Texte
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Printemps des Poètes 2015 - L’insurrection poétique - page 2
auteurs de E à I - Collège, Lycée en français
Guillevic (suite)
Image
Sous les herbes,
ça se cajole,
ça s’ébouriffe et se tripote,
ça s’étripe et se désélytre,
ça s’entregrouille et s’entrefouille,
ça s’écrabouille et se barbouille,
ça se chatouille et se dépouille,
ça se mouille et se déverrouille,
ça se dérouille et se farfouille,
ça s’épouille et se tripatouille.
Et du calme le pré
Est la classique image.
Guillevic ("Étier", poèmes 1965-1975 - éditions Gallimard, 1979)
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Art poétique (extrait)
C'est aussi le titre du recueil. Un autre poème s'intitule "Art poétique", dans "Terraqué", (Voir plus haut la première strophe reproduite en présentation )
Si je fais couler du sable
De ma main gauche à ma paume droite,
C'est bien sûr pour le plaisir
De toucher la pierre devenue poudre,
Mais c'est aussi et davantage
Pour donner du corps au temps,
Pour ainsi sentir le temps
Couler, s'écouler
Et aussi le faire
Revenir en arrière, se renier.
En faisant glisser du sable,
J'écris un poème contre le temps.
Guillevic ("Art Poétique" - poème 1985-1986, Gallimard, 1989)
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Habitations
J'ai logé dans le merle.
Je crois savoir comment
Le merle se réveille et comment il veut dire
La lumière, du noir encore, quelques couleurs,
Leurs jeux lourds à travers
Ce rouge qu'il se voit.
J'ai fait leur verticale
Avec les blés.
Avec l'étang j'ai tâtonné
Vers le sommeil toujours tout proche.
J'ai vécu dans la fleur.
J'y ai vu le soleil
Venir s'occuper d'elle
Et l'inciter longtemps
A tenter ses frontières.
J'ai vécu dans des fruits
Qui rêvaient de durer.
J'ai vécu dans des yeux
Qui pensaient à sourire.
Guillevic ("Sphère" - éditions Gallimard, 1963)
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La terre (passages du poème avec un titre proposé)
La terre
est mon bonheur.
...
Je remercie tous ceux à qui je dois de vivre
Et de pouvoir aller dans ce jour prometteur
De jours plus vrais encore, la joie pour tous
Qui recommence à chaque instant,
La fête sur nos jours et sur les nuits des hommes
Avec le bon travail qu'ils font à leur désir,
Avec ce travail-là qui, d'année en année,
Sait encore monter le degré de la fête.
Je remercie tous ceux qui luttent pour le monde
À l'exemple de ceux qui ont aimé le vie
Assez pour nous l'offrir pleine déjà de jours pareils
À celui où j'avance en caressant les buis.
Guillevic ("Terre à bonheur" - éditions Seghers, 1952, puis dans la collection Poésie d’abord, 2004)
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Regarder
1
Avant de regarder
Par la fenêtre ouverte,
Je ne sais pas
Ce que ce sera.
2
Ce n’est pas
Que ce soit la première fois.
Depuis des années
Je recommence
Au même endroit
Par la même fenêtre.
3
Pourtant je ne sais pas
Ce que mon regard, ce soir,
Va choisir dans cette masse de choses
Qui est là,
Dehors.
Ce qu’il va retenir
Pour son bien-être.
4
Il peut aller loin.
Peu de couleurs.
Peu de courbes.
Beaucoup de lignes.
Des formes,
Accumulées
Par des générations.
5
Je laisse à mon regard
Beaucoup de temps,
Tout le temps qu’il faut.
Je ne le dirige pas.
Pas exprès.
6
J’espère que ce soir
Il va trouver de quoi :
Par exemple
Un toit, du ciel.
Et que je vais pouvoir
Agréer ce qu’il a choisi,
L’accueillir en moi,
Le garder longtemps.
Pour la gloire
De la journée.
