à jouer avec le langage et l’écriture.
Alice au pays des lettres (extrait)
Il y avait là toutes les lettres : des B, des L, des U, enfin tous ces signes qui, convenablement placés, constituent l’alphabet. Elle aperçut un O avec sa fille, Mademoiselle O, rougissante et timide. Elle vit également un J et un E qui se tenaient par le bras. C’était sans doute un jeune couple en pleine lune de miel. Il y avait des milliers de caractères de toutes sortes qui se pressaient, se bousculaient, comme s’ils avaient quelque chose de très important à faire.
« Peut-être vont-ils prendre leur goûter ? » se demanda Alice. En s’approchant de la bibliothèque, elle avisa une espèce de guichet dans lequel une grosse femme tenait des listes à la main. De temps à autre elle annonçait d’une voix forte :
« Un rôle pour S ! Un rôle pour E ! Un rôle pour J ! » Alice comprit qu’il s’agissait d’une espèce de régisseur de théâtre qui distribuait des rôles pour une représentation. Elle battit des mains car elle avait joué une fois le rôle du Petit Chaperon Rouge dans une fête et tout le monde lui avait dit qu’elle était très bonne actrice.
Avec Karim Kadjar, Sarah Olivier
D'après Roland Topor
Mise en scène et adaptation par Elzbieta Jeznach
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34. Tristan Tzara et le mouvement Dada
(1896-1963) est l'un des fondateurs du mouvement Dada.
Le mouvement Dada dépasse le cadre de l'humour, et pour tout dire celui de la poésie. Il échappe aux critères, aux règles et aux contraintes.
Voici des passages du Manifeste Dada rédigé en 1918 par Tristan Tzara :
"[...] J'écris ce manifeste pour montrer qu'on peut faire les actions opposées ensemble, dans une seule fraîche respiration; je suis contre l'action; pour la continuelle contradiction, pour l'affirmation aussi, je ne suis ni pour ni contre et je n'explique pas car je hais le bon sens. [...]
Une œuvre d'art n'est jamais belle, par décret, objectivement, pour tous. La critique est donc inutile, elle n'existe que subjectivement, pour chacun, et sans le moindre caractère de généralité. [...]
[Littérature] : Chaque page doit exploser, soit par le sérieux profond et lourd, le tourbillon, le vertige, le nouveau, l'éternel, par la blague écrasante, par l'enthousiasme des principes ou par la façon d'être imprimée. Voilà un monde chancelant qui fuit, fiancé aux grelots de la gamme infernale, voilà de l'autre côté : des hommes nouveaux. Rudes, bondissants, chevaucheurs de hoquets."
La rose et le chien, un «poème perpétuel» de Tristan Tzara
Midis gagnés» (Denoël, 1939)
recueil de poèmes de Tristan Tzara illustré de six dessins d’Henri Matisse
Une deuxième édition de "Midis gagnés" , illustrée de huit dessins d'Henri Matisse, contient "Abrégé de la nuit ; La Main passe ; Les Mutations radieuses" (Denoël, 1948)
un des six dessins
Midis gagnés (extrait )
(...)
c’est de l’immense solitude du brin de paille
abandonné aux lèvres voraces des champs
que je déduirai le feu à couture de nacre
les ancres de nuit aux ailes agricoles aux tresses de sarment
les aloès rouillés les murs mis à vif des défilés d’hommes et de grêlons
fours branlants où le pain est de pierre et la paix des fougères s’émiette
ce sont les grillons d’anis et d’ombre
d’une certaine transparence à voix étroite
du toucher des objets blafards
d’une peau douce à la longue haleine
d’une envolée de bijoux sans lendemain ni plumes
d’un jour foncé d’un bois de pigeons
d’une fenêtre froide comme d’une chevelure sans feuilles
on guette la poutre de soleil
le silence n’a pas encore atteint la structure intime de l’ombre de cristal
les pans de rocher aux crinières d’eau pâle
le sommeil sectionne les êtres vivants par coupes verticales les unes sont noires les autres de mer
le roi des vagues n’a pas encore séché sa dernière larme
Tristan Tzara («Midis gagnés», Denoël, 1939 et 1948)
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De fil en aiguille
le serrurier fourbit l’ombre séculaire
le menuisier à petits coups tape sur la peur de la mort
le jardinier plante des draps sur des tertres de fumée
mais l’aveugle ramasse toujours la suie
le mécanicien tourne le miroir du tournesol
à l’envers du monde où sont les infirmières
elles vont au cinéma au bois aux champignons
mais les invalides sonnent les feuilles mortes
quand le cultivateur arrache l’écharde de lumière
aucun frisson ne parcourt la parole de l’endormeur
le berger secoue la grise lande
mais le marin n’échappe à la risée de la durée
oh brave animalier dans l’œuf de la douleur
l’enfanteur de brises est tombé sous sa main
matin mainmise sur le silence du routier
mais le vitrier fournit les cailloux
et les enfants sont morts les meuniers debout
les fous plus nombreux que les lucarnes de leurs ans
courant à l’école sur le fil des couturiers
les limiers montent dans les greniers du langage
attention le souffleur de verre vide la crécelle
ne t’approche pas trop de la ville qui fume
le pêcheur soulève le voile des pleurs
mais le facteur ranime de vieux fusils
dans chaque main mortelle se glisse un triste sire
chaque vent d’hiver nous porte aux portes des pâtissiers
le ramoneur est là il est dans de beaux draps
mais sur le képi du général paix et cendres
le charbonnier a dans la peau les bruits de l’armoire
pas un chien n’aboie quand passe l’ébéniste
c’est un vieux pharmacien habillé de plâtre
mais le gardien lui se bat avec la nuit
il y a des boulangers dans la forêt des familles
et des savetiers qui savent le latin du ciel
ce sont encore des princes dans l’herbe des géants
mais le maraudeur baratte la solitude
n’était sur le village un halo de plâtriers
le quai enflerait-il des gants d’embaumeurs
voici clopin-clopant la toux du médecin qui monte
mais le cocher tire l’escalier par la barbe
les puisatiers se donnent à cœur joie
quand les géomètres rompent l’or du temps trottant
et les mineurs retournent la mesure de la terre
mais les écoliers en portent le poids
est-il vrai bûcheron le sentier sort de ta tête
comme le pâtre rameur à belles dents
du rocher incendie gisant dans le fossé
mais le fermier ne l’entend pas de cette oreille
ainsi vont les charpentiers à la foire aux médisances
ainsi déroulent les acteurs les tréfonds des trépassés
et les chapeliers leurs vérités de rubans
mais le musicien en tire les conséquences de blé sourd
rien n’échappe aux doigts de l’architecte
dans les yeux du parc l’horloger s’installe à son banc
l’arroseur des rues fait la part de peine à la raison
mais l’oiseleur rit dans sa ruse blanche
le paveur a mis sa cruche sur la tête
où sont-ils les cavaliers qui foraient la montagne
l’aubergiste enfile des dents de sanglier
mais la servante boit son dernier soupir
amants amants de corps et âme
les chasseurs ont perdu la partie de campagne
et les carillonneurs aiguisant la tempête
messieurs les fossoyeurs enlevez vos chapeaux
Tristan Tzara («Midis gagnés» ; «Entre-temps : De fil en aiguille», Denoël, 1939 et 1948)
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Un texte beaucoup plus accessible au collège, voire au cycle 3 :
Pour faire un poème dadaïste
Prenez un journal.
Prenez les ciseaux.
Choisissez dans le journal un article ayant la longueur que vous comptez donner à votre poème.
Découpez l'article.
Découpez ensuite avec soin chacun de mots qui forment cet article et mettez-les dans un sac.
Agitez doucement.
Sortez ensuite chaque coupure l'une après l'autre.
Copiez consciencieusement dans l'ordre où elles ont quitté le sac.
Le poème vous ressemblera.
Et vous voilà un écrivain infiniment original et d'une sensibilité charmante, encore qu'incomprise du vulgaire.
Tristan Tzara (1920)
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34. Paul Verlaine
(1844-1896) est un des poètes français les plus connus. Voir ici une biographie et une bibliographie détaillées :
http://pagesperso-orange.fr/paul-verlaine/paul-verlaine/
Art poétique
À Charles Morice
De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l'Impair
Plus vague et plus soluble dans l'air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
Il faut aussi que tu n'ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l'Indécis au Précis se joint.
C'est des beaux yeux derrière des voiles
C'est le grand jour tremblant de midi,
C'est par un ciel d'automne attiédi
Le bleu fouillis des claires étoiles !
Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la Couleur, rien que la nuance !
Oh ! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor !
Fuis du plus loin la Pointe assassine,
L'Esprit cruel et le Rire impur,
Qui font pleurer les yeux de l'Azur
Et tout cet ail de basse cuisine !
Prends l'éloquence et tords-lui son cou !
Tu feras bien, en train d'énergie,
De rendre un peu la Rime assagie.
Si l'on n'y veille, elle ira jusqu'où ?
Ô qui dira les torts de la Rime ?
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d'un sou
Qui sonne creux et faux sous la lime ?
De la musique encore et toujours !
Que ton vers soit la chose envolée
Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée
Vers d'autres cieux à d'autres amours.
Que ton vers soit la bonne aventure
Eparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym...
Et tout le reste est littérature.
Paul Verlaine (recueil «Jadis et naguère»)
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35. Boris Vian (voir aussi la page école primaire)
(1920-1959) est un "touche-à-tout de génie".
Diplômé de l'École centrale, il entre comme ingénieur à l'Afnor (Association française de normalisation !) où il sévira quand même quatre années, avant de devenir trompettiste, car il est passionné de musique et de "culture jazz" (il signe des critiques pour des revues spécialisées).
Il écrit parallèlement(1) des poésies et des textes de chansons, qu'il interprètera plus tard, des nouvelles et des romans.
«N'importe quel objet peut être un objet d'art pour peu qu'on l'entoure d'un cadre» (Boris Vian)
Voir également la page du site qui lui est consacrée, (en préparation) ....
un poème à proposer en écoute aux grands élèves, pour la musique des mots et l’auto-dérision au second degré que pratique Boris Vian
Si les poètes étaient moins bêtes
Si les poètes étaient moins bêtes
Et s'ils étaient moins paresseux
Ils rendraient tout le monde heureux
Pour pouvoir s'occuper en paix
De leurs souffrances littéraires
Ils construiraient des maisons jaunes
Avec des grands jardins devant
Et des arbres pleins de zoizeaux
De mirliflûtes et de lizeaux
Des mésongres et des feuvertes
Des plumuches, des picassiettes
Et des petits corbeaux tout rouges
Qui diraient la bonne aventure
Il y aurait de grands jets d'eau
Avec des lumières dedans
Il y aurait deux cents poissons
Depuis le croûsque au ramusson
De la libelle au pépamule
De l'orphie au rara curule
Et de l'avoile au canisson
Il y aurait de l'air tout neuf
Parfumé de l'odeur des feuilles
On mangerait quand on voudrait
Et l'on travaillerait sans hâte
A construire des escaliers
De formes encor jamais vues
Avec des bois veinés de mauve
Lisses comme elle sous les doigts
Mais les poètes sont très bêtes
Ils écrivent pour commencer
Au lieu de s'mettre à travailler
Et ça leur donne des remords
Qu'ils conservent jusqu'à la mort
Ravis d'avoir tellement souffert
On leur donne des grands discours
Et on les oublie en un jour
Mais s'ils étaient moins paresseux
On ne les oublierait qu'en deux.
Boris Vian ("Je voudrais pas crever", éditions Jean-Jacques Pauvert, 1962)
tableau de Boris Vian, "les hommes de fer»
35. Théophile de Viau
(1590-1626) est un des plus grands poètes de son siècle, étiqueté "poète baroque"..
Un poème descriptif, peint le ableau d’une étonnante scène de nature :
Un Corbeau devant moi croasse …
Un Corbeau devant moi croasse,
Une ombre offusque mes regards,
Deux belettes et deux renards
Traversent l'endroit où je passe :
Les pieds faillent à mon cheval,
Mon laquais tombe du haut mal,
J'entends craqueter le tonnerre,
Un esprit se présente à moi,
J'ois Charon qui m'appelle à soi,
Je vois le centre de la terre.