Guillevic ("Étier", poèmes 1965-1975 - éditions Gallimard, 1979)
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Amulettes (passage)
S'il faut rendre compte
Des beautés du monde,
On n'oubliera pas
Les moulins à vent
Que le vent détraque
Et qui nous oublient
Pour le vent, l'aurore et la liberté.
Guillevic ("Exécutoire" - Gallimard, 1947, qu'on retrouve dans le recueil "Terraqué suivi de Exécutoire" - Poésie/Gallimard, 1968)
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Un texte "engagé" dans le réel, de Guillevic :
Ce que tu vois, ce que tu touches (titre proposé)
Ce que tu vois, ce que tu touches,
Ce qui t'arrive par l'oreille,
C'est le réel.
Ce que tu ne vois pas, mais que tu sens,
Cette angoisse du merle
Et tant de noces dans l'espace,
Ce que veulent les papillons,
Ce qu'éprouvait le menuisier,
C'est le réel.
Ce que tu ne vois pas et ne sens pas non plus,
Mais qui est confirmé par d'autres, plus savants,
L'infra-rouge, tous ces rayons qui percent l'air,
Les occultes géométries que l'on calcule,
L'univers de l'atome où la force prend forme,
C'est le réel.
Tout ce qui est réel
Mérite d'être vu.
Tout ce qui est réel
Mérite qu'on l'approche.
Tout ce qui est réel
Suit la ligne du beau.
Nous aurons la main
Sur tout le réel.
Nous le tiendrons à notre guise
Un jour qui se profile.
Nous emploierons les choses
En montant avec elles
Leur ligne de beauté.
Nous ferons de la terre
Avec tout ce qu'elle a
Et porte dans l'espace,
Nous ferons de la terre
Et de l'espace aussi
Une corolle immense,
Balbutiant la rosée
Au soleil qui lui vient.
Guillevic ("Terre à bonheur" - éditions Seghers, 1952, puis dans la collection Poésie d’abord, 2004)
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C'est naturel
Le feu chauffe. C'est naturel.
La vague revient. C'est naturel.
Le rameau bat. C'est naturel.
Des hommes chantent. C'est naturel.
Ils chantent leur misère. C'est naturel.
Et leur espoir. C'est naturel.
C'est leur misère.
Qui n'est pas naturelle.
Guillevic
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De l’hiver (passage)
Il y a toujours
Noël qui arrive,
Il y a toujours dans le plus noir des noirs
de la lumière à supposer,
à voir déjà monter,
même en dehors de soi,
Surtout lorsque la nuit où l’on patauge
est la plus longue.
C’est un tunnel sans voûte
qui débouche
dès maintenant
sur un enfant dans la lumière.
Guillevic ("Étier", poèmes 1965-1975 - éditions Gallimard, 1979)
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José Maria de Heredia (1842-1905)
José María de Heredia est né à Cuba, d'où ce prénom accentué. Il n'a été naturalisé français qu'en 1893, mais est venu en France à l'âge de neuf ans, et a écrit toute son œuvre, textes historiques et poésie en français (un seul recueil de poèmes, Les Trophées en 1893). Il est l'un des principaux poètes, avec Leconte de Lisle, du mouvement poétique Le Parnasse (défenseurs de "l'art pour l'art").
Les conquérants
Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.
Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde Occidental.
Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L’azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d’un mirage doré ;
Ou penchés à l’avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l’Océan des étoiles nouvelles.
José María de Heredia
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Yves Heurté (1926-2006)
Sur le site dédié à Yves Heurté :
on trouvera de nombreux hommages et des témoignages sur cet arpenteur des chemins de poésie,. Aussi une biographie et une bibliographie avec des extraits d'écrits.
Ci-après des points de biographie,empruntés en partie à l'article du Monde (en lire l'intégralité ici : http://yves.heurte.free.fr/hommage.htm) qui annonçait sa disparition, en février 2006 :
Yves Heurté, homme de montagne et de plume (...) trouvait dans son imaginaire celte de sombres légendes sur notre monde (...)