Ce ruisseau remonte en sa source,
Un bœuf gravit sur un clocher,
Le sang coule de ce rocher,
Un aspic s'accouple d'une ourse,
Sur le haut d'une vieille tour
Un serpent déchire un vautour,
Le feu brûle dedans la glace,
Le Soleil est devenu noir,
Je vois la Lune qui va choir,
Cet arbre est sorti de sa place.
Théophile de Viau ("Œuvres poétiques", 1621)
Charon est dans la mythologie grecque le fils des ténèbres et de la nuit qui fait traverser le fleuve de l’Enfer, le Styx, aux âmes des morts pour les conduire au Royaume des morts
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36. Alexandre Voisard
poète et écrivain, est né en 1930 à Porrentruy, dans le Jura suisse. Il vit aujourd'hui dans le Jura français, juste de l'autre côté de la frontière. Il a obtenu le Prix de poésie Max Jacob en 1996 pour son recueil Le repentir du peintre (éditions Empreintes). L'un des derniers ouvrages en date est Fables des orées et des rues, (éditions Bernard Campiche, 2003).
L'artiste à l'œuvre
De bas en haut
celui qu'on nommait l'Artiste
a léché l'étendard de la survie
de long en large
il en a baisé tous les ourlets
dans le désarroi des oiseaux migrants
il s'en remet pour l'avenir
aux liturgies de la flore
aux jurisprudences de la faune
grâce auxquelles le papier ne tremblera
plus sous le crayon insurgé.
Alexandre Voisard ("Fables des orées et des rues", Éditions Bernard Campiche, 2003)
SOMMAIRE PAR AUTEURS SUR LES 4 PAGES
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1.Guillaume Apollinaire - Les fiançailles ; La Colombe poignardée ; le jet d’eau ; La cravate ; Il pleut ; Marie ; Le présent ; Si je mourais là-bas
2.Louis Aragon - MATISSE PARLE ; LA BELLE ITALIENNE ; Chagall IX (Le ciel est un pays de chèvres ...) ; Les oiseaux déguisés ; Chagall à l'opéra ; Chagall (Tous les animaux et les candélabres) ; CHAGALL N° TANT ET PLUS ; Léger ; La merveille de la musique
3.Jean Hans Arp - Interview de Jean Arp par Camille Bryen ; Flamber et fleurir ; Plastron et fourchette (sculpture) ; Femme paysage (sculpture) ; Une goutte d’homme ; Berger de nuages (sculpture) ; Nombril et nombril ailé (collage) ; Aux anses de coton ; Cuis-moi un tonnerre
4.Charles Baudelaire - Harmonie du soir ; Les phares ; Une gravure fantastique ; Une martyre ; La Musique
5.Maurice Bourg - Embrasement
6.André Breton - Île ; À l’intersection de lignes de force invisibles ... (poème-objet) ; Ces terrains vagues … (poème-objet)
7.René Char - Lettera amorosa ; Allégeance ; l y a deux iris jaunes ... ; LE MONDE DE L’ART N’EST PAS LE MONDE DU PARDON (FRONT DE LA ROSE) ; Dansez, montagnes (Derrière Le Miroir) ; Éloge rupestre de Miró
8.Malcolm de Chazal - aphorismes en forme de poèmes courts ; pensées et aphorismes courts ; pensées et aphorismes en rapport avec la couleur et la lumière
9.Jean Cocteau - Le Coq et l’Arlequin (courts extraits) ; La jeune femme ; Les trois yeux (céramique) ; Le chat (décor de la Chapelle Saint-Blaise des Simples) ; Plain-chant ; Hommage à Igor Stravinsky
10.Lucienne Desnoues - La mort du peintre
11.Heather Duollau - La Liseuse ; extraits divers (dont "Le tableau")
12.Jean Dubuffet - LER DLA CANPANE ; OREILLES GARDÉES ; Ontogénèse (tableau) ; collaborations avec Jacques Berne
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13.PAUL ÉLUARD
textes dédiés à des artistes et textes illustrés par
Pablo Picasso, Salvador Dalí, Fernand Léger, Valentine Hugo, Max Ernst, Man Ray, Joan Miró, René Magritte, Yves Tanguy, Albrecht Dürer, André Masson ...
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14.Max Ernst - Écritures ; Festin
15.Jean Follain - La pomme rouge
16.Guillevic - J’ai joué sur la pierre … ; Les mots … ; Le chant ; Art poétique ; Regarder ; Paysage habité ; Les murs ; Tourbillon , Se dénuager ; D’une lune ; L’infini ; Cette lumière ; Grisé ; Cymbalum ; Échappées ; Aguets
17.Victor Hugo - dessins ; Que la musique date du seizième siècle
18.Pierre Jean Jouve - Mozart
19.Stéphane Mallarmé - Peindre un paysage
20.Henri Michaux - Peindre ; alphabets ; Émergences-Résurgence ; Mouvements ; Par la voie des rythmes ; Misérable miracle ; Portrait des Meidosems ; CLOWN
21.Gérard de Nerval - Fantaisie ; Avril ; Le coucher du soleil
22.Joseph Noiret - Le jardin bien bêché … ; HISTOIRES NATURELLES DE LA CREVÊCHE ; L'Aube se lève droit devant elle ; Dans la pâte je m’entortouille ; la java des mots
23.Germain Nouveau - Un peu de musique
24.Francis Picabia - FLEUR COUPÉE ; Manifeste DADA ; Pensées sans langage
25.Pablo Picasso - SONGE ET MENSONGE DE FRANCO ; Divers poèmes du Livre ouvert ; 16 mai XXXVI ; 22 MARS XXXVI ; 4 AVRIL XXXV, portrait de jeune fille ; DÉTOURNEMENT/ASSEMBLAGE D’OBJETS
26.Ernest Pignon-Ernest - Robert Desnos en lévitation ; hommage au poète palestinien Mahmoud Darwish
27.Francis Ponge - Nutrition (avec Jean Dubuffet) ; La cruche
28.Jacques Prévert - Les collages de «Fatras» ; Promenade de Picasso ; Bain de soleil ; Pour faire le portrait d’un oiseau ; L’école des Beaux-Arts ; Presque ; Beauté ; Voyages
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29.Pierre Reverdy - Le côté bleu du ciel ; La vie fragile ; Les jockeys camouflés
30.Maurice Rollinat - Coucher de soleil
31.Hector de Saint-Denis-Garneau - Flûte ; Entre le ciel et l’eau - Paysage en deux couleurs ; Baigneuse
32.André Salmon - El Malagueño ; Profond tableau ; Peindre c’est la merveille !
33.Albert Samain - Musique sur l’eau ; Musique
34.Philippe Soupault - La Roue des Roues
35.Jules Supervielle - À propos de Pedro Figari ; Un peintre ; Je caresse la mappemonde
36.Jean Tardieu - Outils posés sur une table ; HENRI ROUSSEAU LE DOUANIER ; À L’OCTROI DU POINT-DU-JOUR ; LE MIROIR ÉBLOUI ; C’EST À DIRE ; POÈMES À VOIR ; L’ESPACE ET LA FLÛTE ; LE PARQUET SE SOULÈVE ; Nous sommes tes amis ; Les figures du mouvement ; Jean Tardieu quatre fois ; TOUT ET RIEN
37.Roland Topor - AFFICHES ; POÉSIE GRAPHIQUE : Paysage de montagne ; Vaches noires ; La Princesse Angine ; LE CINÉMA DE TOPOR ; LITTÉRATURE ET THÉÂTRE : Alice au pays des lettres
38.Tristan Tzara - Midis gagnés
39.Paul Verlaine - Art poétique
40.Boris Vian - Si les poètes étaient moins bêtes ; Les hommes de fer
41.Théophile de Viau - Un Corbeau devant moi croasse …
42.Alexandre Voisard - L'artiste à l'œuvre
24. Pierre Reverdy
(1889-1910) n'est pas à ranger dans les poètes surréalistes. Était-il, pour avoir fréquenté Picasso, un "poète cubiste", comme on l'a dit ?
Il a en tous cas inspiré des peintres, Juan Gris, Henri Matisse et donc Pablo Picasso, et des écrivains et poètes tels que Louis Aragon, André Breton et Paul Éluard.
Natif de Narbonne, en Roussillon, c'est la Montagne Noire qui peuple ses textes de neige.
Philippe Jaccottet, poète d'aujourd'hui, a écrit de Pierre Reverdy :
"L’univers de Reverdy a pour modèles la limpidité hivernale, les merveilles du givre, l’éblouissement des cascades, ou, par moindre bonheur, les voiles de la pluie, la fuite des nuées, les lueurs des vitres."
Philippe Jaccottet dans "Une claire goutte de temps", 1968.
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"La guitare endormie", 1919
recueil de contes et de poèmes de Pierre Reverdy illustré par Juan Gris
Le côté bleu du ciel
Les bancs sont prisonniers
Des chaînes d’or du mur
Prisonniers des jardins où le soleil se cache
Près de la forêt vierge
De la prairie étale
Du pont qui tourne à pic
Dans l’angle le plus droit
La boîte des nuages s’ouvre
Et tous les oiseaux blancs s’envolent à la fois
Tapis plus vert que l’eau plus doux que l’herbe
Plus amer à la bouche et plus plaisant à l’œil
Les arbres à genoux se baignent
L’air est calme et plein de sommeil
La lumière s’abat
Le jour perd ses pétales
Plus haut c’est tout d’un coup la nuit
Les regards entendus
Et le clignement des étoiles
Les signes
Par-dessus les toits
Pierre Reverdy ("La guitare endormie", 1919)
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La vie fragile
Plus loin entre la plante grasse et le rideau
Dresser l'échelle
Les formes qui remuent dans le fond du jardin sont blanches
d'autres noires
Selon le mouvement brutal du réflecteur
Les maillots des arbres sont roses
Mais au premier plan une main tient la clef du cœur
Un couple ailé marche dans des couleurs qui changent
Celui qui vole bas c'est l'homme
Celui qui va à pied c'est l'ange
Les yeux luttent dans la lumière
La lampe fraîche du matin
Un fil cassé descend derrière
La tête nue s'incline et barre le chemin
Tout le reste est recouvert de feuilles mortes
Quant au ciel il s'ouvre par le fond et de côté mais en triangle
Pierre Reverdy ("La guitare endormie", 1919)
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PIERRE REVERDY et HENRI MATISSE (1869-1954)
« Il faut regarder toute la vie avec des yeux d'enfants »
Henri Matisse, en 1953
deux des dessins pour l’ouvrage «Les Jockeys camouflés»
édité par François Bernouard, (A la belle édition, 1918).
Contient trois textes de Pierre Reverdy :
Les jockeys camouflés ; Les jockeys mécaniques ;
Autres jockeys, alcooliques. - illustrés de cinq dessins d’Henri Matisse.
« (...) l'emploi des majuscules est (...) frappant. Cette particularité typographique donne aux poèmes une dimension supplémentaire, mettant l'accent sur certains mots qui peuvent, lus ensemble, également former un poème en soi. Les dessins de Matisse contribuent aussi à la multiplicité de significations. Ce ne sont pas de simples illustrations. Tout comme la typographie, elles donnent au cours de la lecture une impression de chevaux au galop. Les vers de Reverdy eux aussi galopent à travers les pages. Un vers long est ainsi souvent suivi d'un vers très court. (...) « source : http://www.kb.nl/fr/collection-koopman/index/1890-1918/les-jockeys-camoufles
extrait de
Les jockeys mécaniques
La nuit polaire
A bord les hublots sont ouverts
Les trappes bâillent
Assis sur le balcon qui se détache
Le voilà sur fond bleu
Les nuages seront peut-être les gagnants de la course
On ne voit plus que lui et eux
Ils disparaissent un moment derrière la colline où quelqu'un se promène
Ils meurent
Les chevaux ne sont plus que des bruits de grelots
En même temps que les feuilles tremblent
En même temps que les étoiles regardent
En même temps que le train passe en crachant des injures
Et la fumée
Un bout de cigare refroidi reste
Et ce tronc d'arbre au bord de la forêt
L'âcre odeur de l'herbe roussie tout autour
(...)