Médecin dans les Pyrénées et grand marcheur *, il a parcouru l'Himalaya, le Grand Nord et le sud de l'Amérique. Membre du groupe d'artistes et d'écrivains Escalasud, Yves Heurté a abordé tous les genres : roman (Le Passage du Gitan, Gallimard, 1991 ; Les Chevaux de vent, Milan, 1995 ; Le Phare de la Vieille, Seuil, 1995 ; L'Atelier de la folie, Seuil, 1998), nouvelle, théâtre (une dizaine de pièces aux éditions Rougerie, L'Avant-Scène et Magnard) ou conte (notamment le somptueux Livre de la lézarde, illustré par Claire Forgeot, Seuil, 1998), la poésie aussi (cinq recueils chez Rougerie). Par ailleurs, Yves Heurté a été un très jeune résistant, mais il refusait, par modestie, que l'on en parle (...)
* certains élements de biographie sont empruntées à l'éditeur Cheyne
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passages d'un entretien d'Yves Heurté avec Michel Baglin à lire sur son blog ICI :
question : Qu'est-ce qu'un poète en 1985 et à quoi sert-il ?
réponse d'Yves Heurté :
"Un sauveur sans illusion (…) Les questions essentielles de notre nature et de notre destinée ne pouvant plus être posées sont enfouies par la psychanalyse, la sociologie, etc. Il appartient aux artistes et en particulier aux poètes, dont les mots ont charge mythique naturelle, de les refaire surgir inlassablement.
(…) Le nombre croissant des poètes emprisonnés, torturés ou «disparus» sous tous les régimes témoigne de la nécessité de notre survie. Un monde sans poètes serait désespérément voué à l'ordinateur et aux sociétés implacables qui s'installent un peu partout (…)"
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Un poème sans concession, insurrection poétique en écho sans doute à "la ronde autour du monde" de Paul Fort.
La ronde
Ceux qui n'ont jamais ni maison
ni jardin, tous les Jean-sans-terre
les ventres plats les pauvres hères
qui pleurent à la fin des chansons
ceux dont l'adresse est la prison,
ceux qu'on appelle "sale nègre !"
au lieu de crier "Eh, Mambo !",
ceux dont le temple est un bistrot,
une casbah, un trou de terre
un beau matin comme frelons
jailliront de leurs vieux bidons
des favelas, des lieux immondes.
Sur notre ville ils marcheront.
Il sera tard pour être bon
bien trop tard pour faire la ronde
autour du monde !
Yves Heurté ("Bois de mer", illustré par Martine Mellinette - collection poèmes pour grandir - Cheyne éditeur, 1986)
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passage d'un poème emprunté ici :
http://terreaciel.free.fr/poetes/poetesyheurte.htm
Ces textes ont pour thème les génocides, les crimes de notre temps, et en particulier, le camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz.
L'enfant, l'oiseau
Un enfant assis sur les ruines
ne pleure plus.
Il tient l'oiseau tué par balle
perdue.
Au ciel, il y avait bien plus de balles
que d'oiseaux.
Yves Heurté (Dans la gueule d'ombres, éditions Edinter 2004)
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deux poèmes sans titre, du recueil bilingue "Mémoire du mal",
sur le même sujet :
Le camp est libéré.
Ses barbelés franchis
une abeille a osé
se poser sur son crâne.
Il s'arrête et se tait.
C'est un si grand vertige
de savoir qu'une abeille
ne vous veut pas de mal !
Yves Heurté (Mémoire du mal / Erinnerung an das böse,
Edition bilingue Français/Allemand.)
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autre poème du même recueil :
Les rats sont sortis des journaux
les rats sont montés dans leur crâne,
ils ont rongé, rongé, rongé,
les racines de l'âme
avec les canines blanches
de la peur.
Puis lentement, ils ont vidé
leurs yeux, les rats,
et tous se sont mis à voir rat
à penser rat, puis à se battre
en rats.