Il y a des lueurs sur le fond noir du ciel
Il y a des lumières qui courent entre les étoiles
Il y a des yeux qui s'ouvrent à la lueur des étoiles
Et son cœur battait plus fort à cause d'une main qui se posait près d'elle
A ce moment tous les yeux se tournèrent vers l'ouest d'où venait le vent
Il y avait aussi des hirondelles blanches qui venaient
de la mer
Il y avait encore des paroles qu'on n'entendait pas
Elles venaient de plus loin que la mer
Et les cavaliers lumineux dont les chevaux battaient le ciel de leurs sabots lunaires descendirent en bloc vers le poteau qui indiquait le but
(...)
Pierre Reverdy (poèmes repris dans «Plupart du temps. tome 2 : 1915-1922», Poésie/Gallimard, 1969).
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même ouvrage, extrait de
Autres jockeys, alcooliques
(...)
Chaque pas que nous faisons est plus qu'un voyage Nous n'avons pas besoin de nous presser
Ceux qui sont une source de mépris Ceux qui portent en eux la goutte d'éternité nécessaire à la vie
Ceux qui n'ont jamais connu leur mesure
En passant sur la route qui n'est recouverte que par le ciel baissent la tête
Des étoiles sont restées prises dans leurs cheveux
Une brûlure dans la tête
Et tout ce qui passe tourne en cavalcade où le métal résonne et s'enflamme
Rien qu'eux
La situation d'un homme devant un mur infini Sans aucune affiche La ligne des pieds et des yeux confondue
(...)
Pierre Reverdy (poèmes repris dans «Plupart du temps. tome 2 : 1915-1922», Poésie/Gallimard, 1969).
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25. Maurice Rollinat
(1846-1903) est un poète français.
Coucher de soleil
sonnet
Le soleil sur les monts s'écroule,
S'empourpre, et, graduellement,
Rétrécit son rayonnement,
Toujours plus se ramasse en boule.
Sa grande âme presque exhalée,
De ses derniers soupirs de feu
Rougit la côte et le milieu
De la solitaire vallée.
Et quand il s'éteint, descendu
Sur un roc lierreux et fendu,
Taché de noir comme les marbres,
Il figure, brûlant les yeux,
Un saint sacrement monstrueux
Qui saigne parmi des troncs d'arbres.
Maurice Rollinat ("Paysages et paysans", 1898)
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26. Hector de Saint-Denis-Garneau
Hector de Saint-Denys-Garneau (1912-1943) est un poète, écrivain et peintre québécois.
Il a écrit la plupart de ses poèmes entre 1935 et 1937 («Regards et jeux dans l’espace» est publié en 1937 à compte d’auteur). Il est un des pionniers du vers libre.
(Regards Et Jeux Dans l'Espace", Montréal, édition de l'auteur, 1937 sans illustrations, a été réédité à l’identique par plusieurs éditeurs.
Les éditions Fides, qui avaient publié l’ouvrage dans leur collection Nénuphar en 1949 puis en 1972, ont repris les 25 poèmes avec 35 lithographies de l’auteur photographiées par Michel Pilon, dans un dernier ouvrage publié en1993 (sous la direction d’Henri Rivard)
La poète Anne Hébert a préfacé l’ouvrage de Fides :
(extrait) :
« Saint-Denys Garneau rêvait d'habiter le paysage de fond en comble, de tout son corps, de toute son âme, de la crête des arbres au plus profond de la rivière, de surprendre les secrets des arbres et de la rivière, de s'y fondre comme dans son propre secret révélé. Il scrutait la moindre avance, le moindre recul de la lumière sur le paysage, ainsi qu'en lui-même il suivait le passage, allant venant, de la grâce de vivre se donnant et se reprenant. Sainte-Catherine, Baie-Saint-Paul, Oka. Tout pays visité et reconnu. « C'est un peintre qui part en rêve qui part en chasse. » (...)
Sa double réponse à la vie foisonnante en lui et autour de lui était de peintre et de poète. Il écrivait des poèmes, il peignait des toiles. La terre était devant lui, exigeante et pleine. (...)
Garneau est moins « moderne » en peinture qu’il l’est en écriture. On découvre l’influence des impressionnistes, à commencer par Cézanne et Van Gogh (...)
source, le site officiel consacré au poète :
http://www.saintdenysgarneau.com
«pommiers en hiver», une des lithographies d’ Hector de Saint-Denys-Garneau qui illustre ses poèmes dans l’édition FIDES de l’ouvrage «Regards et jeux dans l’espace».
Flûte
Tous les champs ont soupiré par une flûte
Tous les champs à perte de vue ondulés sur les buttes
Tendus verts sur la respiration calme des buttes
Toute la respiration des champs a trouvé ce petit
ruisseau vert de son pour sortir
A découvert
Cette voix verte presque marine
Et soupiré un son tout frais
Par une flûte.
Hector de Saint-Denys-Garneau ("Regards Et Jeux Dans l'Espace", références plus haut)
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Entre le ciel et l'eau
Entre le ciel et l'eau, je suis entre le ciel
Qui est hier fixé dans l'azur du passé
Un ciel qui n'est pas immobile mais qui reste
Le même presque - Et l'eau de l'avenir qui fut
troublante et donne
le vertige, où se reflète le ciel d'hier
pareil, mais pas du tout de la même façon
Instable, comme glissant, d'un pas mal sûr
Inquiet comme se tenant sur une boule,
Et puis aussi selon les ondulations
Changeantes toutefois, plus profond ou plus clair,
Allongé par des bouts et raccourci par d'autres
Très incertain, assurément, très incertain
Et je me tiens ainsi, entre le ciel et l'eau
Appuyé tout contre le ciel sans empêcher
la clarté que je fais irrévocablement
Vers l'eau, vers l'eau mal sûre et pleine
d'inconnu, fascinante parfois ou qui fait peur
Selon que tel reflet s'allonge ou se restreint
prend toute la place ou la laisse à un autre
toujours selon les ondulations.