Et l'on mourut pour un Dieu rat
sous un crépuscule de rats.
Yves Heurté (Mémoire du mal / Erinnerung an das böse,
Edition bilingue Français/Allemand. - éditions En forêt, 1998)
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un dernier poème (?)
Un poème ? Même pas un poème.
Une caravane de mots sur la page enneigée
qui portent tous mes sens.
Au pas lent des voyelles
parmi le tintement des consonnes attardées
un poème ?
Ou seulement un mot de passe
pour l'exil intérieur
tandis qu'un loup moque la lune
assis sur son recueil de pierres ?
Yves Heurté (Le Carnet tibétain, Rougerie, 1984)
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Victor Hugo (1802-1885)
De Victor Hugo, trop connu pour être présenté :
Après la bataille
Mon père, ce héros au sourire si doux,
Suivi d'un seul housard (1) qu'il aimait entre tous
Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille,
Parcourait à cheval, le soir d'une bataille,
Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit.
Il lui sembla dans l'ombre entendre un faible bruit.
C'était un Espagnol de l'armée en déroute,
Qui se traînait, sanglant, sur le bord de la route,
Râlant, brisé, livide, et mort plus qu'à moitié,
Et qui disait : "A boire, à boire par pitié !"
Mon père, ému, tendit à son housard fidèle
Une gourde de rhum qui pendait à sa selle,
Et dit : "Tiens donne à boire à ce pauvre blessé."
Tout à coup, au moment où le housard baissé
Se penchait vers lui, l'homme, une espèce de Maure,
Saisit un pistolet qu'il étreignait encore,
Et vise au front mon père en criant : "Caramba !".
Le coup passa si près que le chapeau tomba,
Et que le cheval fit un écart en arrière.
"Donne lui tout de même à boire", dit mon père.
(1) Un housard, ou houssard, ou encore plus communément hussard (chaussé de housses, des sortes de bottes), est un soldat de la cavalerie légère.
Victor Hugo ("La Légende des Siècles" , deuxième série - XLIX, IV - 1877)
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Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent (extrait)
Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont
Ceux dont un dessein ferme emplit l'âme et le front.
Ceux qui d'un haut destin gravissent l'âpre cime.
Ceux qui marchent pensifs, épris d'un but sublime.
Ayant devant les yeux sans cesse, nuit et jour,
Ou quelque saint labeur ou quelque grand amour.
C'est le prophète saint prosterné devant l'arche,
C'est le travailleur, pâtre, ouvrier, patriarche.
Ceux dont le coeur est bon, ceux dont les jours sont pleins.
Ceux-là vivent, Seigneur ! les autres, je les plains.
Car de son vague ennui le néant les enivre,
Car le plus lourd fardeau, c'est d'exister sans vivre.
Inutiles, épars, ils traînent ici-bas
Le sombre accablement d'être en ne pensant pas.
...
Victor Hugo ("Les Châtiments" - 1844)
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Liberté égalité fraternité
Depuis six mille ans la guerre
Plaît aux peuples querelleurs,
Et Dieu perd son temps à faire
Les étoiles et les fleurs.
Les conseils du ciel immense,
Du lys pur, du nid doré
N'ôtent aucune démence
Du coeur de l'homme effaré
Les carnages, les victoires,
Voilà notre grand amour ;
Et les multitudes noires
Ont pour grelot le tambour.
La gloire, sous ses chimères
Et sous ses chars triomphants,
Met toutes les pauvres mères
Et tous les petits enfants.
Notre bonheur est farouche ;
C'est de dire: Allons! mourons!
Et c'est d'avoir à la bouche
La salive des clairons.
L'acier luit, les bivouacs fument ;
Pâles, nous nous déchaînons ;
Les sombres âmes s'allument
Aux lumières des canons.
Et cela pour des altesses
Qui, vous à peine enterrés,
Se feront des politesses
Pendant que vous pourrirez,
Et que, dans le champ funeste,
Les chacals et les oiseaux,
Hideux, iront voir s'il reste
De la chair après vos os !