Hector de Saint-Denys-Garneau ("Regards Et Jeux Dans l'Espace", références plus haut)
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Paysage en deux couleurs
La vie la mort sur deux collines
Deux collines quatre versants
Les fleurs sauvages sur deux versants
L'ombre sauvage sur deux versants.
Le soleil debout dans le sud
Met son bonheur sur les deux cimes
L'épand sur faces des deux pentes
Et jusqu'à l'eau de la vallée
(Regarde tout et ne voit rien)
Dans la vallée le ciel de l'eau
Au ciel de l'eau les nénuphars
Les longues tiges vont au profond
Et le soleil les suit du doigt
(Les suit du doigt et ne sent rien)
Sur l'eau bercée de nénuphars
Sur l'eau piquée de nénuphars
Sur l'eau percée de nénuphars
Et tenue de cent mille tiges
Porte le pied des deux collines
Un pied fleuri de fleurs sauvages
Un pied rongé d'ombre sauvage.
Et pour qui vogue en plein milieu
Pour le poisson qui saute au milieu
(Voit une mouche tout au plus)
Tendant les pentes vers le fond
Plonge le front des deux collines
Un de fleurs fraîches dans la lumière
Vingt ans de fleurs sur fond de ciel
Un sans couleur ni de visage
Et sans comprendre et sans soleil
Mais tout mangé d'ombre sauvage
Tout composé d'absence noire
Un trou d'oubli — ciel calme autour.
Hector de Saint-Denys-Garneau ("Regards Et Jeux Dans l'Espace", références plus haut)
Baigneuse
Ah le matin dans mes yeux sur la mer
Une claire baigneuse a ramassé sur elle
toute la lumière du paysage.
Hector de Saint-Denys-Garneau ("Regards Et Jeux Dans l'Espace", références plus haut)
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27. André Salmon
(1881-1969) poète, ami de Jean Moréas, de Picasso, appartient au groupe des poètes de l’Esprit Nouveau, dans lequel figurent aussi Cendrars, Reverdy et Max Jacob, qui sont aussi ses amis.
VOIR LE PARAGRAPHE PICASSO
Salmon a fait connaître le tableau de Picasso «Les Demoiselles d'Avignon» (à l’exposition du Salon d’Antin) et lui a donné ce titre.
Dans «L’Esprit nouveau», il écrit à propos de cette peinture :
« ce cratère toujours incandescent d’où est sorti le feu de l’art présent […] commande le départ de la révolution cubiste. »
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Peintures rupestres du Sahara («groupe Tekenberet») - ces peintures datent du dernier millénaire avant notre ère
Quelle fut la première peinture ?
Rien qu’une ligne qui marquait
l’ombre d’un homme sur un mur.
André Salmon
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«Les Demoiselles d’Avignon», Pablo Picasso, 1907 (243,9 × 233,7 cm) -Musée d'art moderne (MoMA) de New-York.
El Malagueño *
Celui qui fracassa
Un art trop compassé,
L'oeil en grain de cassis,
C'est Monsieur Picasso,
Tout l'univers l'a su.
André Salmon («Vocalises» - Seghers, 1959)
*Picasso est né à Malaga, en Andalousie - prononcer «malaguaigno»
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Les pommes, 1889-1890 - Paul Cézanne
Profond tableau
Trois pommes de Cézanne
La guitare de Pablo
Font dans le jour qui se fane
Un profond tableau,
Je suis hanté par les images !
Captif d’un monde recréé
André Salmon
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«Peindre», André Salmon (éditions de la Sirène, 1921)
Cet ouvrage est dédié à André Derain et porte en frontispice un portrait d’André Salmon par Pablo Picasso (original peint au fusain en1907)
Peindre c’est la merveille !
Peindre c’est la merveille !
Peindre !
Il n'est d'univers
Vivant que l'univers dont ton pinceau sait la mesure.
Peindre !
(...)
Peindre la rose avec le sang de l’animal
Et le soleil
Avec le limon terrestre et le suc du végétal
Et la chair palpitante
Avec la pierre du gouffre
L’écaille du poisson le mercure le soufre
Qu’une œuvre savante
Transforme en un pigment que l’art transforme encore.
(...)
Le peintre est mort
La couleur a perdu son maître
Et la lumière son époux ;
Tant de formes qui pouvaient naître !
Tant de puits de clarté s’abîmant aux égouts !
(...)
Cent ans que le peintre
A mis dans son tableau
Un jour qui nous tend la main
Le peintre doit être mort
Mais nous voici cent ans de moins !
Le peintre est mort
André Salmon («Peindre» éditions de la Sirène, 1921)
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28. Albert Samain
(1858-1900) est un des plus importants poètes symbolistes français du XIXe siècle .
Musique sur l'eau
Oh ! Écoute la symphonie ;
Rien n'est doux comme une agonie
Dans la musique indéfinie
Qu'exhale un lointain vaporeux ;
D'une langueur la nuit s'enivre,
Et notre cœur qu'elle délivre
Du monotone effort de vivre
Se meurt d'un trépas langoureux.
Glissons entre le ciel et l'onde,
Glissons sous la lune profonde ;
Toute mon âme, loin du monde,
S'est réfugiée en tes yeux,
Et je regarde tes prunelles
Se pâmer sous les chanterelles,
Comme deux fleurs surnaturelles
Sous un rayon mélodieux.
Oh ! écoute la symphonie ;
Rien n'est doux comme l'agonie
De la lèvre à la lèvre unie
Dans la musique indéfinie ...
Albert Samain («Au jardin de l'infante «, 1893)
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Musique
sonnet
Puisqu'il n'est point de mots qui puissent contenir,
Ce soir, mon âme triste en vouloir de se taire,
Qu'un archet pur s'élève et chante, solitaire,
Pour mon rêve jaloux de ne se définir.