Aucun peuple ne tolère,
Qu'un autre vive à côté
Et l'on souffle la colère
Dans notre imbécilité.
C'est un russe! Egorge, assomme.
Un croate! Feu roulant.
C'est juste. Pourquoi cet homme
Avait-il un habit blanc ?
Celui-ci, je le supprime
Et m'en vais, le coeur serein,
Puisqu'il a commis le crime
De naître à droite du Rhin.
Rosbach ! Waterloo ! Vengeance !
L'homme, ivre d'un affreux bruit,
N'a plus d'autre intelligence
Que le massacre et la nuit.
On pourrait boire aux fontaines,
Prier dans l'ombre à genoux,
Aimer, songer sous les chênes ;
Tuer son frère est plus doux.
On se hache, on se harponne,
On court par monts et par vaux ;
L'épouvante se cramponne
Du poing aux crins des chevaux.
Et l'aube est là sur la plaine !
Oh ! j'admire, en vérité,
Qu'on puisse avoir de la haine
Quand l'alouette a chanté.
Victor Hugo (Les Chansons des rues et des bois, 1865)
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Paul Éluard (1895-1952)
Paul Éluard est l'un des plus importants poètes du Surréalisme. Il a aussi participé au mouvement Dada.
On se reportera pour une biographie détaillée à ce lien WikipédiaOn se reportera pour une biographie détaillée à ce lien Wikipédia
Ce poème, écrit en 1942, a été publié clandestinement pendant l'occupation, en 1943, aux éditions de Minuit, puis en 1944 chez Gallimard.
Courage
Paris a froid Paris a faim
Paris ne mange plus de marrons dans la rue
Paris a mis de vieux vêtements de vieilles
Paris dort tout debout sans air dans le métro
Plus de malheur encore est imposé aux pauvres
Et la sagesse et la folie
De Paris malheureux
C’est l’air pur c’est le feu
C’est la beauté c’est la bonté
De ses travailleurs affamés
Ne crie pas au secours Paris
Tu es vivant d’une vie sans égale
Et derrière la nudité
De ta pâleur de ta maigreur
Tout ce qui est humain se révèle en tes yeux
Paris ma belle ville
Fine comme une aiguille forte comme une épée
Ingénue et savante
Tu ne supportes pas l’injustice
Pour toi c’est le seul désordre
Tu vas te libérer Paris
Paris tremblant comme une étoile
Notre espoir survivant
Tu vas te libérer de la fatigue et de la boue
Frères ayons du courage
Nous qui ne sommes pas casqués
Ni bottés ni gantés ni bien élevés
Un rayon s’allume en nos veines
Notre lumière nous revient
Les meilleurs d’entre nous sont morts pour nous
Et voici que leur sang retrouve notre coeur
Et c’est de nouveau le matin un matin de Paris
La pointe de la délivrance
L'espace du printemps naissant
La force Idiote a le dessous
Ces esclaves nos ennemis
S’ils ont compris
S'ils sont capables de comprendre
Vont se lever.
Paul Éluard (Au rendez-vous Allemand, Gallimard, 1944)
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Image ci-dessus - Wikipédia : "En 1952, à l'initiative de Pierre Seghers, poète lui-même et éditeur de poésie essentiel, Fernand Léger illustre le poème Liberté en hommage à Éluard qui vient de mourir.»
Le poème «Liberté» a été publié clandestinement en 1942 par Paul Éluard dans le recueil «Poésie et Vérité», aux «Éditions de la main à la plume».
Le texte a été parachuté sur la France en 1942 par la Royal Air Force.