Ô coupe de cristal pleine de souvenir ;
Musique, c'est ton eau seule qui désaltère ;
Et l'âme va d'instinct se fondre en ton mystère,
Comme la lèvre vient à la lèvre s'unir.
Sanglot d'or !... Oh ! voici le divin sortilège !
Un vent d'aile a couru sur la chair qui s'allège ;
Des mains d'anges sur nous promènent leur douceur.
Harmonie, et c'est toi, la Vierge secourable,
Qui, comme un pauvre enfant, berces contre ton cœur
Notre cœur infini, notre cœur misérable.
Albert Samain («Au jardin de l'infante «, 1893)
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portrait de Philippe Soupault par Delaunay, son ami, et tableau de Delaunay, «la Grande roue»
"On ne pardonne pas à son ami ses erreurs, on ne les excuse pas non plus. On les comprend" ...
"On doit mieux aimer ses amis pour leurs défauts que pour leurs qualités".
Philippe Soupault ("L'Amitié", recueil pour la collection "Notes et maximes - Hachette,1965)
La Roue des Roues
Il y a aujourd’hui
et il y a demain
il y a même après-demain
la grande roue
beau monocle qu’un soir Robert
Delaunay donna à la Ville
de Paris
attend
les quatre saisons
les quatre vents
les quatre jeudis
les voyous passant en dansant
près de cette grande baleine
qui s’agite comme un grand paon
près d’elle il n’y a pas que des animaux
il y a des femmes qui dorment
il y a aussi
Philippe Soupault, 1922 («Poésies complètes 1917-1937», GLM 1937)
page 101 du roman «Corps perdu», le roman d’un voyageur immobile (Au Sans Pareil, 1926)
et l’une des deux pointes-sèches de Jean Lurçat dans cet ouvrage
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30. Jules Supervielle
est un poète franco-uruguayen de langue française, né en 1884 à Montevideo, et mort à Paris en 1960.
Il a partagé son existence entre deux pays, deux continents, d'où vient peut-être cette approche du monde.
..."L'étoile dit : je tremble au bout d'un fil, si nul ne pense à moi, je cesse d'exister."
«Retrato» (portrait)
Le peintre Pedro Figari, ami de Jules Supervielle à Montevideo, a représenté ici le poète (source de l’image et du texte qui suit : http://www.pedrofigari.com/figari%20et%20supervielle.html )
à propos de Pedro Figari
«Transcription d’une page écrite pour l’album édité par la Commission Nationale des Beaux Arts à Montevideo en 1945»
(extraits - le texte intégral est à l’adresse indiquée ci-dessus) :
Il avait commencé par être un peintre des Dimanches et voilà qu’il colore, illumine et enchante toutes nos semaines.
(...) Sa peinture est mouvement. Il aime tout ce qui bouge: les danses, les couples, les chevaux, les diligences, les nuages et donne des ailes même aux maisons et aux arbres. Tout s’anime prodigieusement sous nos yeux et pourtant tout reste à sa place exacte.
(...) André Gide a dit qu’un nouveau poète remet tout en question. On pourrait en dire autant de ce grand coloriste qui a réhabilité le sujet dans la peinture sud-américaine et donné aux larges évocations du passé une grâce, une saveur et des accents jusqu’à lui inconnus dans ces terres.»
Jules Supervielle
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Un peintre
Il vous dira le jour
Toujours entre deux nuits
Avec des fleurs coupées
Par de claires épées,
Une seule bougie
Eclairant des cerises
Et un papier plié
Par le poids d’un secret,
Sur un fond de feuillage
Bien fait pour épier
D’un regard végétal
Votre propre mystère.
Jules Supervielle (« Le forçat innocent,» 1930 suivi de «Les amis inconnus, 1934 », réédition 2004 en Poésie/Gallimard)
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Je caresse la mappemonde
Je caresse la mappemonde
Jusqu'à ce que sous mes longs doigts
Naissent des montagnes, des bois,
Et je me mouille en eau profonde
Des fleuves, et je fonce avec eux
Dans l'océan vertigineux
Débordant de partout mes yeux
Dans la fougue d'un autre monde.
Jules Supervielle (poème et citation empruntés à "Poèmes pour les jeunes du temps présent" - Jacques Charpentreau - Les Editions Ouvrières - 1974)
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31. Jean Tardieu
(1903-1995), est un écrivain français né dans le Jura, poète, auteur de théâtre et romancier.
Il a sans doute hérité de ses parents, de son père artiste peintre et de sa mère musicienne, cet attrait de la couleur du verbe, de la poésie, mise en scène, et de la mélodie imagée de la langue (parmi d’utres ouvrages, les «Didascalies»).
«Saurais-je peindre avec des mots ?» s’interroge Tardieu.
«Je n'ai gardé de cette nostalgie de l'univers musical qu'un goût abstrait pour les formes conçues à priori (…)
Je prenais quelques mots parmi les plus usés [pour construire] une série de courts poèmes à la manière des musiciens» (...)
On trouvera ici, sur le blog lieucommun, en attendant la mise en ligne sur ce site, une présentation biographique et des textes, à l'occasion du Printemps des Poètes 2009, qui lui a rendu hommage :
http://lieucommun.canalblog.com/archives/_print_poetes_2009___jean_tardieu/index.html
VOIR AUSSI LA CATÉGORIE ÉLÉMENTAIRE, <ici
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Outils posés sur une table
Mes outils d'artisan
sont vieux comme le monde
vous les connaissez
je les prends devant vous :
verbes adverbes participes
pronoms substantifs adjectifs.
Ils ont su ils savent toujours
peser sur les choses
sur les volontés
éloigner ou rapprocher
réunir séparer
fondre ce qui est pour qu'en transparence
dans cette épaisseur
soient espérés ou redoutés
ce qui n'est pas, ce qui n'est pas encore,
ce qui est tout, ce qui n'est rien,
ce qui n'est plus.
Je les pose sur la table
ils parlent tout seuls je m'en vais.