Liberté
Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable de neige
J’écris ton nom
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom
Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom
Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom
Sur tous mes chiffons d’azur
Sur l’étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J’écris ton nom
Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom
Sur chaque bouffées d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom
Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom
Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nom
Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom
Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes raisons réunies
J’écris ton nom
Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nom
Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J’écris ton nom
Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J’écris ton nom
Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom
Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attendries
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom
Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom
Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom
Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté
Paul Éluard (Poésie et vérité, 1942)
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Couvre-feu
Que voulez-vous la porte était gardée
Que voulez-vous nous étions enfermés
Que voulez-vous la rue était barrée
Que voulez vous la ville était matée
Que voulez-vous elle était affamée
Que voulez-vous nous étions désarmés
Que voulez-vous la nuit était tombée
Que voulez-vous nous nous sommes aimés.
Paul Éluard («Poésie et vérité», 1942)
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Un compte à régler
Dix amis sont morts à la guerre
Dix femmes sont mortes à la guerre
Dix enfants sont morts à la guerre
Cent amis sont morts à la guerre
Cent femmes sont mortes à la guerre
Cent enfants sont morts à la guerre
Et mille amis et mille femmes et mille enfants
Nous savons bien compter les morts
Par milliers et par millions
On sait compter mais tout va vite
De guerre en guerre tout s’efface
Mais qu’un seul mort soudain se dresse
Au milieu de notre mémoire
Et nous vivons contre la mort
Nous nous battons contre la guerre
Nous luttons pour la vie
Paul Éluard
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Bêtes et méchants
Venant du dedans
Venant du dehors
C’est nos ennemis
Ils viennent d’en haut
Ils viennent d’en bas
De près et de loin
De droite et de gauche
Habillés de vert
Habillés de gris
La veste trop courte
Le manteau trop long
La croix de travers
Grands de leurs fusils
Courts de leurs couteaux
Fiers de leurs espions
Forts de leurs bourreaux
Et gros de chagrin
Armés jusqu’à terre
Armés jusqu’en terre
Raides de saluts
Et raides de peur
Devant leurs bergers
Imbibés de bière
Imbibés de lune
Chantant gravement
La chanson des bottes
Ils ont oublié
La joie d’être aimé
Quand ils disent oui
Tout leur répond non
Quand ils parlent d’or
Tout se fait de plomb
Mais centre leur ombre
Tout se fera d’or
Qu’ils partent qu’ils meurent
Leur mort nous suffit.
Paul Éluard (Au rendez-vous Allemand, Gallimard, 1944)
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Jean Follain
voir la page
des Poètes de l'École de Rochefort < ICI
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Maurice Fombeure
voir la page
des Poètes de l'École de Rochefort < ICI
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Pierre et Ilse Garnier
voir la page
des Poètes de l'École de Rochefort < ICI
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Jean Genet (1910-1986)
Jean Genet (1910-1986) a fréquenté très tôt la délinquance et la prison. En famille d'adoption, il fugue plusieurs fois et connaît la colonie pénitentiaire. A 18 ans, il s'engage dans la légion étrangère.
C'est en prison, à la maison d'arrêt de Fresnes en particulier, qu'il écrit ses premiers poèmes.
Il fréquente Cocteau et Sartre, qui reconnaissent en lui un génie de son temps.
Rebelle permanent, il s'engage, dans la dernière partie de son existence, pour la défense des opprimés (Black Panthers, Palestine).
Jean Genet est aussi l'auteur de romans et de pièces de théâtre (la plus connue : "Les Paravents").
Le condamné à mort (extrait)
Sur mon cou sans armure et sans haine, mon cou
Que ma main plus légère et grave qu’une veuve
Effleure sous mon col, sans que ton cœur s’émeuve,
Laisse tes dents poser leur sourire de loup.
Ô viens mon beau soleil, ô viens ma nuit d’Espagne,
Arrive dans mes yeux qui seront morts demain.
Arrive, ouvre ma porte, apporte-moi ta main,
Mène-moi loin d’ici battre notre campagne.
Le ciel peut s’éveiller, les étoiles fleurir,
Ni les fleurs soupirer, et des prés l’herbe noire
Accueillir la rosée où le matin va boire,
Le clocher peut sonner : moi seul je vais mourir.
Ô viens mon ciel de rose, ô ma corbeille blonde !
Visite dans sa nuit ton condamné à mort.
Arrache-toi la chair, tue, escalade, mords,
Mais viens ! Pose ta joue contre ma tête ronde.
Nous n’avions pas fini de nous parler d’amour.
Nous n’avions pas fini de fumer nos gitanes.
On peut se demander pourquoi les Cours condamnent
Un assassin si beau qu’il fait pâlir le jour.
Amour viens sur ma bouche ! Amour ouvre tes portes !
Traverse les couloirs, descends, marche léger,
Vole dans l’escalier plus souple qu’un berger,
Plus soutenu par l’air qu’un vol de feuilles mortes.
Ô traverse les murs ; s’il le faut marche au bord
Des toits, des océans ; couvre-toi de lumière,
Use de la menace, use de la prière,
Mais viens, ô ma frégate, une heure avant ma mort.
Jean Genet ("Le condamné à mort")
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Louis Guillaume
Louis Guillaume (1907-1971), enseignant, écrivain et poète, auteur du recueil "Noir comme la mer" (entre des dizaines d'autres), est présent sur ce blog dans les catégories Poésies pour la classe Cycle 2 et Cycle 3.
Il a donné son nom à un prix de poésie (en prose).
La source
Tout au long de l’année
Me parle cette source
En janvier enneigée,
En février gelée,
En mars encore boueuse,
En avril chuchotante,
En mai garnie de fleurs,
En juin toute tiédeur,
En juillet endormie,
En août presque tarie,
En septembre chantante,
En octobre dorée,
En novembre frileuse,
En décembre glacée.
C’est toi, petite source,
Le cœur de la forêt !
Louis Guillaume
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Guillevic (1907-1997)
l’ensemble des textes choisis de Guillevic est ici sur le site planetelieucommun : GUILLEVIC (clic)
"La terre
est mon bonheur"
Guillevic
Eugène(1) Guillevic (1907-1997) a traversé le XXe siècle et ses courants littéraires de sa poésie rocailleuse et si humaine. Il observe le surréalisme (André Breton, Paul Éluard) sans y appartenir(2).
Proche en 1941, de l'École de Rochefort, créée pendant l'occupation comme une forme de résistance et de liberté contre les normes de la poésie "officielle", avec un groupe d'amis dont le poète René-Guy Cadou, il participe à la presse clandestine de la Résistance aux côtés de Paul Éluard et de Pierre Seghers, et adhère au Parti Communiste.
On trouvera sur le site du Printemps des Poètes, ici, sa biographie et sa bibliographie complètes.
Voici des textes mieux adaptés au Collège et au Lycée.
On trouvera un choix de textes de Guillevic peut-être plus abordables en Primaire ici sur le site planetelieucommun :
deux textes dans le thème 2015 :
Victoire du Monde
Que déjà je me lève en ce matin d’été
Sans regretter longtemps la nuit et le repos.
Que déjà je me lève
Et que j’aie cette envie d’eau froide
Pour ma nuque et pour mon visage.
Que je regarde avec envie
L’abeille en grand travail
Et que je la comprenne.
Que déjà je me lève et voie le buis,
Qui probablement travaille autant que l’abeille.
Et que j’en sois content.
Que je me sois levé au-devant de la lumière
Et que je sache : la journée est à ouvrir.
Déjà, c’est victoire.
Guillevic ("Terre à bonheur" - éditions Seghers, 1952, puis dans la collection Poésie d’abord, 2004)
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Nous construirons le monde ...
Nous construirons le monde
Qui nous le rendra bien
Car nous sommes au monde
Et le monde est à nous
Guillevic ("Terraqué" - Gallimard, 1945)
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Inclus (extrait)
En somme,
Avec les mots,
C’est comme avec les herbes,
Les chemins, les maisons, tout cela
Que tu vois dans la plaine
Et que tu voudrais prendre.