Jean Tardieu (recueil "Poèmes pour la main droite", repris dans «Formeries», Gallimard, 1976)
«Poèmes pour la main droite» est titré ainsi en référence aux «Concertos pour la main gauche» de Maurice Ravel
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Henri Rousseau dit "Le Douanier" (1844-1910), La Noce (1905)
le poème qui suit fait référence au peintre et à ce tableau
HENRI ROUSSEAU LE DOUANIER
À L’OCTROI DU POINT-DU-JOUR
À Marcel Arland
- début du poème -
C'est le commencement, le monde est à repeindre,
l'herbe veut être verte, elle a besoin de nos regards ;
les maisons où l'on vit, les routes où l'on marche,
les jardins, les bateaux, les barrières
m'attendent pour entrer dans leur vrai paradis.
Je ne suis pas ici pour me moquer des choses ;
dans mes yeux qui les recueillent elles font de beaux rêves
et dans mes yeux puis dans mes mains elles deviennent sages,
égales et polies comme des images.
Je voudrais être du ciel l'absolu photographe
et pour l'éternité fixer la noce de Juillet,
la mariée comme une crème et la grand-mère qui se tasse
et le caniche noir et les invités à moustache
qui sont de la même famille.
J'empêcherais pour toujours de bouger
les voiles blanches qui vont sur l'Oise,
les branches aux feuilles nombreuses
des chênes, des peupliers et surtout des acacias
et les nuages montagneux et l'eau de la Seine
pour qu'elle devienne lisse comme un canal.
(...)
Jean Tardieu («Les portes de toile», Gallimard, 1939)
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LE MIROIR ÉBLOUI
«Le miroir ébloui» , sous-titré «poèmes traduits des arts»
rassemble plusieurs ouvrages publiés séparément auparavant : «Une vie ponctuée d’images» (1927–1938), «les portes de toile» (1939–1969), et «La création sans fin»(1970–1992).
Jean Tardieu y exprime en poésie ses émotions artistiques, son admiration, pour les auteurs et les œuvres de peintres du passé et pour des artistes contemporains dont certains furent ses amis.
avec ALECHINSKY
(passages) source : http://pierresel.typepad.fr/la-pierre-et-le-sel/2013/05/peinture-et-poésie-des-alliés-substantiels-jean-tardieu-3.html)
D’une écriture à une autre (mais la signature est la même), avec un tremblement très sûr qui fait respirer le trait, de boucle en boucle, de serpentins en lassos, un cobra barbu, en tournant sur lui-même et en n’obéissant qu’à son propre hasard, engloutit le temps et le monde, choses et gens, la vague et le bateau, l’homme et son ombre, après avoir ensalivé de couleurs gourmandes cette proie sans fin qui ne demande qu’à être dévorée et qui renaît toujours de ses métamorphoses.
L’allusion colorée est si plaisante, si aiguë et si gaie, que l’on n’a plus besoin de rien : rien d’autre que l’infini et ses étoiles filantes. Tout n’est que prétexte à repeindre la création
(…)
Un mouvement sans fin ni cesse nous emporte la tête en bas en mélangeant sur la palette le vert acidulé des prairies vues en rêve, le sang violet des bêtes et des hommes, tous les bleus des lessives de l’horizon et de la mer, - et le noir, ce taureau, père et fils de l’écrit, si bien rôti au four de la mémoire, si tendrement sauvé de tout désastre, du moins tant que le vent ne souffle pas le feu vacillant tenu entre nos mains à demi refermées (…)
J’entends un air de flûte à bec qui, sans fin, revient sur ses pas, comme s’il voulait effacer tous les obstacles, tous les reliefs et tous les creux pour réduire l’univers à deux seules dimensions.
Rien ne finit et tout commence. On n’a même plus besoin de mourir.
Jean Tardieu, texte sur Alechinsky, dans la partie "La création sans fin" (ouvrage "Le miroir ébloui", éd Gallimard, 1993)
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C’EST À DIRE
avec FERNAND DUBUIS
une des huit aquarelles de Fernand Dubuis pour l’ouvrage en collaboration «C’est-à-dire»
(Paris, Georges Richar, 1973 )
texte de Jean Tardieu accompagné de huit aquarelles de Fernand Dubuis
Le texte de Jean Tardieu :
C’est-à-dire
Au tournant du verbe
accablé de masques
dont l'être intermittent
parfois surgit
lampe éphémère
pour que renaissent
les ténèbres
en vain refoulées
parfois plonge à l'oubli définitif
recours
depuis l'origine inconnue
jusqu'au-delà du futur
où tant de douleurs
enfin pétrifiées seront
c'est-à-dire
ne seront plus
voici pour le veilleur
ensommeillé
l'écho qui s'interroge
au-dehors sans répondre
le sifflement de l'ennemi
sous la porte
peut-être la clé
perdue
ou du moins ce mince fil
conducteur de vocables
mais pour qui mais pourquoi
s'il n'est rien
s'il s'enroule inutile
à l'index
ou s'il
retentit solitaire
ou s'il est incapable
de révéler autre chose
que sur le sol
à l'ombre de l'été
ce peu de traces
d'un passage
ou le bruit qui n'est pas entendu
ou les couleurs légères
de l'averse que le soleil
dispense à l'ennui
du littoral
lorsque tout espoir
et tout mal
évanouis
le sable
entonne le tumulte
les cris les rires
la blessure
et le silence même
dans une tête
aux dents serrées
inutile témoin
sur l'astre feu
lentement refroidi
d'être là
et ainsi et ainsi
et toujours
et si vous voulez
que je m'arrête
donnez-moi le mot
sinon — sans fin
je continue.
Jean Tardieu («C’est-à-dire», Paris, Georges Richar, 1973 )
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POÈMES À VOIR
Jean Tardieu, poèmes, et Pierre Alechinsky, 14 eaux-fortes ("Poèmes à voir", Paris, R.L.D, 1986)
Paysage nocturne
un autre poème «à voir»
Jean Tardieu, («Poèmes à voir» - 12 poèmes autographes gravés de Jean Tardieu avec 14 eaux-fortes de Pierre Alechinsky - Robert et Lydie Dutrou, 1986)
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