Il faut les laisser faire,
Par eux se laisser faire,
Ne pas les bousculer, les contrarier,
Mais les apprivoiser en se faisant
Soi-même apprivoiser.
Les laisser parler, mais,
Sans qu’ils se méfient,
Leur faire dire plus qu’ils ne veulent,
Qu’ils ne savent,
De façon à recueillir le plus possible
De vieille sève en eux,
De ce que l’usage du temps
A glissé en eux du concret.
Guillevic (extrait du recueil "Inclus" - Gallimard, 1973)
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L'ennemi (titre proposé, le titre du passage est "Comment")
Il y aura toujours dans l'automne
Une pomme sur le point de tomber.
Il y aura toujours dans l'hiver
Une fontaine sur le point de geler.
Que les corbeaux
S'enfuient de peur à notre approche,
C'est leur droit. Nous pouvons aller.
De l'espoir il y en aura
Sur les rameaux.
Et puis nous ne sommes pas malades
De la terre.
L'ennemi,
Nous le connaissons.
Guillevic ("Gagner" - éditions Gallimard, 1949)
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Rites
à Colomba
Qu’il fasse clair
Ou qu’il fasse nuit
Sur les prairies,
Un jour il faudra
Prendre avec les mains
De l’eau d’un fossé.
Pour qu’en tombe une goutte
Au hasard du vent,
Sur un mur perdu
Entre bois et prés.
Parce que c’est la pierre,
Parce que c’est l’eau,
Parce que c’est nous.
Guillevic ("Terraqué" - Gallimard, 1945)
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Requis
Sur l'arbre, la feuille
Translucide encore
Et déjà
Le vent de la chute.
Tu veux croire
Que cette feuille-là
C'est pour toi
Qu'elle traduit l'humus.
Tout l'inoubliable
Que les jours
Ont consommé
Du lierre au rocher,
Il y en a toujours
Pour te murmurer :
Dis-le moi.
Tu t’es fait des chemins
Là où il ne fallait pas
Laisser de traces.
Que tes yeux
Ne quittent pas
Trop longtemps le sol
Où tu es requis.
Ce qui
En toi se tait
Croit que ton corps
Est sans limites.
Guillevic ("Requis", poèmes 1977-1982, Gallimard, Paris, 1983)
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Élégie
Lorsque nous tremblions
L'un contre l'autre dans le bois
Au bord du ruisseau,
Lorsque nos corps
Devenaient à nous,
Lorsque chacun de nous
S'appartenait dans l'autre
Et qu'ensemble nous avancions,
C'était alors aussi
La teneur du printemps
Qui passait dans nos corps
Et qui se connaissait
Guillevic ("Sphère" - éditions Gallimard, 1963)
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❖ Les textes publiés n'ayant pas fait l'objet d'une demande d' autorisation (sauf exception), les ayants droit peuvent nous en demander le retrait.
Les textes proposés dans cette page sont destinés aux élèves du Collège ou du Lycée.
On peut aussi en proposer certains en élémentaire
(voir aussi pour ce niveau la page GS-ÉLÉMENTAIRE).
lieucommun interprète librement et à sa manière le thème de l’insurrection poétique :
Textes s’écartant par la forme ou/et le fond des critères poétiques habituellement attendus ;
textes de révolte, de revendication, ou encore existentiels, sur l’état même de poète, d’homme, d’être (et d’objet, pourquoi pas) et le rapport au monde.
Ainsi se recoupent par exemple les thèmes de révolte, de liberté, rejoignant d’autres Printemps des Poètes («éloge de l’autre»)
Une grande partie de ces textes sont importés d’autres pages du site, où on en trouvera d’autres autour du thème 2015.
Ils sont accessibles en cliquant ici :
Printemps des Poètes : HUMOUR
et du blog lieucommun :
Printemps des Poètes : L’AUTRE
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TEXTES DE DÉPORTÉS (Auschwitz, Buchenwald ...) ICI :
Printemps des Poètes 2015
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